Décidément (mais est-ce vraiment une surprise ?) LREM est plein de gens charmants.
Laetitia Avia doit concrétiser mercredi à l’Assemblée un combat mené de longue date : le vote final de sa loi contre la haine en ligne. Avocate de formation et militante En marche de la première heure, elle a rapidement gravi les échelons, jusqu’à devenir députée de Paris en 2017, puis porte-parole du mouvement. Lors de son discours général, le premier ministre a même rendu un hommage appuyé à cette élue qui incarne le combat contre toutes les discriminations. Mais d’anciens assistants parlementaires de la députée livrent une version bien plus nuancée. Avec de nombreux documents à l’appui, ils ont accepté de parler, de raconter les coulisses et les méthodes de la porte-parole d’En marche. William, Sophie, Charlotte, Nicolas et Benoît (voir notre Boîte noire), la trentaine pour la plupart, reprochent à Laetitia Avia des humiliations au quotidien. Ils révèlent aussi d’importantes contradictions entre le discours public de l’élue et ses pratiques au travail.
Aucun de ces assistants parlementaires n’a entrepris de démarche judiciaire. Au départ, d’ailleurs, Sophie ne voulait pas témoigner des pratiques de son ancienne cheffe, pour qui elle a travaillé plus d’un an en 2018. « J’ai tenté de passer à autre chose et il m’a fallu du temps pour me reconstruire, explique-t-elle. Mais de voir qu’elle va faire voter sa loi sur la cyberhaine, qu’elle se positionne sur tous les sujets anti-discrimination, j’ai dû mal à le supporter. » D’après elle, il y aurait « un fossé entre les valeurs qu’elle défend publiquement et ce [qu’elle a] constaté en travaillant à ses côtés ». Les cinq ex-collaborateurs rapportent tous avoir été témoins de propos à connotation sexiste, raciste et homophobe de la part de la députée. Leurs différentes alertes en interne étant restées lettre morte, ils se sont résolus à parler à Mediapart.
Contactée, la députée nie d’emblée. « Il y a un élément sur lequel vraiment je suis sans appel, c’est le racisme, l’homophobie et le sexisme. Je ne les tolère pas. Je ne les tolère nulle part, y compris dans les cadres privés, y compris pour ce qui est considéré comme étant des blagues, qui ne participent en réalité qu’au racisme ordinaire » (voir notre Boîte noire). De nombreux documents obtenus par Mediapart montrent pourtant l’inverse.
Selon ses anciens assistants, un ex-salarié d’origine asiatique, qui n’a pas souhaité livrer de commentaires, en faisait régulièrement les frais. « C’était son bouc émissaire, elle l’appelait parfois “le Chinois” ou reprenait des clichés racistes pour parler de lui », se souvient Sophie. Ainsi, en avril 2018, elle cherche à savoir qui a encaissé un chèque et l’accuse sur la messagerie cryptée Telegram, en confiant à un autre collaborateur : « Ça sent le Chinois. »
Dans un autre message envoyé dans la boucle de toute l’équipe, elle écrit : « Tu es un faux Chinois, tu ne maîtrises pas Mac », par référence au cliché raciste qui veut que les personnes asiatiques soient plus compétentes en informatique.
Juste avant de partir en vacances, le 12 août 2017, elle envoie une note vocale à toute l’équipe dans laquelle elle reproche notamment à ce salarié de ne pas avoir créé son site internet ni nettoyé son image. Laetitia Avia met en effet beaucoup d’énergie à faire oublier un article du Canard enchaîné révélant qu’elle avait mordu un chauffeur de taxi. Dans ce document sonore que Mediapart a pu écouter, elle demande très sérieusement : « Alexandre* étant vraiment, malgré ses origines, pas le meilleur sur les sujets informatiques, je vais transférer ces sujets-là à Nathalie*. Donc Nathalie*, maintenant, c’est vraiment une de tes priorités de ta rentrée, c’est ma e-réputation. […] Le site internet, je veux qu’on avance. Et Wikipédia. Wikipédia, il y a plusieurs choses à faire. Il faut prendre le contrôle sur cette page. Il ne suffit pas juste de supprimer le paragraphe sur Le Canard enchaîné, il faut le réécrire de toute façon et le sourcer quand on le réécrit. »
En public, la députée mène aussi un travail en faveur des droits LGBT et rencontre régulièrement de nombreuses associations pour évoquer ce sujet. « Très honorée de porter haut et fort notre combat contre le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie sur Internet : en mai, je déposerai une proposition de loi contre la cyberhaine », rappelait-elle sur Twitter. En privé, ce serait une autre histoire. « Régulièrement, elle se permet des sorties très déplacées sur l’orientation sexuelle d’un collègue homosexuel. »
Parfois, la députée se lâche même à l’écrit, comme en avril 2018, juste après avoir voté un amendement en faveur des réfugiés LGBT. « On a voté l’amendement des PD », se félicite-t-elle, sans le moindre smiley pour nuancer son propos.
