• #Tilos, île des migrants (et réfugiés)

    Cet entretien réalisé par Dominique Dupart et Angeliki Poulou (*) de Maria Kamma, mairesse étiquettée « Indépendante » de l’île de Tilos, fait entendre comment se passe concrètement l’accueil des migrants sur une toute petite île du Dodécanèse, une île défavorisée par sa géographie lointaine et par sa petitesse qu’accompagne un faible peuplement.

    http://blogs.mediapart.fr/blog/dominique-dupart/020915/tilos-ile-des-migrants-et-refugies
    #Grèce #réfugiés #migrations #asile

    • On comprend vite que l’insularité propre à Tilos, sous l’égide bienveillante de la mairesse, conduit tout le monde, habitants et estivants, à s’organiser « en autogestion », comme on dit, expression qui, à Tilos, ne désigne pas seulement une pratique gauchiste plus ou moins récente fondée sur un idéal de vie collective à distance des appareils oppressifs mais bien la seule façon de s’en sortir, depuis toujours, et pas seulement pour les estivants : en raison de l’isolement manifeste de l’île provoqué par cette insularité. Tout ce que nous sommes venus chercher sur Tilos, en vérité, (le calme, la solitude, les grands paysages naturels) sont seulement les manifestations des immenses difficultés de l’île à s’organiser dans tous les domaines. « Notre grand problème, c’est le manque de liaisons maritimes », répète Maria Kamma au cours de l’entretien que nous avons conduit avec elle, Angeliki Poulou et moi. Un grand problème que, tout d’abord, on enregistre mentalement sans le comprendre, puisque lié à l’insularité, mais que l’insularité aurait dû rendre impossible, justement, car comment vivre sinon dans une île qui ne produit rien, ou presque, si les liaisons maritimes sont si fragiles,compte tenus des besoins ? La beauté de l’île est la face visible d’une semi-autarcie forcée qui implique une cascade de difficultés auxquelles les habitants ne peuvent remédier, avec l’aide de la mairesse, qu’en agissant avec leur propres moyens. En vrac : ce sont les habitants de l’île qui ont construit eux-mêmes les écoles (seule la dernière a bénéficié d’un cofinancement Grèce-UE), ce sont eux qui ont construit le microscopique hôtel de ville, et c’est eux qui financent la présence médicale dans l’île. Comme il est souvent mentionné dans les notules médiatiques consacrées sur le web à Tilos,la police, et donc la municipalité, n’ont aucun bateau à sa disposition. « Tilos est une île abandonnée par l’État depuis toujours », commente Maria Kamma. Avec cette phrase en tête, on essaye de comprendre comment on arrive à faire de la politique dans ces conditions,quand ona aucun, absolument aucun moyen financier dignes de ce nom à disposition.

      #îles #isolation

    • La première coulée de lave, c’est quand nous lui demandons si les particuliers de Tilos sont rémunérés parfois en sous-main par les migrants ou si elle veille que ce ne soit pas le cas. « Impensable, dit-elle. C’est une calomnie même de l’imaginer ». Maria Kamma raconte alors une autre de ses éruptions sur un plateau télé quand une journaliste, Eleonora Meleti, » spécialiste » en « star system grec » a osé lui insinuer la même chose. « Je me suis levée et je suis partie. » La vidéo est visible sur internet[3]. Les particuliers qui repêchent les migrants payent l’essence de son bateau lui-même eux-mêmes. « Je crois qu’on ne peut pas être plus clair », dit-elle. Et de balayer d’un revers de main la question de la pénalisation des particuliers qui prêteraient leur véhicule aux migrants puisque c’est interdit. Ici, ça ne compte pas, dit-elle. « En grandissant dans une île dans laquelle ils doivent faire face à un grand nombre de difficultés, les habitants connaissent ce que c’est que survivre ».

      #τιμή