Au nom de la mère : ces parents qui choisissent le « matronyme »
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S’il semble que les décisions aient été prises de manière consensuelle au sein des couples, la même sérénité n’est pas à l’œuvre du côté des familles « lésées ». Jean-François Ficard se souvient que, pour sa mère, la nouvelle a été « très dure à avaler » : « Elle m’a demandé ce qui m’avait pris, elle me disait : “Mais tu es fou, ça n’a pas de sens.” Pour elle, j’avais abdiqué devant ma compagne, ça signifiait que j’étais plus dominé que dominant dans ma relation. On n’a jamais pu dépasser le niveau zéro de la conversation. »
Les amis proches de Jean-François Ficard ont aussi eu « du mal à comprendre [qu’il] puisse abandonner une part de ce qui était relié à [sa] paternité, une partie de [ses] prérogatives en quelque sorte » . « Lorsque je me suis séparé, se remémore t-il, ces mêmes personnes sont revenues à la charge en me demandant comment j’allais faire. Ça leur paraissait évident que désormais ma fille ne m’appartiendrait plus. Alors que ça n’a rien à voir. Clara, je l’ai en garde partagée. »
« Mes beaux-parents ont été très offusqués. Ils craignaient que je parte avec les enfants sous le bras »
Delphine Marchand, qui a été confrontée aux mêmes réticences, y voit la persistance d’une « société patriarcale » : « On m’a souvent reproché de mettre en doute la paternité de mon conjoint », se rappelle t-elle. « Mes beaux-parents ont été très offusqués. Ils avaient l’impression d’une disparition du droit parental et craignaient que je parte avec les enfants sous le bras. Il y a eu beaucoup de confusion, ils se sont braqués. On a eu beau leur expliquer, ça n’a pas été entendu et on s’est fâché. »
Pour éviter d’« attrister » ses grands-parents paternels, Nicola G. a carrément préféré « ne rien leur dire ». « Je n’étais pas sûr qu’ils comprendraient », avoue t-il. En revanche, ses parents n’ont pas tiqué : « Ils voulaient des petits-enfants et ils en étaient contents. » Certains couples se sont arrangés pour que la famille paternelle trouve une place dans l’ordre symbolique des choses : « On a donné le prénom de mon grand-père paternel en deuxième prénom à mon fils, explique Michaël Taupin. De façon à faire une sorte d’écho à ma famille dans l’état civil. »
Fanny Baroukh et François David ont également tricoté la situation qu’ils estimaient la plus juste. Ces deux trentenaires ont opté pour le nom maternel par choix esthétique et volonté de transmettre des « racines » hébraïques. Mais ont aussi donné à leurs deux fils, nés en 2013 et 2014, le nom paternel en deuxième prénom. « Ça a été une manière d’arrondir les angles avec la belle-famille, développe Fanny Baroukh, enseignante à Perpignan. On a senti qu’il y avait une gêne mais on n’a jamais eu à se justifier. »
Les justifications sont plus fréquentes face aux administrations, qui n’assimilent pas toujours la démarche : « A la crèche, ils appellent mon mari M. Baroukh, même si je leur ai expliqué, ils ne comprennent pas. Quand j’ai inscrit mon fils à l’école, le directeur m’a dit : “On a l’habitude des enfants qui n’ont pas de papa.” » De manière générale, Fanny Baroukh remarque : « Les gens nous regardent avec les yeux ronds. » Et pour cause : elle ne connaît personne dans son entourage ayant fait un choix semblable.
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