ne rentrons pas dans le rang !

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  • Ne rentrons pas dans le rang ! - Vacarme 73 - Chantier « Rentrer hors des clous » - Ouverture http://www.vacarme.org/article2802.html

    La plupart des rentrées ne sont que des rappels à l’ordre, comme des sortes de déclinaisons infinies du mot que Marcel Jouhandeau aurait adressé, suivant la légende, aux manifestants de Mai 68 : « Rentrez chez vous ! Dans vingt ans, vous serez tous notaires ». Misère perpétuée de cette espèce d’essence pure de la pensée réactionnaire : rien ne sert de sortir car chacun finira par rentrer dans son lieu, dans sa classe, dans l’immuable ordre du monde. Ô toutes ces foutaises et tous ces mensonges : rentrée des classes, rentrée économique, rentrée littéraire — toujours enjoindre chacun à revenir à ce qui doit se penser, s’entreprendre, s’écrire. Même la rentrée sociale est devenue une blague : « cette année, ça va chauffer », eh oui, ça va chauffer — et puis rien. Dans les faits, la situation est toutefois un peu plus ambivalente. Cet été, on n’a pas seulement demandé à la Grèce, et à tous les pays susceptibles de l’imiter, de rentrer dans le rang, on lui a demandé de rentrer dans des clous où il est impossible de vivre jusqu’à ce qu’elle en sorte pour de bon. Et c’est pareil avec tous les migrants : on les enjoint comme jamais à rentrer chez eux, et en même temps on les place dans des conditions où il est impossible de rentrer. Tandis qu’on demande toujours de partir à nos propres pauvres — ça s’appelle la flexibilité.

    Voilà ce qui mérite d’être interrogé : il y a aujourd’hui une violence symétrique dans l’injonction à rentrer et dans l’injonction à sortir qui laisse chacun hagard, dans un in-between state où il n’y a plus ni sens, ni orientation, ni projet commun. Alors on fait comment pour subvertir tout cela, pour rentrer mais hors des clous ?