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  • C’est moi ou le prix du billet de train, déjà cher, qu’on a besoin de prendre pour remplacer le billet qui a été annulé, hé ben il a augmenté pendant que je faisais mes recherches ? Pareil pour l’avion : pas très cher en début de recherche, et en quelques aller-retours entre différents sites Web, c’est devenu hors de prix. Et finalement il n’était plus disponible donc on a dû changer de jour (tout aussi hors de prix, je te rassure).

    C’est cool les algorithmes qui profitent du fait que les gens n’ont plus trop de latitude à cause des grèves pour continuer à augmenter les prix affichés en live…

    • non, ce n’est pas toi, c’est probablement l’afflux de demandes au moment où tu réservais. Si c’est possible, quand tu constates que ça varie vite, tu poses une option pour (à peu près) bloquer le temps de la recherche.

      Sinon, il me semble que, dès la mise en œuvre du yield management à la SNCF (ah, Socrate ! …), il avait été constaté (et expliqué) que le tarif montait quand tu revenais sur une recherche qui n’avait pas abouti. Et ce, indépendamment de l’éventuel remplissage du train entretemps. Mais c’était peut-être une légende urbaine…
      (ah, je vois que pendant la préparation de mon commentaire, @sandburg valide…)

      et, en cherchant un peu, je tombe sur cet article sur l’historique de la tarification à la SNCF

      La construction des prix à la SNCF, une socio-histoire de la tarification | Cairn.info
      De la péréquation au yield management (1938-2012)
      Jean Finez
      Dans Revue française de sociologie 2014/1 (Vol. 55), pages 5 à 39
      https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2014-1-page-5.htm

      L’histoire de la tarification ferroviaire est assurément une histoire de la complexification des modèles de prix. Le yield management transforme profondément les conditions de rencontre entre l’offre et la demande, puisqu’elle voit s’affronter les puissants algorithmes du Centre d’optimisation commerciale et les clients potentiels, en situation d’information asymétrique. Les voyageurs semblent s’être accommodés de cette situation et avoir intériorisé le fait qu’il est possible de circuler sur le réseau à moindre prix à condition de passer du temps devant son ordinateur, d’être certain de ne pas changer d’avis (les billets les moins chers sont non échangeables et non remboursables), d’être flexible dans ses horaires, d’anticiper l’évolution probable du prix des billets d’un jour à l’autre, etc. Dès lors, le dispositif du yield management – dont le fonctionnement et le principe sont fondés sur l’hypothèse standard de l’homo œconomicus – a-t-il eu des « effets de théorie » (Garcia, 1986) sur le comportement des voyageurs ? Dans quelle mesure la logique calculatoire nécessaire à l’achat de son titre de transport transforme-t-elle les usagers des transports en consommateurs rationnels ?

    • Oui, c’est ce que j’ai pensé :
      – sans doute avant tout l’« offre et la demande » en temps réel, le nombre de places diminue rapidement alors l’algorithme en profite pour augmenter les prix ;
      – possiblement de l’IP tracking par-dessus le tout.

      Déjà en temps normal je trouve que c’est insupportable ces produits dont le prix change en temps réel. Mais là en période de grèves, et alors que les gens sont en train de remplacer leurs billets achetés pas chers il y a des semaines/mois annulés au dernier moment, en étant obligés d’acheter des billets 3 fois plus chers, c’est carrément répugnant.

  • « Les mouvements dits féministes ne font objectivement que maintenir les femmes dans la dépendance, s’ils ne cherchent pas à s’attaquer aux causes mêmes de cette situation, au régime capitaliste »

    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1960-1963/article/avec-les-femmes | #archiveLO (Lutte de classe n°9 - 6 mars 1961)

    #capitalisme #féminisme #droits_des_femmes #lutte_de_classe #marxisme

    • Commentaire déplacé.

      Depuis toujours, pour des marxistes, la seule perspective permettant de combattre l’oppression des femmes, c’est de combattre l’exploitation capitaliste et l’ordre social bourgeois qui maintient cette oppression, et c’est donc de militer pour l’unité de la classe ouvrière, pour que les travailleuses et travailleurs soient conscients de leur identité de classe, au-delà des différences de sexe, de nationalité ou de religion. Louise Michel écrivait déjà : « Le sexe fort est tout aussi esclave que le sexe faible, et il ne peut donner ce qu’il n’a pas lui-même ; toutes les inégalités tomberont du même coup quand hommes et femmes donneront pour la lutte décisive. »

      Dire que le combat féministe ne peut aboutir que par la transformation de toute la société n’est ni minimiser l’importance de ce combat, ni faire preuve de masculinisme (ni de condescendance, ni de stupidité), c’est rappeler une des idées de bases du mouvement ouvrier révolutionnaire – l’idée selon laquelle, dans le fond, une société fondée sur l’exploitation ne pourra jamais être en même temps fraternelle et égalitaire.

      C’est le refus de raisonner en termes de classes sociales qui conduit à des aberrations, comme la thèse d’un privilège masculin ou d’un patriarcat indépendant des classes sociales, et qui amène à dénoncer stupidement les hommes dans leur ensemble, et non les responsables et bénéficiaires de l’exploitation.

    • Mais je ne refuse pas de raisonner en termes de classes sociales, c’est toi et ton mouvement qui refuse de raisonner en terme de sexisme. Pour moi les deux combats sont à mené ensemble, pas l’un au détriment de l’autre, comme le demande ton texte méprisant pour les femmes et les féministes.

    • + 💯 pour @mad_meg
      On comprend très bien les biais de classe quand des «  féministes  » construisent leur «  émancipation  » sur le dos de leur nounou exploitée.
      Et on comprend très très bien le sexisme des orgas de «  gauche  » qui nous voit bien les «  aider  » et les «  soutenir  », mais qui refusent de voir le sexisme et le harcèlement dans leurs rangs «  pour ne pas nuire à la cause  ».

      Bref, ras le cul d’être la «  caution nichons  » des orgas anti-capitalistes qui nous considèrent au mieux comme des «  repos du camarade  » au pire comme «  des chieuses ou des égoïstes  », quand on refuse «  d’attendre notre tour  » dans les combats en cours.

      Les testiculés ne se rendent pas compte qu’ils sont pour les femmes de gauche comme les patrons pour les ouvriers  : des foutus silencieurs et exploitateurs qui n’iraient pas bien loin dans leurs combats sans nous pour tenir les orgas et rater les réunions pour garder les lardons  !

    • J’ai assisté, au siècle dernier (désolé, encore un témoignage de papy cabou), à un débat entre une camarade féministe et deux militant·es « marxiste-léniniste » (de tendance maoïste) dont les arguments de l’une et des autres ressemblent beaucoup aux termes des échanges présentés ci-dessus.

      L’argument fatal, lancé par l’un des militant·es « marxiste-léniniste » était que le propos énoncé par la féministe « n’était pas marxiste », ce à quoi, il lui a été répondu spontanément un splendide « je m’en fous ! »

    • 1. LO est ici visé sans raison en lui associant des propos débiles de « testiculés qui ne se rendent pas compte » et des comportements sexistes d’ « orgas anti-capitalistes qui considèrent [les femmes] au mieux comme des "repos du camarade " au pire comme "des chieuses ou des égoïstes " ».

      Je comprends qu’on puisse ignorer que le sexisme, par principe, n’a pas sa place à LO, je pardonne moins qu’on puisse affirmer le contraire sans savoir, qui plus est à l’aide d’amalgames de bas étage.

      Ne saviez-vous pas qu’on ne peut se dire communiste sans combattre le sexisme au quotidien ?

      Que cela fait partie des responsabilités naturelles de tout militant ouvrier communiste révolutionnaire que de ne laisser s’épanouir, sur son lieu de travail (et, à plus forte raison chez lui), aucun comportement sexiste (ni aucun comportement homophobe ou raciste) ?

      Faut-il sérieusement rappeler cette évidence ?

      2. LO refuse en effet de raisonner seulement "en terme de sexisme", LO affirme seulement que la façon la plus conséquente de combattre l’oppression des femmes et le sexisme est de lutter contre le capitalisme et de mettre fin à l’exploitation.

      Car c’est seulement lorsque l’humanité se retrouvera en situation de récupérer le fruit de son travail, de remettre la main sur ce qui lui appartient et, partant, de partir des besoins de tous pour décider démocratiquement ce que l’on produit, comment on le produit, comment on le transporte, comment on le recycle, qu’elle sera enfin en capacité de répondre à toutes les oppressions qui pourrissent son existence.

      3. Critiquer l’impasse du mouvement féministe qui ne prend pas en compte le combat contre le système capitaliste n’est pas faire preuve de mépris. Ou alors la critique est synonyme de mépris, et nous devrions simplement nous taire et cesser de militer.

      Cette façon de maudire son interlocuteur qui ne partage pas ses vues et de le taxer gratuitement de mépris n’est pas digne.

      Les militants révolutionnaires que nous sommes ne disent pas leur « mépris » en critiquant les luttes contre les oppressions, ils pointent leurs limites (c’est notre responsabilité) quand elles restent fondamentalement étrangères à la lutte de classe et à la nécessité de la révolution sociale.

      Le but de LO, c’est la conquête du pouvoir politique par le prolétariat. C’est dans cette seule perspective que LO considère les luttes contre les oppressions. Si elles ne sont pas orientées dans ce but, elles ne seront jamais un moyen de les « combattre ».

      4. Nous ne disons pas en effet que « les deux combats sont à mener ensemble », nous disons que le sexisme fait partie de notre combat.

      Parce que les luttes ouvrières sont la condition de tout combat conséquent contre le sexisme.

      Parce qu’il n’y a strictement aucun combat contre les oppressions qui, pour faire valoir sa cause et se garantir les conditions de la victoire, ne pourra faire l’économie de rejoindre, corps et âme, le combat essentiel, le seul à même de renverser la classe capitaliste et de liquider son système, le combat de la classe ouvrière.

      C’est la raison pour laquelle qu’à tous ceux qui nous disent leur révolte contre le sexisme, nous n’avons qu’une seule réponse : tout dépend de la lutte des travailleurs contre la société capitaliste.

    • tout dépend de la lutte des travailleurs contre la société capitaliste.

      Oui, et non.

      Oui, ok, le capitalisme disparu, ce sera le paradis sur terre, on est tout·e·s d’accord.

      Non, il est hors de question de dénigrer ou minimiser les efforts de ceux qui luttent contre toutes formes de violences dès maintenant, au prétexte qu’il y aurait une lutte supérieure.

      Non, dans son essence, le féminisme ne maintient pas les femmes dans la dépendance. Le féminisme n’est pas une roue de secours du capitalisme ou du patriarcat. C’est crétin d’exprimer une telle idée.

    • Critiquer l’impasse du mouvement féministe qui ne prend pas en compte le combat contre le système capitaliste n’est pas faire preuve de mépris

      Croire qu’il y a UN mouvement féministe montre ton ignorance profonde de ces luttes, il y a des centaines de courants et si je suis d’accord pour critiqué le féminisme libéral c’est pas ce que tu fait ni LO. Tu lance des affirmations creuses, non la fin du capitalisme ne sera pas forcement favorable aux femmes et personne ne demande aux LO de ne pensé QU’en termes de sexisme, c’est vous à LO qui exigez des femmes qu’elles abandonnent certaines causes à votre profit. Il y a des féministes maxistes, et votre texte les traite comme si elles n’existaient simplement pas.

      De toute façon c’est certain qu’aucune féministe ne sera convainque par ta messe exhalée de phallocrate et en ce qui me concerne, notre échange me fait voire LO d’un très mauvais œil désormais.

    • Je suis féministe, @biggrizzly, je considère que le combat féministe appartient intégralement au combat qui est le mien. Je ne considère donc pas que « le féminisme maintient les femmes dans la dépendance ».

      Je considère en revanche, et c’est la phrase du texte de 1961 proposé ci-dessus, que « tous les mouvements dits féministes ne font objectivement que maintenir les femmes dans la dépendance s’ils ne cherchent pas à s’attaquer aux causes mêmes de cette situation, au régime capitaliste ».

      Partant, nous ne « dénigrons ni ne minimisons les efforts de ceux qui luttent contre toutes formes de violences dès maintenant au prétexte qu’il y aurait une lutte supérieure », nous les critiquons, nous en dénonçons les limites.

      Non au nom d’une « lutte supérieure », mais au nom de la seule lutte (féministe, aussi par définition) qui est susceptible d’assurer les conditions de la disparition de l’oppression des femmes.

      Il n’y a nulle trace dans l’héritage du marxisme de programme visant à enfermer les victimes d’oppressions (racistes, sexistes, homophobes, etc.) dans leur prétendue spécificité. Il y a au contraire la conviction que le problème fondamental de la société, qui conditionne tous les autres, c’est la nécessité d’arracher le pouvoir à la bourgeoisie.

      « Le paradis sur terre », ce n’est pas notre vision des choses. Il ne s’agit pas de fantasmer : la liquidation du capitalisme ne signifie évidemment pas que les oppressions disparaitront par magie du jour au lendemain. Cela signifie que l’humanité sera enfin en capacité d’y répondre.

    • Je ne considère pas, @mad_meg, qu’il n’y aurait qu’UN mouvement féministe (ce serait en effet consternant de bêtise), le texte de 1961 propose seulement de montrer les limites, à nos yeux, de tout mouvement féministe qui ne pose pas le problème de l’expropriation de la classe capitaliste par la classe ouvrière.

      Il n’est pas très sérieux non plus d’écrire que « LO exige des femmes qu’elles abandonnent certaines causes à [son] profit ». Les militantes qui, après des débuts militants dans des organisations spécifiquement féministes, ont rejoint LO, elles l’ont fait en conscience et nullement sous la contrainte. Avec la conscience que c’est la révolution prolétarienne qui peut seule assurer la victoire des droits des femmes.

      « La fin du capitalisme ne sera pas forcement favorable aux femmes », c’est vrai si le mouvement ouvrier n’en est la cause, et si la chute du capitalisme n’est dû qu’à son seul pourrissement. Je milite précisément pour que dans sa chute, il n’entraine pas l’humanité avec lui...

      Je vois que, par ailleurs, sans me connaitre (ni connaitre du reste les valeurs du mouvement ouvrier révolutionnaire), tu n’hésites pas à m’insulter ("phallocrate"). J’espérais plutôt que tu comprennes un peu mieux mes idées et la logique qui les anime – et qui sont à l’opposé exact des préjugés et des contresens que tu continues de défendre.

      Deux choses : j’espère que tu nous rencontreras ou que tu viendras à la fête de LO un jour... pour, décidément, mieux nous connaitre.

      En attendant, cet extrait d’un bouquin (1996) d’Arlette Laguiller (et, plus précisément, d’un chapitre consacré « aux droits des femmes ») :

      Je ne crois pas que les féministes proprement dites, celles pour qui le seul, ou du moins le principal problème, est celui des inégalités entre les sexes, se soient beaucoup reconnues dans mes interventions, parce que c’est en communiste que je défendais les droits des femmes.

      Je ne m’en cachais pas. Et j’ajoutais, dans la même intervention : « Pour les socialistes révolutionnaires, l’égalité de l’homme et de la femme n’est pas un droit, c’est un fait. Si la femme occupe aujourd’hui une situation inférieure à celle de l’homme, ce n’est pas dù à son manque de capacité qui n’existe que dans la tête des réactionnaires, c’est parce que nous vivons dans une société d’exploitation, qui repose sur l’injustice et l’inégalité. [...] c’est précisément parce que j’appartiens à un mouvement révolutionnaire que je suis là ce soir et que je peux parler pour toutes les femmes. »

      Je suis fière en effet d’appartenir à un courant qui a engagé la lutte contre l’oppression des femmes au milieu du XIXe siècle, il y a cent cinquante ans, à une époque où la quasi-totalité des intellectuels bourgeois considérait que le rôle « naturellement » dévolu à la femme était celui d’épouse soumise à son mari, et celui de mère. Je suis fière d’appartenir à un mouvement qui, alors que la plupart des grandes écoles, des professions intellectuelles, étaient encore fermées aux femmes, et certaines pour longtemps, a compté dans ses rangs des dirigeantes aussi prestigieuses que Rosa Luxemburg ou Clara Zetkin.

      Je me réclame de ceux qui, dans la Russie arriérée de 1917-18, élaborèrent un code de la famille établissant l’égalité absolue entre le mari et la femme, firent du divorce une affaire simple et d’ordre privé en cas de consentement mutuel, et entreprirent de révolutionner les institutions familiales, y compris dans les régions les plus reculées de l’ex-Empire tsariste, en engageant le combat contre toutes les atteintes aux droits et à la dignité des femmes, comme le port du voile, le mariage des petites filles et la polygamie, dans les régions musulmanes.

      Le pouvoir soviétique naissant jeta effectivement les bases, en pleine guerre civile, d’une législation bien plus démocratique que celle qui régissait alors les pays bourgeois les plus avancés.

      Il existe aujourd’hui, dans les partis de droite, un certain nombre de femmes (pas très important, il est vrai) qui jouent un rôle politique. Ces femmes-là se félicitent volontiers des progrès de la condition féminine, mais elles affichent en même temps des convictions conservatrices, hostiles aux idées socialistes. Elles devraient bien se demander, pourtant, quels hommes incarnaient en leur temps les idées de l’avenir et vraiment démocratiques : ces parlementaires, tenants comme elles du « libéralisme économique et politique », qui, jusqu’en 1945, en France, refusèrent obstinément le droit de vote aux femmes ? Ou bien les militants révolutionnaires qui considéraient la lutte pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes comme l’un des aspects de leur combat ?

