La balade des réfugié-es ou Evacuation 10

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    • #Now #Occupation du local de Ni Putes Ni Soumises au 70 rue des Rigoles par les #migrants de la Chapelle.

      Besoin de soutien, risque de flics.

      Leur revendication : disposer d’un #lieu_collectif à Paris même pour l’accueil, l’hébergement et l’information des migrants. #occupation

      Le mouvement a été rejoint par des Afghans qui campaient porte de la Chapelle sur le bord du périph’.

      Parmi eux, des migrants de Pajol laissés sur le carreau par les évacuateurs hier matin ou qui ont refusé leur évacuation.

      https://twitter.com/OlivierCyran

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      Les réfugiés de Pajol « évacués » sans violence mais toujours sans préavis, Carine Fouteau
      http://www.mediapart.fr/journal/france/290715/les-refugies-de-pajol-evacues-sans-violence-mais-toujours-sans-preavis?ong

      Après avoir été réveillés par surprise ce mercredi, 250 exilés ayant trouvé refuge devant la Halle Pajol à Paris ont été relogés dans des centres d’hébergement. Mounir vient du Mali. Il raconte ses trois premières semaines passées en France dans ce campement sans point d’eau ni toilettes.

      Les Parisiens sont endormis. Les réfugiés installés sur des matelas devant la Halle Pajol aussi. Une petite centaine d’hommes et de femmes, fonctionnaires pour la plupart, se sont donné rendez-vous à l’aube dans un bistrot, à quelques centaines de mètres de là, plus au nord, place Hébert, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Ils échangent les dernières instructions, qui va faire quoi, à quel moment. Ils sont prêts. Groupés, costumes et chaussures de ville, ils descendent la rue Pajol jusqu’à la Halle.

      Dans un silence plombant, ils prennent possession des lieux. Il est 7h30, l’opération d’« évacuation » a commencé, la septième au moins à Paris depuis le 2 juin, quand les tentes de La Chapelle ont été détruites. Celle-ci s’accompagne de propositions de relogement, comme d’autres précédemment. La présence de ces agents – de la ville de Paris, de la région, de la préfecture de police, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (#Ofpra) et des deux associations partenaires, #Emmaüs Solidarité et #France_terre_d’asile – sort brutalement les migrants de leur sommeil.

      Les couvertures se soulèvent, des visages stupéfaits apparaissent. Sans cri, sans bruit, les migrants se redressent, s’assoient sur les matelas, se vêtent, avec lenteur, sous les yeux de ces gens qui les réveillent par surprise. Un photographe de la préfecture s’approche. Sans en demander l’autorisation, il déclenche son appareil. Un réfugié, en train de lacer ses chaussures, réagit, indigné. Quelques journalistes ont été prévenus la veille au soir que « quelque chose se préparait le lendemain matin très tôt », avec interdiction d’ébruiter l’information. Aucune indication sur le lieu. Dans la nuit, un SMS tombe : rendez-vous est donné à 7 heures, dans le XVIIIe, mais le secret est gardé jusqu’à la dernière minute. Austerlitz, porte de Saint-Ouen, Pajol ? Ce matin, ce sera Pajol : la mairie de Paris prend prétexte d’un courrier adressé par « des commerçants et des riverains » – et de la dégradation des conditions de vie sur le campement – pour intervenir.

      Pourquoi cette absence de préavis ? Pourquoi réveiller les personnes en plein sommeil ? « Notre présence matinale s’explique par le fait que nous souhaitons toucher le maximum d’occupants. Si nous étions venus plus tard, certains auraient raté les bus et seraient revenus le jour même ou les jours qui suivent, indique un responsable du cabinet d’Anne Hidalgo présent dans le cortège. Quant à l’effet de surprise, nous l’assumons : si on prévenait à l’avance, des groupuscules radicaux viendraient perturber l’opération. » Dans les discours de la maire socialiste de la capitale, les Parisiens venus apporter leur aide aux réfugiés sont félicités parce qu’ils font preuve de « solidarité ». Mais, sur place, ils sont considérés par les représentants de la ville et de l’État comme des gêneurs. La faute aux activistes, donc, « qui instrumentalisent les migrants ».

      La suite se déroule dans le calme. Le directeur général de l’Ofpra, Pascal Brice, prend l’initiative. Les 250 exilés, des Soudanais pour la plupart, sont invités « amicalement » à se placer en cercle autour de lui. Tout le monde est là. Il se lève, théâtral, salue ses interlocuteurs et les remercie d’être présents. Son discours est rodé. Il répète à peu de choses près ce qu’il a eu l’occasion de dire lors des deux évacuations précédentes : « Nous croyons que votre dignité est telle que vous ne pouvez pas vivre dans ces conditions. Nous savons tous que vous avez vécu des moments très difficiles avant d’arriver en France. […]. Nous sommes là pour vous faire une proposition, ici, aujourd’hui, maintenant. » Cette proposition, à prendre ou à laisser, consiste en une place dans l’un des centres d’hébergement d’urgence de Paris ou de la région parisienne, avec la promesse d’un accompagnement individualisé.

