Ce mardi, Mediapart a révélé que la mairie de Saint-Denis, dirigée par le maire PS Mathieu Hanotin, a acquis le logiciel de surveillance algorithmique français Two-i, pour un montant de 118 000€. Le dispositif devrait être opérationnel pour les Jeux paralympiques, une fois la police municipale formée à son utilisation. La vidéosurveillance algorithmique (VSA) consiste à traiter les images de vidéosurveillance par l’intelligence artificielle pour en extraire de l’information. Dans ses applications les plus intrusives, la VSA permet la reconnaissance faciale et le traçage des personnes filmées.
Complètement interdite jusqu’à l’an dernier – ce qui n’a pas empêché des « expérimentations » parfaitement illégales comme à Cannes pour contrôler le port du masque en 2020 ou à Metz contre les supporters interdits de stade – certaines applications de la VSA ont été autorisées à titre expérimental jusqu’en mars 2025 par la loi Jeux olympiques du 19 mars 2023. Si la reconnaissance faciale n’est pas autorisée pour le moment, la loi ouvre la voie à la VSA dans huit cas, dont la détection de port d’arme, de bagages abandonnés, d’attroupements ou encore de mouvements de foule.
Selon Sophie Rigard, conseillère municipale d’opposition à Saint-Denis : « Il y avait une forme d’évidence après le vote de la loi Jeux olympiques. Le maire avait rapidement confirmé que la VSA serait mise en place. La question était quand et comment. ». La mairie a tout de même tenté de cacher la mise en place de la VSA. Ce n’est qu’après plusieurs relances que l’élue a finalement appris du directeur de la police municipale que cinquante licences du logiciel Two-i avaient été achetées, permettant d’équiper cinquante implantations comptant chacune trois caméras ou plus. Plusieurs centaines de caméras reliées au centre de supervision urbain du nouvel hôtel de police municipale de la rue Jean Mermoz seront ainsi équipées du logiciel.
Pourront ainsi être couvertes les zones les plus fréquentées de la ville telles que Porte de Paris, la gare, le parvis de la mairie et de la basilique, le bassin de la Maltournée, la place du 8 mai 1945, etc. « On m’a assurée que la surveillance respecterait le décret qui l’encadre, en suivant une personne suspecte par la couleur de ses vêtements et non par recueil de données biométriques. Mais on ne sait pas si le logiciel a été bridé par l’éditeur ou s’il suffirait de le paramétrer pour débloquer des options illicites » précise Sophie Rigard qui note : « Après les Jeux, la mairie souhaite poursuivre l’utilisation de la VSA pour la surveillance quotidienne, en assimilant le dépôt d’ordures sur la voie publique à l’abandon d’un colis par exemple. »
Avec ce déploiement, la mairie de Saint-Denis emboîte le pas à la RATP et à la SNCF, marquant ainsi une étape supplémentaire dans la diffusion de ce dispositif de surveillance. Si les Jeux olympiques et paralympiques servent de prétexte à la mise en place de la VSA à Saint-Denis, l’intention est bien de faire durablement entrer cette technologie dans l’arsenal de la police municipale, en attendant une potentielle entrée de son utilisation dans le droit commun, une fois que la période d’expérimentation fixée par la loi Jeux olympiques arrivera à son terme en mars 2025.
Cette décision de l’équipe de Mathieu Hanotin, qui a mis le renforcement sécuritaire au cœur de sa campagne électorale puis de sa politique depuis 2020, fait de Saint-Denis la pointe avancée de nouvelles pratiques sécuritaires inquiétantes. A l’échelle locale, la mise en place de la VSA s’inscrit dans la continuité du doublement des effectifs et de l’armement de la police municipale ainsi que de l’acquisition d’un drone de surveillance.
A l’échelle nationale, ce déploiement de la vidéosurveillance algorithmique poursuit l’approfondissement autoritaire du régime, notamment depuis l’état d’urgence décrété par Hollande puis largement entré dans le droit commun sous Macron. Face à la multiplication des crises et à un régime dont la mécanique institutionnelle semble se gripper, la répression et les dispositifs sécuritaires sont devenus une solution majeure de l’État pour faire face à toutes les contestations, de la réforme des retraites aux mouvements écologistes en passant par les révoltes après la mort de Nahel l’été dernier, mais également pour « gérer » la misère sociale, en criminalisant toujours plus les habitants des quartiers populaires. Sans surprise, dans cette dynamique mortifère, le PS applique à Saint-Denis la politique sécuritaire qui a été celle de ce parti au pouvoir et que poursuit le gouvernement actuel.