ReSPUBLICA » Temps de la famille, temps non-productif : faut-il les rémunérer ?

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  • ReSPUBLICA » Temps de la famille, temps non-productif : faut-il les rémunérer ?
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    L’innovation du capitalisme, dit Wallerstein, a consisté à établir un lien entre la division du travail au sein des ménages et « l’évaluation » (« la valorisation »), du travail de chacun. Au « chef de famille » la valorisation monétaire du salaire : puisque son travail pouvant dégager un « surplus appropriable » par l’employeur, il était dit « productif ». En revanche, tout travail domestique, quelque nécessaire qu’il soit, considéré « improductif », s’est trouvé exclu du circuit monétaire dominant, donc dévalué. Le sexisme, dont les conséquences perdurent même quand les femmes se salarient, est une des composantes de cet assujettissement des producteurs au salariat.
    En effet, et contrairement à ce qu’on dit souvent, le salaire n’est pas la rémunération du travail humain vivant fourni dans le processus de production. Pour les classiques (Ricardo, Malthus, Marx) c’est la rémunération monétaire nécessaire à la seule reproduction de la force de travail du producteur et de sa famille. La « loi d’airain des salaires » (ne pas payer davantage que ce qui suffit à cette reproduction) en découle.
    L’employeur sait très bien qu’en réalité, la main d’œuvre dont il pourra disposer sera d’autant plus stable et efficace (à salaire égal) que ses salariés vivront en ménage, que leurs enfants seront en nombre optimal, et suffisamment formés pour lui succéder. C’est ainsi que le « paternalisme social » a construit des corons, ou créé des clubs de football. De même, l’État a mis en place depuis le XIXe siècle des politiques sociales (loi sur le travail des enfants, les mutuelles, les retraites, services publics, protection sociale, etc.). La « loi d’airain » y trouve son compte : ne pas augmenter les salaires, grâce à l’externalisation de la prise en charge du temps non productif de reproduction de la force de travail.
    Le travail domestique de la femme qui nourrit et blanchit le prolétaire, l’éducation des enfants, la garde assurée par les vieillards, comme les soins qu’ils nécessitent, tout cela reste exercé gratuitement, non rémunéré. Et voué éternellement à l’improductivité au sens du capital : ces peines-là ne méritent pas salaire. Plus exactement, elles sont une des contreparties du salaire perçu par le membre productif de la famille, jadis appelé « l’argent du ménage » (que le mauvais ouvrier boit au café…).