Comment bien raconter un viol

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  • De colère et d’espoir : Comment bien raconter un viol
    http://decolereetdespoir.blogspot.fr/2015/09/comment-bien-raconter-un-viol.html

    Le viol est à la fois une violence individuelle et une violence collective. C’est peut-être pour cette raison que Dworkin me donne toujours l’impression qu’elle raconte mon histoire, l’histoire de ma sœur, notre histoire collective… Qu’on ait ou pas été violée ou droguée, on s’identifie tellement à elle que, outre le fait de ne pas posséder son extraordinaire talent, on pense : « j’aurais pu écrire ça. J’aurais pu penser exactement ça ». Ainsi, nul besoin d’avoir vécu son drame pour comprendre pourquoi elle se sent frustrée de sa propre mémoire. Grâce à la culture du viol, même lorsqu’une femme se souvient, elle se souvient toujours mal. « Elle n’est pas objective. » « Es-tu sûre que tu n’es pas en train de tout inventer ça ? » « Ce n’est que sa version de ce qui s’est passé. » « Elle exagère ! » « Ça ne s’est pas passé tout à fait comme ça… » Ce gaslighting fait en sorte que, pour la victime, la violence sexuelle ne se termine pas avec le viol. On lui arrache d’abord ses vêtements, puis ses souvenirs. On violente son corps, puis son esprit. Jusqu’à ce qu’elle ne se fasse plus confiance à elle-même. Comment peut-on bien raconter un viol lorsqu’on sait très bien, tout en ne sachant plus trop, ce qui s’est passé ? Encore une fois : tous les coups sont permis pour nous faire nous la fermer.

    #dworkin #aftermath #viol #culture_du_viol #féminisme

    • Un truc curieux que je remarque, c’est le singulier obligatoire qu’il y a au mot viol quand on le raconte, comme le mot histoire, comme si il n’y avait qu’une histoire possible, celle qui est racontable. Dans le texte, il est écrit ’son viol’ ou ’le viol’, comme si il ne s’agissait jamais que d’une exception, justement une singularité, un singulier. Pardon de ne pas parler de Dworkin précisement, mais j’ai la profonde angoisse qu’un viol n’est jamais seul, qu’il en appelle d’autres, que c’est une spirale de maltraitance, de revictimisation qui peut saisir une femme (ou un enfant) qui a été violé·e. Parce que les violeurs et les maltraitants le sentent. Ce n’est jamais dit.