      Que les femmes politiques de la bourgeoisie se réfèrent, si elles préfèrent cela, à ce sénateur qui déclarait hypocritement que « plus que pour manier le bulletin de vote, les mains des femmes sont faites pour être baisées ». Je préfère, pour ma part, me réclamer de l’ouvrier tourneur August Bebel (l’un des dirigeants du Parti socialiste allemand), qui publia en 1883 un livre intitulé La Femme, dans le passé, le présent et l’avenir, qui devint en ce domaine l’ouvrage de référence du mouvement ouvrier international.

      Bebel y écrivait : « Quelle place doit prendre la femme dans notre organisme social afin de devenir dans la société humaine un membre complet, ayant les droits de tous, ayant la faculté de développer pleinement et dans toutes les directions ses forces et ses aptitudes ? C’est là une question qui se confond avec celle de savoir quelle forme, quelle organisation essentielle devra recevoir la société humaine pour substituer à l’oppression, à l’exploitation, au besoin et à la misère sous leurs milliers de formes, une humanité libre...

    • « Tous les mouvements dits féministes ne font objectivement que maintenir les femmes dans la dépendance S ’ils ne cherchent pas à s’attaquer aux causes mêmes de cette situation, au régime capitaliste ». Cela signifie que le combat féministe ne peut aboutir que par la transformation de toute la société.

      Je trouve, @biggrizzly, qu’elle dit très justement ce que je pense.

      Avec cette conséquence (exprimée dans un texte plus récent) :

      Si des jeunes entrent en révolte contre cette société parce qu’elles et ils constatent qu’elle n’est pas capable de faire avancer les droits des femmes ni de faire reculer le racisme, c’est évidemment une bonne chose ; mais la seule perspective leur permettant de mener réellement ces combats, c’est de se tourner vers les idées communistes et vers la classe ouvrière, la seule qui peut jeter les bases d’une société réellement égalitaire en mettant fin à l’exploitation capitaliste.

    • @recriweb
      À aucun moment, je ne parle de LO.
      Je parle des comportements habituels et sempiternellement observés dans les orgas de gauche.

      En vrai, je pensais aussi à LFI qui a le féminisme en porte-étendard et qui s’est comporté comme tout le monde dans l’affaire Quatennens.

      Et ça fait bien chier  : silencier les femmes victimes de #VSS, ça dessert la cause.

      J’en suis au point où je me demande s’il ne va pas falloir lancer un parti non mixte.

    • Au temps pour moi, @monolecte...

      Quant à la pertinence d’un parti non-mixte (ou, à tout le moins, d’une organisation séparée des femmes), c’est un vieux débat que LO a eu et re-eu avec la LCR en son temps – qui était en faveur d’un mouvement autonome des femmes.

      Rouge pouvait donc écrire en 1974 :

      « Il n’est pas question de mettre dans un mouvement qui lutte contre l’oppression des femmes les oppresseurs. Or, les hommes sont objectivement des oppresseurs. »

      Ce à quoi LO répondait alors :

      Ce sont des propos de féministes et non des propos de militantes révolutionnaires. Les militantes de Rouge qui militent dans les groupes de femmes ont beau affirmer qu’« il est absurde de séparer lutte pour la libération des femmes et révolution socialiste » en affirmant la nécessité absolue d’un mouvement autonome des femmes, elles ne font soit qu’affirmer leur méfiance vis-à-vis du parti révolutionnaire, voire leur condamnation de celui-ci incapable, selon elles, parce que composé d’oppresseurs, de libérer la femme par la révolution socialiste, soit que séparer de fait la lutte pour la révolution socialiste réservée au parti, et la lutte pour la libération des femmes réservée aux femmes. En séparant la lutte pour la libération de la femme de la lutte pour la révolution socialiste, elles rejoignent bel et bien le féminisme bourgeois.

      C’était aussi un débat qui agitait les militants des partis communistes de l’IC avant le stalinisme. Ainsi 3e congrès se déclarait-il « énergiquement contre toute espèce d’organisation séparée des femmes au sein du parti, des syndicats, ou autres organisations ouvrières ». En revanche, il somme tous les partis communistes de se donner les moyens de mener un travail militant parmi les femmes, en préconisant la création de « commissions pour le travail parmi les femmes ». Cette décision, le 3e Congrès l’a rendue obligatoire pour tous les PC adhérant à l’IC.

    • La non-mixité, de mon point de vue fait partie des conditions – légitimes – de l’expression féministe.

      Ce point a d’ailleurs souvent représenté un sujet de clivage des plus virulents quand, dans le passé, Monsieur le militant révolutionnaire (quelle que soit son idéologie : socialiste, communiste, anarchiste, etc.) tenait en journée tout un tas de discours à propos de l’émancipation de la classe ouvrière et, qu’une fois rentré à la maison, il mettait les pieds sous la table en demandant à bobonne de lui servir son pot-au-feu et de mettre les gosses au lit. Dans ces conditions, il est tout à fait normal que les femmes se retrouvent entre elles pour reconstruire des espaces de liberté en rupture avec leur milieu, professionnel, familial et militant (qui se recoupent souvent).

      Considérant donc que l’affirmation politique féministe ne peut être construite, en toute autonomie que par les femmes-elles mêmes je me suis jamais considéré comme féministe, car homme, mais comme sympathisant de la cause féministe, aux côtés des femmes, solidaire et motivé pour participer activement à la mise en pièces immédiate et sans condition du patriarcat.

      Je suis convaincu que l’humanité, quelle qu’en soit le sexe et le genre des personnes qui la compose, a tout intérêt construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible.

    • D’abord, pourquoi ce ton, @cabou ("Monsieur le militant révolutionnaire") ? Au-delà de nos divergences, y avait-il quelque chose de méprisable dans ma façon de répondre et de m’expliquer ?

      Je suis convaincu comme toi que "l’humanité, quelle qu’en soit le sexe et le genre des personnes qui la compose, a tout intérêt à construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible." Du reste, c’est ce que j’ai expliqué plus haut en rappelant que c’est de la responsabilité de tout militant communiste révolutionnaire de défendre ses valeurs féministes, au quotidien, autant sur son lieu de travail que chez les siens.

      Est-ce à dire que tous les militants de LO sont "déconstruits" (comme on dirait désormais) et qu’ont disparu dans nos rangs tous les réflexes patriarcaux ? Malgré nos efforts constants, nous restons en partie conditionnés par la société dans laquelle nous sommes. Toutefois nous sommes convaincus que les militants révolutionnaires que nous sommes portent en eux ce qui est le meilleur possible en ce monde pourrissant. Et c’est parce que nous sommes convaincus de cela et en faisons la preuve tous les jours que nous pourrons convaincre les travailleurs de nous faire confiance, et aux femmes de notre classe de ne pas se laisser enfermer dans une « spécificité » qui obère une prise de conscience plus large.

      Je me souviens, pour l’anecdote, que lors de mes premiers pas à LO, en 1987, j’avais été impressionné par la rigueur des camarades sur cette question. Et, depuis, comme tous, je ne tolère en notre sein aucun écart. Je ne dis pas cela pour dire que nous serions malgré tout parfaits, je dis cela pour dire à quel point être féministe et donc refuser tout acte sexiste est, pour nous, une réalité de tous les jours... Une rigueur qui, tu le sais sasn doute, nous vaut d’être parfois moqués.

      Je ne pense pas comme toi que "l’affirmation politique féministe ne peut être construite, en toute autonomie, que par les femmes-elles mêmes". Je pense, au contraire, que contre le reflux important des idées progressistes, contre tous les courants politiques réactionnaires, contre tous les comportements sexistes, homophobes, racistes, il est vital que renaissent le mouvement ouvrier, ses combats, ses valeurs. Car ce sont les interventions massives, politiques et sociales, de la classe ouvrière, ses luttes, qui, comme par le passé, pourront faire progresser la société. Et en attendant, je pense (nous pensons) qu’il faut toute la conscience de classe d’un parti révolutionnaire socialiste pour surmonter au quotidien le poison du sexisme que les patrons entretiennent sans cesse au sein de la classe ouvrière afin d’amoindrir ses forces.

      Se réunir (entre victimes) pour parler d’agressions, faire part de son expérience pour s’aider soi-même à se reconstruire et à mieux se protéger mentalement, c’est une chose : c’est le sens d’un approche psychologique qui peut se justifier et que l’on retrouve dans d’autres contextes. Point n’est besoin de discuter de cette approche dont l’utilité, très pragmatique, est parfaitement concevable.

      Il en est une autre que de se réunir entre femmes pour discuter féminisme, entre homosexuels pour discuter homophobie, entre noirs ici ou maghrébins là pour discuter racisme (etc.). Le mouvement ouvrier n’a jamais cessé de se battre en montrant (au contraire) que sexisme, machisme, harcèlement, homophobie, racisme, etc. , mêmes ressentis comme « spécifiques » par leurs victimes, ne devaient pas moins être compris par tous comme le problème de tous, les uns avec les autres, et ce autour d’un seul combat combat commun, car le seul véritablement déterminant : en faveur de la révolution sociale.

      J’ajoute que le mouvement socialiste marxiste s’est construit en intégrant des militantes dans ses rangs et ainsi en ne laissant pas les préjugés sexistes diviser ses forces. Et c’est sans doute plus nécessaire que jamais aujourd’hui.

      Enfin, je ne me considère donc pas seulement « sympathisant de la cause féministe »… j’ai fait mienne cette cause. Je me considère donc comme féministe et je le revendique, au nom de tou(te)s les intellectuel(le)s qui ont défendu la cause des femmes au sein du mouvement ouvrier révolutionnaire.

    • Cette expression « Monsieur le militant révolutionnaire » ne s’adressait pas à toi, en particulier, @recriweb et je suis sincèrement désolé que tu l’ai prise personnellement. Elle ne visait pas non plus ton organisation politique. Nous ne nous connaissons pas dans le monde analogique et je ne me permettrais pas de porter ce type de propos sur une personne lors d’un échange sur le web.

      Cette expression, ainsi que le reste de la formule, je l’ai reprise, presque textuellement de critiques formulées par des militantes d’organisations d’extrême gauche et libertaires qui expliquaient les conditions dans lesquelles s’est constitué la revendication d’une expression politique féministe - non mixte - en rupture avec leurs orgas, dans les années 70.

      Pour le reste : comme parfois, mais pas toujours, nous constatons effectivement nos désaccords. Je ne considère pas qu’il s’agisse pour autant de divergences qui rendrait le débat impossible.

    • si nous faisions disparaître le capitalisme, non, ce ne serait pas le paradis sur terre, en tout cas pas l’harmonie générale. l’humanisation aurait encore partie liée à des formes de violence. on me dira que c’est réac de le prétendre (un pessimisme sur la « nature humaine »), or il suffit de penser à la souffrance psychique un tant soit peu sérieusement pour savoir que celle-ci n’est pas intégralement soluble dans la destruction de cette société et des rapports qui la constituent. et il en est pour une part de même des désirs et des actes de domination (dont le viol et le meurtre).

      (et puisque LO n’est bien sûr visé nulle part, je m’en charge : comme dans d’autres orgas à prétention révolutionnaire, dont l’existence à ceci de commun avec le vulgaire de se situer elle aussi sous la mauvaise étoile du machisme, un viol au moins a pu y être silencié, y compris au prix de cérémonies publiques visant à assurer la dénégation la plus ferme).

    • Je suis convaincu comme toi que « l’humanité, quelle qu’en soit le sexe et le genre des personnes qui la compose, a tout intérêt à construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible. » Du reste, c’est ce que j’ai expliqué plus haut en rappelant que c’est de la responsabilité de tout militant communiste révolutionnaire de défendre ses valeurs féministes, au quotidien, autant sur son lieu de travail que chez les siens.

      C’est des belles paroles de dominant , c’est vide et idiot. Exactement comme si tu te demandait pourquoi les patrons sont pas gentils avec les salariés et comment ca se fait qu’ils sont pas plus communistes au medef alors que tout le monde à un benefice à retiré de l’amour de son prochain et du partage égalitaire.

      Je suis convaincu comme toi que « l’humanité, quelle qu’en soit la classe des personnes qui la compose, a tout intérêt à construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible. » Du reste, c’est ce que j’ai expliqué plus haut en rappelant que c’est de la responsabilité de tout patron de défendre ses valeurs égalitaristes, au quotidien, autant sur son lieu de travail que chez les siens.

      Je suis convaincu comme toi que « l’humanité, quelle qu’en soit la race des personnes qui la compose, a tout intérêt à construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible. » Du reste, c’est ce que j’ai expliqué plus haut en rappelant que c’est de la responsabilité de tout blanc de défendre ses valeurs antiraciste, au quotidien, autant sur son lieu de travail que chez les siens.

      Mais ca sert à rien de discuté avec les oppresseurs, c’est comme de vouloir faire entendre raison à Roux de Bézieux, de toute façon les hommes ont beaucoup à perdre dans l’égalité contrairement à ce qu’ils affirment hypocritement.

    • « des belles paroles de dominant , c’est vide et idiot. ». Ceci pour réaction à l’évocation des valeurs des militants ouvriers révolutionnaires. Cela prouve simplement @mad_meg que vous ignorez tout de l’histoire du mouvement ouvrier et des grèves, des débrayages, des actions qui, en entreprises, ont pour origines des actes sexistes ou des actes de harcèlement. Vous ajoutez, dans une naïveté sidérante : « ca sert à rien de discuter avec les oppresseurs », comme s’il s’agissait de « discuter » et non, pour les travailleurs », de défendre seulement leurs collègues en neutralisant les salopards qui agissent en générale dans l’impunité, et, ce faisant, de faire front commun au nom de leur classe.

      Quant à parler des « hommes » en général, en en faisant une catégorie congénitalement machiste et donc opposée par définition aux droits effectifs des femmes, c’est un contresens réactionnaire qui réduit à néant toute réflexion sur la question. Un contresens qui ne vaut pas davantage que celui qui réduit les femmes à tous les stéréotypes éculés et débiles répandus par les idéologies et cultures patriarcales.

    • Ce ne sera pas le paradis, mais en débarrassant la société des rapports sociaux basés sur l’exploitation, il est concevable d’imaginer que bien des comportements et manières de concevoir autrui se transformeront positivement. Une simple déduction matérialiste.

      L’accusation mensongère que tu portes @colporteur est, quant à elle, non seulement inconcevable mais particulièrement dégueulasse. Mon mail ici recriweb@protonmail.com pour résoudre notre problème.

    • Pourrais-tu me répondre @colporteur stp ? Qu’est-ce qui te permet d’affirmer que LO serait elle aussi « sous la mauvaise étoile du machisme » (alors qu’aucun comportement machiste ou sexiste n’y est toléré) et, partant, de divaguer en imaginant qu’ « un viol au moins a pu y être silencié » (ce qui, précisément, ne peut arriver).

      Tu n’es pourtant pas non sans savoir que les conditions de recrutement de LO sont strictes, que nos valeurs et comportements sont exigés irréprochables…

      En outre, en supposant un fait, comment peux-tu imaginer que nous le dissimulerions en abandonnant, de fait, la victime à son traumatisme, et en laissant un violeur libre de sévir de nouveau ?

      Mais tu n’as peut-etre, dans le fond, aucune idée de ce que nous sommes et de la façon dont nous fonctionnons… mais de là à spéculer gratuitement et à répandre des doutes monstrueux !

    • j’ai dit ce qu’il y avait à dire. dans un cas de viol (au moins) LO a choisi d’innocenter un de ses militants pour se préserver. ce que tu estime "inconcevable" est aussi affligeant que banal. ce qui "ne peut arriver" a eu lieu. et est loin d’être passé inaperçu. regroupé.e.s autour de la femme qui a subi ce viol, des camarades ont durant des mois mené bataille là-dessus. que je sache, elle n’attendait rien de LO si ce n’est que cette organisation (ainsi que la CGT) admette les faits et en tire des conclusions. c’est l’inverse qui a eu lieu avec la tenue d’une soirée publique destinée à « remettre en selle » ce militant.

    • Jamais entendu parler de ça. Ni d’ailleurs la direction de LO, ni internet — totalement muet sur la question.

      Mais j’ai enquêté un peu : il y aurait eu à tourner sur Twitter une sale histoire à propos d’un sympathisant… mais plus aucune trace nulle part.

      Pas plus que de poursuites judiciaires, apparemment.

      Je connais LO de l’intérieur depuis 35 ans, et je maintiens qu’aucun.e militant.e ne tolérerait au sein de l’organisation le moindre comportement toxique — et, à plus forte raison, criminel.

  • BORIS CYRULNIK, ANTIFEMINISTE ET MATERNOPHOBE
    https://sporenda.wordpress.com/2022/12/22/boris-cyrulnik-antifeministe-et-maternophobe

    Je vois parfois des féministes poster des textes louangeurs à propos de Cyrulnik, qu’elles voient comme le sauveur des femmes victimes de violences masculines parce qu’il les rassure en leur affirmant, inspiré par son exemple personnel, qu’il est possible de surmonter leur trauma par le recours à la résilience.

    Des critiques ont noté que cette notion de résilience, en résonnance avec l’idéologie individualiste néo-libérale dominante, évoque de fâcheux relents de Darwinisme social : il y a celles qui vont trouver en elles, avec l’appui de leur entourage, la force de dépasser le trauma et de survivre, et il y a les faibles qui vont s’y enliser, car incapables de s’en libérer ; la résilience, c’est une solution individuelle qui n’est pas à la portée de tout le monde(1).

    En passant, l’exemple personnel de résilience mis en avant par Cyrulnik diffère au moins sur un point du cas des femmes traumatisées par la violence masculine : les nazis ne dominent plus la plus grande partie de l’Europe et n’envoient plus de Juifs dans les camps de la mort. Les femmes par contre, vivant toujours sous domination masculine, sont susceptibles en permanence d’être la cible des violences de leurs dominants. Surmonter le trauma est-il possible quand le risque d’une re-traumatisation continue à peser sur vous ?

