Le code du travail remplacé par des « négociations » patrons / salariés ?

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  • Le code du travail remplacé par des « négociations » patrons / salariés ?
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    Les français adorent rigoler. L’humour est, en France, une vertu nationale. Et bien sûr, nos gouvernants sont à notre image. En son temps, Alfred Jarry nous en a peint les caractères dans son célèbre « Ubu roi ». Grâce à lui, nos gouvernants ont un modèle. Ils s’y conforment avec conviction.

    Par exemple, ils parlent beaucoup ces mois-ci de réformer le « #Code_du_travail ». C’est vrai qu’avec le temps, il en a pris de l’embonpoint, ce bon vieux code (1). Le gouvernement se montre ainsi prévenant envers son personnel de justice même le plus modeste  : il ne voudrait pas que ses conseillers prud’hommes attrapent des tendinites et même des lombalgies à trimbaler ce code avec ses plus de 3000 pages. Forcément, des centaines de lois et de décrets, ça fait lourd.

    LE CODE DU TRAVAIL SIMPLIFIÉ

    « Pour définir les relations entre patrons et salariés, qui sont si simples dans le fond, tant de bla-bla est-il nécessaire, je vous le demande ? » , nous questionne benoîtement le gouvernement. « Salariés et patrons ne peuvent-ils s’accorder sans le secours de la loi, comme en famille, entre bons parents et enfants obéissants ? Supprimons (pardon pour ce lapsus, simplifions, quoique, il est vrai, la meilleure des simplifications n’est-elle pas la suppression ?) le code du travail, tout deviendra si simple. »

    « Certes, certes – ajoutent prudemment nos pères Ubu - les esprits chagrins vont dire qu’à n’en pas douter, les salaires diminueront, les charges sociales fondront, les cadences augmenteront, les licenciements pleuvront mais, oh miracle, parole de Hollande et de Valls certifiée par le #MEDEF, le chômage enfin diminuera puisque les entreprises qui gagneront beaucoup plus d’argent pourront enfin embaucher. »

    En France, c’est bien connu, tout se joue autour d’une bonne table, entre la poire et le fromage. C’est en gros ce qu’on nous propose de faire pour les relations au travail. Les rôles sont déjà bien clairs : les salariés seront les bonnes poires ; les patrons garderont tout le fromage.

    « Simplifions ! », c’est devenu la règle d’or. Le gouvernement donne l’exemple, normal. Voyez le document présentant la #loi_Valls-Macron (appelée abusivement partout loi Macron, alors que c’est au nom de Valls qu’elle est présentée par ce dernier). Il ne fait que 516 pages en petits caractères (2). Commentaires compris, il « pèse » à lui seul environ un sixième de ce Code du travail qu’il faut alléger d’urgence. Et qu’est-ce qu’elle fait, la loi Valls-Macron ? Elle impose plein de petits règlements (pris sans concertation avec les salariés) concernant le travail du dimanche, le transport en autocar, les indemnités en cas de licenciement et de mille autres « petites » choses qui se font flinguer au passage. Il n’y manque que les fameux ratons-laveurs, si chers au poète Jacques Prévert.

    C’est pas de la libéralisation (pardon, simplification) ça ?

    LA « VIE » DES LOUPS SIMPLIFIÉE

    Changeons de registre. Si le père Ubu est roi, la mère Ubu est reine. La France, a signé des conventions internationales pour la protection de la nature et la conservation des espèces protégées. A à ce titre, elle s’est engagée à protéger le loup, espèce emblématique s’il en est, essentielle à l’équilibre naturel des écosystèmes.

    Et alors ? Est-ce que cela peut empêcher notre sémillante ministre de l’Environnement d’ouvrir la chasse au loup ? Non. Vous voyez une contradiction quelque part vous ? Elle, pas !

