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  • Quand les fantômes historiques sont convoqués
    Invention de hauts lieux et réification des identités territoriales dans les Carpates roumaines

    parGábor Szalkai
    Eötvös Lorán University
    Department of Regional Science

    https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2017-2-page-143.htm

    Attention Pay wall

    Le Ghimeş, dans la haute vallée du Trotuş dans les Carpates orientales roumaines, est devenu à partir de 2008 et en seulement quelques années un haut lieu de la ferveur nationale hongroise. L’article reconstitue le processus de convocation des « fantômes historiques » par des acteurs locaux et extérieurs dans ce petit pays de la minorité Csángós. Il montre comment se combinent l’affirmation identitaire et l’opportunisme économique dans le processus d’invention d’un lieu de mémoire de « la frontière de mille ans » et analyse les effets de la concurrence des symboles sur la réification et la dualisation des identités culturelles et territoriales.

    #europe #populisme #extrême-droite #hongrie #autriche #pologne

  • On the road  : les New Travellers et leur besoin radical d’espace | Cairn.info

    https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2017-4-p-73.htm?WT.mc_id=ESP_171

    Dans cet article, les New Travellers du Royaume-Uni sont présentés comme une évolution contemporaine de la contre-culture britannique. De nombreux membres de ce groupe social optent pour un style de vie nomade en raison de difficultés économiques et de conditions sociales difficiles. L’adoption d’un tel mode de vie, basé sur l’itinérance ainsi que sur l’occupation alternative de l’espace social comme du territoire, les conduit à former des «  communautés de pratique  » (Wenger, 2005). Leur fonctionnement est centré sur la satisfaction de besoins que l’on peut, à la suite de Marx, qualifier de «  radicaux  ». Sur la base d’une enquête ethnographique menée dans les années 1990, l’article montre que l’association des deux notions – celle de «  communautés de pratique  » et celle de «  besoins radicaux  » – permet de rendre compte du mode de vie des New Travellers.

    #Royaume-Uni #voyageurs #espace-territoire #circulations #road-movie

  • Sur la «  zone  » de Kreuzdorf  : habiter une Wagenburg berlinoise | Cairn.info

    https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2017-4-p-91.htm?WT.mc_id=ESP_171

    Attention : paywall

    Depuis le milieu des années 1980, Berlin compte un peu plus d’une douzaine de Wagenburgen, à savoir des campements alternatifs constitués d’une enfilade de caravanes et de camions où la bohème activiste côtoie des punks et des Travellers venus de toute l’Europe. Espace semi-nomade dont les résidents entretiennent une culture du passage, Kreuzdorf reste à ce jour emblématique de ces manières de vivre et d’habiter à la frontière de la société instituée. Quant à cet article, il propose une approche non invasive de cette «  zone punk  » dont il s’agit d’exposer non pas les habitants mais la façon dont ils conçoivent leur espace. Le programme est donc celui d’une anthropologie visuelle laissant apparaître un style de vie – celui des Wagenburgen – au travers d’un ensemble de dispositifs et d’objets que ses promoteurs ont créés.

    #Berlin #Wagenburgen #Kreuzdorf #anthropologie_visuelle

  • #Paul_Otlet, #Otto_Neurath, #Le_Corbusier : un projet pour la paix perpétuelle | Cairn.info

    https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2014-4-page-545.htm

    Lors du premier congrès international de philosophie scientifique qui se tient à Paris en 1935, salle Descartes à la Sorbonne, Otto Neurath présente les grandes lignes de son projet d’unification des sciences qui devrait se réaliser pleinement à travers l’élaboration d’une encyclopédie internationale des sciences unifiées comme partie d’un programme plus ample, destiné à l’amélioration de la condition humaine et à la poursuite d’objectifs pacifiques à un moment où s’épaissit sur l’Europe et le monde le voile préfigurant un nouveau conflit.

    Il faut dire que Neurath n’a pas attendu l’année 1935 pour souligner les dangers encourus par la cohabitation pacifique en Europe après la conclusion de la Première Guerre mondiale ; en conclusion du « Manifeste » d’une nouvelle philosophie, conçu à Vienne de concert avec Rudolf Carnap et Hans Hahan, il annote :

    Les tendances métaphysiques et théologisantes qui de plus en plus s’imposent maintenant dans bien des associations et sectes, dans les livres et les revues, dans les conférences et les cours universitaires, semblent s’alimenter aux violentes luttes sociales et économiques d’aujourd’hui .

  • Les « martyrs » jihadistes veulent-ils forcément mourir ? | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2011-5-page-867.htm

    Les attentats suicides et autres formes apparentées de violence autosacrificielle sont devenus un répertoire d’action privilégié des mouvements islamistes radicaux contemporains. En Asie du Sud, les groupes jihadistes  y ont recours dans le territoire disputé du Cachemire dès la fin des années 1990, puis dans le reste de l’Inde et au Pakistan (où une cinquantaine d’attaques de ce type ont lieu par an depuis 2007). Les facteurs historiques, politiques et stratégiques de ce phénomène, variables selon les pays, ont été précisément étudiés. Les motivations des exécutants continuent, quant à elles, de nous troubler, car enfin, « pourquoi des individus se tueraient pour d’autres raisons que de ne plus vouloir vivre ? »
    .

  • Colonisés-immigrés et « périls migratoires » : origines et permanence du racisme et d’une xénophobie d’Etat (1924-2007)
    http://journals.openedition.org/conflits/10363

    Dans un contexte marqué par l’avènement d’une xénophobie d’Etat, entre autres sanctionnée par la création du Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement, on s’intéressera aux origines d’une telle politique. Origines que l’on découvre, notamment, sous la Troisième et la Quatrième Républiques, dans les représentations alors forgées des colonisés-immigrés réputés inassimilables et nuisibles pour la santé et la sécurité publiques, et dans les dispositions juridiques destinées à contrôler leur entrée sur le territoire métropolitain. Dangerosité supposée des populations concernées qui font peser sur l’identité « raciale » et nationale du pays des menaces importantes, islamophobie et crainte de l’envahissement de la France ; tels sont, déjà à l’époque, les principaux arguments justifiant l’adoption de mesures toujours plus restrictives.

    Le traitement des immigrés en France : un continuum depuis 1945
    Téléchargement de fichier PDF | Cairn.info
    https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=COME_087_0121

  • Au moment de négocier, les chômeurs soigneusement écartés | L’imprévu - L’imprévu
    https://limprevu.fr/avant-veille/lavant-veille-de-lautomne-2017/les-chomeurs-grands-absents-des-negociations

    les décisions doivent être prises dans le cadre de « réunions multilatérales », et pouvant conduire, s’ils le jugent pertinent, « à une négociation paritaire ». Autrement dit une discussion réunissant autour d’une même table #patrons et #syndicats avec pour conséquence l’ajustement des règles du #chômage pour les chômeurs à venir… et actuels.

    Paritaire sur la forme donc, moins sur le fond si l’on met sur le devant de la scène le grand absent des concertations qui ont eu lieu jusqu’alors : le ‘demandeur d’emploi’, premier concerné et l’ex-cotisant, jamais invité à disserter sur le sujet. Pourtant bien au fait des conséquences du chômage sur leur mode de vie, leurs économies et leur moral, à la table des négociations, les chômeurs sont inaudibles. Même s’il ne l’ont pas toujours été.

    Le mouvement des chômeurs de l’hiver 1997-1998 Retour sur un « miracle social »
    https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2001-3-page-371.htm#no3

    • Je découvre ce livre en lisant la #BD :
      Mémoires de viet kieu : Les linh tho, immigrés de force

      Mars 2004, Camargue. Alors qu’il couvre le conflit provoqué par la fermeture annoncée de l’usine Lustucru d’Arles, Pierre Daum, journaliste, découvre que cette usine ne fabrique pas seulement des pâtes : elle conditionne également le riz cultivé par des producteurs locaux. Il décide alors de se renseigner sur les conséquences de cette fermeture pour ces petits producteurs.

      A l’occasion de ses recherches, il visite un Musée du riz où certaines photos l’interpellent : des Vietnamiens seraient venus planter du riz en Camargue pendant la Seconde Guerre Mondiale ? Pourquoi ce fait est-il si peu connu ?

