Clarté - Les blogs du Diplo

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    • C’est qu’en des temps de vacillation intellectuelle, la catastrophe idéologique était vouée à se nouer autour de deux signifiants disputés : « nation » et « souveraineté ». Disputés en effet puisque, pour chacun de ces termes, l’unicité nominale masque une dualité de lectures possibles qui soutiennent des mondes politiques radicalement antinomiques. Entre la nation substantielle, confite en ses mythes identitaires et éternitaires, et la nation politique, rassemblant les individus dans l’adhésion à des principes, sans égard pour leurs origines, bref entre la nation de Maurras et celle de Robespierre, il n’y a pas qu’un gouffre : il y a une lutte inexpiable. Et de même entre la souveraineté comprise comme apanage exclusif des élites gouvernementales et la souveraineté conçue comme idéal de l’auto-gouvernement du peuple.

      Sauf que la nation et la souveraineté « de Robespierre » ont disparu il y a déjà longtemps, il serait judicieux d’en prendre acte http://seenthis.net/messages/167677

    • car en France la nation souveraine naît en 1789

      Née en 1789 sur des bases fragiles et morte en 1871.

      elle se constitue comme universalité citoyenne, elle exprime le désir de l’autonomie politique, désir d’un peuple en corps de se rendre maître de son destin, bref elle est de gauche.

      Et par l’effet d’une incompréhensible démission intellectuelle, elle n’est désormais plus que de droite...

      Ce n’est pas juste par l’effet d’une démission intellectuelle et ça n’a rien d’incompréhensible. La nation souveraine est passé de la gauche à la droite en cessant d’avoir pour objet le peuple et en prenant pour objet l’Etat, qui existait bien avant 1789 et que 1789 n’a nullement touché dans ses fondements.
      Et si on veut vraiment créer une souveraineté populaire, ce n’est pas chez Robespierre qu’il faut en chercher la source.

    • Je vois dans la guerre contre le terrorisme, le moyen qui a permis à l’idée d’État-Nation, de reprendre le dessus sur celle de Peuple Nation. Il me semble que la nation avait perdu de son pouvoir attractif, avant que les luttes contre le néocolonialisme et la reconaissance des droits indigènes ne lui redonne un sens populaire et positif contre la globalisation marchande. Si l’idée d’identité culturelle comme concept anticapitaliste, et donc indépendante de l’État, est facilement assimilable dans les pays néocolonisés, elle se pervertit tout aussi facilement dans les pays néocoloniaux, détenteurs de la plus grande partie du capital mondial, où elle n’est plus à défendre contre le capital, et donc l’État, mais contre une identité culturelle autre. Cette dernière étant réputée agressive, l’État redevient le garant de la preservation de l’identité culturelle.

      Il me semble que cet aspect des choses n’est pas pris en compte dans l’analyse de Lordon. Disons que j’ai l’impression que le mot d’ordre « sortons de l’U€ » a 15 ans de retard pour pouvoir être de gauche.

      On pourrait rétorquer qu’il plaide justement pour reprendre la main, à gauche, sur ces notions, mais n’est-ce pas aussi long, voire illusoire, que de construire un front anti-austérité - car tel est le but avoué, non ? - à l’intérieur de l’U€, ou de déclencher des grêves générales dans un grand nombre de pays ?