    En toute quiétude, notre ministre recyclée vient d’autoriser, à la demande d’éleveurs (les loups mangent parfois des moutons) et au mépris le plus complet de l’environnement, l’abattage des loups. Bon, d’accord, ça «  simplifie  » définitivement la vie des loups, et puis, «  Moins de loups, moins de chômeurs  » nous dit, avec un clin d’œil complice, Ségolène. Non pas qu’elle compare les chômeurs à des loups, halte là ! Non, c’est que Ségolène a trouvé « le » truc pour inverser la courbe du chômage  : pour crever les loups, il faut du personnel. Pas moins de dix « emplois d’avenir » ont été créés. Si on crée autant pour chaque espèce protégée à abattre… le chômage en tremblera dans ses bottes. Ce n’est pas pour rien qu’elle a fait l’ENA, la Ségolène.

    Puisqu’on en est aux agriculteurs, ou, pour être exact aux industriels de l’agriculture, penchons-nous un peu sur les mœurs de ces gens-là. Partout en France, regroupés dans une sorte de tribu, la FNSEA, ils commettent régulièrement des violences et des saccages.

    LA VIE DÉJÀ SIMPLIFIÉE DE LA #FNSEA

    Des camions de fruits ou de légumes venus de « l’étranger » (c’est-à-dire des pays auxquels nos industriels agricoles vendent leurs céréales, leurs produits laitiers, leurs vins et tant d’autres choses) vidés sur la chaussée, des palettes enflammées faisant fondre le goudron de nos rues et routes, des tonnes de fumier et des barils de lisier déversés dans les sous-préfectures, des locaux de la MSA attaqués, des personnels molestés… La liste des exactions est infinie… ainsi que les sommes astronomiques de subventions (nationales ou européennes) avec lesquelles les pouvoirs publics les arrosent (3). Finalement, la vie de la FNSEA est déjà simplifiée depuis longtemps  : on hurle, on casse et on repart avec un bon paquet d’oseille.

    Cet été, au nom du « porc breton » ou des légumes (100 % engrais chimiques) bien de chez nous, ils se sont surpassés.

    En face, quelle mansuétude. Tout est permis à ces gens-là, ils ont pu démonter, sous les yeux de la maréchaussée, les portiques de l’écotaxe (ou de les faire flamber, c’est au choix) et ils en ont même vendu des morceaux aux enchères (ce qui porte juridiquement les beaux noms de destruction et vol de bien public, incendie volontaire, recel de vol, le tout en bande organisée, pour ne pas parler d’entreprise terroriste) (4).

    Les « forces de l’ordre » contemplent toujours ces violences d’un œil débonnaire. Elles ne réagissent que mollement quand un FNSEAste leur fonce dessus, tout dernièrement, en tracteur.

    Quel contraste saisissant avec le «  traitement » imposé à tant d’autres personnes (salariés licenciés qui manifestent un peu trop fort, défenseurs des droits de l’homme qui ont le mauvais goût de protester contre la venue de tel ou tel tyran, protecteurs de la nature qui s’opposent à un projet d’aéroport ou de barrage…).

    Rappelons comment ça s’est passé à Sivens. Tout d’abord, des commandos d’industriels de l’agriculture ont pu venir agresser violemment les zadistes sur le site. Ils ont passé les imposants barrages policiers dans un sens comme dans l’autre sans se faire «  appréhender  ». Comme s’ils étaient transparents. Ensuite, la moindre manifestation en défense du site a donné lieu à une répression féroce. On ne compte plus les blessés ni les condamnations à de lourdes amendes ou à des peines de prison, ni les interdictions. Pour finir, un jeune homme, un botaniste des plus pacifiques, a été tué par la police à bout portant.

    Pourtant les dégâts consécutifs à ces manifestations sont infiniment moindres que ceux causés par les agriculteurs, les conséquences économiques sont sans commune mesure.

    SIMPLIFIONS ENFIN LA VIE DES PATRONS ET DES POLITICARDS

    Et d’ici, nous revenons à notre problématique de départ  : les travailleurs doivent comprendre que le pouvoir les prend entre le marteau et l’enclume : l’enclume de la régression sociale incessante et le marteau de la répression pour ceux qui seraient tentés de se révolter. Et, là, ça ne rigole plus. Plus du tout.