Autre exemple resté dans la mémoire des assistants : le 6 juin 2018, devant son équipe, elle liste un à un, en commentant, les membres du gouvernement de l’époque. Et critique la communication d’une ex-ministre d’Édouard Philippe, d’après des documents que nous avons pu consulter : « C’est ma copine [mais] elle communique très mal sur ce qu’elle fait. C’est ce qu’il se passe quand tu mets un gay à la com’. »
Aussi très active dans la lutte contre le sexisme – elle a notamment corédigé un rapport sur le harcèlement de rue –, Laetitia Avia publie de nombreuses interviews ou tweets sur le sujet. « Dans le monde politique aussi il faut combattre le sexisme du quotidien, les remarques déplacées ou le paternalisme », dit-elle en octobre 2018. Et d’ajouter : « Je suis fière d’être parmi ces dix femmes qui montent au front contre le sexisme… » Pourtant, devant son équipe, les propos sexistes fuseraient, selon ses ex-collaborateurs. « Elle insulte souvent les députées qu’elle n’aime pas de “pute”. Elle se moque aussi beaucoup de leur physique », révèle Nicolas, qui a gardé plusieurs messages pour le prouver. En janvier par exemple, elle envoie une photo de sa collègue et députée Aurore Berger pour la comparer au Pingouin dans Batman, le défi.
En février, elle envoie une photo de la même députée pour commenter sa tenue.
« Parfois, elle se moque du physique de certaines militantes de sa circonscription, mais aussi de membres de l’équipe quand ils ne sont pas là. L’un est trop gros, l’autre s’habille mal, se souvient Benoît. Avia, c’est une gamine de 4e B au collège qui n’a pas grandi et pour qui la vie est une cour de récré. Mais ça peut faire très mal quand c’est vous qui êtes ciblé. Et ce n’est pas digne, ni d’une supérieure hiérarchique, ni d’une représentante de la nation. »
Trois anciens salariés évoquent aussi la fois où un conseiller de Paris et militant LREM a envoyé une photo de son sexe par erreur dans une boucle Telegram de députés. « Elle a fait une capture d’écran très rapidement et depuis montre cette photo à qui veut la voir, ainsi qu’à des députés. Même après l’affaire Griveaux, quand il apparaissait évident que cela participait à une forme de harcèlement, elle continuait d’exhiber cette photo pour se moquer de lui », raconte Sophie. Un témoignage corroboré par trois autres assistants parlementaires.
« Parfois, on se demandait pourquoi elle avait voulu représenter LREM et faire de la politique », témoigne Benoît, qui estime que la députée « méprise ses électeurs ». Laetitia Avia délèguerait en effet la majorité de ces rendez-vous en circonscription. « Les rares fois où elle vient à sa permanence, elle fait tout pour ne pas répondre à ses administrés. »
Les cinq anciens assistants parlementaires dénoncent également les méthodes de travail de la députée. « Avia, c’est un système qui vous broie », analyse aujourd’hui William, qui a travaillé avec la députée pendant plus d’un an. Selon lui, le turn-over de son cabinet donne déjà un indice : en à peine trois ans, six personnes ont déjà quitté son équipe et une autre s’apprête à le faire. Au sein de son bureau, Laetitia Avia s’entoure de trois collaborateurs, l’un qui gère sa circonscription du XIIe arrondissement de Paris, le deuxième qui s’occupe de sa communication et le dernier qui travaille les sujets législatifs.
En 2017, comme les années suivantes, les reproches sont les mêmes : des conditions de travail intenables et une surveillance permanente de leur activité. Charlotte se souvient : « Travailler pour elle, c’était être sollicitée de 7 heures à 1 heure du matin. Même le week-end. » Tous disent avoir été « noyés » par le travail. « Si on lui disait que c’était trop ou qu’on n’avait pas dormi de la nuit, elle se fichait de notre état », dit Sophie.