    Cette image de Cyrulnik, bienfaiteur des femmes violentées, est un malentendu complet, que la lecture de certains de ses textes dissipe entièrement.

    Dans un de ses livres, intitulé « Les Nourritures affectives » (Odile Jacob, 1993), l’auteur développe des théories hallucinantes, en particulier comment la transformation des rôles parentaux, elle-même résultant des mutations affectant les comportements féminins suite aux avancées féministes, est créatrice de problèmes et de pathologies graves chez les enfants. Il attribue ces pathologies à une tendance générale à la « surpuissance des mères et à la déparentalisation des pères ».

    On apprend par exemple que, suite à l’augmentation du nombre des divorces (très majoritairement demandés par les femmes) et à la multiplication des naissances hors mariage, il y aurait eu une explosion du nombre des incestes. Explosion dont rien, aucune étude chiffrée, ne vient confirmer la réalité.

    Selon Cyrulnik, cette banalisation du divorce et des naissances hors mariage entraîneraient que l’inceste serait désormais vécu « sans remords, sans conscience d’un interdit, ou sentiment de culpabilité », soit « parce que les mécanismes séparateurs n’ont pas joué, soit au contraire parce que l’éloignement (des pères) n’a pas permis de tisser des liens d’attachement ».

    Cyrulnik va même jusqu’à affirmer (voir article de l’Express en note ci-dessous) que le nombre des incestes mère-fils, « le tabou des tabous », « serait actuellement en France presque aussi élevé que celui des enfants autistes » !.(2) Affirmation gratuite qui jette une lumière inquiétante sur la façon dont le contact de l’auteur avec la réalité est subverti par ses fantasmes.

    « Autrement dit–résume Dominique Frischer–un père séparé très tôt de ses enfants perd ses repères et la conscience de sa paternité, au même titre qu’une mère célibataire qui vit une relation fusionnelle avec son fils ou sa fille. Compte tenu de ces circonstances inhabituelles, l’un et l’autre sont amenés, mais pour des raisons diamétralement opposées, à devenir des parents incestueux ! »

    Et elle cite une interview de Cyrulnik à Biba d’octobre 1993, dans laquelle celui-ci lançait un réquisitoire impitoyable contre les « nouvelles femmes ». « Ces thèses étaient ensuite reprises par une partie de la presse féminine présentant les recherches de Cyrulnik comme mettant en évidence que ces « nouvelles femmes » « seraient non seulement responsables de l’effritement de la famille et du couple et de l’augmentation des suicides masculins corrélée à la recrudescence des divorces, mais qu’elles seraient aussi à l’origine d’une crise des valeurs infiniment grave pour l’avenir de l’humanité ».

    Cyrulnik lui-même a fait des déclarations répétées comme quoi la « déparentalisation des pères » et le « surinvestissement des mères » étaient la cause de « toutes sortes de pathologies graves, dont l’angoisse féminine, l’impuissance masculine, l’inceste, l’anorexie, sans oublier les multiples syndromes de délinquance présentés par des enfants élevés dans des familles monoparentales » (la majorité des familles monoparentales ont à leur tête des mères solo), et même le terrorisme ! (3) !. « Dans une famille moderne, la père est souvent symboliquement absent. Avant, c’était le contraire : le père était très peu là physiquement, mais son rôle symbolique était énorme ».

    « En un mot, non seulement elles ont évacué manu militari le père réel, mais elles ont en outre déboulonné le père symbolique de son piédestal » commente Dominique Frischer. Qui cite Cyrulnik : « Je suis prêt à parier que, s’il y a de plus en plus d’incestes, c’est parce que les hommes en face de leur fille ne se sentent plus père ».

    En plus du fait que rien ne corrobore les thèses de Cyrulnik sur l’augmentation des cas d’inceste, a-t-il oublié que Freud–à une époque où le rôle symbolique des pères ne suscitait aucune contestation–avait constaté initialement la fréquence de l’inceste chez ses patientes atteintes de névroses. Pour ensuite, et vu le scandale qu’une telle révélation risquait de déchaîner dans la bonne société viennoise, reculer devant cette mise à nu des « sales petits secrets » de la famille patriarcale, et surtout devant la perte de sa réputation et de sa clientèle qu’elle ne manquerait pas d’entraîner.

    Face au tabou de la parole sur l’inceste, Freud a préféré tourner casque et soutenir la théorie du fantasme qui blanchissait les pères accusés et transférait le blâme vers leurs dénonciatrices : ces femmes névrosées étaient des mythomanes qui fantasmaient l’inceste avec le parent qu’elles accusaient. En fait, et contrairement à la théorie de Cyrulnik de l’inceste découlant de la perte d’autorité paternelle, beaucoup d’incestes sont le fait de pères hyper-autoritaires qui se comportent comme des tyrans avec leur famille.

    Cette volte-face de Freud a fait–rappelle Frischer–que « des générations d’analystes ont occulté pendant plus d’un siècle toute référence à l’inceste… », sacrifiant ainsi des milliers d’enfants incestués au maintien de la respectabilité et de l’autorité de la figure paternelle. Mais Cyrulnik reste dans la ligne quand il affirme que la parole des enfants qui rapportent une agression sexuelle n’est pas fiable (4) Et dans un autre livre, » La Naissance du sens », toujours dans le même déni et minimisation des violences sexuelles masculines sur les femmes et les enfants, il va jusqu’à parler « d’inceste amoureux », d’ « inceste réussi vécu dans un bonheur secret »(5).

    Et bien entendu, selon lui, l’anorexie des filles est due au surinvestissement des mères. Les journaux féminins et les médias qui proposent comme idéal de beauté féminine des mannequins filiformes n’y sont pour rien.

    Excusez du peu : l’émancipation des femmes et la « surpuissance » des mères seraient à l’origine de la recrudescence de l’inceste, de l’impuissance masculine, de la délinquance des adolescents, du terrorisme et de l’anorexie.

    Derrière la bienveillance de façade du bon Docteur Cyrulnik, une entreprise insidieuse de culpabilisation des femmes pour avoir osé s’affranchir des rôles dans lesquels les enferme le patriarcat.

    (1) Sur sa théorie de la résilience https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2017-1-page-22.htm

    (2) https://www.lexpress.fr/informations/boris-cyrulnik-l-affectivite-nous-faconne_595890.html

    (3) https://www.oveo.org/boris-cyrulnik-comment-la-violence-educative-est-meconnue-par-les-chercheurs-s

    (4) Idem.

    (5) https://www.philo5.com/Mes%20lectures/Cyrulnik,%20Hommes%20ou%20animaux,%20c’est%20pareil.htm, page 104

    #résilience #sexisme #misogynie #féminisme #backlash #individualisme

  • « S’il fallait ajouter une raison d’être vent debout contre Macron et le gouvernement, en voici une de poids. »

    SNU au lycée, généralisation ou obligation ? - SNES-FSU
    https://www.snes.edu/article/snu-au-lycee-generalisation-ou-obligation

    Si les annonces officielles sur le service national universel ont été reportées, le projet porté par le président de la République reste entier. Lors d’un échange avec la FSU, la secrétaire d’Etat à la jeunesse et au #SNU a confirmé toutes les craintes d’une généralisation du dispositif, conçue comme une obligation, avec les élèves de Seconde en ligne de mire.

    Silence dans les rangs ! Voilà le mot d’ordre passé à tous les rectorats dont dépendent les départements où le SNU deviendrait obligatoire pour les élèves de Seconde à partir de janvier 2024. Les départements du Cher, des Hautes Alpes, des Vosges, le Finistère, la Dordogne et le Var seraient les (mal-)heureux élus. D’autres départements ont été envisagés mais compte tenu des difficultés organisationnelles, le ministère ira difficilement au-delà cette année mais on imagine que cette liste peut être encore modifiée.

    Tous les lycées de ces départements « expérimentateurs » auraient à organiser le départ des élèves pour deux semaines en « séjours de cohésion » vers des centres de SNU, et ce, sur le temps scolaire. En 2025, cela concernerait 20 départements avant la généralisation totale en 2026, soit 800 000 élèves. Le président de la République aurait écarté une autre hypothèse, celle d’un SNU concentré pendant les vacances scolaires.

    Le ministère de l’Education nationale envisage donc le plus sérieusement du monde de supprimer deux semaines de cours en seconde...

  • Vraiment, merci à Emmanuel Macron. Surtout que d’ici le 7 mars il continue à s’exprimer un maximum.
    « Quand vous parlez à un éleveur qui ne sait pas ce que c’est qu’un jour férié, qui ne sait pas ce que c’est qu’un samedi ou un dimanche où il peut se reposer, il trouve ça juste. »

    https://video.twimg.com/ext_tw_video/1629483160604901376/pu/vid/720x720/RgJrRoRilZrz_Eyp.mp4?tag=14

    https://twitter.com/caissesdegreve/status/1629484640493813760?cxt=HHwWgIC2ubXpi50tAAAA

    « Du coup, pour être juste, il va supprimer les samedis et les dimanches pour tout le monde parce qu’il croit que ça fera plaisir aux éleveurs qui en auront encore moins puisqu’ils bosseront 2 ans de plus à cause de sa réforme…
    Il est vraiment totalement vrillé. »

    https://twitter.com/realmarcel1/status/1629509193567723524?cxt=HHwWiICzjcz-lp0tAAAA

  • pour faire suite aux récents aperçus sur la psychiatrie et la folie suite au meurtre hier par l’un de ses élèves d’Agnès Lassalle dans un établissement dont on ne sait pas si il pâtit lui aussi du manque de psychologue scolaire

    Groupe d’Entraide Mutuelle, l’équation impossible ? Comme des Fous - Changer les regards sur la folie
    https://commedesfous.com/groupe-dentraide-mutuelle-lequation-impossible

    Le texte qui va suivre a été élaboré en avril 2016 par des animateurs, stagiaires, intervenants travaillant dans quatre Groupes d’Entraide Mutuelle de Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise (Montreuil, Aulnay sous-bois, Saint-Denis et Arnouville). En janvier 2019, les animatrices et animateurs des GEM de Saint-Denis, Épinay-sur-Seine, Montreuil, Bobigny, Bondy, Persan et Arnouville se réunissant lors de rencontres mensuelles réactualisent ce texte à l’occasion de l’appel de la journée du 22 janvier 2019 et pour faire écho aux tentatives de constructions communes qui émanent partout en France au sein du mouvement des Gilets jaunes.
    Ce texte espère souligner les difficultés que partagent les travailleurs et travailleuses de ces différents GEM d’abord et peut-être, si d’autres personnes s’y reconnaissent, dégager des problèmes plus structuraux.

     

    Les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) sont issus de la loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Il en existe aujourd’hui à peu près 500 en France (100 GEM de plus depuis 2016 [environ 600 actuellement, ndc] ) et sont financés par les ARS (Agence Régionale de Santé) à hauteur maximale de 77 000 € par an (2 000 € d’augmentation depuis 2016). Les GEM ont la particularité de relever d’une approche globale de la santé portée par le service public. Statut hybride devant s’organiser en association Loi 1901, s’inspirant des clubs thérapeutiques mais détaché de la logique hospitalière, ils naissent parallèlement à la destruction progressive des secteurs de psychiatrie (coupe budgétaire massive, diminution des nombres de lits, logique de l’urgence contre une logique de l’accueil, augmentation des pratiques de contentions…). La loi Santé, dite loi Touraine, instaurant les Groupements Hospitaliers de Territoires (GHT), s’inscrit parfaitement dans ce processus.
    De par la possibilité que les GEM offrent aux personnes qui les fréquentent d’être parties prenantes d’une collectivité active et d’y être accueillies en trouvant une place et une fonction sociale qui leur conviennent, les Groupes d’Entraide Mutuelle sont des outils très précieux. Il nous faut cependant dans le même temps être conscient·e·s des logiques actuelles qui gouvernent les modalités de prise en charge (pour ne pas dire de « gestion ») des personnes qui ont à faire avec la psychiatrie. Les GEM ne peuvent remplacer l’importance du travail effectué dans de nombreuses unités intra-hospitalières, CMP, hôpitaux de jours, CATTP… Les GEM ne peuvent remplacer non plus le travail nécessaire des services médico-sociaux (SAVS, SAMSAH, ESAT…) et des services sociaux (CCAS, 115, ASE,…).

    Clubs thérapeutiques et « groupes d’entraide mutuelle » : héritage ou rupture ?
    Marie-Odile Supligeau
    https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2007-3-page-54.htm

    Née en France, dans le contexte particulier de la Seconde Guerre mondiale, la théorisation élaborée sur la base de l’expérience de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban, en Lozère, métamorphosera les configurations du travail thérapeutique en psychiatrie et dans les établissements socio-éducatifs. Elle diffusera, de l’après-guerre à nos jours, selon diverses vagues d’influence ou de régression.

    #soin #relations_de_soin #clinique #psychiatrie #folie #psychiatrie_institutionnelle #Gem

    • De mon expérience en territoriale, je constate que les personnes payées pour accueillir et accompagner le public le plus fragile sont elles-mêmes en situation salariale, statutaire, hiérarchique, professionnelle et psychologique très instable, au bord de la précarité. On trouve dans ces structures le plus souvent une écrasante majorité de femmes (dans les CCAS, missions locales ou les BIJ, par exemple mais j’ai vu que c’était pareil en asso), signe, comme me l’avait signalé une collègue, qu’il s’agit de secteurs professionnels mal payés.

  • À propos de l’enseignante tuée en classe par un élève de 16 ans à Saint-Jean-de-Luz.

    Le procureur annonce « qu’une enquête a été ouverte pour assassinat, c’est à dire de meurtre avec préméditation » :
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/une-enseignante-poignardee-par-un-eleve-dans-son-lycee-

    Ici ou là, on évoque le meurtre de Samuel Paty. Les ministres s’agitent et se posent devant la caméra pour réagir à chaud.

    Politiques et syndicalistes surenchérissent sur les réseaux sociaux pour savoir qui sera le plus apte à se mettre en valeur, tout en sachant faire vibrer de la corde de l’émotion.

    On apprend que l’élève est passé à l’acte parce qu’il entendait des voix. Il s’agit d’un symptôme parfaitement identifié et très connu de troubles psychiatriques. La tragédie qui touche l’enseignante, ses proches et sa famille ne doit pas faire oublier qu’un adolescent malade n’a, visiblement, pas été détecté ni pris en charge sur le plan médical. Les personnes souffrant de troubles psychiatriques mettent en danger leur entourage ainsi qu’eux-mêmes.

    Il suffirait juste de le rappeler.

    Nulle part je n’ai vu, aujourd’hui, dans cette presse putassière, de rappel sur l’alarmante augmentation des problèmes de santé mentale des mineur·es ni sur l’état de délabrement préoccupant des structures psychiatriques.

    « Face à la hausse des troubles psychiatriques chez les enfants, développer une politique de prévention est une priorité »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/02/face-a-la-hausse-des-troubles-psychiatriques-chez-les-enfants-developper-une

    « Effondrement » et « crise d’attractivité » de la psychiatrie publique
    https://www.santementale.fr/2021/06/le-risque-deffondrement-de-la-psychiatrie-publique

    • Les personnes souffrant de troubles psychiatriques mettent en danger leur entourage ainsi qu’eux-mêmes.

      sorry mais non. le danger pour l’entourage, c’est la fatigue, le désespoir, l’impuissance à y faire quelque chose, éventuellement quelques passages à l’acte qui le vise directement, mais pour l’essentiel sans ce degré de gravité que revêtent l’agression physique invalidante ou le meurtre !
      je n’ai pas la patience de chercher des données, pardon, mais la souffrance psychique fait se mettre en danger les personnes qui l’éprouve, par eux-mêmes et par d’autres (elles sont plus souvent victimes d’agressions, etc. que la moyenne). en revanche ces personnes sont moins que la moyenne de la population susceptibles de nuire dangereusement aux autres.
      sauf si on veut subito intégrer aux « personnes souffrant de troubles psychiatriques » la normopathie exaspérée qui travaille le grand nombre ou des pathologies plus particulières que l’on a du mal à ne pas attribuer à bon nombre de dominants (à quel point faut-il être psychopathe, pervers narcissique, pour être un dirigeant, à n’importe quel niveau, sachant que plus c’est haut plus cela peut devenir voyant ? ou comment dominer - les enfants, entre pairs, ou sur l’animal, femme sur enfant, mari sur femme, petit chef sur employé, etc. - suscite des dispositions « pathologiques »).

      si on ne sait pas parler depuis la folie (dit en binaire, ce n’est donné ni aux fous ni aux autres...) faut arrêter de dire (trop) des conneries à son sujet, puisque comme disait grosso modo Bonaffé (?) c’est à la manière dont les fous sont traités que l’on juge une société

      oui, il y a une destruction continue de la psychiatrie (ni lits, ni soignants, cf. suppression de la qualif infirmier psy) par l’État (et les psychiatres eux-mêmes...) depuis des décennies, c’est très voyant chez les mineurs. notre société d’abandon fabrique des fous (vivre à la rue), notre société punitive fabrique des fous (la violence de l’incarcération de masse en produit son lot). et oui, aussi, la folie n’est pas réductible à ces fabrications. mais chaque fois que des troubles psys sont mis en cause dans des crimes, c’est, encore, les fous qui en pâtissent (établissement fermés, contention).

      edit d’ailleurs, si les fous étaient dangereux, on y consacrerait du blé et du monde...
      à défaut de retrouver de la bonne doc, voilà un truc de la HAS qui dit

      La personne souffrant de troubles mentaux n’est que rarement impliquée dans une violence faite aux tiers.

      Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur
      https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2011-07/evaluation_de_la_dangerosite_psychiatrique_-_rapport_dorientation.pdf

      pour le reste, c’est un point d’appui récurent pour des politique du bouc émissaire censées nous unifier et nous rassurer (on est normaux, ensemble, gouvernés)

      Psychiatrie : Sarkozy veut « sécuriser »
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2008/12/02/sarkozy-promet-70-millions-d-euros-aux-hopitaux-psychiatriques_1126055_3224.

      Nous refusons encore une fois la politique de la peur, Union syndicale de la psychiatrie

      https://printempsdelapsychiatrie.org/author/humapsy

      #folie #psychiatrie

    • Crime et folie, un rapprochement trop tentant
      https://www.cairn.info/magazine-les-grands-dossiers-des-sciences-humaines-2011-12-page-2.html

      La part des violences homicides directement imputables aux troubles mentaux et au terreau biologique, à défaut d’être inexistante, s’avère manifestement marginale.

      edit en entendant la nouvelle du jour je m’attendais à des déclarations sur la dangerosité des fous, mais c’est un lycéen (?) et pas un psychiatrisé, il semble qu’il n’y en ait pas encore eu. et plus simplement, la confirmation du stéréotype infuse en sous texte.

    • Développement Matérialiste des Contradictions
      du Concept de Maladie (Krankheitsbegriff)
      http://www.spkpfh.de/Developpement_Materialiste_des_Contradictions.htm
      Ces textes ne sont pas récents et n’ont jamais fait partie des discours politiques publiés à grande échelle, mais on peut y trouver une richesse de mises en question et de réflexions dialectiques profondes.

      Si nous voulons comprendre pourquoi une pierre tombe sur le sol, nous ne pouvons pas nous contenter de déclarer que d’autre corps tombent aussi, mais nous devons saisir l’essence du phénomène (la chute), c’est-à-dire la gravitation en tant que loi générale de la matière sous la détermination de la masse.

      Il en est de même pour la maladie. Pour nous, de prime abord, il était clair qu’il ne suffit pas d’y chercher des causes univoques dans le physique, selon les modèles de la médecine scientifique. Nous sommes très rapidement devenus conscients du fait qu’il est aussi insuffisant de parler simplement des causes sociales de la maladie et de simplifier le problème en imputant la « faute » de la maladie et de la souffrance au « méchant » capitalisme ; nous avons compris que, dire simplement que la société est malade, est une affirmation complètement abstraite et sans effet.

      Empiriquement nous sommes partis uniquement de trois faits :

      Il y a la société capitaliste, le travail salarié et le capital.
      Il y a la maladie et les besoins insatisfaits, c’est-à-dire l’état de manque réel et de souffrance de l’individu.
      Il y a la catégorie de l’historicité, la catégorie de la production, ou bien de manière plus générale, la catégorie du temps, de la tranformation et du devenir.

      Simplement formulé le SPK a été la plus grande concrétisation possible, dans les années 1970-1971, des contradictions du concept de maladie portées à leur plus haute généralisation possible. Or, il est nécessaire à la dialectique de s’élever à un haut niveau de généralisation pour pouvoir résoudre des problèmes concrets, puisque la généralisation théorique est en même temps la condition et le résultat du travail pratique. Il s’agissait alors pour nous dès le début de saisir les symptômes en tant que phénomènes de l’essence de la maladie.

      #maladie #iatrocratie #folie #médecine #SPK

    • @colporteur
      Tout d’abord merci pour ta contribution :-)
      Tu l’écris toi-même : « la fatigue, le désespoir, l’impuissance à y faire quelque chose » ça c’est pour l’entourage direct et intime de la personne. Généralement cet entourage a connaissance du problème. Je suis d’accord que, de ce fait, les possibilités de mise en danger telles que les agressions physiques directes sont beaucoup plus rares.

      Mais ce n’est pas ça que j’évoquais :

      L’entourage auquel je pense c’est aussi et surtout toutes les instances de socialisation (travail, scolarité, transports, loisirs, commerces, etc.) qui mettent en relation la personne malade avec d’autres qui ne savent pas forcément qu’il y a un problème psy et, de ce fait, ça peut très rapidement dégénérer de façon très violente avec un accident comme dans n’importe quelle baston. Voilà pourquoi la notion de préméditation évoquée par le juge (ci-dessus) me semble révoltante.

      Ceci étant, une personne qui entend des voix peut tout à fait être conduite à commettre le pire et c’est là qu’il faut faire attention à ce qu’on raconte. La personne ne partage pas la « rationalité sociale ordinaire » et cela peut être préjudiciable à elle comme aux autres.

      C’est tout ce qu’il faut garder à l’esprit.

      Je ne porte pas de jugement sur la normalité ; c’est pas du tout mon propos. Je demande juste qu’on prenne en compte la maladie quand on atterri sur le terrain judiciaire et là je dois reconnaître que j’entends souvent des choses avec lesquelles je suis en désaccord, dès que ça vient sur le devant de la scène médiatique, surtout quand il y a des explications politiques ou idéologiques à trouver derrière des troubles de comportement (même si ces derniers sont totalement des problèmes politiques de santé publique, mais ce ne sont généralement pas ceux-là qui sont évoqué s dans ces cas-là).

      Sinon je suis d’accord avec toi que la principale concernée par la violence reste la personne en souffrance elle-même. Son malaise psy et sa difficile socialisation.

      Sur le plan social plus global, institutionnel, c’est une catastrophe complète et je reste très dubitatif sur les théories alternatives du type anti psychiatrie qui avaient pourtant toute ma sympathie.

    • @klaus merci pour cette citation du SPK qui est, si je me souviens bien ce groupe de psy radicaux des années 70 qui theorisaient qu’il fallait faire de la maladie une arme (contre le capitalisme). Merci de confirmer.
      Voilà qui nous mettra tous d’accord, n’est-ce pas @colporteur ?

    • d’accord avec toi sur ma mauvaise reprise du terme entourage alors qu’il s’agit d’un lieu de socialisation, disciplinaire, pas de l’espacé public, ni d’une relation personnelle.
      je souscris d’autant plus à cette distinction et que les deux dernières fois que je me suis pris des pains c’était à tenter de maintenir le contact avec des personnes en crise, pour elles et pour essayer d’éviter que la violence physique dont ils faisaient montre persiste et s’aggrave (l’un d’eux a décompensé plusieurs fois depuis, à suivre le fil de telles histoires, on vérifie fort bien et de façon répétée les carences massives des institutions de soins...). c’était violent, mais il y avait même à ce moment comme une retenue pour laquelle le fait que l’on se connaisse, que ce soit dans un contexte collectif, pas assez contenant pour faire le job (aider à aller suffisamment bien) mais réel, ça a certainement joué et ils sont sont resté bien en deçà de ce qu’ils pouvaient depuis l’avantage physique et les objets dont ils disposaient. aliénés mais pas tout à fait déliés. modalité dont il ne saurait être question d’exiger des institutions en place qu’elles l’assurent à elles seules.

      amère victoire de l’anti-psychiatrie, une destruction de la psychiatrie qui s’est opérée à rebours de ce à quoi elle prétendait. comme théorie critique, l’anti psychiatrie se discute (...). mais dans les faits c’est une transformation éthique, et socio politique contre l’autre. l’anti-psychiatrie se divise en deux : avec et pour les patients (controverses et expérimentations à la clé), ou contre les patients (particularité : la logique comptable qui prévaut ne prend même pas la peine de fabriquer un discours sur le bien du patient pour couvrir ses agissements).
      pour ma part j’aime plutôt un autre vivre avec la folie qui a été porté par des courant de critiques plus internes à la psychiatrie (désaliénisme et sectorisation, l’ancrage territorial plutôt que l’asile, Bonaffé, là aussi retourné pour partie avec la suppression de dizaine de milliers de lits en institution ; psychothérapie institutionnelle, Tosquelles, Oury, etc - soigner l’hôpital disaient-ils, puis Oury formulera la notion de normopathie, mais entre emprise technocratique en constante extension, argent comme critère de réussite lucre des cliniques privée autrefois fondées pour réinventer le soin, et scléroses internes ça ne tient que bien mal).

      cet élève de lycée catho sur fonds publics (l’état persiste à entendre la voix de Dieu, en continu, il y a peu des données sont sorties sur le coût public plus élevé des places dans le privé...) avec 100% de réussite au bac a fait rater quelque chose, à tout le moins, la « communauté scolaire » (si ce n’est l’"éducation spirituelle" https://stthomasdaquin.fr/etablissement/projet-etablissement). et ça a été plus que moche.
      ça a pour effet immédiat une distribution de sucreries verbales destinées aux profs, fallacieuse compensation d’un mépris général qui ne cessera pas. faudrait qu’ils s’en occupent mais ils ont trop à faire avec pronote, l’évaluation, l’obéissance, l’inculcation, la digestion de leur dévalorisation, de leurs défaites consenties (on se souviendra de l’évitement répété de la gréve du bac), la vie privée.

      ici, ce n’est pas comme tu en évoques la possibilité, un accident, une situation qui dégénère. plutôt un épisode délirant, pour parler gros, dont on ne sait depuis combien de temps et comment il se manifestait, qui débouche sur ce passage à l’acte là.
      et oui, comme tu le dis, il aurait pu (dû, ça je ne sais pas) trouver quelqu’un à qui parler (des mois d’attente pour une consultation en CMP, peut-être ce jeune est-il d’un milieu social qui aurait pu avoir accès à de la psychiatre ou psychothérapie en libéral ? là aussi ça peut-être long).
      il n’en reste pas moins que le refus de soin, ça fonctionne des deux côtés.

      pour la justice, d’un gars venu avec un couteau, disant avoir entendu des voix, sans doute avant d’arriver, en tout cas avant de fermer la porte de la classe et de poignarder, il est logique (sauf protection, privilège) de ne pas écarter à priori la préméditation. la qualification pénale a vocation à se modifier en fonction de l’enquête, de la procédure, etc. c’est pas bien parti puisqu’il est dit en état de subir la g-à-v et a semble-t-il (enfin ?) trouvé des oreilles pour un dire qui en ces circonstances ne pourra que l’incriminer (les jeux sont faits : au mieux la justice statuera sur une « responsabilité atténuée »).

      ...

      dommage que les lycéens ne soient pas (pour l’instant ?) plus sortis sur les retraites. le gars aurait peut-être été s’enjailler avec d’autres, plutôt que de s’enfermer dans une classe pour faire un boutonnière à cette professeure.

      #école #lycée

    • Tu fais bien de me reprendre @colporteur, j’ai formulé avec mes mots maladroits (« entourage ») quelque chose qui m’a mit hors de moi. Il est parfois difficile d’exprimer avec justesse ce que l’on ressent. En me relisant dans tes messages, je me suis d’ailleurs rendu compte que j’avais laissé passé une faute d’accord impardonnable. Plus essentiellement en te lisant, non seulement, je ne pense pas que nous soyons en désaccord sur le fond (ce qui ne serait en fait pas très important si ce n’était pas le cas) mais surtout, le plus important, tes explications apportent beaucoup d’éclairages enrichissants.

      Je te remercie encore pour ces apports qui montrent que tu as une réflexion très poussée sur la problématique psychiatrique, laquelle, pour peu qu’on ne dispose pas de ressources permettant de s’enfermer pas dans un univers surprotégé, nous touche tôt ou tard par toute sa violence. Surtout si, comme c’est mon cas, on a travaillé dans des situations d’accueil du public (tout public).

      Ce matin en écoutant la radio, ça m’a – comme qui dirait - remis une pièce dans la machine. On évoquait le fait que l’adolescent de Saint-Jean-de-Luz « ne faisait l’objet d’aucun signalement », comme si la solution à mettre en place pour… pour quoi, au fait ???
      Comme si la solution consistait à ficher et à répertorier « les cas » et anticiper « les risques ». On retrouve bien là la logique policière et carcérale (enfer me ment) qui contamine l’institution psychiatrique. Pouah !

      J’aurais mieux fait, comme hier, de ne pas ALLUMER la radio et d’écouter directement de la musique pour me mettre en forme, par exemple De la Soul / My writes (hier) et, ce matin (après le flux radiophonique), Lulu / Iced honey .

      Et avec Lou Reed (qui a été confronté à la violence psy) et Metallica de te rejoindre à penser que la jeunesse aurait toutes les meilleures raisons du monde de se révolter.

      See if the ice will melt for you
      Iced honey

      https://youtu.be/6sf5euJJx6o

    • L’édito du Télégramme du jour détonne dans l’ambiance médiatique générale (évitez d’aller voir les commentaires de la dépêche AFP sur Twitter…)

      [Édito] Une professeure est morte - Débats - Le Télégramme
      https://www.letelegramme.fr/debats/edito-une-professeure-est-morte-22-02-2023-13284057.php

      Notre éditorialiste Stéphane Bugat donne son point de vue sur ce que révèle de notre société le meurtre de la professeure de Saint-Jean-de-Luz.

      La professeure d’espagnol de 52 ans, du collège privé de Saint-Jean-de-Luz, est morte après avoir été agressée à coups de couteau par un élève de 16 ans. Cette tragédie ne fait malheureusement pas exception. D’autres faits, plus ou moins similaires, furent imputés à des jeunes dont le comportement relevait évidemment de la psychiatrie.

      Mais les chaînes dites d’information, le nez sur les sondages, et les réseaux sociaux, sous le régime de l’émotion permanente, déterminent l’opinion autant qu’elles la suivent. Elles n’ont donc eu nul besoin d’en savoir davantage sur les causes, ni même sur les circonstances, pour nous abreuver de commentaires alarmistes. C’est leur pitance.

      Comment les professeurs et les parents ne sonneraient-ils pas l’alarme ? Et les politiques vont s’en mêler promptement. La pondération pouvant être interprétée comme de l’indifférence, quelques mâles déclarations et l’annonce de nouvelles lois feront office de placebo. Avant que la machine médiatique s’intéresse à autre chose. L’information sanglante se consomme fraîche.

      Un tel fait divers, s’ajoutant à d’autres, nous pourrions pourtant le considérer comme le révélateur de profonds dérèglements sociétaux. Le terrible passage à l’acte traduisant une souffrance que l’on n’a su ni saisir, ni traiter. C’est en cela que les victimes le sont d’abord de défaillances systémiques.

      La médecine psychiatrique a certes fait des progrès considérables depuis cette époque maudite où elle traitait tout, ou presque, par les électrochocs et la mise à l’écart des patients. Cependant, ce sont ses moyens qui, à elle aussi, manquent cruellement.

      Une professeure est morte. Un adolescent est devenu un meurtrier. On peut s’en indigner. Mais, au-delà de l’effroi et des effluves de notre société du spectacle médiatique, qu’avons-nous d’autre à proposer que de la compassion ?

    • Exploitation, vulnérabilité et résistance : le cas des #ouvriers_agricoles indiens dans l’Agro Pontino

      De nombreuses représentations trompeuses continuent à peser sur l’exploitation des ouvriers agricoles étrangers en Italie, rendant difficile la compréhension du phénomène et l’intervention sur ses causes réelles. Cet article tente de questionner les principaux lieux communs sur le sujet, en analysant un cas particulièrement éclairant : celui de la communauté #Pendjabi de #religion_sikh employée sur l’Agro Pontino, dans le Latium. Cette étude de cas permet, d’une part, de faire ressortir les conditions d’exploitation systémiques, masquées derrière des mécanismes apparemment légaux ; de l’autre, il révèle que même les individus les plus vulnérables peuvent résister à l’exploitation et revendiquer activement leurs droits.

      https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2019-4-page-45.htm

    • #In_migrazione

      In Migrazione è una Società Cooperativa Sociale nata nel 2015 dalla volontà di persone impegnate nella ricerca, nell’accoglienza e nel sostegno agli stranieri in Italia.

      Diversi percorsi professionali e umani che hanno attraversato un ampio spaccato di esperienze diverse e che con In Migrazione si sono uniti per dare vita ad un soggetto collettivo, innovativo, aperto e trasparente.

      Una Cooperativa nata per sperimentare nuovi progetti di qualità e innovative metodologie al fine di interpretare e concretizzare percorsi d’aiuto efficaci verso i migranti che vivono nel nostro Paese situazioni di disagio e difficoltà. Esperienze concrete che sappiano diventare buone pratiche riproducibili, per contribuire a migliorare quel sistema di accoglienza e inclusione sociale degli stranieri.

      Le nostre ricerche e le concrete sperimentazioni progettuali mettono al centro la persona, con i suoi peculiari bisogni, aspettative e sogni.

      Mettiamo a disposizione queste esperienze e le nostre metodologie alle altre associazioni, cooperative, Enti pubblici e privati, professionisti e volontari del settore, convinti che nel sociale non possano e non debbano esistere copyright.

      https://www.inmigrazione.it

    • Progetto “Dignità-Joban Singh”, contro la schiavitù dei braccianti

      Una serie di sportelli di accoglienza, ascolto e sostegno, ma anche di assistenza legale, sociale, di formazione e di informazione, in tutta la provincia di Latina. Un progetto per dare voce alle vittime di lavoro schiavo, in memoria del giovane di origini indiane, morto suicida il 6 giugno 2020 a Sabaudia

      Si chiama Dignità-Joban Singh ed è il progetto in corso organizzato dall’associazione Tempi Moderni contro le varie forme di schiavismo e sfruttamento che mortificano e riducono in schiavitù migliaia di persone, immigrati e italiani, indiani e africani, uomini e donne, in questa Italia fondata sul lavoro ma anche su una persistente presenza di razzisti, violenti, mafiosi e di sfruttatori che mortificano la democrazia ed esprimono chiaramente la loro natura predatoria.

