La Grèce, la démocratie et le contrat européen

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  • La Grèce, la démocratie et le contrat européen - Page 3 | Mediapart
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    Comme la Grèce n’a pas seulement « inventé » la démocratie mais aussi la logique, nombre de ces électeurs (une très courte majorité, selon les sondages) ont compris que la question à laquelle ils doivent répondre n’est pas celle qui leur est posée. As usual, dans ce genre d’exercice « démocratique ». Le choix n’est pas entre un mauvais programme d’ajustement et un autre qui le serait moins, mais entre le maintien dans la zone euro ou le « Grexit ». En conséquence, la question de fond, elle s’adresse aux autres pays membres de la zone euro, et plus largement de l’Union européenne : faut-il, pour y maintenir une présence grecque, changer la nature de l’union monétaire et de l’UE ? Accepter le maintien de la Grèce dans la zone euro aux conditions posées par Athènes (ce qu’on en comprend tout du moins) reviendrait à transformer l’UE en une union de transferts. De transferts permanents des plus riches vers les plus pauvres, allant bien au-delà de ceux qui sont permis par une enveloppe budgétaire européenne inférieure à un pour cent du PIB de l’UE. L’équipe Syriza aurait gagné à poser la question franchement plutôt que de substituer à la pratique frauduleuse de ses prédécesseurs (les transferts furtifs via une dette non remboursable) une réponse implicite.

    Cette interrogation est parfaitement légitime et la réponse d’autant plus urgente que la crise financière globale a amplement démontré que tout n’allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes européen. Pour les fédéralistes, s’il en reste, c’est même la seule question qui vaille. Mais une union de transferts ne peut avoir pour conséquence de permettre à l’État « ottoman » grec de se perpétuer dans son être. C’est-à-dire que la conditionnalité attachée à ces transferts serait autrement contraignante que les mesures comptables, de court terme et nécessairement approximatives, imposées dans l’urgence par le modèle d’ajustement type FMI. Tout spécialement en Grèce, mais pas là uniquement. Les États membres (on pense évidemment à la sclérotique et nonchalante République française) peuvent-ils prendre la mesure de ce qu’implique une qualification pour une telle Union, processus dans lequel les artifices à la Goldman Sachs seraient d’un faible secours ? Les opinions publiques y sont-elles préparées ? Et les gouvernants actuels ?

    Pour ces derniers, la réponse est évidemment « non ». Toute l’affaire grecque est dès l’origine le « triomphe » de la méthode dite « intergouvernementale », à l’opposé de la méthode communautaire mise définitivement en jachère par l’inexistante commission Barroso. C’est-à-dire la domination du marchandage entre intérêts particuliers sur le souci du bien commun européen. Avec comme résultat, pour s’en tenir à la seule dette souveraine grecque, son transfert des comptes des banques commerciales à celui des contribuables européens, le rôle clef étant, soit dit en passant, joué par le trio français Sarkozy-Lagarde-Pébereau, bien plus que par Angela Merkel, à qui il est commode de faire porter le chapeau.

    S’agissant des opinions publiques, c’est difficile à dire puisque la « question grecque » a été dès l’origine capturée par sa dimension émotionnelle. Ce qui est réconfortant, c’est de savoir que la vraie question européenne est là pour rester et qu’il faudra bien un jour la poser et y répondre.

    #Grèce #Europe