• David Gaborieau :« La chimère de l’usine sans ouvrier occulte la réalité du travail »
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    Dans les coulisses des grandes centrales d’achat (Amazon, Fnac) et des grands centres commerciaux, des ouvrières et des ouvrières s’échinent dans d’immenses entrepôts, qui poussent en périphérie des villes et dans les territoires ruraux. Invisibles, ces salarié-e-s sont aussi téléguidé-e-s par un logiciel via un casque audio. À quoi ressemble le travail quotidien dans ces entrepôts ? Quels sont les effets politiques de l’automatisation ? (...) Source : Revue Z via Terrains de Luttes

    • La santé au travail, voilà un thème dont les syndicats peuvent s’emparer ?

      Ils le font, mais restent relativement démunis, car une action syndicale offensive sur le front des accidents du travail est complètement dépendante des indicateurs chiffrés. Pour faire ressortir des chiffres précis il faut avoir des outils, et c’est l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) qui les possède. Dès qu’ils arrivent ils mettent des caméras partout : sur des chariots, sur des casques qu’ils font porter à des ouvriers. Ils filment l’activité, ils mesurent le pouls cardiaque, etc. Le passage d’une taxinomie populaire (« ça fait mal ») à un langage technicisé est immédiat. Ce qui débouche souvent sur des catégorisations de types de maladies très individualisantes. Le stress par exemple. Un autre concept important est celui d’ « auto-accélération » : l’accent est mis sur le fait que les travailleurs accélèrent tout seul, ce qui dédouane la direction. Le gros risque pour les syndicats, c’est de se laisser embarquer dans ce type de définition du problème, et de se retrouver à accompagner la mise en place de nouvelles formations aux gestes et postures, ou à la gestion du stress. Sans compter les délais des études épidémiologiques : le temps d’arriver à prouver l’impact d’une technologie sur la santé, elle a de fortes chances d’être de toute façon dépassée.

      Et, plus loin :

      C’est clairement le thème de la santé au travail qui pousse à mettre en avant la perspective de l’automatisation. La mécanisation est présentée comme le moyen de résoudre les problèmes amenés par la mécanisation.

      Quand tu lances les travailleurs là-dessus en entretien, c’est très fort ce que les gens disent : « De toute façon on est des robots, on ne sert plus à rien. Et puis dans dix ans ce sera automatisé. C’est pas grave, on fera autre chose. » Ce que je trouve frappant, c’est la force idéologique de cette idée d’automatisation – parmi les employés, et aussi dans les syndicats. Ça change la façon dont on va discuter du travail : ça délégitime la défense du métier, l’idée même de discuter comment on fait le travail, puisqu’il a vocation à disparaître très rapidement. L’usine sans ouvrier est pour l’instant une chimère qui a pour principal effet d’occulter la réalité du travail dans les entrepôts.