L’impunité des colons israéliens, un fléau pour la Cisjordanie

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  • Bébé palestinien brûlé vif par des Israéliens « une tragédie inséparable de la politique israélienne » - Édito Le Monde

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/08/01/en-cisjordanie-une-tragedie-liee-a-une-politique_4707586_3232.html

    Editorial. Avant même les conclusions de l’enquête de police, le chef du gouvernement israélien a dénoncé « un acte de terrorisme en tous points » et son ministre de la défense a stigmatisé l’action de « terroristes juifs ». Mais Benyamin Nétanyahou et Moshe Yaalon auraient dû aller plus loin et s’interroger sur une tragédie inséparable de la politique qu’ils mènent.

    Car l’attentat du vendredi 31 juillet – un bébé de 18 mois brûlé vif, ses parents entre la vie et la mort, atteints à 90 %, et un deuxième enfant, de 4 ans, lui aussi grièvement blessé – est, d’une manière ou d’une autre, lié à la colonisation continue de la Cisjordanie occupée. C’est sur cette politique que M. Nétanyahou s’est fait réélire, en mars, pour un quatrième mandat à la tête d’un gouvernement de droite et d’extrême droite, qui prône, officiellement, l’expansion ininterrompue des implantations juives en territoire palestinien. Jamais le « parti des colons » n’a été aussi fortement représenté dans un gouvernement à Jérusalem.

    Cette réalité politique ouvre la porte à tous les débordements. Voilà des mois, sinon des années, que les autorités front preuve de mansuétude à l’égard de colons qui, au nom d’on ne sait quel droit divin, se livrent à des agressions et à des actes de vandalisme contre des Palestiniens. Armés, ces colons disent agir au titre de la « vengeance » ou du « prix à payer » – façon de dénoncer les obstacles qu’ils peuvent rencontrer, de la part des Palestiniens ou des autorités israéliennes, dans l’extension de la colonisation. Leurs méfaits restent, le plus souvent, impunis. Ils disposent de relais au plus haut niveau de l’Etat. Ils obéissent à une idéologie qui est, après tout, celle que véhicule la majorité gouvernementale.

    « Le prix à payer »

    La politique des implantations porte en elle le type de drame qui a eu lieu vendredi à l’aube à Douma, dans le nord de la Cisjordanie. Selon des responsables de la sécurité israéliens, des colons ont jeté des cocktails Molotov par les fenêtres, ouvertes en cette saison, de deux maisons du village. Avant de s’enfuir, ils ont écrit sur les murs : « le prix à payer » et « vengeance ». Sans doute s’agissait-il de « venger » la destruction par l’armée, mercredi 29 juillet, de deux immeubles construits illégalement dans la colonie de Beit El à la suite d’une décision de la Cour suprême israélienne.

    Mais comme pour « compenser » cette décision, M. Nétanyahou a, le même jour, annoncé la construction immédiate de 300 logements dans la partie « légale » (!) de la colonie de Beit El. Par conviction ou pour apaiser l’ultradroite de sa majorité parlementaire. Au fond peu importe, le résultat est le même : la réaffirmation d’une volonté d’annexer une bonne partie de la Cisjordanie, comme le réclament les partis au pouvoir. Cette politique fait douter de la volonté du gouvernement d’arriver à un quelconque accord de paix avec les Palestiniens. Elle ne peut déboucher que sur un surcroît de violence – de part et d’autre. Elle ne répond à aucun objectif sécuritaire, au contraire. Elle est le produit d’une idéologie qui nourrit tous les extrémismes – celle qui, il y a vingt ans, incitait un jeune homme venu de ce même milieu des colons à assassiner le premier ministre Itzhak Rabin.

    Le « parti des colons » est un fléau pour les Palestiniens de Cisjordanie, d’abord et avant tout. Mais les Israéliens ne doivent pas s’y tromper : il porte aussi un tort incommensurable à leur pays.