Cette photographie, comme toutes celles de ce genre, est glaçante. Cela renvoie toujours au chapitre sur les temps d’une photographie dans la Chambre claire de Roland Barthes, celui qui prend racine avec la photographie de Stuart Alexander.
En 1865, le jeune Lewis Payne tenta d’assassiner le Secrétaire d’Etat américain W.H. Seward. Alexander Gardner l’a photographié dans sa cellule ; il attend sa pendaison. La photo est belle, le garçon aussi : c’est le studium . Mais le punctum , c’est : il va mourir. Je lis en même temps : cela sera et cela a été ; j’observe avec horreur un futur antérieur dont la mort est l’enjeu. En me donnant le passé absolu de la pose ( aoriste ), la photographie me dit la mort au futur. Ce qui me point c’est la découverte de cette équivalence. Devant la photo de ma mère enfant, je me dis : elle va mourir : je frémis, tel le psychotique de Winnicot, d’une catastrophe qui a déjà eu lieu. Que le sujet en soit la mort ou non, toute photographie est cette catastrophe.
Dans le cas de Vidkun Quisling, cela n’adoucit rien de se dire qu’il ne l’avait sans doute pas volé. J’étais tombé une fois sur une photographie de la pendaison de Rudolf Höss depuis la potence même à laquelle il avait fait pendre tant et tant de personnes, à quelques mètres de la première des chambres à gaz d’Auschwitz, il y a chaque fois dans de telles images une atmosphère effroyable, due en grand epartie parce que l’on sait, on le sait au delà même du contexte, que la personne photographiée n’est plus.
Et c’est évidemment insoutenable, par exemple, dans le cas des photographies de S21
Et finalement, l’effet lointain de la silhouette de Vidkun Quisling n’atténue rien. Une silhouette reste la représentation, même minimale, d’un être humain. Et de celui-là plutôt qu’un autre. Ce qui dans le cas présent renvoie aux quatre photographies des Sonderkommandos
Les images de personnes qui vont mourir mais dont on sait que justement elles sont mortes au moment où on les voit sont effectivement extrêmement troublantes. Et c’est comme si on le savait, en dehors de tout contexte.
J’imagine que le palier suivant c’est le snuff movie .