      Joban Singh, di appena 25 anni e residente nel residence “Bella Farnia Mare”, nel Comune di Sabaudia, in provincia di Latina, il 6 giugno scorso è stato trovato senza vita all’interno del suo appartamento. Joban decise di impiccarsi dopo essere entrato in Italia mediante un trafficante di esseri umani indiano, essere stato gravemente sfruttato in una delle maggiori aziende agricole dell’Agro Pontino e aver subito il rifiuto da parte del padrone alla sua richiesta di emersione dall’irregolarità mediante art. 103 del Decreto Rilancio (D.L. n. 34/2020) del governo.

      Dedicare questo progetto alla sua memoria, per non dimenticare ciò che significa vivere come uno schiavo in un paese libero, è un impegno che viene sottoscritto da Tempi Moderni ma che può camminare solo sulle gambe di tanti, o meglio di una comunità di persone responsabili e ribelle contro i padroni e i padrini di oggi.

      In questa Italia ci sono, secondo il rapporto Agromafie e caporalato dell’Osservatorio Placido Rizzotto della Flai-Cgil (2020), tra 400 e 450mila lavoratori e lavoratrici che solo in agricoltura risultano esposti allo sfruttamento e al caporalato. Di queste ultime, più di 180mila sono impiegate in condizione di grave vulnerabilità sociale e forte sofferenza occupazionale. Secondo il sesto Rapporto Agromafia dell’Eurispes, il business delle agromafie, che comprendono le forme di grave sfruttamento, vale 24,5 miliardi di euro l’anno, con un balzo, nel corso del 2018, del 12,4%.

      Un fiume di denaro che è espressione di un’ideologia della disuguaglianza penetrata nei processi culturali delle società occidentali e troppo spesso relazione fondamentale del mondo del lavoro, in particolare del lavoro di fatica. È questo un sistema che produce lo schiavismo contemporaneo, come più volte il “Rapporto Italia”, ancora dell’Eurispes, ha messo in luce.

      Ancora nel 2019, ad esempio, l’Eurispes aveva esplicitamente dichiarato che lo sfruttamento è una fattispecie criminale le cui principali vittime sono i migranti provenienti dall’Europa dell’Est, dall’Africa, dall’Asia, dall’America Latina. Lo sfruttamento, infatti, risultava più diffuso nei comparti più esposti alle irregolarità, al sommerso e all’abuso, dove chi fornisce prestazioni lavorative è in condizione di maggiore vulnerabilità.

      Si registrano dunque casi più numerosi, ancora secondo l’Eurispes, nell’agricoltura e pastorizia, a danno di polacchi, bulgari, rumeni, originari dell’ex U.R.S.S., africani e, in misura crescente, pakistani e indiani; nell’edilizia, a danno di europei dell’Est; nel settore tessile e manifatturiero, a danno di cinesi; nel lavoro domestico (soprattutto come badanti), a danno di soggetti provenienti dall’Europa dell’Est, dall’ex U.R.S.S., dall’Asia e dall’America del Sud.

      Insomma, uomini e donne a cui viene violata la dignità ogni giorno, costretti ad eseguire gli ordini del padrone, a sottostare ai suoi interessi e logiche di dominio. Quando questo potere si esercita nei confronti delle donne, lo sfruttamento assume caratteri devastanti. Ci sono infatti anche casi di violenza sessuale, di subordinazione delle lavoratrici immigrate alle logiche di dominio del boss, del padrone, del capo di turno.

      In provincia di Latina e precisamente a Sabaudia, appena poco prima di Natale, un’operazione denominata “Schiavo” e condotta dalla guardia di finanza, ha permesso di liberare dallo sfruttamento 290 lavoratori, soprattutto di origine indiana, che da anni venivano retribuiti con salari mensili inferiori anche del 60% rispetto a quelli previsti dal contratto provinciale, senza il riconoscimento degli straordinari, con l’obbligo di lavorare anche la domenica, impiegati senza le necessarie misure di sicurezza.

      Dunque, cosa fare? Avere il coraggio di capire, organizzarsi e agire collettivamente. Non si hanno alternative. La povertà, lo sfruttamento, la schiavitù, la violenza, non si abrogano per decreto. Non basta una legge. Serve un’azione collettiva espressione di una volontà radicale di contrasto di questo fenomeno mediante innanzitutto l’accoglienza e l’ascolto delle sue vittime, la costruzione di una relazione orizzontale con loro, dialettica, professionale e anche in questo coraggiosa, perché si deve prevedere l’azione di denuncia dei padroni insieme a quella della tutela.

      Ed è questa la sintesi perfetta del progetto Dignità–Joban Singh che ha organizzato e avviato una serie di sportelli di accoglienza, ascolto, sostegno e anche di assistenza legale, sociale, di formazione e di informazione, in tutta la provincia di Latina. Si tratta di sportelli che hanno il compito di accogliere e di fornire assistenza legale gratuita alle donne e agli uomini gravemente sfruttati, di qualunque nazionalità, vittime di tratta e caporalato, di violenze, anche sessuali, obbligati al silenzio o alla subordinazione.

      Insomma, un progetto realizzato grazie all’ausilio di avvocati di grande esperienza e con mediatori culturali affidabili e professionali, fondato sulla pedagogia degli oppressi di Freire e gli insegnamenti di Don Milani, Don Primo Mazzolari e Don Sardelli. Un progetto che vuole anche contrastare le strategie (razziste) mediatiche, politiche e sociali di stigmatizzazione, stereotipizzazione ed esclusione di coloro che sono considerati antropologicamente diversi.

      Un progetto che però ha bisogno del sostegno della maggioranza di questo paese, donne e uomini che non vogliono vivere sotto il ricatto delle mafie, dei violenti, degli sfruttatori, dei neoschiavisti, dei razzisti, in favore di un’Italia che merita un futuro diverso, migliore.

      https://www.nigrizia.it/notizia/progetto-dignita-joban-singh-contro-la-schiavitu-dei-braccianti

    • Marco Omizzolo

      Marco Omizzolo is a sociologist, researcher and journalist, who has been documenting and denoucing human rights violations against Sikh migrant workers exploited in the fields in the province of Latina (central Italy). In a context where “agrimafia” is rampant and many farms are controlled by criminal organisations, migrants have to work for up to 13 hours a day in inhumane conditions and under the orders of “caporali” (gangmasters), they earn well below the minimum wage and they have to live in cramped accommodation. To document their situation, Marco has worked undercover in the fields and he also went to Punjab (India) to follow an Indian human trafficker, where he investigated the connections between human trafficking and the system of agrimafia. Marco is also one of the founders of InMigrazione, an organisation that supports migrant workers informing them about their rights, helping them organise and fight for labour rights, and giving them the legal support they might need. In 2016, Marco and some Sikh activists managed to organise the first mass strike in Latina, joined by over 4000 workers.

      Because of his work - and particularly because of his investigations denouncing the criminal organisations involved in the agribusiness and the local food industry - Marco Omizzolo has been receiving serious threats. His car has been repeatedly damaged, he is often under surveillance and he has been forced to relocate because of the threats received.

      https://www.frontlinedefenders.org/en/profile/marco-omizzolo

    • The Indian migrants lured into forced labor on Mussolini’s farmland

      Gurinder Dhillon still remembers the day he realized he had been tricked. It was 2009, and he had just taken out a $16,000 loan to start a new life. Originally from Punjab, India, Dhillon had met an agent in his home village who promised him the world.

      “He sold me this dream,” Dhillon, 45, said. A new life in Europe. Good money — enough to send back to his family in India. Clothes, a house, plenty of work. He’d work on a farm, picking fruits and vegetables, in a place called the Pontine Marshes, a vast area of farmland in the Lazio region, south of Rome, Italy.

      He took out a sizable loan from the Indian agents, who in return organized his visa, ticket and travel to Italy. The real cost of this is around $2,000 — the agents were making an enormous profit.

      “The thing is, when I got here, the whole situation changed. They played me,” Dhillon said. “They brought me here like a slave.”

      On his first day out in the fields, Dhillon climbed into a trailer with about 60 other people and was then dropped off in his assigned hoop house. That day, he was on the detail for zucchini, tomatoes and eggplant. It was June, and under the plastic, it was infernally hot. It felt like at least 100 degrees, Dhillon remembers. He sweated so much that his socks were soaked. He had to wring them out halfway through the day and then put them back on — there was no time to change his clothes. As they worked, an Italian boss yelled at them constantly to work faster and pick more.

      Within a few hours of that first shift, it dawned on Dhillon that he had been duped. “I didn’t think I had been tricked — I knew I had,” he said. This wasn’t the life or the work he had been promised.

      What he got instead was 3.40 euros (about $3.65) an hour, for a workday of up to 14 hours. The workers weren’t allowed bathroom breaks.

      On these wages, he couldn’t see how he would ever repay the enormous loan he had taken out. He was working alongside some other men, also from India, who had been there for years. ”Will it be like this forever?” he asked them. “Yes,” they said. “It will be like this forever.”

      Ninety years ago, a very different harvest was taking place. Benito Mussolini was celebrating the first successful wheat harvest of the Pontine Marshes. It was a new tradition for the area, which for millennia had been nothing but a vast, brackish, barely-inhabited swamp.

      No one managed to tame it — until Mussolini came to power and launched his “Battle for Grain.” The fascist leader had a dream for the area: It would provide food and sustenance for the whole country.

      Determined to make the country self-sufficient as a food producer, Mussolini spoke of “freeing Italy from the slavery of foreign bread” and promoted the virtues of rural land workers. At the center of his policy was a plan to transform wild, uncultivated areas into farmland. He created a national project to drain Italy’s swamps. And the boggy, mosquito-infested Pontine Marshes were his highest priority.

      His regime shipped in thousands of workers from all over Italy to drain the waterlogged land by building a massive system of pumps and canals. Billions of gallons of water were dredged from the marshes, transforming them into fertile farmland.

      The project bore real fruit in 1933. Thousands of black-shirted Fascists gathered to hear a brawny-armed, suntanned Mussolini mark the first wheat harvest of the Pontine Marshes.

      "The Italian people will have the necessary bread to live,” Il Duce told the crowd, declaring how Italy would never again be reliant on other countries for food. “Comrade farmers, the harvest begins.”

      The Pontine Marshes are still one of the most productive areas of Italy, an agricultural powerhouse with miles of plastic-covered hoop houses, growing fruit and vegetables by the ton. They are also home to herds of buffalo that make Italy’s famous buffalo mozzarella. The area provides food not just for Italy but for Europe and beyond. Jars of artichokes packed in oil, cans of Italian plum tomatoes and plump, ripe kiwi fruits often come from this part of the world. But Mussolini’s “comrade farmers” harvesting the land’s bounty are long gone. Tending the fields today are an estimated 30,000 agricultural workers like Dhillon, most hailing from Punjab, India. For many of them — and by U.N. standards — the working conditions are akin to slave labor.

      When Urmila Bhoola, the U.N. special rapporteur on contemporary slavery, visited the area, she found that many working conditions in Italy’s agricultural sector amounted to forced labor due to the amount of hours people work, the low salaries and the gangmasters, or “caporali,” who control them.

      The workers here are at the mercy of the caporali, who are the intermediaries between the farm workers and the owners. Some workers are brought here with residency and permits, while others are brought fully off the books. Regardless, they report making as little as 3-4 euros an hour. Sometimes, though, they’re barely paid at all. When Samrath, 34, arrived in Italy, he was not paid for three months of work on the farms. His boss claimed his pay had gone entirely into taxes — but when he checked with the government office, he found his taxes hadn’t been paid either.

      Samrath is not the worker’s real name. Some names in this story have been changed to protect the subjects’ safety.

      “I worked for him for all these months, and he didn’t pay me. Nothing. I worked for free for at least three months,” Samrath told me. “I felt so ashamed and sad. I cried so much.” He could hardly bring himself to tell his family at home what had happened.

      I met Samrath and several other workers on a Sunday on the marshes. For the Indian Sikh workers from Punjab, this is usually the only day off for the week. They all gather at the temple, where they pray together and share a meal of pakoras, vegetable curry and rice. The women sit on one side, the men on the other. It’s been a long working week — for the men, out in the fields or tending the buffaloes, while the women mostly work in the enormous packing centers, boxing up fruits and vegetables to be sent out all over Europe.

      Another worker, Ramneet, told me how he waited for his monthly check — usually around 1,300 euros (about $1,280) per month, for six days’ work a week at 12-14 hours per day. But when the check came, the number on it was just 125 euros (about $250).

      “We were just in shock,” Ramneet said. “We panicked — our monthly rent here is 600 euros.” His boss claimed, again, that the money had gone to taxes. It meant he had worked almost for free the entire month. Other workers explained to me that even when they did have papers, they could risk being pushed out of the system and becoming undocumented if their bosses refused to issue them payslips.

      Ramneet described how Italian workers on the farms are treated differently from Indian workers. Italian workers, he said, get to take an hour for lunch. Indian workers are called back after just 20 minutes — despite having their pay cut for their lunch hour.

      “When Meloni gives her speeches, she talks about getting more for the Italians,” Ramneet’s wife Ishleen said, referring to Italy’s new prime minister and her motto, “Italy and Italians first.” “She doesn’t care about us, even though we’re paying taxes. When we’re working, we can’t even take a five-minute pause, while the Italian workers can take an hour.”

      Today, Italy is entering a new era — or, some people argue, returning to an old one. In September, Italians voted in a new prime minister, Giorgia Meloni. As well as being the country’s first-ever female prime minister, she is also Italy’s most far-right leader since Mussolini. Her supporters — and even some leaders of her party, Brothers of Italy — show a distinct reverence for Mussolini’s National Fascist Party.

      In the first weeks of Meloni’s premiership, thousands of Mussolini admirers made a pilgrimage to Il Duce’s birthplace of Predappio to pay homage to the fascist leader, making the Roman salute and hailing Meloni as a leader who might resurrect the days of fascism. In Latina, the largest city in the marshes, locals interviewed by national newspapers talked of being excited about Meloni’s victory — filled with hopes that she might be true to her word and bring the area back to its glory days in the time of Benito Mussolini. One of Meloni’s undersecretaries has run a campaign calling for a park in Latina to return to its original name: Mussolini Park.

      During her campaign, a video emerged of Meloni discussing Mussolini as a 19-year-old activist. “I think Mussolini was a good politician. Everything he did, he did for Italy,” she told journalists. Meloni has since worked to distance herself from such associations with fascism. In December, she visited Rome’s Jewish ghetto as a way of acknowledging Mussolini’s crimes against humanity. “The racial laws were a disgrace,” she told the crowd.

      A century on from Italy’s fascist takeover, Meloni’s victory has led to a moment of widespread collective reckoning, as a national conversation takes place about how Mussolini should be remembered and whether Meloni’s premiership means Italy is reconnecting with its fascist past.

      Unlike in Germany, which tore down — and outlawed — symbols of Nazi terror, reminders of Mussolini’s rule remain all over Italy. There was no moment of national reckoning after the war ended and Mussolini was executed. Hundreds of fascist monuments and statues dot the country. Slogans left over from the dictatorship can be seen on post offices, municipal buildings and street signs. Collectively, when Italians discuss Mussolini, they do remember his legacy of terror — his alliance with Adolf Hitler, anti-Semitic race laws and the thousands of Italian Jews he sent to the death camps. But across the generations, Italians also talk about other legacies of his regime — they talk of the infrastructure and architecture built during the period and of how he drained the Pontine Marshes and rid them of malaria, making the land into an agricultural haven.

      Today in the Pontine Marshes, which some see as a place brought into existence by Il Duce — and where the slogans on one town tower praise “the land that Mussolini redeemed from deadly sterility” — the past is bristling with the present.

      “The legend that has come back to haunt this town, again and again, is that it’s a fascist city. Of course, it was created in the fascist era, but here we’re not fascists — we’re dismissed as fascists and politically sidelined as a result,” Emilio Andreoli, an author who was born in Latina and has written books about the city’s history, said. Politicians used to target the area as a key campaigning territory, he said, but it has since fallen off most leaders’ agendas. And indeed, in some ways, Latina is a place that feels forgotten. Although it remains a top agricultural producer, other kinds of industry and infrastructure have faltered. Factories that once bustled here lie empty. New, faster roads and railways that were promised to the city by previous governments never materialized.

      Meloni did visit Latina on her campaign trail and gave speeches about reinvigorating the area with its old strength. “This is a land where you can breathe patriotism. Where you breathe the fundamental and traditional values that we continue to defend — despite being considered politically incorrect,” she told the crowd.

      But the people working this land are entirely absent from Meloni’s rhetorical vision. Marco Omizzolo, a professor of sociology at the University of Sapienza in Rome, has for years studied and engaged with the largely Sikh community of laborers from India who work on the marshes.

      Omizzolo explained to me how agricultural production in Italy has systematically relied on the exploitation of migrant workers for decades.

      “Many people are in this,” he told me, when we met for coffee in Rome. “The owners of companies who employ the workers. The people who run the laborers’ daily work. Local and national politicians. Several mafia clans.”

      “Exploitation in the agricultural sector has been going on for centuries in Italy,” Giulia Tranchina, a researcher at Human Rights Watch focusing on migration, said. She described that the Italian peasantry was always exploited but that the system was further entrenched with the arrival of migrant workers. “The system has always treated migrants as manpower — as laborers to exploit, and never as persons carrying equal rights as Italian workers.” From where she’s sitting, Italy’s immigration laws appear to have been designed to leave migrants “dependent on the whims and the wills of their abusive employers,” Tranchina said.

