pourquoi, alors que la présence de ces femmes est aujourd’hui avérée pendant les 80 premières années de la photographie, pourquoi sont-elles si peu connues, pourquoi a-t-on si peu parlé d’elles ? Il est évident, au fil de l’exposition, que, en termes de qualité tant technique qu’esthétique, mais aussi en termes d’avancées, d’innovations (parfois techniques, mais le plus souvent sociales et esthétiques), il est impossible de les éliminer en disant « elles sont moins bien ». Alors quel a été le discours, conscient ou non, à l’œuvre qui a mené à leur occultation ? C’est, me semble-t-il, essentiellement un discours institutionnel et critique (et pas, par exemple, une logique économique, puisque nombre d’entre elles ont très vite pignon sur rue). La critique les a réduites à un champ féminin, mièvre, domestique, et les citations s’alignent aux murs de l’Orangerie, parlant de passe-temps féminin, de caprice, de gracieuse application de la photographe.
Un des faits marquants de l’analyse historique accompagnant cette exposition est que la situation est radicalement différente entre la France d’une part, et le Royaume-Uni et les États-Unis d’autre part (une des lacunes est que quasiment aucun autre pays n’est représenté, une Belge par ci, une Allemande par là). Dans les pays anglo-saxons, c’est d’abord un passe-temps d’aristocrates (et de la famille royale), et de bourgeois aux franges de l’aristocratie (comme Cameron) ; et ça devient ensuite un vrai métier, (bien) rémunéré et reconnu (Cameron, déjà, fait du business). Les sociétés de photographie y sont, dès le début ouvertes aux femmes qui y adhèrent largement. La reconnaissance sociale est immédiate.