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Le Figaro.fr
Dimanche 6 septembre 2015
Frappes en Syrie : la France finit par adopter le « principe de réalité »
Malbrunot, Georges
François Hollande, longtemps opposé à bombarder Daech dans son bastion syrien pour ne pas renforcer le régime de Bachar el-Assad, pourrait annoncer ce lundi le ralliement français à la coalition internationale.
Et de trois. Pour la troisième fois en quelques semaines, la France s’apprête à procéder à un revirement dans sa politique face au drame syrien. Après s’être opposé pendant un an à des frappes contre Daech en Syrie, au prétexte qu’elles renforceraient le régime honni de Bachar el-Assad, François Hollande pourrait annoncer ce lundi le ralliement de Paris à la coalition internationale qui bombarde Daech dans son bastion du Nord et de l’Est syrien.
Durant l’été déjà, Paris a été contraint d’accepter que l’Iran fasse partie d’« une solution » au conflit syrien. Depuis le début des violences en 2011, la France soutenait pourtant que « Téhéran faisait partie (au contraire) du problème » en appuyant, en hommes et en argent, son allié à Damas. Sans que l’Iran renonce le moins du monde à son appui à Assad, Paris a dû, là encore, rétropédaler, sous le poids des événements. En juillet, Téhéran et les Occidentaux - États-Unis en tête - se mettaient en effet d’accord pour régler diplomatiquement leur différend sur les aspirations nucléaires de Téhéran. Fin août enfin, François Hollande annonçait urbi et orbi qu’el-Assad devait être « neutralisé ». Paris ne campe plus sur son exigence d’un départ du raïs au début d’un processus de transition négociée du pouvoir à Damas.
Officiellement, l’Élysée justifie son dernier changement de pied par l’émergence de la crise des migrants qui affluent en Europe. Les chiffres - ceux de la Fédération internationale des droits de l’homme, par exemple - disent pourtant tout autre chose. Une très grande majorité des Syriens fuient leur pays en raison de la sanglante répression - à coups de largages de barils d’explosifs souvent - qui leur est infligée par le pouvoir de Damas, plus que par la présence de Daech, là où ils habitent. « Lorsque les djihadistes s’emparent d’un territoire, les habitants ont plutôt tendance à aller se réfugier dans les zones gouvernementales, comme à Lattaquié, sur la côte méditerranéenne, encore relativement épargnée par les violences », relève un diplomate, familier de la crise.
Dès lors, comment expliquer ce revirement ? Sur le dossier des frappes anti-Daech, Paris a fini par se retrouver seul ou presque, après l’engagement turc de bombarder les djihadistes et la révision de Londres, après l’attentat antibritannique de juin en Tunisie. « Et puis, renchérit un expert militaire, le Pentagone nous fait payer notre refus de frapper en Syrie en ne partageant aucun renseignement opérationnel avec nous. »
Un débat a également fini par agiter les milieux sécuritaires français. Si la DGSE -les services de renseignements extérieurs - reste arc-boutée sur un départ le plus tôt possible d’el-Assad, la DGSI, elle, se concentre sur la menace djihadiste sur le territoire français. « Pour des questions de sécurité intérieure », la France pourrait ne plus s’interdire d’intervenir militairement en Syrie, expliquaient d’ailleurs à l’AFP au cours du week-end des responsables sous couvert d’anonymat. Comme si les thèses de la DGSI - en gros, la menace djihadiste prime sur un départ d’el-Assad - l’avaient emporté.
« C’est enfin le principe de réalité qui prévaut, se félicite le diplomate précité. Notre discours n’était plus crédible. Au fur et à mesure que le temps passe, nous perdions de notre superbe et surtout de notre influence. » Est-ce à dire pour autant que c’est la fin du « ni-ni » (ni Daech, ni el-Assad) ? Probablement pas. D’abord parce que, comme en Irak, d’éventuelles frappes françaises contre Daech resteraient marginales par rapport à celles que mène Washington. D’autre part, Paris continuera de camper sur sa priorité, trouver une alternative politique crédible au régime syrien, là où les États-Unis, la Russie et d’autres ont fait de la lutte anti-Daech leur objectif à court terme. En conséquence, tout contact avec el-Assad ou ses services de renseignements - option là encore souhaitée par la DGSI - restera banni.
Après avoir longtemps pratiqué une politique jugée « courageuse » en paroles mais « irréaliste » dans la pratique, Paris est contraint de bouger. Car en coulisses, d’autres s’activent. Cet été, le chef des services de renseignements syriens, Ali Mamlouk, loin d’avoir été écarté comme la presse l’avait précipitamment annoncé, s’est rendu chez son ennemi juré saoudien pour rencontrer le fils du roi Salman. La Russie et l’Iran - deux pays que la France avait là encore écartés hâtivement d’un règlement du dossier - sont également à la manouvre. Certes, toutes ces initiatives sont loin d’avoir abouti. Mais à Paris, on a finalement saisi que l’incantation ne suffisait pas à faire une politique en Syrie. « Le risque, c’est que les positions longtemps irréalistes de la France la privent de relais lorsqu’une vraie négociation s’ouvrira », redoute l’expert militaire.
Un islamiste serait à l’origine des attentats chez les druzes du Sud syrien
Un insurgé islamiste arrêté en Syrie a reconnu être responsable des deux attentats à la voiture piégée qui ont fait 37 morts vendredi à Soueida, ville peuplée majoritairement de Druzes dans le sud du pays. Le suspect appartiendrait au Front al-Nosra, la branche locale d’al-Qaida. L’un des attentats a coûté la vie à un important dirigeant druze, le cheikh Walid al-Balous, hostile à la fois au gouvernement de Damas et aux rebelles islamistes qui le combattent. Soueida est un fief de la communauté druze syrienne, traditionnellement fidèle au régime. Mais à la suite des explosions, des manifestants ont détruit le portrait d’Hafez el-Assad, le père de l’actuel président. (AFP)