C’est la force (et la limite) de la provocation à but commercial : il n’y a pas de mauvaise publicité.
Une association caritative qui rate sa communication, choque les braves gens et provoque un scandale le paie à tous les niveaux :
– elle a toutes les chances de faire baisser la levée de dons qui doit lui permettre de remplir sa tâche caritative ;
– ce scandale déteint sur ce qu’elle entend défendre et, de fait, risque de perdre sa légitimité dans son propre environnement.
Il se trouve qu’il y a des millions d’individus dans le monde qui se réclament du catholicisme pour motiver leur participation à des actions caritatives.
À l’inverse, Benetton peut très bien rater sa communication sur l’aspect humanitaire :
– est-ce que, partout dans le monde, insulter le pape et un grand mufti constitue une méthode efficace pour faire progresser les droits gays ? (Il y a un monde en dehors du Marais ou des bureaux des pubards de Rome ou Milan.) Si j’en crois l’exemple d’Actup au Sidaction, choquer les braves gens peut être considéré comme une catastrophe industrielle pour du caritatif (certains ont clairement prétendu que ça avait fait chuter les revenus, et que ça avait nui à la cause elle-même) ;
– mais on s’en fout : Benetton n’est ni « gay » en tant qu’entreprise ni n’a besoin d’argent pour défendre les droits des gays. La légitimité de Benetton à défendre les droits des gays est une question sans intérêt ; elle peut bien la perdre en se merdant une campagne de com, ça ne change rien à son bizness (vendre des fringues, même pas particulièrement destinées aux gays)
En revanche, Benetton est à nouveau parvenu à se présenter comme une marque impertinente censurée par les culs bénis. Image impertinente pour des vêtements produits à la chaîne dans des pays où les droits des salariés sont carrément réduits.
Et, curieusement, il n’y a rigoureusement personne dans le monde qui irait motiver sa participation à des actions caritatives en se réclamant du benettonisme.
C’est pour ça que je différencie nettement liberté expression (dont la limitation est la censure) et liberté de communication commerciale des entreprises (dont la limitation est une régulation légitime). Il y a certainement de nombreux cas qu’on pourrait juger « à mi-chemin » ; mais certainement pas concernant Benetton.