      The system of bringing the workers to Italy — and keeping them there — begins in Punjab, India. Omizzolo described how a group of traffickers recruits prospective workers with promises of lucrative work abroad and often helps to arrange high-interest loans like the one that Gurinder took out. Omizzolo estimates that about a fifth of the Indian workers in the Pontine Marshes come via irregular routes, with some arriving from Libya, while many others are smuggled into Italy from Serbia across land and sea, aided by traffickers. Their situation is more perilous than those who arrived with visas and work permits, as they’re forced to work under the table without contracts, benefits or employment rights.

      Omizzolo knows it all firsthand. A Latina native, he grew up playing football by the vegetable and fruit fields and watching as migrant workers, first from North Africa, then from India, came to the area to work the land. He began studying the forces at play as a sociologist during his doctorate and even traveled undercover to Punjab to understand how workers are picked up and trafficked to Italy.

      As a scholar and advocate for stronger labor protections, he has drawn considerable attention to the exploitative systems that dominate the area. In 2016, he worked alongside Sikh laborers to organize a mass strike in Latina, in which 4,000 people participated. All this has made Omizzolo a target of local mafia forces, Indian traffickers and corrupt farm bosses. He has been surveilled and chased in the street and has had his car tires slashed. Death threats are nothing unusual. These days, he does not travel to Latina without police protection.

      The entire system could become even further entrenched — and more dangerous for anyone speaking out about it — under Meloni’s administration. The prime minister has an aggressively anti-migrant agenda, promising to stop people arriving on Italy’s shores in small boats. Her government has sent out a new fleet of patrol boats to the Libyan Coast Guard to try to block the crossings, while making it harder for NGOs to carry out rescue operations.

      At the end of February, at least 86 migrants drowned off the coast of Calabria in a shipwreck. When Meloni visited Calabria a few weeks later, she did not go to the beach where the migrants’ bodies were found or to the funeral home that took care of their remains. Instead, she announced a new policy: scrapping special protection residency permits for migrants.

      Tranchina, from Human Rights Watch, explained that getting rid of the “special protection” permits will leave many migrant workers in Italy, including those in the Pontine Marshes, effectively undocumented.

      “The situation is worsening significantly under the current government,” she said. “An army of people, who are currently working, paying taxes, renting houses, will now be forced to accept very exploitative working conditions — at times akin to slavery — out of desperation.”

      Omizzolo agreed. Meloni’s hostile environment campaign against arriving migrants is making people in the marshes feel “more fragile and blackmailable,” he told me.

      “Meloni is entrenching the current system in place in the Pontine Marshes,” Omizzolo said. “Her policies are interested in keeping things in their current state. Because the people who exploit the workers here are among her voter base.”

      And then there’s the matter of money and how people are paid. A few months into her administration, Meloni introduced a proposal to raise the ceiling for cash transactions from 2,000 euros (about $2,110) to 5,000 euros ($5,280), a move that critics saw as an attempt to better insulate black market and organized crime networks from state scrutiny.

      Workers describe that they were often paid in cash and that their bosses were always looking for ways to take them off the books. “We have to push them to pay us the official way and keep our contracts,” Rajvinder, 24, said. “They prefer to give us cash.” Being taken off a contract and paid under the table is a constant source of anxiety. “If I don’t have a work contract, my papers will expire after three months,” Samrath explained, describing how he would then become undocumented in Italy.

      Omizzolo says Meloni’s cash laws will continue to preserve the corruption and sustain a shadow economy that grips the workers coming to the Pontine Marshes. Even for people who once worked above the table, the new government’s laissez-faire attitude towards the shadow economy is pushing them back into obscurity. “That law is directly contributing to the black market — people who used to be on the books, and have proper contracts, are now re-entering the shadow economy,” he said.

      Tranchina, from Human Rights Watch, explained that getting rid of the “special protection” permits will leave many migrant workers in Italy, including those in the Pontine Marshes, effectively undocumented.

      “The situation is worsening significantly under the current government,” she said. “An army of people, who are currently working, paying taxes, renting houses, will now be forced to accept very exploitative working conditions — at times akin to slavery — out of desperation.”

      Omizzolo agreed. Meloni’s hostile environment campaign against arriving migrants is making people in the marshes feel “more fragile and blackmailable,” he told me.

      “Meloni is entrenching the current system in place in the Pontine Marshes,” Omizzolo said. “Her policies are interested in keeping things in their current state. Because the people who exploit the workers here are among her voter base.”

      And then there’s the matter of money and how people are paid. A few months into her administration, Meloni introduced a proposal to raise the ceiling for cash transactions from 2,000 euros (about $2,110) to 5,000 euros ($5,280), a move that critics saw as an attempt to better insulate black market and organized crime networks from state scrutiny.

      Workers describe that they were often paid in cash and that their bosses were always looking for ways to take them off the books. “We have to push them to pay us the official way and keep our contracts,” Rajvinder, 24, said. “They prefer to give us cash.” Being taken off a contract and paid under the table is a constant source of anxiety. “If I don’t have a work contract, my papers will expire after three months,” Samrath explained, describing how he would then become undocumented in Italy.

      Omizzolo says Meloni’s cash laws will continue to preserve the corruption and sustain a shadow economy that grips the workers coming to the Pontine Marshes. Even for people who once worked above the table, the new government’s laissez-faire attitude towards the shadow economy is pushing them back into obscurity. “That law is directly contributing to the black market — people who used to be on the books, and have proper contracts, are now re-entering the shadow economy,” he said.

      The idealistic image of the harvest was powerful propaganda at the time. Not shown were the workers, brought in from all over the country, who died of malaria while digging the trenches and canals to drain the marsh. It also stands in contrast to today’s reality. Workers are brought here from the other side of the world, on false pretenses, and find themselves trapped in a system with no escape from the brutal work schedule and the resulting physical and mental health risks. In October, a 24-year-old Punjabi farm worker in the town of Sabaudia killed himself. It’s not the first time a worker has died by suicide — depression and opioid addiction are common among the workforce.

      “We are all guilty, without exception. We have decided to lose this battle for democracy. Dear Jaspreet, forgive us. Or perhaps, better, haunt our consciences forever,” Omizzolo wrote on his Facebook page.

      Talwinder, 28, arrived on the marsh last year. “I had no hopes in India. I had no dreams, I had nothing. It is difficult here — in India, it was difficult in a different way. But at least [in India] I was working for myself.” His busiest months of the year are coming up — he’ll work without a day off. And although the mosquitoes no longer carry malaria, they still plague the workers. “They’re fatter than the ones in India,” he laughs. “I heard it’s because this place used to be a jungle.”

      Mussolini’s vision for the marsh was to turn it into an agricultural center for the whole of Italy, giving work to thousands of Italians and building up a strong working peasantry. Today, vegetables, olives and cheeses from the area are shipped to the United States and sold in upmarket stores to shoppers seeking authentic, artisan foods from the heart of the old world. But it comes at an enormous price to those who produce it. And under Meloni’s premiership, they only expect that cost to rise.

      “These days, if my family ask me if they should come here, like my nephew or relatives, I tell them no,” said Samrath. “Don’t come here. Stay where you are.”

      https://www.codastory.com/rewriting-history/indian-migrants-italy-pontine-marshes

  • Pourquoi donner quelque chose contre rien ?
    Alvin W. Gouldner
    Revue du MAUSS 2008/2 (n° 32)

    Un article passionnant qui traite de ce que l’auteur, Alvin W. Gouldner, nomme la norme de bienfaisance (nous devons donner ou recevoir l’aide dont on a besoin, contre rien), par opposition à la norme de réciprocité (nous devons aider ceux qui nous viennent en aide)

    Quelques extraits pour donner envie (mais ça vaut le coup de tout lire) :

    Il n’est pas excessif d’affirmer que bien peu de sociétés autres que la nôtre ont voué un tel culte à cette idée selon laquelle l’homme n’a droit qu’à ce qui lui est dû. Le marché ne constitue-t-il pas l’une des institutions les plus rationnelles que l’histoire ait développée pour assurer la combinaison des prestations réciproques entre les personnes ? Ne confie-t-elle pas non pas aux hommes, mais à un mécanisme impersonnel le soin de déterminer ce qui revient à chacun au regard de sa contribution propre ? Qu’un tel mécanisme n’ait pas suffi à instaurer la paix dans le monde industriel est un fait historique indéniable qui, en partie, montre bien les insuffisances de la norme de réciprocité ou de la conformité aux droits statutaires pour maintenir la stabilité des systèmes sociaux.

    (...)

    Lorsque l’on analyse la fonction de maintien des systèmes sociaux qu’exercent les normes de bienfaisance, l’une d’entre elles mérite une attention toute particulière. La norme de bienfaisance peut en effet constituer un mécanisme permettant de briser les cercles vicieux de la réciprocité. Il est fréquent, dans les systèmes sociaux régis par la norme de réciprocité, qu’une aide non retournée soit ressentie et de fait communément considérée comme un comportement hostile. Cela conduit souvent le partenaire lésé à rendre la pareille, ce qui, par voie de conséquence, conduit l’autre à se comporter de manière hostile, et c’est ainsi que leur interaction s’enferre dans un jeu de représailles et de conflits mutuels inextricables, au point qu’ils deviennent totalement étrangers l’un à l’autre. Il est extrêmement difficile de mettre un terme à de tels cercles vicieux. L’un des seuls moyens de s’en extirper consiste à faire preuve de magnanimité : l’un des partenaires doit « tendre l’autre joue », « tourner la page ». C’est justement cette magnanimité que la norme de bienfaisance encourage. En effet, dès lors qu’une telle norme est explicitée et reconnue, toute personne qui la fait sienne pourra « passer l’éponge » sans pour autant se considérer comme faible ou lâche. Elle pourra même, au contraire, penser qu’elle est d’une certaine façon supérieure et (du moins moralement) plus forte que son partenaire.

    Ce qui prend ici l’apparence d’une manifestation spontanée de magnanimité, résultant des motivations personnelles d’un individu singulier, a donc pour origine une norme culturelle. Lorsque quelqu’un passe pour être capable de s’extraire de tout un ensemble de forces sociales contraignantes qui l’enferment dans de tels cercles vicieux, de ne pas rendre coup pour coup, insulte pour insulte, il est souvent, et à juste titre, considéré comme quelqu’un qui possède des qualités personnelles hors du commun, comme s’il avait l’étoffe d’un héros. Il apparaît comme le héros de l’interaction. Sans pour autant minorer la signification et la valeur individuelle d’un tel acte – car tous les individus ne saisiront pas de telles opportunités avec le même empressement et le même courage –, reste que c’est avant tout le code moral, à travers sa dimension de bienfaisance, qui donne à l’individu, par ailleurs disposé à en faire usage, la force de s’arracher lui-même librement à de tels cercles vicieux.

    Les normes de bienfaisance servent également de « mécanisme de démarrage », en contribuant à initier les interactions sociales. Dans mon article précédent, je suggérais que la norme de réciprocité peut par elle-même jouer ce rôle dans la mesure où elle permet de moins hésiter à faire le premier pas. De façon comparable, mais avec plus de force encore, les normes de bienfaisance sont susceptibles d’exercer un tel rôle. En effet, elles incitent l’individu à donner sans que son geste soit motivé par la perspective d’une prestation en retour. On pourrait à cet effet recourir à une analogie un peu facile : la norme de bienfaisance est la clé de contact qui met en mouvement le mécanisme de démarrage – la norme de réciprocité –, qui à son tour fait tourner le moteur – le cycle des échanges mutuels. Mais si cette analogie peut sembler un peu approximative, c’est parce qu’il existe une interaction continue entre les normes de bienfaisance et de réciprocité.

    https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2008-2-page-65.htm

    #Gouldner #don #antiutilitarisme

  • À propos de la vitesse généralisée des transports. Un concept d’Ivan Illich revisité [*] | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2009-3-page-449.htm

    Une critique et affinage de la notion de vitesse généralisée proposée par Illich et Dupuy dans les années 60-70.

    Ainsi, la radicalité de la critique ne porte pas sur la vitesse, mais sur la société industrielle.

    Pourtant, la vitesse en tant que telle pose bel et bien un problème de société : si ses avantages sont indéniables mais souvent surestimés, elle provoque aussi à partir d’un certain seuil des nuisances nombreuses et exponentielles (bruit, pollution, consommation d’espace, effets de coupure, ségrégation sociale...). Aussi une réflexion approfondie sur les effets positifs et négatifs de la vitesse est aujourd’hui indispensable.

    #vitesse_généralisée #voiture #vélo #transport #vitesse #Ivan_Illich #Jean-Pierre_Dupuy

  • Le concours qui ne disait pas son nom. L’invention du numerus clausus de médecine (1968-1979) | Marc-Olivier Déplaude
    https://www.cairn.info/revue-sociologie-2019-2-page-179.htm

    L’institution du #concours de fin de première année de médecine en 1971 a été le produit d’une double mobilisation. La première, particulièrement visible, a pris naissance parmi certaines fractions dominantes du corps médical peu après la crise de mai et juin 1968. Pour ces #médecins choqués par ces événements, seule l’institution d’un concours très sélectif au début des études de médecine était à même de préserver – voire de restaurer – le prestige de la profession médicale. La seconde, plus discrète, est celle de la Direction du Budget, pour qui l’accroissement rapide des dépenses de santé, lié au développement de l’offre de soins, était un sujet de préoccupations croissant. Elle a représenté, pour les médecins engagés en faveur de la « sélection », un soutien de poids au sein de l’État.

  • Les résistances françaises aux vaccinations : continuité et ruptures à la lumière de la pandémie de Covid-19
    https://www.cairn.info/revue-herodote-2021-4-page-227.htm

    Parallèlement aux représentations paternalistes ancrées dans les discours de l’époque [~dernier quart du 19e siècle], de la part des #médecins libéraux, première profession en nombre représentée à la Chambre des députés et au Sénat, la résistance provient en grande partie d’une répulsion de l’intrusion de l’État dans le cadre de leur exercice professionnel. La lecture des négociations à l’Académie de médecine au temps du premier projet de loi d’obligation vaccinale fait apparaître que ce n’est pas tant l’inoculation qui est discutée par les médecins récalcitrants que les enjeux pour la profession médicale. Les médecins sont en effet en quête de légitimité après la dissolution des corporations sous la Monarchie constitutionnelle par la loi Le Chapelier du 14 juin 1791. « Il ne s’agit pas encore de la liberté du citoyen livrée à l’arbitraire de la loi », annonce ouvertement le médecin Jules Guérin, « c’est la liberté du médecin couvrant de sa volonté et de son droit la liberté de son client [...] la #vaccine obligatoire serait donc une atteinte portée à la liberté professionnelle, et une source de conflit perpétuel entre le droit du médecin et l’arbitraire de la loi » [5]. Ces débats s’inscrivent clairement dans un climat d’affirmation corporatiste de la profession médicale puisque dans le même temps est créé le premier syndicat de médecins (1881).

    [...] Les systèmes de santé favorisant l’exercice de la médecine dans un cadre libéral, comme en France, ou au contraire l’extension d’un modèle de soins médicaux publics et la fonctionnarisation des médecins, vers lequel se dirigent alors des pays comme la Suède ou l’Allemagne, impactent le statut social de ces professionnels. Le positionnement social qu’implique le cadre libéral favorise davantage le recrutement politique et de fait l’influence de la profession au sein du Parlement, ce qui n’est ainsi pas sans lien avec le retard français à adopter l’obligation vaccinale. Après plusieurs années de débats houleux, la vaccination antivariolique obligatoire est finalement votée par le Parlement avec la loi du 15 février 1902 consacrant pour la première fois la notion de santé publique.

    • C’est au tournant des années 1950 que l’antivaccinalisme contemporain puise ses sources, porté par certains acteurs de l’agriculture biologique dont les contours politiques ne sont pas si évidents qu’ils le paraissent. La question est importante car l’identification des idéologies politiques véhiculées par les planificateurs de la résistance vaccinale sous-tend les alliances, les stratégies et la portée du mouvement auprès de la population.

      En 1954, Marcel Lemaire crée la Ligue nationale contre les vaccinations obligatoires issue de la fusion de l’Association des parents des victimes des vaccinations, de la revue naturaliste La Vie claire (qui deviendra plus tard une enseigne commerciale pionnière de l’alimentation biologique) et de la ligue Santé et Liberté s’érigeant contre ce qu’elle désigne comme les « dogmes pasteuriens » et comptant dans ses rangs l’homéopathe qui a élaboré l’oscillococcinum®. Un détail qui a son importance car la marginalisation des homéopathes perçus comme des charlatans par le corps médical traditionnel et une partie de la société les amène à chercher des soutiens. Les milieux anti-vaccins ont très tôt saisi cette occasion pour rallier ces adeptes de choix au vu de leur activité professionnelle et de leur influence auprès des patients.

      Avant de participer à la fondation de la Ligue nationale contre les vaccinations obligatoires, la revue La Vie claire diffuse ses convictions naturalistes et végétaliennes et se fait le porte-voix d’une morale conservatrice et nationaliste, dénigrant l’État-providence, le matérialisme, l’effritement de la famille et de la religion, et s’opposant à l’avortement et la contraception au travers de discours portés sur un passé mythifié.

    • En étudiant le discours porté par les publications de La Vie claire, Christine César démontre le basculement de l’idéologie extrême-droitiste de ce pilier de l’agriculture biologique en France vers une idéologie environnementaliste de gauche à partir des années 1970-1980. Cette évolution répond de la labellisation des produits issus de l’agriculture biologique (1981), de la normalisation progressive qui en a découlé et des orientations commerciales consécutives au rejet de la société de consommation prôné par la pensée libertaire soixante-huitarde, l’émergence de l’écologie politique et la diffusion de théories du New Age.

      Ce détour par les liaisons réticulaires entre la Ligue nationale contre les vaccinations obligatoires, la revue La Vie claire et la pensée des pionniers de l’alimentation biologique permet ainsi de comprendre comment l’idéologie antivaccinale a infiltré les courants d’extrême droite avant d’atteindre la pensée environnementaliste de gauche et d’extrême gauche à partir des années 1970.