Progressivement, l’équipe accuse le coup et alerte quand elle le peut les nouveaux stagiaires qu’ils ont intérêt à « se blinder ». « Au début, j’essayais de me protéger mais, comme d’autres, j’ai été vite démunie. Il y avait un paradoxe insupportable : elle était capable de piquer de grosses colères ou de nous infantiliser en permanence, mais pouvait devenir tout à fait adorable ou s’excuser quand elle allait trop loin. Psychologiquement, c’est très dur à gérer et ça maintenait une emprise », explique William. « Je pensais constamment à vouloir démissionner sans y parvenir », ajoute Sophie.
Parmi tous les assistants parlementaires que nous avons contactés, cinq ont donc accepté de raconter ce qu’ils avaient vécu. Les autres n’ont pas voulu répondre, à part une d’entre elles qui nous a expliqué : « Globalement, les députés sont exigeants. Pour ma part, j’ai travaillé avec elle pendant la campagne, avant qu’elle soit députée. Elle m’a donné ma chance et ça se passait globalement bien. Puis j’ai travaillé deux mois pour elle il y a deux ans lors d’un turn-over dans son équipe. Ça s’est bien passé. Elle ne m’a pas traumatisée. »
Pour communiquer avec son équipe, Laetitia Avia passe principalement par un groupe sur l’application Telegram. C’est là qu’elle sollicite untel pour publier un tweet, un autre pour avoir une fiche de synthèse ou un compte rendu d’audition. « Elle avait l’habitude de critiquer notre travail ou de nous réprimander devant nos collègues, c’était très humiliant et cela maintenait une concurrence malsaine entre nous », relate Benoît. Dans un échange avec ses collaborateurs, elle-même reconnaît : « Je ne peux pas passer mon temps à vous taper dessus, à vous gueuler dessus. Ça m’épuise. »
Le 31 janvier, elle va jusqu’à créer une conversation baptisée “Biiiiitch Talking” illustrée par une image d’un tableau à craie sur lequel est écrit « GOOD BYE ! » pour se moquer d’un de ses salariés dont elle venait se séparer. Elle y poste notamment un gif la représentant lui donner un violent coup de pied aux fesses.
Le 26 février, et une fois la rupture conventionnelle signée, elle précise que ce salarié est maintenant son « ennemi » et se vante : « Bon, je viens de faire pleurer Alexandre*. Mais il m’a saoulée. Il a signé. » Le tout sans prendre en compte le fait qu’un collaborateur fasse preuve de compassion à l’égard d’Alexandre. « Moi, j’avais honte de participer à ces méchancetés mais je m’y sentais obligé pour avoir la paix », regrette William.
« Je suis une députée exigeante envers mes collaborateurs, car ils sont bien payés mais je suis hyper souple sur les horaires. Je suis très peu présente au bureau, donc oui nous échangeons beaucoup par Telegram », concède seulement la députée qui dément avoir déjà humilié son équipe ou usé de « méthodes brutales » : « Dès qu’il me reste de l’argent sur mon enveloppe, je leur verse des primes. Je valorise leur travail. »
Cependant, Laetitia Avia n’hésiterait pas non plus à exiger de son équipe qu’elle remplisse des tâches sans lien manifeste avec le travail parlementaire. « Elle nous demandait de gérer ses rendez-vous personnels comme de prendre rendez-vous chez le notaire ou de réserver une place pour son mari à Roland-Garros », raconte Nicolas. « Elle avait aussi prévenu l’équipe qu’elle ne supportait pas la chaleur et m’avait demandé d’avoir une bouteille d’eau et un brumisateur toujours sur moi pour elle lorsqu’il faisait chaud. En juin 2018 par exemple, j’ai dû brumiser ses jambes à plusieurs reprises », se souvient Sophie.
D’après des échanges écrits consultés par Mediapart, la députée, qui donne parfois des cours à Sciences-Po, charge même l’un de ses collaborateurs de corriger ses copies de droit des sociétés. « J’ai accepté car à l’époque je voulais faire bonne figure et elle me l’avait demandé gentiment », se remémore William. « Mais j’ai rapidement déchanté car ce jour-là, je voulais l’accompagner au Congrès des maires. Elle savait que j’y tenais, mais elle a conditionné ma venue au fait que je termine ses corrections. Je les ai terminées trop tard et je n’ai donc pas pu y aller. »
C’est aussi William qui s’occupe d’harmoniser les notes globales de ses étudiants « à la louche ». « Mets 1,5 en plus », demande la députée : « Avec 12,5 de moyenne on me laissera tranquille. » Manque de chance pour elle, un étudiant de la prestigieuse école se plaint quelques mois plus tard de sa note et cherche à « avoir des informations sur (sa) copie, notamment sur les points faibles ». « On lui dit la vérité ? », s’amuse Laetitia Avia incapable de justifier la note de l’étudiant.