      Il entame alors une enquête minutieuse pour retrouver des témoins de cette époque, susceptibles de lui en dire davantage. Il découvre que 20.000 travailleurs indochinois ont été forcés dans les années 1940 à venir travailler en métropole pour “participer à l’effort de guerre”…

      Une enquête prenante entre deux continents, qui s’attache à un pan volontairement oublié de l’Histoire. Un Hors Série émouvant et sensible des Mémoires de Viet-Kieu.


      http://www.la-boite-a-bulles.com/book/287
      #bande_dessinée #poudrerie_d'oissel #WWII #efforts_de_guerre #prison_des_baumettes #sorgues #camps_d'internement #seconde_guerre_mondiale #deuxième_guerre_mondiale #riz #riziculture #Camargue
      #ressources_pédagogiques (notamment pour l’histoire de l’immigration en France)
      #ONS #ouvriers_non_spécialisés

    • Le site sur les immigrés de force :
      http://www.immigresdeforce.com

      Une page sur l’#exposition qui a eu lieu en 2011 à #Agde :
      http://www.immigresdeforce.com/l-exposition

      Des #fiches_pédagogiques :
      http://www.immigresdeforce.com/l-exposition/t-l-chargement/malette-p-dagogique
      ... dont une #fiche_pédagogique sur la vie dans les #camps :
      http://www.immigresdeforce.com/sites/immigresdeforce.com/files/Exposition/Documents/fiche_pedagogique_ndeg3_la_vie_dans_les_camps.pdf

      #ressources_pédagogiques

      Le #livre :
      Immigrés de force

      Après soixante-dix années de silence, voici enfin mise en lumière une page enfouie de l’histoire coloniale française : le recours, pour travailler dans l’Hexagone, à une main-d’oeuvre immigrée de force. Déjà, en 2006, le film Indigènes, de Rachid Bouchareb, avait révélé un aspect peu connu de l’utilisation des peuples colonisés lors de la Seconde Guerre mondiale. Or, à cette époque, la France n’avait pas seulement besoin de soldats, mais aussi d’ouvriers, afin de remplacer les Français mobilisés.
      Pour les travaux les plus pénibles, comme ceux du maniement des poudres dans les usines d’armement, la France fit venir en 1939 vingt mille Indochinois de sa lointaine colonie d’Extrême-Orient. Recrutés pour la plupart de force, débarqués à la prison des Baumettes à Marseille, ces hommes furent répartis à travers la France dans les entreprises relevant de la Défense nationale. Bloqués en Métropole pendant toute la durée de l’occupation allemande, logés dans des camps à la discipline très sévère, ils furent loués, pendant plusieurs années, par l’Etat français à des sociétés publiques ou privées – on leur doit le riz de Camargue –, sans qu’aucun réel salaire ne leur soit versé.
      Ce scandale se prolongea bien après la Libération. Renvoyés vers le Viêtnam au compte-gouttes à partir de 1946, ce n’est qu’en 1952 que les derniers de ces hommes purent enfin revoir leur patrie. Un millier fit le choix de rester en France.
      Après trois ans de recherches en archives et d’enquête, menée dans les banlieues de Paris et de Marseille, et jusqu’à Hanoi et aux villages les plus reculés du Viêtnam, #Pierre_Daum a réussi à retrouver vingt-cinq des derniers acteurs encore vivants de cet épisode si peu “positif” de l’histoire coloniale française. C’est leurs récits qu’il nous restitue dans ce livre.
      Journaliste au Monde puis à Libération, dont il a été le correspondant pour le Languedoc-Roussillon, Pierre Daum collabore actuellement comme grand reporter au Monde diplomatique et à quelques autres journaux.


      https://www.actes-sud.fr/catalogue/archives-du-colonialisme/immigres-de-force

      cc @franz42

    • Et trois #film #documentaire qui ont été produit suite à la sortie du livre :
      Công Binh, la longue nuit indochinoise

      En 1939, peu avant la Seconde Guerre mondiale, 20 000 jeunes Indochinois sont arrachés brutalement à leur pays et à leurs familles et embauchés de force dans les usines d’armement en France, afin de compenser le départ d’ouvriers au front. Ces ouvriers-forçats (appelés « Công Binh » ou « Linh Tho » au Viêt Nam) n’étaient désignés que par un matricule et recevaient des traitements dérisoires. Au moment de la défaite, ils furent considérés, à tort, comme des militaires, mis au ban de la société, asservis à l’occupant allemand et aux patrons collaborateurs. Ils furent aussi les pionniers de la culture du riz en Camargue. Le film se sert de témoignages d’une vingtaine de survivants ayant vécu cette expérience. Cinq d’entre eux sont décédés lors du tournage. Le film prend également appui sur l’ouvrage du journaliste Pierre Daum, Immigrés de force, publié chez Actes Sud1.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%B4ng_Binh,_la_longue_nuit_indochinoise

      Riz amer - Des Indochinois à l’origine du riz en Camargue

      Qui connaît la véritable origine du riz en Camargue ? Après soixante-dix ans de silence, voici enfin révélée, une page enfouie de l’histoire coloniale française : le recours, pour travailler dans les rizières, à une main-d’œuvre immigrée de force. Riz amer est l’histoire des milliers d’indochinois qui ont « fait » le riz de Camargue.


      http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/42926_1
      Apparemment disponible sur youtube : https://www.youtube.com/watch?v=EXzT1HW-zOc

      Une histoire oubliée

      De 1945 à 1950, plus d’un millier d’ouvriers vietnamiens ont été envoyés par le gouvernement français pour répondre à la demande de main d’oeuvre des multiples entreprises de Lorraine. Avec le statut particulier d’"indigène", c’est-à-dire encadré par l’État, comme dans les colonies. Le film d’Ysé Tran part à la recherche de l’histoire singulière de ces hommes, arrachés à leurs villages pour les besoins de la guerre. 20 000 « travailleurs indochinois » ont débarqué à Marseille en 1939-1940 afin d’être utilisés dans les usines d’armement. Parqués dans des camps dans le Sud de la France après la capitulation de 1940, ils travaillent sans salaire, dans tous les secteurs de l’économie. À travers des témoignages de travailleurs indochinois centenaires ou presque, de leurs épouses et surtout de leurs enfants, et grâce à la découverte d’un fonds d’archives inédites, le film d’Ysé Tran dévoile enfin cette page longtemps ignorée de l’histoire ouvrière en Lorraine.

      http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/50197_1

    • Le dernier travailleur indochinois

      Ils ont relancé la production de riz en Camargue, fabriqué des cartouches ou travaillé dans les usines. C’est l’histoire oubliée de 20 000 Vietnamiens immigrés de force en 1939 par l’empire colonial français pour contribuer à l’effort de guerre. Un épisode révélé par le journaliste Pierre Daum et mis en image par le dessinateur Clément Baloup pour le grand public. Avec les deux auteurs, nous sommes partis sur les traces de ces travailleurs indochinois jusqu’à Marseille et nous avons retrouvé Thân. Centenaire, il vit toujours dans la ville où il a été débarqué en 1939, après des semaines dans la cale d’un bateau en provenance de Saïgon.


      http://www.rfi.fr/emission/20180113-le-dernier-travailleur-indochinois-than-van-tran
      reportage réalisé par @daphne

    • Liêm-Khê LUGUERN

      À l’époque de l’Indochine française, l’émigration des Vietnamiens vers la métropole est un phénomène minoritaire ; il concerne surtout des intellectuels et des étudiants venus parfaire leur formation en métropole. Les deux guerres mondiales troublent ce mouvement avec le recrutement de tirailleurs et de travailleurs indochinois en 1914, puis en 1939, permettant une incursion en métropole de dizaines de milliers de paysans indochinois. Reproduisant le précédent de la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle 90 000 travailleurs et tirailleurs avaient été déplacés en métropole pour pallier la pénurie de maind’oeuvre, le plan Mandel, du nom du ministre des Colonies, prévoit en 1939 l’appoint de 300 000 travailleurs coloniaux à l’effort de guerre de la France. En avril 1940, 7 000 tirailleurs indochinois sur un total de 41 000 tirailleurs coloniaux sont présents sous les drapeaux en France. En juin de la même année, près de 20 000 « travailleurs indochinois » envoyés en métropole sont affectés comme ouvriers non spécialisés (ONS) dans les industries participant à la Défense nationale. La défaite de juin 1940 met fin à la réquisition et au déplacement de la main-d’oeuvre coloniale qu’il faut alors rapatrier. En 1941, le quart des « travailleurs indochinois » reprend le chemin de l’Indochine, mais la majorité reste bloquée en France par suite de l’arrêt des liaisons maritimes. À la Libération, la désorganisation de l’après-guerre et l’envoi de troupes françaises dans le cadre de la reconquête de l’Indochine retardent encore leur rapatriement, qui ne commence finalement qu’en 1946 pour s’achever en 1952. Plus d’un millier d’entre eux cependant choisirent de s’installer définitivement en France