      C’est assez excellent de lire cet historique en même temps que « Q comme complot » que j’ai enfin presque fini, où Wu Ming 1 démontre en long et en large comment la diffusion du New Age et des fantasmes de complots se sont diffusés dans la gauche après être passé par l’extrême droite, dans les années 70 notamment, partout dans le monde.

      #complotisme #new_age #années_70 #histoire

    • En France, en dehors des déterminants géographiques soulignés plus tôt, il apparaît que les médecins qui respectent le moins les recommandations vaccinales pratiquent généralement un mode d’exercice particulier de type médecine douce (acupuncture, homéopathie), sont plutôt âgés (plus de 60 ans) et, lorsqu’ils ont des enfants, ils les vaccinent peu [Collange et al., 2015], ce qui traduit une cohérence entre leurs comportements professionnels et personnels, ainsi qu’un fort attachement à leurs convictions. À l’opposé, les médecins les plus favorables à la vaccination sont le plus souvent des jeunes femmes, appartenant à un réseau, effectuant un volume d’actes élevé (plus de 15 par jour), conventionnées en secteur 1, accueillant une proportion plus élevée de bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) et évoluant dans un cabinet de groupe

      Mais à bas les vieux boomers riches !

    • Si l’on étudie plus attentivement les causes systémiques qui expliquent en partie les différences de perception vaccinale observées entre le Royaume-Uni et la France au cours de la pandémie, on retrouve le rôle crucial de l’architecture du système de santé. Au Royaume-Uni, ce dernier repose sur un modèle beveridgien (ou « universaliste »), du nom de l’économiste britannique Lord Beveridge (1879-1963) qui, en 1942, en a déterminé les caractéristiques selon trois axes : l’universalité de la protection sociale, l’unicité de sa gestion étatique et l’uniformité des prestations. Avec la création du NHS en 1948 par le Labour Party, le gouvernement britannique est le premier à avoir proposé des soins gratuits, financés par l’impôt, à l’ensemble de sa population. Cette institution nationale n’a pas sa pareille dans le monde : avec plus de 1,5 million de salariés, le NHS est le premier employeur britannique et le cinquième plus importants au monde après le département américain de la Défense, l’Armée populaire de libération chinoise, la chaîne de magasins américaine Walmart et le groupe McDonald’s.

      Le système de santé français repose à l’inverse sur un modèle de logique assurantielle dit bismarckien (ou « corporatiste »), en référence au chancelier allemand Otto von Bismarck (1815-1898) qui, en 1880, ordonne la dissolution des syndicats par crainte de la montée du parti socialiste tout en cherchant à améliorer les conditions de vie du prolétariat et décide d’institutionnaliser la protection sociale avec la mise en œuvre d’assurances obligatoires pour les personnes accédant à un emploi à partir de 1883. Ce modèle est majoritairement financé par des assurances obligatoires issues de cotisations professionnelles et se caractérise par sa décentralisation. Alors que dans le système français les médecins sont rémunérés sous forme de rétribution mixte à dominante de paiement à l’acte, les médecins généralistes britanniques sont rémunérés par l’État en fonction du nombre de patients inscrits à leurs cabinets, de plus ils doivent remplir des objectifs de santé publique.

      L’enrôlement des médecins libéraux dans des objectifs de santé publique fait particulièrement défaut au système français et peut expliquer les écarts de perception vaccinale avec le Royaume-Uni, notamment du fait de la place du colloque singulier entre patient et médecin dans le secteur libéral où l’attention des prescripteurs est davantage portée sur la conception individuelle de la santé que sur une vision communautaire.

      #santé_publique

  • Mélanie BOURDAA, Les Fans. Publics actifs et engagés, Caen, C&F Éditions, coll. « Les enfants du numérique », 2021, 310 p. | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-reseaux-2022-5-page-285.html

    Les Fans. Publics actifs et engagés est un ouvrage tiré de l’habilitation à diriger des recherches de Mélanie Bourdaa, travail engagé en sciences de l’information et de la communication. Elle s’intéresse aux pratiques « faniques » ayant lieu autour des séries télévisées, notamment à l’heure d’internet, et plus particulièrement à l’identité des fans et à leur engagement social. L’objectif est alors de comprendre « les enjeux des activités et pratiques des fans en lien avec le monde social, politique et culturel » (p. 29), donc comment les activités des fans peuvent être des activités qui investissent des débats sociétaux, tels les mouvements féministes ou LGBTQ+. Son ouvrage est composé de deux parties, chaque partie étant divisée en trois chapitres. Une première partie intitulée « Politique(s) du et des fans : activisme et engagement social », réalise une revue de littérature sur ce que sont les fans studies et sur l’importance des représentations fictionnelles dans le cadre notamment des coming-out pour les publics non hétérosexuels. La seconde partie, « Pratiques de fans », analyse ce que font les fans, aussi bien à travers leur engagement dans un collectif que dans l’acquisition de compétences.

    #Fans #Mélanie_Bourdaa

  • Parution de « Les enfants de la Machine »
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article1765

    La revue Ecologie & Politique vient de publier un numéro exceptionnel (n°65) – mais à tirage limité - titré « Les enfants de la Machine », consacré à l’eugénisme, aux biotechnologies et à la reproduction artificielle de l’humain. Ce volume coordonné par Jacques Luzi et Mathias Lefèvre, est édité au Bord de l’eau et disponible en librairie (20 €, 195 p.)

    « Un jour, les femmes n’enfanteront plus. Leurs cellules et celles des hommes seront soigneusement produites, sélectionnées puis traitées en laboratoire en vue de la fabrication industrielle d’êtres humains. Améliorés, sur mesure, sans défauts génétiques. De la science-fiction ? En réalité, cet avenir d’où l’enfantement aurait disparu, ce futur où les enfants ne seraient plus le fruit du hasard biologique mais celui d’un système technologique finement paramétré, (...)

    #Documents

  • La double peine écologique pour les classes populaires
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/11/16/la-double-peine-ecologique-pour-les-classes-populaires_6150107_1650684.html

    Si quelqu’un⋅e trouve ce #paywall quelque part…

    Le regard médiatique et politique s’est récemment porté sur les inégalités sociales face à la question environnementale, en se fixant sur les usages des jets privés. Pourtant, plusieurs travaux sociologiques ont souligné que ce sont sur les classes populaires que les injonctions à écologiser les modes de vie pèsent le plus lourd.

    #écologie #pauvreté #classes_populaires #sociologie #enquête

  • Wu Ming 1 sur la gauche, les conspi, et l’Italie de 2022

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/090922/quand-la-gauche-ne-fait-pas-son-travail-le-conspirationnisme-remplit-l-esp

    Dans ce contexte [Italie sous pandémie], la gauche, même radicale, a complètement failli à sa fonction critique. Or l’absence de critique radicale construite et argumentée est la voie ouverte aux fantasmes conspirationnistes. C’est mathématique, si l’espace est vide, il sera rempli par les complotistes.

    Quel est l’état de la gauche italienne à l’approche des élections italiennes du 25 septembre ?

    Cadavérique. Bien sûr, il existe des mouvements de jeunes inquiets pour le climat, des mobilisations comme celle du Val de Suse, comparable avec votre ZAD, et il existe beaucoup de choses au niveau local. Mais à l’échelon national, la pandémie a donné le coup de grâce à une situation déjà très mauvaise. La gauche institutionnelle, le Parti démocrate (PD), est plus à droite que Macron, c’est dire. Même le mot de gauche est désormais haï. Beaucoup de gens ne l’utilisent plus. Et comme ils ne peuvent se dire « ni de droite ni de gauche », parce qu’ils savent que c’est la rhétorique fasciste, ils ne disent rien.

    • ESSAIS

      « Quand la gauche ne fait pas son travail, le conspirationnisme remplit l’espace »

      L’un des membres du collectif bolognais Wu Ming revient pour Mediapart sur les élections italiennes et le livre décisif qu’il a écrit sur le complotisme en général et QAnon en particulier.

      Joseph Confavreux

      9 septembre 2022 à 18h48


      En 1999, « Luther Blissett », un pseudonyme collectif subversif militant et artistique publie, chez l’éditeur italien Einaudi, un livre intitulé Q, qui devient rapidement un best-seller. L’intrigue du roman, traduit en français au Seuil l’an dernier, se déroule entre 1517 et 1555 et tisse un long duel à distance entre un hérétique aux multiples noms et un agent provocateur papiste répandant de fausses informations au moyen de lettres signées du nom biblique Qohélet.

      Vingt ans plus tard, les premières traces du mouvement QAnon sont pétries de références à cet ouvrage. Au point que lorsque des adeptes de ce mouvement convaincu de lutter aux côtés de Donald Trump contre un complot pédocriminel et sataniste réussissent à pénétrer dans le Capitole le 6 janvier 2021, le collectif italien Wu Ming, héritier du Luther Blissett Project, croule sous les demandes d’entretien pour savoir « s’il était vraiment plausible que ce qui avait déclenché un processus culminant dans une attaque du Parlement de la plus grande puissance mondiale, ça pouvait avoir été une blague inspirée d’un roman ».

      Tel est le point de départ de l’enquête généalogique menée par Wu Ming 1, Roberto Bui, l’un des membres du collectif Wu Ming, dans l’ouvrage Q comme complot. Comment les fantasmes de complot défendent le système, que publient les éditions Lux.

      Le livre, centré sur le phénomène QAnon, mais qui analyse aussi d’autres phénomènes similaires comme la prétendue mort dissimulée du chanteur Paul McCartney, la croyance que les Américains ne seraient jamais allés sur la lune ou les DUMB (Deep Underground Military Bases) dans lesquelles des monstres garderaient des millions d’enfants prisonniers, constitue sans doute l’ouvrage le plus précis publié récemment sur des sujets où le fantasme, l’invective, le mépris ou les banalités tiennent le plus souvent lieu de propos.

      En premier lieu, l’ouvrage emploie un procédé rhétorique simple mais efficace qui consiste à cesser de parler de « théories du complot » pour traduire « conspiracy theory », en rappelant que le terme de « theory » n’a pas le même sens en anglais, où il désigne davantage une hypothèse, voire une élucubration, qu’en français ou en italien, où il est nimbé d’une aura de sérieux. En s’intéressant à des « fantasmes de complots », à des narratifs, à des mécanismes, à des généalogies, à des correspondances, il est plus aisé de comprendre ce qui se joue qu’en opposant mécaniquement une théorie frelatée à une vérité établie.

      Ensuite, il refuse de stigmatiser et de pathologiser celles et ceux qui tombent dans le « trou du lapin » – référence à Alice au pays des merveilles désignant le glissement vers une réalité alternative –, et de juger « complotiste quiconque ne se content[e] pas des narrations officielles, des apparences immédiates, des argumentaires du pouvoir ».

      La pire erreur, juge l’auteur, serait de lier l’emprise de QAnon à un problème de stupidité, d’ignorance ou de maladie mentale, d’autant qu’elle se loge dans une erreur complémentaire, « celle qui consiste à croire que les sectes ne recrutent qu’à droite, parmi les fascistes et les réactionnaires variés. L’éducation, l’intelligence, la santé mentale, l’appartenance à la gauche : rien de tout cela n’immunis[e] automatiquement contre QAnon. »

      Enfin, il se démarque d’une attitude inverse, répandue dans une certaine gauche, qui consiste à minimiser l’importance et les effets de ces fantasmes de complot, au motif qu’il existe de véritables conspirations des puissants, et que ces derniers se servent du syntagme et stigmate « complotiste » pour délégitimer leurs adversaires. Certes, se jouent derrière le rideau des décisions défavorables, voire déflagratoires pour les peuples. Certes, les fantasmes satanistes, les emprises ésotériques ou les délires collectifs ne datent pas d’aujourd’hui. Mais le phénomène QAnon signale l’entrée dans une nouvelle ère du fantasme complotiste qui ne peut se balayer facilement, parce qu’elle entrave la possibilité de s’émanciper des méfaits du système économique et politique contemporain.

      « Si les fantasmes de complot étaient si répandus, s’ils avaient une telle emprise, cela signifiait qu’ils remplissaient une fonction. Une fonction systémique », écrit ainsi l’auteur. En arrachant le sujet du complotisme à la morale pour effectuer un massif travail d’histoire et d’analyse, Q comme complot valide l’hypothèse qu’il formule, dès son sous-titre, à savoir que cette fonction systémique consiste, in fine, à protéger un système à bout de souffle.

      « Pour utiliser une métaphore d’électricien, le conspirationnisme était la prise de terre du capitalisme : il évacuait la tension vers le bas et empêchait que les personnes soient foudroyées par la conscience que le système devait être changé », écrit Wu Ming 1.

      Entretien sur QAnon, les mécanismes du complotisme mais aussi les élections italiennes à venir.

      Qu’est-ce que Wu Ming et comment le situer par rapport au Luther Blissett Project ?

      Wu Ming 1 : Le Luther Blissett Project regroupait une centaine d’artistes et d’activistes, partageant le même nom, pour revendiquer des actions politiques, des performances de rue, des vidéos, des fanzines, des canulars médiatiques, des livres, des émissions de radio…

      Il était explicitement construit pour brouiller l’identité de ses auteurs, et construire un personnage mythique et provocateur qui se situe quelque part entre le bandit social et le « trickster », le filou. Nous avions choisi le nom d’un footballeur connu pour ses piètres performances au début des années 1990.

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      « Luther Blissett » est devenu très populaire dans la culture populaire italienne à la fin des années 1990, et sa célébrité a culminé avec la publication du roman Q, que nous avions été quelques-uns à écrire, qui s’est vendu à plus de 700 000 exemplaires et a été traduit en de nombreuses langues.

      Après la publication de ce roman, cinq d’entre nous ont décidé de se consacrer plus spécifiquement à l’écriture et de prendre un nom collectif. Wu Ming est un jeu de mots, car en chinois, selon l’intonation, cela peut signifier « sans nom » ou « cinq noms » : à l’époque nous étions cinq, maintenant nous ne sommes plus que trois.

      En refusant de mettre nos noms sur les couvertures des livres, de passer à la télévision ou d’être photographiés, nous voulions refuser la machine médiatique consistant à transformer les écrivains en stars, mais nos noms ne sont pas secrets. Je suis Roberto et je suis Wu Ming 1, non parce que je serais le chef, mais parce que nous avons choisi nos noms de plume en fonction d’un simple ordre alphabétique !

      Nous avons écrit des livres et des essais, seul ou à plusieurs, en cherchant souvent à publier des objets narratifs non identifiés, hybrides d’enquête et de littérature. Ce livre-ci, j’ai mis trois ans à l’écrire, mais il est le fruit de deux décennies de recherches sur les fantasmes de complot que nous avions étudiés, démontés et parfois inventés depuis l’époque du Luther Blissett Project.

      Vous sentez-vous en partie responsable de l’essor du mouvement QAnon ?

      Absolument pas. Mais il est très plausible que l’initiateur de ce jeu horrible connaissait notre roman. Il y a trop de coïncidences, notamment avec ce personnage qui envoie des messages cryptiques signés « Q », affirmant qu’il est très bien placé dans les cercles du pouvoir et qu’une bataille finale se prépare. La première personne qui a envoyé une de ces fameuses « Q drop » sur le forum 4chan connaissait sans doute notre roman et nos canulars sur le pédosatanisme. Mais voulait-elle seulement jouer de la crédulité des partisans de Trump, s’amuser un peu, ou partageait-elle les fantasmes ? Toujours est-il que le phénomène lui a sans doute échappé, même si le tout début de QAnon demeure mystérieux. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas impliqués dans la création de QAnon, mais les échos entre les débuts du phénomène et ce que nous avions écrit m’ont poussé à vouloir approfondir la manière dont ce qui était au départ un jeu avait été exploité pour devenir un monstre.

      Comment expliquez-vous le succès inédit de QAnon parmi les différents fantasmes de complot qui ont pu exister ?

      C’était le bon narratif dans le bon tempo. En réalité, il s’agit d’une synthèse d’histoires, de mouvements, de symboles, de croyances qui sont présents depuis déjà longtemps, mais qui ont vu en Donald Trump, à son accession à la Maison Blanche, cette figure messianique espérée par beaucoup.

      Mais QAnon n’aurait pu connaître un tel succès sans les réseaux sociaux et un moment où l’information était principalement formée par eux. QAnon était un réseau dans le réseau. Il était une forme mimétique du Net et se développait en même temps que lui, en pouvant ainsi toucher des millions de personnes.

      Aujourd’hui, la situation est quelque peu différente, avec la défaite électorale de Trump en 2020, l’envahissement du Capitole le 6 janvier et les mesures prises par les grandes plateformes, QAnon est devenu moins visible.

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      Mais le phénomène continue à se développer, avec des courants plus souterrains, qui doivent continuer à nous inquiéter. En particulier ce qu’on peut apercevoir d’une hybridation entre QAnon et des mouvements New Age, écologistes, post-hippies, que nous avons longtemps associés à la gauche et qui adoptent des narratifs de plus en plus complotistes à la faveur de la pandémie de Covid et de la façon dont elle a été gérée.

      On voit apparaître une sorte de « droite cosmique » qui associe les thématiques habituelles de la droite dure en les inscrivant dans une sorte de constellation spirituelle et une esthétique psychédélique. QAnon a fourni le contexte de cette inquiétante jonction avec le New Age, et le management de la pandémie a créé les conditions pour que cela devienne un phénomène global.

