Crash de l’Airbus russe : l’Egyptien al-Sissi menacé de turbulences si l’attentat est avéré

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  • L’analyse dominante du moment affirme que le régime égyptien nie la possibilité d’une attaque terroriste contre l’avion russe, au motif qu’un tel attentat nuirait énormément à sa crédibilité et à sa pseudo-légitimité, locales et internationales, qui reposent sur la promesse de lutter contre le terrorisme islamiste. Dans la même idée, une telle attaque détruirait la propagande russe quant à son intervention en Syrie, qui elle aussi repose sur la promesse de réduire la menace terroriste. Il suffirait d’un attentat pour détruire ce qui se présente comme une répression anti-terroriste.

    J’ai rarement vu des analystes qui confondent à ce point leurs désirs avec la réalité. Nous sommes tout de même dans un pays où, au premier attentat d’envergure, le gouvernement a lancé une nouvelle campagne de bombardements, les journaux ont enfilé leur tenue kaki, la population est allée défiler au pas – comme un seul homme prénommé Charlie – dans les rues de Paris et les enseignants se sont mis à dénoncer leurs élèves déviants (et nous sommes une démocratie libérale…). Ce serait tout de même bien la première fois qu’un (seul) attentat terroriste affaiblirait le soutien à la répression au lieu de la renforcer. Comment peut-on affirmer que le régime de Sissi va sortir affaibli d’un attentat terroriste qui, au contraire, lui permet de valider sa posture de rempart contre l’islamisme radical ? Et Poutine, sérieusement ?

    Ce que je trouve encore plus remarquable ici, c’est que l’énoncé de cette fadaise est le fait de gens qui, justement, soutenaient encore jusqu’à la mi-2012 que c’était le régime syrien lui-même qui gonflait l’ampleur du risque terroriste pour assoir sa légitimité, voire même qui organisait lui-même des attentats false-flag pour diaboliser son opposition. Jusqu’à une époque très récente, nos journaux écrivaient systématiquement « terroriste » entre guillemets, prétendant que c’était une exagération du régime syrien lui-même. Bref : ceux-là mêmes qui prétendent que Sissi serait très affaibli si les gens savaient que son pays a subi un attaque terroriste, sont les mêmes qui prétendaient qu’Assad aurait été très renforcé en faisant croire que son pays subissait des attaques terroristes.

    Ce qui m’amène à une troisième remarque : comment est-il possible que, spontanément, nos experts médiatiques s’alignent sur une analyse qui est évidemment fausse (le discours répressif et la répression qui seraient affaiblis et délégimités par les attaques terroristes), et qui par ailleurs est le contraire exacte de ce qu’on racontait encore récemment (le régime répressif syrien aurait eu, lui, tout intérêt à se poser en victime du terrorisme) ? Comment la presse libre du monde libre arrive-t-elle à ce genre de résultat ?