      http://iris.ehess.fr/index.php?525
      #thèse

    • Les travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre mondiale

      En 1939, reproduisant le précédent de la Première Guerre mondiale au cours de laquelle 90 000 travailleurs et tirailleurs indochinois avaient été déplacés en métropole, le « #Plan_Mandel », du nom du ministre des Colonies, prévoit l’appoint de 300 000 travailleurs coloniaux, dont 100 000 Indochinois, à l’effort de guerre. En juin 1940, 27 000 Indochinois sont arrivés en France : 7 000 tirailleurs et 20 000 travailleurs. Après la défaite, 5 000 d’entre eux sont rapatriés mais les autres restent bloqués en métropole. A la Libération, la désorganisation de l’après-guerre et les événements qui affectent l’Indochine française, retardent encore le rapatriement de ces travailleurs requis : il ne prendra fin qu’en 1952. Pendant plus de dix ans, ces migrants ont formé une micro-société qui prolonge la société coloniale au sein même de l’espace métropolitain. Au processus d’adaptation au travail industriel, de confrontation au modernisme, s’ajoutent pour ces hommes une expérience inédite : celle d’un face-à-face direct avec la puissance coloniale en proie à la défaite, de la découverte, au-delà de la France coloniale, d’une société complexe, traversée d’antagonismes et de contradictions.

      http://www.histoire-immigration.fr/dossiers-thematiques/les-etrangers-dans-les-guerres-en-france/les-travailleurs-indochinois-en-france

    • Ni civil ni militaire : le travailleur indochinois inconnu de la Seconde Guerre mondiale

      En 1939,20 000 travailleurs indochinois requis furent acheminés vers la métropole. Dépendants du ministère du Travail, ils furent affectés comme ouvriers non spécialisés (ONS) dans les usines (en particulier les poudreries, l’aviation, les usines de munitions comme cela avait déjà été le cas en 1914) travaillant pour la Défense nationale. Bloqués en France à la suite de la défaite de juin 1940, ils n’ont pas pu, non plus, regagner la colonie à la Libération en raison de la guerre d’Indochine. Ce n’est que dix ans après leur réquisition (entre 1948 et 1952) que la majorité d’entre eux a été rapatriée, tandis qu’un millier choisit de s’installer définitivement en France. Ces derniers ont pu en 1973 faire valoir leurs années de réquisition dans le calcul de leur droit à la retraite. A la fin des années 1980, un comité de soutien aux anciens travailleurs et tirailleurs vietnamiens en France voit le jour avec le soutien de personnalités dont Madeleine Rebérioux. Appuyés par ce comité, les anciens requis rapatriés se sont mobilisés pour obtenir les mêmes droits que leurs camarades installés en France. En vain jusqu’à tout récemment.

      https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2007-2-page-185.htm

    • Les travailleurs indochinois en France de 1939 à 1948

      A l’époque de l’Indochine française, l’émigration des Vietnamiens vers la métropole est un phénomène minoritaire ; il concerne surtout des intellectuels et des étudiants venus parfaire leur formation. Cela ne doit pas cependant porter à négliger les mouvements migratoires temporaires qui correspondent aux recrutements de tirailleurs et de travailleurs indochinois en 1914, puis en 1939.

      Reproduisant le précédent de la première guerre mondiale, au cours de laquelle 90.000 travailleurs et tirailleurs indochinois avaient été déplacés en métropole pour pallier la pénurie de main-d’oeuvre (1) ; le plan Mandel, du nom du ministre des Colonies, prévoyait en 1939 l’appoint de 300.000 travailleurs coloniaux à l’effort de guerre de la France (2) En avril 1940, 7.000 tirailleurs indochinois sur un total de 41.000 tirailleurs coloniaux étaient présents sous les drapeaux en France. En juin de la même année, près de 20.000 travailleurs indochinois envoyés en métropole furent affectés comme ouvriers non spécialisés (O.N.S.) dans les industries participant à la Défense nationale (3) . La défaite de juin 1940 mit fin brutalement au déplacement de main-d’oeuvre coloniale qu’il fallut alors rapatrier. En 1941, 5.000 travailleurs indochinois retournèrent au pays mais les 15.000 restant furent bloquésen France par suite de l’arrêt des liaisons maritimes. La désorganisation de l’après-guerre, les événements qui affectèrent l’Indochine française à la Libération, retardèrent encore le rapatriement de ces travailleurs requis. Celui-là ne prit fin qu’en 1952. [5]

      Jeunes pour la plupart (ils avaient entre 20 et 30 ans) ces requis ont formé une micro-société transplantée brutalement pour une dizaine d’années hors de son univers traditionnel. Il va sans dire qu’une telle expérience ne pouvait être vécue comme une simple parenthèse et qu’elle a forcément transformé ces hommes. Au processus d’adaptation au travail industriel, de confrontation au modernisme et au phénomène d’acculturation, s’ajouta une expérience inédite, celle de la confrontation avec une puissance coloniale sur son propre sol, une puissance en proie à la défaite, aux prises avec ses contradictions, ce qui bouleversera le mythe de la mère patrie toute puissante, homogène et invincible.

      http://barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/articles/volumes/tran.html

    • Indochine de Provence. Le Silence de la rizière

      S’il est un récit oublié, c’est bien le témoignage encombrant mais bouleversant des 20 000 travailleurs indochinois en France entre 1939 et 1952. Longtemps, l’histoire a fait silence sur le visage de ces hommes – contraints de travailler au service de la France de Vichy après la signature de l’armistice –, qui rentrèrent chez eux après des années d’exil forcé, sans la moindre indemnisation.
      Cet album-recueil, ouvert sur le récit de ces itinéraires d’exil et sur une parole qui commence à peine à circuler, établit un rapport sensible à l’histoire. Il interroge la mémoire, l’histoire, l’identité d’un département (le Vaucluse), façonné par les flux migratoires. Il pose les enjeux d’une éthique fondée sur la pensée critique revendiquée comme seule légitime pour traiter des mémoires douloureuses et oubliées du XXe siècle.

      https://www.actes-sud.fr/catalogue/etudes-historiques/indochine-de-provence
      #livre

  • Sentiment d’appartenance et territoires identitaires | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2006-4-page-298.htm

    « À ceux qui me demandent d’où je viens, j’explique donc patiemment que je suis né au Liban, que j’y ai vécu jusqu’à l’âge de vingt-sept ans, que l’arabe est ma langue maternelle, que c’est d’abord en traduction arabe que j’ai découvert Dumas et Dickens et ‘Les Voyages de Gulliver’, et que c’est dans mon village de la montagne, le village de mes ancêtres, que j’ai connu mes premières joies d’enfant et entendu certaines histoires dont j’allais m’inspirer plus tard dans mes romans. Comment pourrais-je l’oublier ? Comment pourrais-je m’en détacher ? Mais d’un autre côté, je vis depuis vingt-deux ans sur la terre de France, je bois son eau et son bon vin, mes mains caressent chaque jour ses vieilles pierres, j’écris mes livres dans sa langue, jamais plus elle ne sera pour moi une terre étrangère. Moitié français, donc et moitié libanais ? Pas du tout ! L’identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées. Je n’ai pas plusieurs identités, j’en ai une seule faite de tous les éléments qui l’ont façonnée, selon un ‘dosage’ particulier qui n’est jamais le même d’une personne à l’autre. ».
    Amin Maalouf, 1998

    1

    Le sentiment d’appartenance à un territoire figure parmi la multitude des référents identitaires potentiels que sont l’appartenance sociale, religieuse, familiale, professionnelle, etc. Cette composante n’est pas nécessairement présente dans le registre identitaire et, si c’est le cas, elle n’est pas forcément mise en avant par les individus. Si certaines personnes se définissent plus volontiers par leur appartenance géographique, d’autres mettent en avant leur situation familiale, leur métier, etc. La place accordée aux différentes appartenances, leur hiérarchie, constitue l’identité de chacun. Loin d’être donnée une fois pour toutes, l’identité se modifie et évolue tout au long de la vie : selon les contextes et les moments du cycle de vie, certaines appartenances sont mises en avant, d’autres écartées momentanément ou durablement, parfois même occultées. C’est la manière de chacun d’agencer ces différentes composantes qui confère à l’identité son caractère unique. « En considérant séparément ces deux éléments de mon identité (le fait d’être arabe et chrétien), je me sens proche, soit par la langue, soit par la religion, d’une bonne moitié de l’humanité ; en prenant ces deux mêmes critères simultanément, je me retrouve confronté à ma spécificité. » (Maalouf, 1998).