      Si QAnon est un phénomène du XXIe siècle qui n’aurait jamais pu avoir lieu au XXe siècle, ses racines sont cependant très anciennes. Il reprend des narratifs remontant au Moyen Âge, telles les accusations faites aux juifs de se nourrir du sang d’enfants. Un apport de ce livre est ainsi, par la généalogie, de montrer que QAnon n’est pas un phénomène purement américain, comme on l’a beaucoup dit. Oui, l’arbre se trouve aux États-Unis, mais les racines se trouvent en Europe. Ce qui explique aussi pourquoi les phénomènes post-QAnon contemporains se développent aussi et facilement de ce côté de l’Atlantique.

      Vous écrivez que QAnon a réussi la singularité conspirationniste. Qu’est-ce que cela signifie ?

      La singularité est un concept jugeant qu’il existe un moment où un changement qui pourrait paraître isolément anodin fait en réalité franchir un seuil séparant un monde où il reste des repères d’un espace chaotique. Au printemps 2020, aidé par le Covid, QAnon avait réalisé cette « singularité conspirationniste », ce passage soudain d’un état à un autre, à une échelle vaste et imprévisible, en tout cas disproportionnée par rapport au déclencheur.

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      Un militant brandit un grand panneau "Q" lors d’un meeting de Donald Trump, le 2 août 2018, à Wilkes Barre, en Pennsylvanie. © Photo Rick Loomis / Getty Images via AFP
      La singularité conspirationniste, c’est ainsi le point où de nombreuses communautés conspirationnistes se rencontrent et se fondent. QAnon a absorbé et digéré tout ce qui tournait autour des ovnis, des Kennedy, du « grand remplacement », des reptiliens, des juifs, des satanistes…

      QAnon n’est toutefois pas le premier exemple de singularité conspirationniste. Après la Révolution française, il existe une forme similaire de convergence des différents fantasmes de complot, notamment sous la plume du prêtre français Augustin Barruel, qui décrit la Révolution française comme l’aboutissement d’un complot préparé depuis deux mille ans par les francs-maçons, les Illuminati et d’autres groupes…

      À vous lire, les fantasmes conspirationnistes et les conjurations réelles fonctionnent de façon très différente.

      Il est essentiel de ne pas oublier que les conspirations existent réellement. L’histoire politique en compte plein. Le crime organisé est fondé là-dessus. Mais les complots réels, qu’il s’agisse du Watergate ou des fausses preuves forgées pour envahir l’Irak, ont un objet précis, impliquent un nombre d’acteurs limités, sont souvent imparfaits et découverts, et sont le reflet d’un moment historique donné.

      Au contraire, les complots fantasmés apparaissent vastes et illimités, et reposent sur le sentiment que tout ce qui arrive, même quand cela a l’air d’aller à son encontre, fait partie du plan. Et ils sont anhistoriques, transcendant toutes les époques et les contextes, puisqu’ils sont en cours depuis siècles.

      En quoi les fantasmes de complot protègent-ils le système ?

      Ils renforcent plus qu’ils ne minent l’état des choses. Parce qu’ils servent de distraction sur les fonctionnements réels du capitalisme, notamment par la surpersonnalisation. Bill Gates peut être considéré comme un adversaire. La vision de la santé promue par la fondation Gates, qui travaille avec des multinationales comme BASF, Dow Chemical, GlaxoSmithKline, Novartis et Pfizer, s’adosse à une infatigable défense de la propriété intellectuelle et impose des modèles néfastes dans les pays du Sud, est une cible légitime. Mais avec l’idée que Gates aurait planifié la pandémie pour implanter des nanoparticules dans notre corps pour le contrôler à distance, le principal résultat obtenu est d’inhiber les critiques portant sur ce qu’il fait vraiment.

      Chaque minute consacrée aux chemtrails est soustraite aux vraies batailles en faveur de l’environnement.

      Wu Ming 1
      Les fantasmes conspirationnistes piratent les énergies qui pourraient servir de carburant à la révolution et au changement social : le mécontentement, la rage, le sentiment d’être maltraité par le système. Même si les personnes qui adhèrent à ces fantasmes de complot pensent sincèrement être contre le système, en réalité, elles le renforcent. On a vu comment les mouvements sociaux étaient facilement délégitimés quand ils étaient accusés d’être complotistes.

      Les fantasmes de complot antisémites sur Rothschild n’ont jamais atteint le capital financier, mais ont mené à l’assassinat de millions de personnes. Les légendes haineuses sur Soros et l’immigration n’ont pas non plus atteint le capital mais ont fait croître la xénophobie. Chaque minute consacrée aux chemtrails est soustraite aux vraies batailles en faveur de l’environnement. De cette manière, les fantasmes de complot semblent viser haut mais frappent en réalité bas.

      QAnon a dépeint les puissants comme de vrais vampires. Le sang n’est ainsi plus une métaphore de la force de travail, du temps de vie, de l’existence prolétarienne dans les rapports sociaux : c’est du sang, un point c’est tout. Bu par Hillary Clinton, George Soros ou Joe Biden. Et croire en QAnon aide aussi à ne pas se sentir floué : on dirait que Trump ne fait rien pour les pauvres, mais en réalité il mène une bataille secrète contre les pédophiles qui contrôlent la planète…

      Pourquoi jugez-vous que le livre d’Umberto Eco, Le Pendule de Foucault, est essentiel pour comprendre les conspirationnismes contemporains ?

      Quand j’ai lu ce livre dans les années 1980, alors que j’étais encore adolescent, je n’ai rien compris, il y avait trop de références mystiques, d’occultisme. Mais je l’ai repris après avoir entendu parler de QAnon et c’est un ouvrage en tous points prémonitoire. C’est un vrai chef-d’œuvre pour comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les complots et c’est pour cela que j’ai demandé au fils d’Umberto Eco la permission d’emprunter les noms des personnages du Pendule de Foucault pour dialoguer avec eux dans mon ouvrage.

      Au départ, l’histoire est celle de trois éditeurs qui veulent imiter et parodier la logique fallacieuse des complotistes en en produisant un qui expliquerait l’histoire entière du monde. « Nous – les sardoniques – nous voulions jouer à cache-cache avec les diaboliques, leur montrant que, si complot cosmique il devait y avoir, nous savions, nous, en inventer un, que plus cosmique que ça vous pouvez toujours courir », s’amusent-ils.

      Naît ainsi ce qu’ils nomment « Le Plan » qui, pour résumer, juge que les conspirateurs de toutes les époques, ou prétendus tels – des templiers aux Juifs, des rose-croix au francs-maçons, des jésuites aux nazis – avaient cherché à contrôler les courants telluriques, le monde souterrain. Tous les événements de l’histoire – chaque guerre, conjuration et révolution – auraient dépendu de ce qui se passait littéralement sous terre. Dans leur reconstitution burlesque, Hitler n’aurait jamais eu comme intention principale d’exterminer les Juifs mais voulait leur dérober un message pour devenir le maître du monde.

      Mais ces trois éditeurs, partis avec l’intention de se moquer d’une telle approche, commencent à y succomber, à voir le monde sur un mode hallucinatoire en reliant tous les éléments épars à la lueur d’un grand complot venu de loin.

      Le roman d’Eco n’est pas, selon moi, une parodie du conspirationnisme, comme l’ont pensé certains critiques superficiels, mais un apologue sur le fait qu’il est vain, contre-productif et même dangereux de parodier les complotistes. C’est un récit édifiant qui rappelle que la satire sur le conspirationnisme peut amuser ceux qui étaient déjà sceptiques, mais pour ceux qui voient des complots partout, les caricatures ou les interprétations excessives n’existent pas.

      On a parlé de « post-ironie » pour évoquer la version endurcie et aiguisée de la communication de l’alt-right américaine. La post-ironie produit des « énoncés invulnérables » parce que, présentés comme des « plaisanteries », ils désarment préventivement la moindre critique, alors que leurs contenus odieux abaissent chaque fois le curseur de l’acceptable.

      Comment lutter contre les fantasmes de complot si ni l’ironie ni la démystification ne fonctionnent ?

      Le fact-checking [vérification des faits] est nécessaire, mais n’est pas du tout suffisant, et ne permet pas de convaincre les personnes qui croient aux fantasmes de complot. Or, c’est grave, non seulement cela protège le système, mais cela déchire des familles entières. Si votre mère tombe dans le « trou du lapin », ce n’est pas en lui mettant la réalité sous les yeux que vous l’en ferez sortir. Mais si elle tombe dans le trou, c’est parce qu’elle souffre, qu’elle cherche un sens à sa vie, qu’elle est fâchée avec la politique, qu’elle est impuissante face à la pollution… La question est donc moins de répéter que les narratifs conspirationnistes sont faux, mais de comprendre à quels besoins ils répondent, quelles frustrations ils révèlent, et d’offrir d’autres solutions.

      Le travail de Conspiracy Watch est accablant, ils font beaucoup plus de mal que de bien.

      Wu Ming 1
      L’autre aspect important est de comprendre les noyaux de vérité autour desquels se forment les fantasmes complotistes, car il en existe toujours. Tout fantasme de complot, même le plus insensé, part toujours d’un noyau de vérité, même s’il élève ensuite des balivernes dessus.

      La troisième chose essentielle est de ne pas mépriser les gens qui y croient, comme le font de nombreux « fact-checker ». Le travail de Conspiracy Watch est à cet égard accablant, ils font beaucoup plus de mal que de bien. Il ne faut pas partir des choses qui nous séparent mais de ce qu’on peut partager : oui, le système est abominable ; oui, il y a des puissants qui se foutent de vous ; oui, la planète est en train d’être détruite. Mais pas forcément de la manière dont vous le pensez.

      Une partie de votre livre est consacrée au « virocentrisme », une notion que Wu Ming a déjà développée ailleurs. Que désignez-vous ainsi et en quoi est-ce un souci ?

      En Italie, nous avons sans doute eu la pire gestion de la pandémie dans le monde, avec un confinement très strict, militarisé, et la désignation de boucs émissaires, en envoyant des drones pour repérer si personne n’allait faire un jogging sur une plage ou une randonnée en forêt, alors que le risque de contagion était nul.

      Tout était centré sur l’obsession inatteignable de rendre la contagion impossible, mais sans jamais remettre en cause le fait que la médecine de proximité avait été laminée, que la privatisation de la santé était avancée, et que donc tout le monde se retrouvait massé aux urgences, où beaucoup de gens se sont contaminés.

      La Lombardie, qui est la région où la mortalité a été la plus forte, est aussi la région où la santé avait été la plus brutalement privatisée et centralisée. Mais en dépit de cela, nos gouvernements faisaient peser le développement de la maladie sur la seule responsabilité personnelle, sans jamais regarder les structures sous-jacentes. On situait tout sur un plan moral, jamais sur un plan politique.

      Dans ce contexte, la gauche, même radicale, a complètement failli à sa fonction critique. Or l’absence de critique radicale construite et argumentée est la voie ouverte aux fantasmes conspirationnistes. C’est mathématique, si l’espace est vide, il sera rempli par les complotistes.

      Quel est l’état de la gauche italienne à l’approche des élections italiennes du 25 septembre ?

      Cadavérique. Bien sûr, il existe des mouvements de jeunes inquiets pour le climat, des mobilisations comme celle du Val de Suse, comparable avec votre ZAD [zone à défendre], et il existe beaucoup de choses au niveau local. Mais à l’échelon national, la pandémie a donné le coup de grâce à une situation déjà très mauvaise. La gauche institutionnelle, le Parti démocrate (PD), est plus à droite que Macron, c’est dire. Même le mot de gauche est désormais haï. Beaucoup de gens ne l’utilisent plus. Et comme ils ne peuvent se dire « ni de droite ni de gauche », parce qu’ils savent que c’est la rhétorique fasciste, ils ne disent rien.

      À propos de fascisme, que pensez-vous de l’expression de « post-fasciste » employée au sujet du parti Fratelli d’Italia, qui fait la course en tête dans les sondages ?

      Fratelli d’Italia est l’héritier en ligne directe du Mouvement social italien, un parti fondé en 1946 par les vétérans de la collaboration avec le nazisme. Il est donc issu de ladite « République sociale italienne », ou République de Salo, l’État fasciste établi par Mussolini dans le centre et le nord de l’Italie entre 1943 et 1945, après sa libération par les SS et alors que les Alliés contrôlaient le sud de l’Italie.

      Le chantage au risque fasciste ne fait plus peur à personne.

      Même si la constitution interdisait les partis fascistes, le Mouvement social italien, ouvertement néofasciste, a été toléré. Et le parti de Giorgia Meloni est le produit assumé de cette histoire. Mais le chantage au risque fasciste brandi, encore cette fois, par les partis néolibéraux a été fait tellement de fois que l’argument éculé du moindre mal ne fait plus peur à personne.

      Le dégoût de la politique a atteint des proportions astronomiques et beaucoup - dont je fais partie - ne vont plus voter. Si la participation dépasse les 50 %, ce sera déjà beaucoup. Bien sûr, on n’attend pas pour voter d’être d’accord avec 100 % du programme d’un parti, mais là, quand on est de gauche, on ne peut pas partager plus que 10 % de ce que nous proposent les partis en lice.

      Quelles leçons tirez-vous de l’effondrement du Mouvement Cinq Étoiles ?

      Le Mouvement Cinq Étoiles n’était qu’apparence, et n’avait pas de substance. C’était un mouvement poujadiste repeint en vert, et encore la couche de peinture était extrêmement fine. Quand ils étaient alliés avec la Ligue du Nord, ils ont suivi sa politique sur les migrants. Quand ils ont changé d’alliance pour se rapprocher du PD, ils ont suivi sa politique ultralibérale. Ils ont été punis par leur base électorale parce qu’ils ne constituaient pas une alternative réelle. Et, depuis mon poste d’observation, je remarque aussi qu’ils ont constitué un pont pour plusieurs personnes de gauche vers le conspirationnisme.

      Joseph Confavreux

      Boîte noire
      L’entretien a été réalisé à Paris mercredi, en anglais et, à la demande de Wu Ming 1, aucune photo n’a été prise de l’auteur.

    • viser haut, frapper bas

      il se démarque d’une attitude (...) répandue dans une certaine gauche, qui consiste à minimiser l’importance et les effets de ces fantasmes de complot, au motif qu’il existe de véritables conspirations des puissants, et que ces derniers se servent du syntagme et stigmate « complotiste » pour délégitimer leurs adversaires.

      (...) on peut apercevoir d’une hybridation entre QAnon et des mouvements New Age, #écologistes, post-hippies, que nous avons longtemps associés à la gauche et qui adoptent des narratifs de plus en plus complotistes à la faveur de la #pandémie de #Covid et de la façon dont elle a été gérée.

      Wu Ming, pour une nouvelle #littérature_épique - Rencontre avec un collectif anonyme, Isabelle Mayault
      https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2018-1-page-64.htm

      #Wu_Ming #Roberto_Bui #histoire #enquête #conspirations #fantasme_complotiste #conspis #trou_du_lapin #réalité_alternative #QAnon #fact-checking #droite_cosmique #singularité conspirationniste (2020) #surpersonnalisation

  • Violence coloniale, violence de guerre, violence totalitaire

    The conquest of Ethiopia was the only colonial enterprise overseas carried out by a totalitarian power. Miss-timed in history, it was a war of expansion taking place in a period when decolonization was already underway in several empires. Being a colonial war, it was also a national and total war due to the range of Italian mobilization on the military, political and ideological levels. The question remains : was it war of Fascism or a Fascist war ? This query is dealt with in the present article as seen through the prism of violence. The object is not so much to present an inventory of crimes and massacres perpetuated in Abyssinia – well-known thanks to the historiography of the last thirty years – but to examine the effects of the arbitrariness of Fascist totalitarianism and the “permanent exception” that was colonial rule. Already tested on a large scale by Fascism in Lybia and Somalia, the violence employed in Ethiopia was first a means, as in other colonial contexts, to cause submission and to dominate. However, in studying these administrative modalities from the top echelons of the state to the implementers, it seems that violence was not only a means, but also a value in itself.

    https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2008-2-page-431.htm?contenu=resume

    #impérialisme #Italie #colonialisme_italien #Italie_coloniale #histoire #colonialisme #colonisation #Italie #violence #violence_coloniale #guerre #violence_totalitaire #Ethiopie #fascisme #domination #arbitraire #exception_permanente

    –—

    ajouté à la métaliste sur la #colonialisme_italien :
    https://seenthis.net/messages/871953

    via @olivier_aubert

    ping @cede @karine4

  • La masculinisation des naissances. État des lieux et des connaissances
    Christophe Z. Guilmoto
    Dans Population 2015/2 (Vol. 70), pages 201 à 264

    https://www.cairn.info/revue-population-2015-2-page-201.htm

    Quand Amartya Sen lança il y a vingt-cinq ans son cri d’alarme sur les millions de femmes manquant dans le monde, c’était avant tout la surmortalité féminine qui expliquait ce relatif déficit et la prépondérance des hommes (Sen, 1990). La population du monde est devenue majoritairement masculine en 1955, principalement en raison des déséquilibres en Asie, et la part des hommes n’a cessé d’augmenter légèrement depuis. Mais depuis les années 1990, on a aussi observé un accroissement anormal de la proportion de naissances masculines dans plusieurs pays du monde. Les rapports de masculinité à la naissance (RMN) [1] y sont désormais supérieurs à 110 ou 115 garçons pour 100 filles (tableau 1), alors que la norme la plus courante est 105. La natalité est donc à son tour devenue un instrument de discrimination sexuelle : elle accentue la progression graduelle du poids démographique des hommes que les Nations unies ne voient pas s’inverser avant 2030, en dépit des progrès de la longévité féminine qui est largement supérieure à celle des hommes [2]
    [2]Selon les pronostics à long terme des Nations unies, le monde…
    .

    #femmes #misogynie #féminicide #sexisme