Auprès de Mediapart, Laetitia Avia insiste sur l’attention qu’elle porterait à ses collaborateurs : « Je leur offre des cadeaux, des soins, plein de trucs sur mes deniers personnels. Je les ai emmenés en week-end dans ma maison de campagne... » À propos de ce week-end justement, l’équipe ne semble pas en avoir le même souvenir qu’elle. En avril 2018, la députée décide d’organiser un team building pour renforcer les liens de l’équipe et améliorer l’efficacité de chacun.
Le séjour a lieu dans sa maison de campagne dans le Morvan. Une fois sur place, les collaborateurs découvrent qu’ils vont devoir dormir dans des chambres avec une intimité tout à fait relative. « C’était encore en travaux, seul un rideau faisait office de porte. Avec des amis, pas de problème, mais avec sa boss... », raconte Sophie. Et rien ne se passe comme prévu. Un soir, l’équipe joue à un jeu de société, mais Laetitia Avia perd une partie. « Elle ne l’a pas supporté et a engueulé l’une de mes collègues en l’accusant d’avoir perdu à cause d’elle. Puis elle a fait le lien avec le boulot en lui disant qu’elle manquait de rigueur, au travail comme pour les jeux de société. »
À l’issue de ce séjour, elle envoie un bilan à son équipe. « Il s’agissait d’un plan de carrière hypothétique avec des vrais objectifs et des choses plus fantaisistes », explique William. « Écrire une PPL, mener une réflexion Grand Paris, écouter de la musique actuelle et des séries », retient-elle dans la rubrique « Actions ». « Devenir ministre de la justice, entrer au gouvernement, publier une tribune dans Le Monde, que plus personne ne cite le nom de Sandrine Mazetier [l’ancienne députée de sa circonscription et sur la même liste que Laetitia Avia pour les municipales à Paris – ndlr] – jamais – que je devienne la référence », résume-t-elle dans la rubrique « Objectifs ».
Après ce séjour, les salariés envoient tous un message de remerciement à la députée. Ils racontent d’ailleurs volontiers qu’à d’autres moments aussi, par peur de perdre leur emploi ou parce qu’ils ne voulaient pas fâcher leur employeur, ils ont pu envoyer des messages sympathiques souvent agrémentés de smileys.
Il n’empêche : c’est après ce passage dans le Morvan que certains ex-salariés disent avoir pris conscience des conséquences psychologiques « dramatiques » selon leur récit, du comportement de la députée. Deux ont d’ailleurs été l’objet d’un arrêt maladie. « On a commencé à se protéger mutuellement, et prendre progressivement conscience de l’emprise qu’elle avait sur nous. » En juin 2018, la psychologue d’un des employés en question rapporte dans un certificat intitulé « Signes d’alerte d’une souffrance au travail » le récit qu’elle a recueilli. La psychologue y fait notamment part de son « inquiétude concernant des signes alarmants » : « “Boule au ventre” en se levant le matin à l’idée de se rendre sur le lieu de travail, persistante, maintenant, tout au long de la journée, vécu d’humiliations et de menace, doubles injonctions rendant impossible un travail évalué positivement… »
Le comportement de la députée semble par ailleurs parfois éloigné du droit du travail. Sophie par exemple, a été officiellement embauchée en février 2018 mais assure avoir commencé à travailler un mois avant sans être rémunérée. En août de la même année, la députée a aussi, au moins dans un premier temps, refusé de payer des congés à une autre salariée qui avait travaillé pour elle quelques mois en CDD. L’employée en question s’en plaint à l’époque à sa collègue : « Elle est tellement méchante, elle ne veut pas me verser mes congés. Elle veut que je prenne trois jours de congé et que je vienne quand même travailler parce qu’elle n’a pas les moyens. »
Le 23 janvier 2019, Laetitia Avia se dispute avec l’une de ses collaboratrices. La députée accepte une rupture conventionnelle mais ne respecte pas les formalités requises en demandant notamment à ce qu’elle quitte l’équipe immédiatement. Elle exige qu’elle pose ses congés pour ne pas avoir à les lui payer. Patrice Petriarte, représentant syndical chez Solidaires se déplace alors dans son bureau pour lui rappeler ses obligations légales. « Je fais très souvent ce genre de rendez-vous, mais c’est la première fois que cela se passe aussi mal. Elle était menaçante en répétant sans cesse qu’elle était avocate. Je suis resté impassible en lui rappelant que j’étais conseiller de la salariée. Mais j’ai vu une équipe terrorisée par leur cheffe », explique-t-il auprès de Mediapart.