  • Violences faites aux femmes : au commencement était l’inégalité nutritionnelle - Science - RFI
    http://www.rfi.fr/science/20171124-journee-internationale-violence-femmes-piscille-touraille-inegalite-nut

    Une étude interdisciplinaire récente suggère que l’écart de taille entre les hommes et les femmes (de 6 à 18 cm en moyenne suivant les populations) aurait pour origine l’appropriation de la meilleure nourriture par les mâles aux dépens des femelles chez les Homo Sapiens depuis la nuit des temps. Spécialiste de l’anthropologie évolutive, la chercheuse Priscille Touraille montre que ce dimorphisme sexuel de stature n’est pas une adaptation « positive » du point de vue de la sélection naturelle. Elle estime que ce sont les femmes qui devraient être aussi grandes, voire plus grandes, que les hommes. Une remise en question de la pensée commune.

    #violences_faites_aux_femmes #inégalités #discrimination ça serait donc une longue, longue, longue histoire ...

  • La prise de parole publique des femmes
    Revue Annales historiques de la Révolution française 2006/2 | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-la-revolution-francaise-2006-2.htm

    L’histoire des femmes pendant la Révolution française est une préoccupation à la fois ancienne et moderne. Dès le XIXe siècle, des historiens, tels Chassin, Tourneux, Aulard… ont réuni des matériaux et proposé des analyses avec des bonheurs inégaux. Ces vingt dernières années, depuis 1985, le renouveau de l’histoire des femmes a manqué son entrée politique en rejetant l’impact des situations de crise (guerres, révolutions) dans la transformation des conditions féminines pour se cantonner à l’évocation de la vie quotidienne et de la vie privée. L’histoire des mentalités et des représentations, souvent ranimée par un discours journalistique qui en a assuré le succès, a été érigée en modèle. L’histoire des formes politiques et des institutions s’en est trouvée négligée. Cette désertion du politique était implicitement justifiée par le fait que la Révolution dans ses diverses périodes n’avait pas accordé le droit de vote aux femmes ni même cherché à les intégrer comme force dans les nouvelles institutions.

    2On ne répétera jamais trop le scandale qu’a constitué le déni des femmes dans la République, déni combattu par quelques-unes. Pourtant, les problématiques axées sur les phénomènes d’exclusion, quel que soit leur degré de bienveillance à l’égard des femmes, ont contribué à figer les questions et par un excès de simplification radicale, à masquer ces phénomènes difficiles à identifier et à interpréter, souvent assimilés à du folklore. La nécessité d’une contextualisation toujours plus minutieuse s’impose à nous pour sortir de l’« invisibilité historique » de ces dispositifs complexes que les femmes ont empruntés pour agir et faire en sorte que leur action soit remarquée. En ce sens, ces femmes du XVIIIe siècle ne sont pas comparables aux féministes de la fin du XIXe, comme on se plaît parfois à le dire. Leur univers symbolique qui entrecroise public-privé – opposition trop souvent forcée pour l’époque – comme les brins d’une même trame, n’a rien de commun avec le productivisme démographique et économique contre lequel les associations féministes se sont organisées.

    3Prendre au sérieux les modes de leur prise de parole – discours souvent jugés trop minces –, donner sens à leur présence dans l’événement révolutionnaire et à la volonté d’y prendre part : il a fallu, pour ce faire, revisiter nos sources toujours trop rares, réapprécier ce qui faisait problème ou cohérence à l’époque, secouer l’angélisme mythologique dont on a drapé ces femmes d’exception : légendes douteuses de Louise de Kéralio la républicaine, de la somptueuse Thérésia Cabarrus, de Pauline Léon l’enragée, de la moraliste Mary Wollstonecraft et de Eleonora Fonseca Pimentel, femme de lettres et condamnée à mort.

    4Ce volume1 se divise en trois parties : comment des femmes ont-elles investi la parole publique ? Doléances, pétitions… À partir de quel lieu, hors Assemblée, se sont-elles fait entendre : salons, théâtres. Aux cas de femmes entreprenantes ou engagées déjà citées, ajoutons Théroigne de Méricourt avec sa lettre mélancolique récemment publiée dont l’origine un peu trop mystérieuse au goût de l’historien mériterait des investigations supplémentaires et qui témoigne de la fusion existentielle et politique d’une femme avec l’événement révolutionnaire.

    #femmes #historicisation #parole #expression #histoire #révolution_française
    cc @mona

  • Les femmes et la retraite
    Revue Retraite et société 2004/3 | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe-2004-3.htm

    Présentation

    Exerçant moins souvent que les hommes une activité professionnelle et ayant des revenus souvent moindres, les femmes disposent d’une retraite, en moyenne, sensiblement inférieure à celle des hommes. Ce constat est valable pour la plupart des pays développés, à des degrés divers et selon des modalités qui tiennent aux différences existant dans le partage des rôles entre hommes et femmes et dans la structure de la protection sociale. Ce numéro fait un point sur la retraite des femmes et le clivage existant entre hommes et femmes.

    #femmes #retraite #genre

  • La parenté, le marché et l’État face à l’aversion pour les filles en Asie | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-herodote-2010-1-page-166.htm

    Les caractéristiques des groupes sociaux les plus enclins à se débarrasser des fœtus féminins sont variables selon les pays mais, comme on vient de l’évoquer, le niveau socioéconomique est un premier trait distinctif, notamment parmi les « pionniers » qui ont eu les premiers l’idée, et les moyens, de mettre le diagnostic prénatal au service de leurs objectifs en matière de composition sexuelle de leur descendance. Mais cette innovation radicale dans la technologie discriminatoire a progressivement percolé à travers l’ensemble de la société selon deux modalités classiques : la diffusion verticale « top-down » par capillarité sociale, au sein des localités, allant des groupes privilégiés vers les couches plus basses, et une diffusion horizontale par contagion spatiale de proche en proche, dont les cartes examinées plus bas attestent. Mais deux facteurs ont sans doute ralenti cette diffusion sociale et spatiale. En premier lieu, la forte natalité de certaines populations, et ainsi la possibilité de répéter les grossesses jusqu’à la naissance d’un garçon, rend les avortements sélectifs parfois superflus. La proportion des femmes sans garçons après quatre grossesses est ainsi inférieure à 6 %. En second lieu, une grande majorité des couples, y compris en Asie, ne souhaite pas interrompre une grossesse en fonction du sexe des enfants à naître. Rappelons que si nous mettons ici l’accent sur deux pays où les déséquilibres des naissances sont prononcés, il demeure un grand nombre de nations asiatiques, de l’Iran à la Thaïlande, du Japon à la Malaisie, où aucun signe patent de surmasculinité des naissances n’a été décelé.
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    Pour résumer ce tableau rendu complexe par la diversité des situations, on dira que la sélection sexuelle obéit à trois conditions préalables [Guilmoto, 2009]. Il faut avant toute chose que préexiste une forte préférence pour la descendance masculine. Mais il faut en outre que les femmes aient les moyens de recourir à la sélection prénatale moderne. Et, pour finir, il faut également que la baisse de la natalité force les femmes à faire des choix drastiques sur leur dernière naissance, plutôt que de s’en remettre au hasard. Autrement dit, la sélection sexuelle d’aujourd’hui présuppose que les femmes le veuillent, le puissent et le doivent. Les deux premières conditions relèvent respectivement de la classique équation économique de l’offre et de la demande alors que la troisième correspond à l’urgence démographique provoquée par la baisse de la fécondité. Ces trois conditions expliquent en partie les différences entre groupes sociaux ou entre pays, et laissent également présager les évolutions futures : détérioration là où baisse la fécondité et où apparaissent les infrastructures de santé modernes, et amélioration là où s’estompent les inégalités entre les sexes.