    Il y a plus de trois siècles, au temps de l’oppression monarchique, du temps où il n’y avait que des « sujets » d’un maître absolu, Jean de La Fontaine l’écrivait fort bien :

    « Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir. »

    C’était dans son fameux « Les animaux malades de la peste » . Les «  animaux  », c’est toujours nous  ; la peste, c’est le capitalisme. Mais la morale de La Fontaine est toujours d’actualité  : travailleurs, chômeurs, jeunes promis au chômage ou à l’exploitation, la seule solution pour ne pas nous faire écraser, c’est de devenir forts. Penser le devenir tout seul est une cruelle illusion. Dans notre classe sociale, on ne devient fort que par la solidarité, la réflexion et l’action constamment poursuivies. C’est ainsi seulement que nous pourrons simplifier la vie de nos patrons et dirigeants, en les mettant dans la poubelle de l’histoire.

    (1) - Le Code pénal en a pris encore plus, de l’embonpoint, mais là, pas question de simplifier. Les lois liberticides s’ajoutent aux lois liberticides dans un magma de textes sans que cela gêne du tout nos gouvernants.

    (2) - Voir « Macron : atomiser pour mieux exploiter ! » dans @anarchosyndicalisme ! N°145 http://seenthis.net/messages/385695 . Le « Projet de loi pour la croissance et l’activité présenté au nom de M. Manuel VALLS,... par M. Emmanuel MACRON,... » fait exactement 516 pages (texte de la proposition de loi et commentaires inclus). http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl2447.pdf

    (3) - Il faut reconnaître, et c’est une leçon que la classe ouvrière devrait méditer, qu’ils savent être unis.

    (4) - Voir plus de détails dans notre n°145 «  Autour de ‘Ethnorégionalisme & Ultralibéralisme, La Bretagne pour laboratoire’  » http://seenthis.net/messages/385698 .

    @anarchosyndicalisme ! n°146

    ---- #Société --------------------

  • MACRON : ATOMISER POUR MIEUX EXPLOITER ! http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article763

    Le « Projet de loi pour la croissance et l’activité (procédure accélérée) (renvoyé à une commission spéciale.) présenté au nom de M. #Manuel_VALLS, Premier ministre, par M. #Emmanuel_MACRON, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique » - c’est le titre exact du document commenté ici - est un fourre-tout de 516 pages en petits caractères (texte de la proposition de loi & commentaires) [1].

    516 pages qui sautent du coq à l’âne, des transports en autocar aux professions réglementées en passant par le travail du dimanche, le plafonnement des indemnités en cas de licenciement etc., etc., j’en passe et de des pas mûres, mais toujours avec un seul objectif : libéraliser, libéraliser, libéraliser.

    Une question d’éthique pour commencer : qui, en dehors d’un professionnel de la politique (du syndicalisme ou du droit) peut être mesure de lire et d’analyser un document aussi long et touffu ? Dans ces conditions, qui peut encore affirmer que « Nul n’est censé ignorer la loi ». Et où est la démocratie quand des mesures qui modifient en profondeur le droit du travail (notamment) et donc la vie de chaque salarié sont noyées, dissimulées, dans un flot de mots et, de plus, exprimées en des termes incompréhensibles aux principaux intéressés ?

    Faire l’inventaire et la critique de chaque article, l’un après l’autre, est matériellement impossible à moins de disposer de temps et de moyens colossaux.

    Pour donner un exemple de l’analyse qu’il faudrait faire de chacune des lignes de ces 516 pages, voyons un seul article, perfide comme tant d’autres. C’est l’article 83, du Chapitre II  : «  Droit du travail », à la section I : «  Justice prud’homale  », ouf ! Les « explications » (pas beaucoup plus intelligibles que le texte de proposition de loi) sont page 456.