Après cet entretien, Laetitia Avia est très agacée : « Elle est malade là, je vais l’exploser. (Quand) elle revient au bureau, vous lui mettez une chaise et elle reste là jusqu’à la fin de la journée », dit-elle au reste de l’équipe. Elle réfléchit alors à annuler la rupture conventionnelle pour la licencier à la place. Pour cela, elle demande à une partie de l’équipe de témoigner pour faire comme si la dispute avec la salariée avait eu lieu bien plus tôt et ainsi avoir des raisons légales de la licencier : « Je vais avoir besoin de vous. J’ai besoin d’une attestation, parce que comme je ne lui ai pas notifié sa mise à pied à titre conservatoire, il faut que je puisse attester qu’au début, les choses… ce qu’il s’est passé la semaine dernière. » Elle n’ira finalement pas jusqu’au bout, la salariée en question ayant alerté la déontologue et une rupture conventionnelle sera signée en mars.
Si la plupart de ces salariés passés par l’équipe d’Avia acceptent de témoigner aujourd’hui, c’est aussi parce qu’ils disent avoir frappé à toutes les portes. D’après nos informations, la déontologue de l’Assemblée nationale a été saisie au moins six fois sur le cas de la députée.
Le cabinet du patron des députés LREM, Gilles Le Gendre, et celui du président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand ont également été avisés d’importants « dysfonctionnements ». Richard Ferrand n’a pas plus répondu à Mediapart qu’aux assistants parlementaires. Quant à Gilles Le Gendre, son cabinet nous a expliqué que cela n’était pas de son ressort.
Plus récemment, la cellule anti-harcèlement de l’Assemblée a également été saisie. Mais pour l’heure, aucune de ces instances n’est intervenue. Charlotte par exemple a saisi la déontologue à plusieurs reprises. Une fois notamment après un déjeuner où la députée « était allée très loin en lui disant qu’elle était sans doute borderline et qu’elle devrait se faire diagnostiquer par un psychiatre ». Contactée, Agnès Roblot-Troizier, déontologue de l’Assemblée, n’a pas souhaité réagir.
Et rien ne semble s’arranger. En mars dernier, selon les éléments recueillis par Mediapart, la députée de Paris a demandé à sa collaboratrice atteinte d’une maladie grave, d’interrompre son confinement pour revenir télétravailler à Paris. Lorsque Mediapart s’apprêtait à publier un nouvel article pour évoquer le courrier de la salariée en question alertant la présidence de l’Assemblée, Laetitia Avia a fait pression sur elle pour qu’elle intervienne auprès de Mediapart. Elle voulait d’abord que la salariée publie un communiqué public pour démentir les informations, ce qu’elle a refusé. La députée a ensuite rédigé un SMS à sa place et lui a demandé de l’envoyer à Mediapart pour vider l’article de son contenu. « Si tu veux m’envoyer tes captures après », avait-elle demandé pour s’assurer que le message avait bien été envoyé.
Seule la cellule anti-harcèlement a pour la première fois pris attache avec elle après les révélations dans la presse. Nicolas interprète gravement ce silence : « L’institution, le règlement et l’administration de l’Assemblée ont une grosse part de responsabilité voire de complicité ». Pour Nicolas, il y a donc « un problème de fond, car lorsqu’un collaborateur est victime de son député, il ne bénéficie d’aucune protection ». « À l’époque, on nous a seulement proposé un rendez-vous avec la déontologue et Laetitia Avia… À quoi bon, elle nous l’aurait fait payer derrière, pense William. On a aussi songé à saisir le procureur de la République, mais on n’a jamais eu le courage de le faire. » Ce qui explique qu’aucune procédure judiciaire ne soit aujourd’hui engagée.