Je ne sais pas si le procès a abordé la véritable question qui est celle de l’abandon des familles avec des handicaps lourds. Je ne pense pas à un geste d’amour mais plutôt à un geste d’épuisement et de désespoir. Parce que le côté « je reprends la vie que j’ai donné », c’est un peu « la porte ouverte à toutes les fenêtres », comme dirait Les Nuls.
Par contre, l’absence de solutions collectives, de support, ça c’est un débat clé. Je connais une femme qui élève seule un enfant lourdement handicapé. OK, elle est payé par l’État pour le faire… elle touche par mois ce que cet enfant coûterait par jour dans une institution.
Mais c’est tout.
Il y a l’amour et tout le bordel, mais il y a aussi les conditions réelles de vie, effroyables : service 24h/24, 7j/7 365j/an. Surtout que le gosse grandit et devient balèze et a parfois des accès de violence. Là, c’est seule. Il ne dort pas jusqu’à 4h du mat… toi non plus.
Les courses, le ménage, les démarches administratives, les visites, tout, c’est avec lui, tout le temps, même quand il fait des trucs zarbis qui mettent mal à l’aise les autres gens. Même s’il se met à crier (parce que dans la vie quotidienne, il y a des trucs qui le font chier grave et ça se comprend.)
Si t’es crevée et pas lui… tant pis pour ta gueule.
Si t’es malade… ben non, tu n’as pas le droit. Tu as de la fièvre, tu ne peux pas te trainer… ça ne change rien, il a besoin de toi tout le temps.
D’ailleurs tu as peur de tomber malade.
Tu as peur de vieillir.
De ne plus pouvoir arquer.
Tu ne peux pas trop compter sur la famille et les amis, parce que tout le monde a fui. Parce que c’est lourd, le gamin et tout ça.
Et tu sais qu’un jour tu vas crever et qu’il va se retrouver dans un de ces endroits où tu ne peux pas le laisser…