    Cet article n’a l’air de rien. En gros, il propose qu’en cas de conflit entre un employeur et « son » salarié, une sorte de contrat individuel amiable (j’ai failli écrire « aimable » pour le patron) puisse être passé entre les deux parties, sans autre forme de procès et sans tenir compte de quelque règle de droit du travail que ce soit. En pratique, cela ouvre la possibilité aux patrons de s’asseoir définitivement sur ce droit. Ce dont ils ne vont pas se priver.

    La relation employeur-employé est, faut-il le rappeler, dissymétrique, le «  contrat amiable  » ne peut être que biaisé. L’employeur possède dans son arsenal nombre de possibilités pour imposer sa loi à « son » travailleur. Celles-ci peuvent être incitatives : la carotte (par exemple des augmentations ou des primes, pour « rattraper  » a minima une faute patronale vraiment trop importante) et surtout répressives  : le bâton (non-renouvellement d’un contrat, licenciement de l’intéressé, mesures de rétorsion contre un membre de sa famille s’il travaille dans la même entreprise, placardisation, harcèlement, etc.).

    Constat amiable, la manivelle à la main

    Une comparaison pour mieux comprendre. Quant on a un accident de la voie publique et que l’on rédige un constat amiable, on décrit les faits qui se sont produits, mais leurs interprétation et leur conséquences (juridiques, financières) sont régies par le code de la route. Autrement dit, c’est le code de la route qui dit qui a «  tort  » et qui a «  raison ». C’est un peu comme ça que cela se passe aujourd’hui pour les conflits du travail quand ils sont jugés  : les parties exposent leur vision des faits, et c’est en fonction du droit que les « fautes » sont déterminées.

    Imaginons un moment que l’on applique la logique de la loi Macron à la circulation routière. En cas d’accident, ce ne serait plus le code de la route qui dirait qui est en tort et qui ne l’est pas. Il reviendrait aux deux signataires du constat amiable de s’entendre et de déterminer, d’un commun accord les responsabilités. Si vous n’êtes ni très musclé ni bagarreur imaginez ce qui pourrait vous arriver si vous deviez signer un tel constat amiable de nuit, sur le bord d’une départementale déserte, avec un routier pas vraiment sympa descendant de son camion, manivelle à la main…

    Le contrat amiable de la #loi_Macron, c’est l’ouvrier démuni face à son patron la manivelle à la main.

    Cette habile proposition de loi fait d’une pierre deux coups et désarme le travailleur en lui ôtant son principal moyen de défense (l’action directe collective) mais aussi la « roue de secours  », le droit du travail. Car ce contrat, comme son nom l’indique, est individuel. Les «  dossiers  » seront traités au cas par cas, ce qui laissera tout loisir à l’employeur de favoriser (un peu) l’un en défavorisant l’autre, bref, d’aggraver les disparités.

    Atomiser le salarié, l’isoler, le couper des autres, éclater le bloc des ouvriers, créer des tensions et des rancœurs entre eux… La stratégie est ancienne - Divide et impera (divise et règne) écrivait déjà Machiavel (et avant lui les Grecs !) – mais toujours crapuleuse.

    Mais que font les syndicats, direz-vous (enfin, si vous n’êtes pas un lecteur habituel de ce magazine). Les syndicats ne font rien. Ils ne feront rien  : la loi Macron, entre autres mesures, a prévu quelques gâteries pour eux : de nouvelles heures de délégations rémunérées leurs sont promises. Juste de quoi acheter leur silence...

    Le seul vrai moyen de faire face à la loi Macron & Compagnie, c’est de faire bloc les uns avec les autres. Si le jeu des patrons est de diviser, le nôtre doit être de chercher à créer, par la solidarité, un rapport de force pour, quand c’est possible : refuser collectivement les entretiens individuels, imposer une égalité de traitement (« A travail égal, salaire égal » disaient les anciens), exiger du patron le respect des salariés (et donc des salaires dignes), éviter le traitement au cas par cas…

    Salariés, nous avons tout intérêt à jouer ensemble et pour l’ensemble.

    [1] http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl2447.pdf

    #économie

    @anarchosyndicalisme ! n°145
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