    #femmes #IVG #féminicide #sexe_ratio #femmes_manquantes

  • Les discriminations entre les femmes et les hommes
    2011
    Avant-propos | Cairn.info
    https://www.cairn.info/les-discriminations-entre-les-femmes-et-les-hommes--9782724612011-page-13.ht

    Hélène Périvier, économiste, développe une analyse sexuée de l’évolution de la relation de réciprocité qui lie les personnes touchant l’aide sociale et l’État, en France. La contrepartie exigée en retour de la solidarité nationale n’est pas de même nature selon le sexe de l’allocataire ni selon son statut familial, ce qui constitue une forme de discrimination. Alors que pour les femmes, elle a longtemps reposé sur leur rôle de « mère avant tout », pour les hommes elle se fonde sur leur rôle de pourvoyeur de ressources. Le modèle familial traditionnel sort renforcé de l’introduction du revenu de solidarité active (RSA), car le resserrement de la contrainte d’insertion dans l’emploi ne concerne pas les femmes avec enfants vivant en couple ; mais lorsqu’elles se séparent de leur conjoint, elles redeviennent alors une cible clé des politiques d’activation.

    @monolecte

  • Genrer l’analyse des droits de propriété | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2017-1-page-5.htm

    Les articles qui suivent abordent le sujet à partir de cas de pays d’Europe (Espagne, France, Grèce) et d’Afrique (Maroc, Cameroun), et des méthodes de la sociologie, de l’anthropologie et du droit, réflexion que l’on pourrait poursuivre en l’élargissant à d’autres lieux, d’autres époques, d’autres regards. Dans « Pour une économie politique genrée des droits de propriété », Fatiha Talahite tente un état des lieux des approches féministes des droits de propriété et de la manière dont la question s’est posée à différents moments de l’histoire. Deux courants, l’un socialiste, l’autre libéral, sont mis en évidence. Le premier est historiquement critique vis-à-vis de la propriété, qu’il tend à assimiler à l’appropriation et l’asservissement des femmes, tandis que le second fait de l’accès des femmes à la propriété individuelle un facteur clé de leur autonomisation. Si en Europe, depuis les débuts de l’Antiquité, existaient des modalités d’accès des femmes à la propriété, les transformations du droit accompagnant l’essor du capitalisme au XIXe siècle consacrent l’exclusion des femmes, notamment des épouses, de la propriété ainsi que de sa gestion. Il faudra attendre la fin du siècle pour que des réformes commencent à lever progressivement ces inégalités, processus très lent et inégal selon les pays.
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    De nos jours, derrière l’égalité juridique formelle, ces inégalités se perpétuent, dissimulées par l’apparente neutralité du droit, marquant une continuité historique dans la domination patrimoniale dont les femmes font l’objet. Sibylle Gollac, dans « Le genre caché de la propriété dans la France contemporaine », montre comment les inégalités de genre face à la propriété sont masquées par les statistiques, dont les sources « saisissent le patrimoine des ménages ou des foyers fiscaux et non des individu∙e∙s », mais aussi par la gestion des formes collectives de propriété, qui tend à léser les femmes. « Après reconstitution de patrimoines individuels, la richesse des femmes s’avère inférieure à celle des hommes ». Celles-ci sont plus fréquemment propriétaires de biens dont elles ne détiennent pas les droits de gestion. « À droit de propriété formellement égal, les rapports de domination entre propriétaires d’un même bien », notamment au sein de la famille, limitent le pouvoir des femmes sur le patrimoine, surtout lorsque celui-ci est important.

  • Deux femmes auteurs au Moyen Âge | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-de-la-bibliotheque-nationale-de-france-2011-3-page-6.htm

    Christine de Pizan

    Toute autre est la figure de cette femme auteur de la fin du Moyen Âge (1364 ou 1365 – après 1431). L’air de lointaine ressemblance auquel un lecteur moderne peu attentif peut se laisser prendre en regardant les miniatures représentant ces deux femmes en train d’écrire, dans une attitude assez comparable, est en réalité trompeur. Les temps ont changé, comme le marquent les costumes et le décor, et surtout la représentation de la femme qui écrit : il s’agit cette fois d’un véritable portrait, réalisé du vivant de l’auteure, sans doute même selon ses directives
    Les détails de sa vie et de sa carrière d’écrivain sont aujourd’hui bien connus
    Dans une bibliographie très abondante, retenons deux...
    . Elle les a elle-même racontés longuement dans la troisième partie de son livre intitulé La Vision de Christine
    Traduction par Anne Paupert dans Voix de femmes au...
    , composé à l’âge de la maturité, en 1405, à un moment où elle se voyait déjà reconnue comme auteure, puisque le puissant duc de Bourgogne venait de lui commander une biographie de son défunt frère, le roi Charles V – c’est le Livre des faits et bonnes mœurs du roi Charles V le Sage, achevé en 1404. Le récit détaillé de La Vision, rédigé entièrement à la première personne, bien qu’il soit inséré dans un cadre allégorique et adressé à dame Philosophie, constitue le premier récit autobiographique en langue française .

    Le premier récit autobiographique en langue française et nom de Christine de Pizan n’est pas sur le fiche autobiographie de wikipédia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Autobiographie
    pas de Christine de Pisan sur l’encyclopédie larousse non plus http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/autobiographie/24227

    #christine_de_pisan #historicisation #invisibilisation #femmes

  • Ce que l’imprimerie changea pour les femmes | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-de-la-bibliotheque-nationale-de-france-2011-3-page-14.htm

    On ne mesure pas toujours à quel point l’invention de l’imprimerie, à partir de la fin du xve siècle, a bouleversé la vie, les modes d’action, les modes de pensée, les représentations du monde et de soi des Européens et des Européennes. Pour ce qui concerne les relations entre les sexes, la production de livres imprimés a été d’une importance déterminante. Indissociablement liée au milieu savant, elle a permis aux discours des clercs, généralement défavorables aux femmes, de se répandre dans des couches sociales toujours plus larges et d’y installer les cadres d’une certaine « pensée unique » de la misogynie, mais également d’y distiller son antidote, mis au point par d’autres lettrés (beaucoup moins nombreux mais déterminés) : la thèse de l’excellence des femmes, voire de la « précellence » du sexe féminin. La multiplication des livres a également creusé le fossé entre une élite masculine toujours plus nombreuse et les femmes soigneusement écartées des lieux d’instruction, en même temps que, paradoxalement, l’arrivée des livres dans les maisons particulières permettait à nombre d’entre elles d’accéder à de véritables outils d’émancipation. Enfin, le développement du marché éditorial a poussé des femmes de plus en plus nombreuses à publier leurs œuvres, entamant en quelques décennies le séculaire monopole masculin sur les lettres, voire s’y taillant de francs succès, montrant ainsi l’inanité des discours sur l’incapacité féminine… sans parvenir à autre chose qu’à exacerber la Querelle des femmes.

    #femmes #sexisme #imprimerie #misoynie #histoire #historicisation

    • Champions des dames et misogynes :
      les enjeux d’un combat frontal, à l’aube des temps modernes (1400 - 1530)
      Paru dans : Florence Rochefort & Éliane Viennot (dir.), L’Engagement des hommes pour l’égalité des
      sexes (XIVe au XXIe siècle)