      Les demandeurs d’asile pourront rester jusqu’au terme de leurs démarches, affirme-t-il. Pour les autres, c’est moins clair. À quelques-uns, il parle d’« un mois minimum ». Nouveauté par rapport aux opérations passées, un document d’information (en français, anglais ou arabe) est distribué en guise de garantie. Les réfugiés apprécient le geste. La température a baissé ces derniers jours : beaucoup grelottent. À 9 heures, la plupart d’entre eux montent dans la dizaine de bus mis à disposition. Les quelques mineurs isolés et les familles sont envoyés dans des structures adaptées, certaines femmes devant faire l’objet d’un suivi particulier en raison des violences dont elles auraient été victimes depuis leur arrivée en France, selon les travailleurs sociaux venus les rencontrer.

      « C’était trop sale, il y avait des moustiques, ou alors c’était la gale »

      Mounir n’est pas Soudanais, mais Malien. Il ne sait ni lire ni écrire, mais il a pris le papier distribué par l’Ofpra « au cas où ». Né il y a quarante-trois ans dans une zone désertique, au nord de Kidal, il parle bien le français. Touareg, sans religion, il a fui son pays. Tout à la fin de l’entretien, ses yeux se ferment : il a laissé derrière lui sa famille. Sa femme et l’un de ses fils ont été tués « par une tribu rivale ». « Chez nous, tu es mort ou tu cherches une solution. Le danger est partout », lance-t-il.

      Il confirme que personne n’avait été prévenu de la visite de « tous ces officiels ». Il ne s’en offusque pas, rien ne l’étonne plus. Il ne se plaint même pas des fortes pluies qui ont lessivé Paris ces derniers jours. Il montre juste la bâche qui lui a fait office d’abri. « Je n’ai pas été trop mouillé, ça va, merci », dit-il. Prêt à s’en aller, il a enfilé un maigre sac à dos sur ses épaules et cherche un sac plastique pour y glisser un drap. Il a quitté son village natal, où il possédait des vaches et des chameaux, il y a plus d’un an. Après avoir travaillé en Libye, il en est parti parce qu’il s’y sentait menacé. « Nous, les Touareg, ils nous pourchassent pour nous obliger à faire la guerre », affirme-t-il. La Méditerranée, il la traverse avec 300 personnes sur un bateau prévu pour en transporter 80.

      À Paris, Mounir a d’abord trouvé refuge dans un parc à proximité de la station de métro La Chapelle. Il en est vite parti. « C’était trop sale, il y avait des moustiques, ou alors c’était la gale. Les gens se grattaient tout le temps », raconte-t-il. À Pajol, il y a passé trois semaines. Sans toilettes ni point d’eau. La mairie de Paris a attendu la veille de l’évacuation pour faire installer des sanitaires. Elle a aussi fermé à plusieurs reprises le jardin proche de la Halle, seul endroit équipé d’un point d’eau, de peur que le campement ne s’y étende. Ce matin, les réfugiés se brossaient encore les dents, accroupis, avec l’eau du caniveau, sans qu’aucun tuyau ou système de dérivation n’ait été prévu, alors même que les collectivités territoriales sont tenues par le code qui les régente de mettre en place les équipements sanitaires de base, y compris lors d’occupations sans autorisation.

      « Notre priorité a été de trouver des places dans des centres d’hébergement, avec des lits et des douches, plutôt que d’ajouter du confort, si on peut dire, dans ce type de campement. Nous devons trouver l’équilibre entre un minimum de salubrité et ne pas encourager une installation durable », indique-t-on dans l’entourage de la maire. L’un des membres du comité de soutien des migrants de La Chapelle, Nicolas Jaoul, regrette ce type de raisonnement. « Laisser les réfugiés uriner dans des bouteilles d’eau constitue une violation de la dignité humaine, dit-il. Les responsables de cette situation ont peur de l’appel d’air. Ils pensent qu’en mettant le campement aux normes, ils créent les conditions de nouvelles arrivées. Mais les nouvelles arrivées n’ont rien à voir avec un lavabo ou des toilettes sèches. Les gens partent de chez eux parce qu’ils fuient la guerre ou la misère. »

      Au fur et à mesure des expulsions-évacuations, l’administration a changé sa gestion. Finis les cars de CRS pour emmener les migrants. Seuls quelques motards ont patienté à l’écart, debout à côté de leurs véhicules. La rue n’a été bloquée que brièvement. Aucune violence n’a été constatée, à la différence de ce qui s’était passé le 8 juin, lorsque des élus avaient été malmenés et des réfugiés interpellés. En s’adressant aux exilés, Pascal Brice s’est engagé à ce qu’ils ne soient pas éparpillés dans des hôtels à l’autre bout de la région pour quelques nuits sans repas, contrairement à ce qui s’était produit lors des premières évacuations. Du côté des autorités, les uns et les autres sont prêts à admettre des « erreurs », tout du moins des « incompréhensions ». La prochaine étape pourrait être de prévenir à l’avance les personnes qu’elles vont recevoir de la visite, suggère une habitante du quartier.

      Sur 1 000 personnes arrivées à Paris ces dernières semaines, 800 sont hébergées, les autres étant sorties du dispositif. En fin de matinée, le service propreté de la ville déblayait les lieux vidés. Quelques réfugiés, partis tôt pour apporter à l’Ofpra leur dossier de demandeurs d’asile, revenaient, dépités de voir que leurs compagnons d’infortune avaient disparu. Une poignée d’autres, plus jeunes, erraient dans les rues. Quelques heures plus tôt, ils avaient refusé de monter dans les bus avec une explication, limpide : « We’re going to Calais. »