Des Nouvelles Du Front » À propos de « À nos amis »

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  • Les insurrections, finalement, sont venues. Exercice de critique collective d’« A nos amis » - Paris-luttes.info
    http://paris-luttes.info/les-insurrections-finalement-sont-2706

    ❝Le premier "atelier de #lecture à voix hautes" de la Bibliothèque autogérée de Malakoff (BAM) a porté sur le livre publié par le Comité Invisible.

    Seuls derrière nos écrans et nos murs, nous lisons les mêmes textes : l’isoloir démocratique fonctionne jusque dans nos pratiques de lecture. Les textes circulent sans que nous en parlions vraiment, ils ne sont le plus souvent discutés que de biais, par des ragots, des attaques ad hominem. Il y a, au contraire, tout à gagner à se saisir des #livres, ou des textes publiés sur internet, comme d’outils de rencontres. C’est bien ce à quoi invitait le titre d’#À_nos_amis, sur lequel a porté cette première tentative "d’atelier de lecture à voix hautes".

    (...) Par son emphase, c’est un livre qui cherche à produire une émotion, en employant un langage prophétique et globalisant. Vouloir susciter l’espoir et la combattivité est une chose, mais cela ne doit pas conduire à une occultation mystique de la question des rapports de force réels.(...) Pour une des personnes présentes, il y a là un saut qualitatif, une pensée neuve, en particulier autour de cette manière d’associer le terme de puissance à du sensible, de cet usage #politique de la notion de puissance sensible. Il faudrait entendre ici une forme de retour au concret de l’existence contre la froideur des idéologies politiques. D’autres font remarquer qu’il y a des appels au concret, à la présence, au sensible… qui peuvent eux-mêmes rester très abstraits. Bien plus, ce passage d’une grille de lecture politique à une grille de lecture éthique n’est-il pas le résultat d’une impuissance politique à transformer autre chose que sa propre vie ?
    (...)
    À vouloir élargir le champ, on peut avoir l’impression ici de perdre un peu pied, et de tout mélanger, quitte à recourir à des catégories massives quand même sacrément problématique, comme l’Occident. Il y a un effet de décollage philosophique qui est gênant si on attend de la #philosophie plutôt qu’un brusque envol vers la généralité une certaine précision dans l’usage des concepts et des catégories. C’est gênant parce qu’on perçoit bien qu’il y a quelque chose d’autre qu’une stratégie économique à décrire, il y a sans doute aussi son episteme, son arrière-plan existentiel si on veut, disons les formes de vie qui la sous-tendent et la rendent possible ; certes, mais tout ici est flouté : la crise ou l’Occident fonctionnent comme des jokers politiques auxquels on peut tout accoler (#crise économique, crise politique, mais aussi crise écologique, voire crise existentielle). On ne sait plus de quoi en parle, et surtout cette dispersion produit finalement une fâcheuse impression de dématérialisation, jusqu’à écrire : "La crise n’est pas économique, écologique ou politique, la crise est avant tout celle de la présence" [4]. Il semble qu’au nom de la présence se joue au contraire une montée en abstraction qui n’est pas maitrisée, et qui tend à faire passer au second plan les #phénomènes réels, matériels, d’expulsions de logement, de pertes d’emplois, de fermetures d’hôpitaux, etc. (...)

    #heideggeriens_de_gauche ;)

    • À propos de « À nos amis »
      http://dndf.org/?p=14409

      Ceci dit, soyons clairs sur un point : À nos amis ne manque pas de passages pertinents : par exemple la critique de l’humanisme de gauche (p. 33-34), de l’idéologie démocratiste/assembléeiste (p. 62-63), du pacifisme et de la posture radicale (p. 144-145). Mais ces morceaux critiques ne s’attaquent qu’à des idées : ils restent la plupart du temps sur le registre de la démystification édifiante et confortable, opposant simplement le vrai au faux – ce qui est tout à fait logique, car si l’économie comme objectivité, les rapports de production, les places assignées à ses agents, la structure différenciée du mode de production, etc. n’existent pas (ou n’existent plus), toute impasse et toute limite ne peuvent qu’être d’un ordre purement subjectif.

      De plus, la critique du milieu radical aux pp. 146-147 serait fort juste, si seulement elle était formulée de manière un tant soit peu auto-critique, ne serait-ce que parce que tous les points abordés – activisme gesticulatoire, culte de la performance, fixation identitaire, etc. – ont été alimentés et entretenus par le passé, de loin ou de près, par le Comité Invisible lui-même, dont nous savons que la modestie n’est pas sa principale qualité.

      Enfin, comme on l’a vu, les passages qui ont éveillé notre intérêt se trouvent malheuresement enfouis dans un bavardage irrépressible de propositions, proclamations, réflexions, références explicites ou implicites, citations, etc – toutes plus ou moins discutables, et reliés par un hyper-éclectisme vorace car incapable de trouver son centre aussi bien que le centre du monde qu’il s’efforce de critiquer. Le Comité Invisible passe aisément des « dévenirs révolutionnaires » de Deleuze (p. 44) à « la nausée » de Sartre (p. 30), de « l’enfer, c’est les autres » du même (ibid.) à la « déstruction créatrice » de Schumpeter (p. 23), de la « crise de la présence » d’Ernesto De Martino (p. 31) à la « guerre sainte » de René Daumal (p. 140), sans oublier Michel Foucault, Marshall Sahlins, Gregory Bateson, Giorgio Cesarano, le mystique anarchiste Gustav Landauer, ainsi que le bon vieux stalinien Gramsci et dieu sait combien d’autres, de façon qu’à peu près tout le monde puisse y trouver son compte… à condition de ne pas gratter sous la surface. On a même eu le droit au « parti dans son acception historique » de la lettre de Marx à Freiligrath, mais seulement pour se moquer de Marx et des « marxistes » (lequels ?) deux lignes après. Tout cela, d’ailleurs, se passe dans un petit bouquin de 200 pages en format A5, formellement bien écrit, et dans lequel la maîtrise du style péremptoire à la Debord est – bien évidemment – irréprochable. Nos auteurs, on doit le reconnaître, connaissent tellement bien le dossier, qu’ils pourraient se faire embaucher comme ghost writers chez monsieur Agamben. Mais attention, des logiciels peuvent déjà faire ça – ce qui en dit long sur le formalisme qui caractérise ce type de textes.

      #critique