      http://www.elianeviennot.fr/Articles/Viennot-Champions.pdf

      #masculinisme #alliés

      L’entrée en lice de « champions des dames » s’inscrit dans un mouvement global de détérioration des positions des femmes en France (et, progressivement, en Europe) depuis la seconde moitié du XIIIe siècle. Pour une part, ce mouvement a été bien repéré par les spécialistes.
      C’est notamment le cas dans le domaine du droit, où l’on observe une dégradation de la condition des femmes, tant par le rétrécissement de leur autonomie personnelle que par l’accroissement de la « puissance maritale », qui a des répercussions non seulement sur la capacité juridique des épouses, mais aussi sur la vie familiale, comme l’enregistre la reconnaissance du « droit de correction ». Les veuves elles‐mêmes voient leur statut se détériorer : elles sont de plus en plus surveillées dans la gestion de leurs biens, et elles perdent de plus en plus les procès qu’elles intentent pour faire respecter les clauses de leurs contrats de mariage. Les positions des femmes au travail sont également en train de se réduire. Leur accès à la maîtrise se restreint, leurs capacités à passer des contrats avec des apprenties sont amoindries, les métiers féminins se font plus rares. Les conséquences de ces restrictions sont la perte d’autonomie ou de marges de manœuvre, ainsi que l’accroissement de la domesticité féminine, de la
      prolétarisation des femmes et de leur pauvreté. Les deux domaines se conjuguent évidemment : les luttes pour le maintien des anciens droits se heurtent à la
      nouvelle conception juridique de la sujétion féminine.
      De la même façon, la vie religieuse féminine se dégrade considérablement à la fin du Moyen Âge. Les ordres cloîtrés traversent des difficultés immenses et entament un déclin inexorable : « 
      plus les grands ordres renâclent à développer
      [leur] branche féminine et à encadrer les maisons de nonnes désirant le rattachement ; et plus les monastères féminins se révèlent instables, mal dotés,
      obligés de réduire les effectifs, déréglés, quand ils
      ne disparaissent pas corps et biens, ce qui est très souvent le cas aux XIVe et XVe siècles », résume Pauline L’Hermite‐Leclercq. Les ordres non cloîtrés, eux, sont en butte aux autorités ecclésiastiques, qui tentent de s’opposer à leur développement (lié à l’urbanisation progressive de l’Europe et aux besoins qu’elle génère en « travail social » : soins aux malades et aux mourants, en attendant l’enseignement, qui se développera à partir du XVIIe siècle). Les positions de celles qui s’y emploient s’en trouvent d’autant fragilisées.
      La période est aussi marquée par le début, puis par l’essor de la chasse aux sorcières, qui ne commencera à s’essouffler qu’au début du XVIIe siècle en France.
      Jusqu’alors, la sorcellerie était conçue comme un ensemble d’activités suspectes (sorts, pronostications, guérisons...), voire criminelles (meurtres, empoisonnements...), exercée par des hommes comme par des femmes auxquels on
      reconnaissait des pouvoirs individuels, innés ou appris. À partir du XVe siècle, la
      sorcellerie devient prétendument une activité collective, organisée par le Diable, presque exclusivement féminine, orientée vers la destruction du monde, et sujet d’un intense remue‐méninges.

      Les mauvais traitements et la torture se généralisent, permettant les aveux recherchés (le pacte avec le Diable, la participation aux sabbats...), et bien sûr de nouvelles dénonciations. Toutes les classes sociales sont atteintes par cette « 
      épidémie ». C’est dire que toutes les femmes sont menacées et peuvent se voir inquiétées du jour au lendemain, soit en raison de la gêne qu’elles suscitent personnellement, soit comme parentes d’un
      homme qu’on veut atteindre. La période, enfin, est caractérisée par une inflation de discours appelant à
      mépriser les femmes et le mariage, en tant que pacte avec une femme. Ces discours mobilisent d’une part tous les lieux communs misogynes sur l’aptitude du
      sexe féminin à séduire, tromper, bavarder, dépenser, fatiguer les hommes par des criailleries incessantes ou des besoins sexuels démesurés..., et d’autre part tous les lieux communs philosophiques sur l’incompatibilité entre amour et sagesse, entre passion et maîtrise de soi, entre mariage et vie intellectuelle. On trouve évidemment ces lieux communs dans les ouvrages portant directement sur les femmes et les relations entre les sexes ainsi que dans les traités d’éducation, mais
      ils irriguent aussi le théâtre profane, en plein essor à la fin du Moyen Âge (les farces surtout), de même que les genres narratifs qui en sont issus (les fabliaux) ou qui se développent à leur contact (les nouvelles), et aussi les genres didactiques (sermons, proverbes), sans parler de la littérature « savante », comme le
      Roman de la Rose de Jean de Meun (écrit vers 1275, mais qui connaît un regain de succès phénoménal à partir de la fin du XIVe siècle). Comme le résumait voici plus d’un siècle Arthur Piaget, il était bien difficile, au milieu du XVe siècle, « d’ouvrir un livre, quel qu’en fût l’auteur, sans y trouver des grossièretés ou des calomnies à l’adresse du sexe féminin. »

      À ces grands domaines bien identifiés s’en ajoutent trois autres, qui pour une part sont également connus, mais qui sont rarement analysés comme participant de la modification du rapport des forces entre les sexes aux dépens des femmes. Le
      premier est l’évolution du système éducatif. Grâce à la création des universités, à partir du XIIIe siècle, puis aux réseaux de collèges qui s’agrègent autour d’elles ou
      s’implantent dans les villes non universitaires, le nombre des hommes lettrés s’accroît considérablement. Ce sont eux, en conséquence, qui se partagent les emplois prestigieux créés par milliers durant cette période, dans les « administrations centrales » et leurs relais régionaux, dans les tribunaux, à la tête des municipalités et dans l’enseignement supérieur. L’invention de l’imprimerie,
      dans les années 1450, vient donner une ampleur jamais vue à ce « boom éducatif », alors que les femmes continuent d’en demeurer exclues. Il faudra attendre le début du XVIIe siècle pour voir s’ouvrir les premiers instituts spécialisés dans l’éducation des filles, et ils ne seront jamais, malgré les efforts de leurs promoteurs et promotrices, les équivalents des lieux éducatifs masculins. De fait, le monopole des
      hommes sur l’éducation supérieure – et donc sur tous les emplois générateurs d’argent, de pouvoir et de prestige – tiendra jusqu’à la fin du XIXe siècle.

      Le second domaine est le développement significatif de la prostitution, qui n’est pas seulement dû à l’essor de l’urbanisation et aux misères de la Guerre de
      cent ans. Le phénomène est loin, en effet, d’être mécanique : il est organisé, il ne s’est banalisé qu’après la fin de cette guerre, et il ne touche pas d’abord les pauvres hères ou les filles des campagnes attirées par la ville. « La prostitution fut aussi développée dans les zones de paix que dans les pays touchés par la guerre, plus florissante dans les métropoles en expansion que dans les citésdéclinantes, aussi tolérée dans les bastions de l’Église que dans les régions de défaillances
      catéchétiques », expliquait naguère Jacques Rossiaud.
      Ce sont les municipalités qui prennent en main le mouvement, ouvrant des bordels après avoir obtenu de l’État l’autorisation de le faire, ou laissant de riches personnalités ouvrir des maisons particulières plus pour les clients plus délicats. Tout une population masculine, mariée ou non, au sein de laquelle les gens de justice, les ecclésiastiques, les artisans et les compagnons sont majoritaires, trouve ainsi de quoi se satisfaire de multiples manières, auprès de femmes qui sont souvent
      d’anciennes victimes de viols collectifs, ou des femmes battues ayant fui le domicile conjugal. La prostitution s’avère ainsi à la fois un ciment de la solidarité masculine (longtemps entravée par les différences de classe, d’âge et d’ordre), et un modèle de gestion des relations avec les femmes (les « communes » aussi bien que les autres, qui doivent faire avec l’existence des premières, et se montrer
      suffisamment dociles pour ne pas passer d’un groupe dans l’autre).

      #prostitition #culture_du_viol #chasse_aux_sorcières #domination_masculine #fraternité

  • ‪L’alimentation, arme du #genre‪ | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-journal-des-anthropologues-2015-1-page-19.htm

    Ce dossier est le fruit d’une rencontre entre trois sociologues et une socio-anthropologue autour du constat suivant : un vide théorique caractérise le croisement des champs du genre et de l’ #alimentation dans le monde francophone. L’appel à contribution lancé en 2014 par le Journal des anthropologues avait pour objectif de sonder ce vide et de permettre l’émergence de questionnements inédits et de données susceptibles d’alimenter le peu d’études empiriques disponibles sur le sujet. Nous espérions, par cet appel, « essayer de savoir et de faire savoir ce que l’univers du savoir ne veut pas savoir », selon la formulation de Bourdieu (1997 : 14).
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    Les études sur l’alimentation et les études sur le genre ont plusieurs points communs [1]
    [1] Jarty J., Fournier T. « Mise en perspective des problématiques...
    . Elles ont dû extraire leurs objets de la gangue naturaliste où la pensée commune – et savante – les tenait (non, l’alimentation ne sert pas qu’à combler des besoins vitaux ; non, les catégories « hommes » et « femmes » ne sont pas données par la nature). Elles sont par constitution transdisciplinaires. Et elles entendent rendre compte dans toute sa complexité du fonctionne­ment de politiques sociales qui cherchent à s’ignorer comme telles (Lapeyre, 2014). À tous ces titres, elles ont rencontré des résistances académiques majeures.
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    Aujourd’hui en France, elles constituent des champs émergeants, et toutes deux font partie des axes prioritaires du CNRS. Mais ces axes restent étrangers l’un à l’autre. L’absence de connexion est très visible. La thématique de l’alimentation est quasiment absente de l’Introduction aux études sur le genre disponible en France ; les auteur-e-s y consacrent seulement un en­cart dans leur chapitre sur la socialisation (Bereni et al., 2012 : 119), constitué par un extrait de La Distinction de Bourdieu. Les études sur l’alimentation, de leur côté, n’ont pas pour cadre de référence le corpus théorique des études sur le genre. Si le sexe est régulièrement pris en compte comme variable sociologique, les données sont da­vantage interprétées au travers de la grille de lecture fournie par la sociologie de la famille (Bélorgey, 2011), hormis quelques travaux qui tentent de la dépasser (voir par exemple Corbeau, 2004 ; Fournier, 2012). Et les tensions sont particulièrement saillantes entre les études sur le genre et les recherches sur la famille, ces dernières n’ayant pas pour point de départ la question théorique des inégalités – particulièrement celles produites au sein de l’institution familiale (Ferrand, 2004).

    • Celui là aurais aussi sa place ici : https://seenthis.net/messages/633249

      il est mentionné aussi ici : https://seenthis.net/messages/577723#message651898

      L’anthropologue américain Robert Brightman, dans un article inti­tulé « La division du travail de quête alimentaire : biologie, tabous et politiques du genre », a proposé, à la suite de Tabet, que « la créa­tion et la reproduction sociale de la division genrée du travail chasse/collecte dérivent de l’appropriation intéressée par les hommes du travail de chasse, et du capital social accumulé de ses produits » (Brightman, 1996 : 718).

    • Une idée revient fréquemment dans le discours des socio­logues et des ethnologues qui n’ont pas chaussé les lunettes du genre : les femmes, étant tout le temps en cuisine, pourraient en réalité se réserver les meilleurs morceaux, et en tout cas manger à leur faim. Margarita Xanthakou, à partir de son terrain dans la région du Magne en Grèce (effectué il y a quarante ans) s’insurge contre cette « profonde idiotie ». Elle a constaté, tout au contraire, que les femmes se privent de viande pour leurs maris ou leurs fils, et que, « même les tomates », quand celles-ci sont rares, sont mises de côté pour les hommes, par les femmes elles-mêmes [4][4] Ethnologue, directrice de recherche émérite au CNRS.... La socialisa­tion au sacrifice est un des moyens par lequel les femmes sont sans doute amenées à ne pas remettre en question l’injustice alimentaire. La ségrégation des repas (ségrégation de lieu et/ou temporelle avec préséance des hommes) remplit très certainement une fonction similaire, car ne pas voir manger les autres est aussi une façon de ne pas avoir directement sous les yeux l’injustice. L’article d’Atse et d’Adon répète ce que bon nombre de travaux ont déjà noté sur le continent africain, en Europe rurale et ailleurs : les hommes, les enfants et les femmes forment des groupes qui mangent séparément. Cet article fait observer que les prérogatives masculines, si insatisfaites, sont rappelées par la violence : les hommes s’attendent à consommer les morceaux qui leur reviennent et les sanctions qui attendent les femmes en cas d’« oubli » ne sont pas particulièrement enviables. Loin de la socialisation au sacrifice, les femmes sont empêchées de manger ce qu’elles veulent parce qu’elles sont mena­cées, au sens propre, par les hommes. Mathieu, dans ses séminaires [5][5] « Anthropologie des sexes », à l’EHESS, Paris, dans..., n’a jamais cessé de rappeler que la domination n’est pas juste « symbolique » comme l’écrit Bourdieu, mais qu’elle est maintenue par une violence très concrète de la part de ceux qui ont intérêt à préserver leurs privilèges alimentaires. Dans leur approche critique de la notion de gatekeeper (Lewin, 1943), les sociologues Alex McIntosh et Mary Zey ont fourni des considérations épistémolo­giques précieuses : « la responsabilité n’est pas équivalente au con­trôle » disent-ils (1998 : 126). Ce qui signifie, comme le dit aussi Counihan (1999) que ce n’est pas parce que la nourriture est aux mains des femmes que les femmes en disposent selon leur bon vouloir, et encore moins pour en obtenir un pouvoir.

      Sur le consentement à l’oppression voire aussi ; https://seenthis.net/messages/396369#message396385

    • Concernant la répartition des viandes, quand celles-ci sont bouillies, les ethnologues peuvent aussi dire qu’il ne peut y avoir discrimination quand les gens mangent dans le même plat. Un argument entendu lors d’un séminaire de recherche [6][6] Séminaire de Cécile Barraud, EHESS, Paris, fin des... (fourni par un ethnologue océaniste) était que les aliments étaient tellement dissous par la cuisson qu’on ne pouvait reconnaître aucun morceau en particulier. Cet argument était avancé pour dire que même si les hommes avaient des morceaux attribués, ils ne pourraient en aucun cas les reconnaître dans la marmite et se les octroyer. L’article « Le gras viril et le maigre féminin » de G. Lacaze offre quelques données permettant de reconsidérer cet argument, même si c’est dans un tout autre contexte culturel. Chez les Mongols, dit-elle, l’alimentation quotidienne est constituée d’une soupe qui est en fait assez largement constituée de gras dissous. La consommation du gras – c’est d’ailleurs le sujet de son article – est la prérogative des hommes. Le contenu quotidien de la marmite est genré : le dessus − jugé comme étant le meilleur par les gens eux-mêmes – est attribué aux hommes, le fond, aux enfants et aux femmes. Est-ce une remarque d’une telle évidence que l’on ne pense pas à le mention­ner : le gras, élément plus léger que l’eau, surnage. Ainsi, le dessus de la marmite est effectivement plus riche en gras que le fond. Or c’est par ce type de considération que la question du genre peut être reliée à la question nutritionnelle. À quantité équivalente de protéines et de glucides, les lipides possèdent une valeur énergétique plus de deux fois supérieure : c’est aussi un fait bien connu des sociétés occidentales lipophobes. Le problème est bien ici de réussir à relier plusieurs champs du savoir. Un-e ethnologue recourant à une interprétation symboliste pourrait expliquer – au hasard – que si le dessus de la marmite est attribué aux hommes et le fond aux femmes, c’est à cause de l’association du haut avec ce qui est mas­culin et du bas avec ce qui est féminin. Ce type d’interprétation « symbolique » se donne l’apparence d’une analyse en termes de genre sans en être une. Les résultats de G. Lacaze offrent la possibi­lité de véritablement déplier une analyse en termes de dispositif de genre. Ils permettent en effet une mise en regard de l’association « symbolique » du masculin au gras et du féminin au maigre, des pratiques culinaires, du monopole réel des hommes sur les graisses, et de divers discours ethnophysiologiques (caractère goûteux et/ou énergétique de la graisse). Cette analyse permettrait elle‑même d’ouvrir sur une perspective comparative, car bien évidemment, le monopole masculin sur les graisses et leur extrême valorisation gus­tative ne sont pas propres aux Mongols (Touraille, 2008 : 305, 312).

      #marmite
      @simplicissimus cet extrait sur la division de genre de la viande chez les Mongoles devrait t’interesser

    • Sur l’ #alcool et le #genre

      Un article de ce numéro traite aussi du « boire » en France. Dans « Le genre de l’ivresse », N. Palierne, L. Gaussot et L. Le Minor, montrent que, contrairement à certains préjugés en vigueur, il n’existe pas de véritable mouvement d’égalisation de la consomma­tion d’alcool entre hommes et femmes au sein des générations les plus jeunes de Poitiers (population étudiante). Les auteurs observent un écart important entre le boire des femmes, qui donne lieu à un important contrôle (corporel et comportemental), et le boire des hommes, davantage lié à l’expression d’une masculinité qui favorise l’ostentation, l’excès, la prise de risque, et, par voie de conséquence, la dépendance alcoolique. La thématique du contrôle nous amène à envisager un autre aspect de la consommation différentielle. Dans les sociétés industrialisées, les femmes ne sont pas l’objet d’interdits alimentaires comme dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs ou dans les sociétés d’agriculteurs et d’éleveurs, présentes et passées. Pourtant, elles expérimentent des pressions sociales dont l’alimentation est aussi l’instrument, et qui ne sont pas moins redoutables : celle du contrôle de leur apparence corporelle, et dans une certaine mesure aussi, celle de leur pensée.

    • Sur la #grossophobie en lien avec le #care

      L’alimentation affecte le corps des individus tant par le biais des pratiques de consommation alimentaire différenciées que par celui de la division sexuelle du travail. S’il ne s’agit plus, ici, de restrictions et de tabous engendrés par le monopole des hommes sur les aliments protéinés, il s’agit cependant, là aussi, de pratiques de restrictions ciblant plus intensément les femmes que les hommes. L’article de S. Carof « Le régime amaigrissant : une pratique inégalitaire », confirme ce qu’une importante littérature a mis depuis longtemps en évidence (Counihan & Kaplan, 1998 ; Beardsworth et al., 2002 ; Gough, 2007) : les femmes se privent plus de manger que les hommes. Elles le font pour suivre l’injonction à réduire les proportions de leurs corps bien au-delà des recommandations médicales de santé. Ce façonnage est, pour certaines, impossible à atteindre biologiquement sans privations alimentaires importantes. Les hommes, de leur côté, manifestent une certaine complaisance pour leur propre masse graisseuse quand celle-ci semble confirmer la puissance « virile » de leur corps. Ce rapport au « gras viril », selon l’expression de G. Lacaze, qui ne s’élève cependant pas à celui des Mongols (mais offre des voies de comparaison), permet aux hommes un rapport moins obsessionnel à la nourriture (Sobal, 2005). L’alimentation représente le moyen principal de cette pression omniprésente à la minceur pour les femmes. Cette pression n’est pas imaginaire : dans certains milieux et dans bien des domaines du travail salarié, la minceur fait partie d’une caractéristique obligée pour les femmes, au même titre que le maquillage par exemple ou le port de talons (S. Carof). L’article « Moi, je ne demande pas à entrer dans une taille 36 » d’O. Lepiller interroge de son côté le recours beaucoup plus important des femmes à la chirurgie bariatrique. L’auteur montre de manière très incisive que l’injonction esthétique n’est plus vraiment opérante pour les femmes de plus de 45 ans qui tombent dans la catégorie médicale de l’obésité. La mise au rebut sexuel des femmes associée au concept de « ménopause » (Delanoë, 2007) et surtout les nouvelles charges de travail qui s’imposent à elles en termes de care sont évoquées pour expliquer le désir des femmes obèses de maîtriser une corpulence devenue incompatible avec le travail du care (Molinier, 2013). La pression du care augmente en effet pour les femmes à partir de cette tranche d’âge avec la prise en charge supplémentaire des membres vieillissants de la famille, ou des petits‑enfants, comme on le voit bien dans l’article de O. Lepiller. Les deux dernières études présentées dans ce dossier permettent de penser le corps des femmes comme dominé par l’alimentation au travers des deux grandes aires d’action du dispositif du genre : la sexualité et le travail (Clair, op. cit.).

    • Sur l’impacte psychologique des privations de #nourriture

      L’alimentation affecte aussi la pensée des individus. L’obnubilation de la nourriture qui tient les femmes est bien soulignée par S. Carof : le fait que les femmes sont amenées en permanence à penser à la nourriture pour contrôler leur corpulence à travers ce qu’elles vont, ou ne vont pas manger, ou de ce que mangent les autres dans le cadre de la division sexuelle du travail (articles de P. Cardon et d’H. Prévost), fonctionne comme une forme de colonisation et de domination de la pensée par l’alimentation. Comme le dit très bien une informatrice de S. Carof, quand on pense à la nourriture, notamment pour ne pas y succomber, on a du mal à se concentrer sur autre chose. Au xviiie siècle en Europe, le pain au chanvre qui plongeait les catégories sociales les plus pauvres dans un état d’hallucination permanent est décrit par l’historien P. Camporesi (1981) comme le moyen trouvé par les élites d’empêcher que les pauvres ne prennent conscience des injustices subies et s’insurgent contre l’ordre social. De même, l’ordre alimentaire genré rend les femmes tellement obsessionnelles de ce qu’elles ont le droit de manger, ou de ce qu’elles ne doivent pas manger, qu’il leur reste peu de temps pour prendre conscience des tenants et des aboutissants de ces normes et pour essayer de s’en libérer. Même si beaucoup de femmes s’autorestreignent et s’autocontrôlent (Germov & Williams, 1996 ; Saint Pol, 2010), et que personne ne leur enlève le pain de la bouche au sens littéral, celles-ci semblent toujours sous le coup d’une instance de jugement alimentaire. Entendre une femme qui s’excuse tout haut devant les autres de manger plus qu’elle ne devrait est la norme en France. Quant à celles qui sortent un tant soit peu du canon attendu (avec de sérieuses différences suivant les classes sociales cependant), les remarques en passant, les conseils alimentaires, ou les interventions nettement désobligeantes en provenance de l’entourage familial (notamment masculin) jalonnent leur vie, comme le rappellent S. Carof et O. Lepiller. Il existe donc bien un véritable rappel à l’ordre de la ligne (corporelle) pour les femmes françaises, qui ne consiste pas seulement en des pressions exercées par des images au travers des médias, mais qui relève aussi d’une contrainte et d’une violence psychologique réelle exercée par le cercle familial et professionnel, exactement comme P. Atse et P. Adon le décrivent pour les femmes akyées si elles ne respectent pas les prérogatives masculines sur certains morceaux de viande, ou comme le décrivent Manirakiza et al. pour les Yaoundéennes qui « osent » manger le gésier de poulet.

    • Sur l’alcoolisme des hommes et le fait qu’il cause plus de dégats sur les femmes et les enfants que sur les hommes...

      L’ordre alimentaire genré favorise presque immanquablement l’apparition d’inégalités de santé entre femmes et hommes. H. Prévost évoque les problèmes des femmes béninoises réassignées aux tâches alimentaires et en proie à la fatigue. P. Cardon évoque les difficultés des femmes atteintes d’un handicap physique qui ne peu­vent pas compter sur leur conjoint pour assumer les tâches culinaires et donc redoublent leurs efforts. P. Atse et P. Adon suggèrent les effets délétères des inégalités alimentaires sur la santé reproductive des femmes chez les Akyé. G. Lacaze évoque une malnutrition avé­rée des femmes mongoles. S. Carof et O. Lepiller rappellent que les régimes engendrent des comportements addictifs envers la nourri­ture. Ils suggèrent que l’injonction qui pèse sur le corps des femmes, associée aux charges de préparation des repas, crée un environne­ment pathogène générant des souffrances physiques et psychiques et favorisant in fine des prises de poids que seules les chirurgies, à un certain point, viennent soulager. Dans d’autres cas, plus rares, ce sont les hommes qui développent une souffrance psychique du fait de leur incompétence culinaire acquise et semblent alors être dominés, plus que bénéficiaires, de la division des rôles dans la préparation des repas (P. Cardon). De même, ce sont les hommes qui sont amenés à développer des problèmes de santé du fait du lien entre consommation d’alcool et construction de la masculinité. L’article « Le genre de l’ivresse » incite à affirmer que les corps et la pensée des hommes sont plus dominés par la boisson que ceux des femmes ne le sont. Prise sous l’angle du genre, la question des conséquences de la dépendance alcoolique sur l’entourage (Fainzang, 1993) enjoint néanmoins à pousser l’analyse en se demandant si les femmes (et les enfants) ne souffrent pas autant, sinon plus, de l’alcoolisme des hommes que les hommes eux‑mêmes.

      #renversionnite #inversion_patriarcale

    • #merci @mad_meg

      l’article de Gaëlle Lacaze (et son résumé)


      Journal des anthropologues
      2015/1 (n° 140-141), pp. 173-191

      Le maigre féminin et le gras viril chez les Mongols‪ | Cairn.info
      https://www.cairn.info/revue-journal-des-anthropologues-2015-1-page-173.htm

      Cet article examine l’influence des relations genrées sur les pratiques alimentaires chez les Mongols darhad. Dans les conceptions alimentaires, les techniques culinaires et les usages de consommation des pasteurs nomades, les inégalités genrées constituent un principe structurant. Néan­moins, chez les Mongols, où adaptabilité et flexibilité sont de rigueur, les inégalités apparaissent à l’observateur moins franches dans les pratiques que dans les discours.