• Je ne mange pas de ce pain-là : Benjamin Péret, poète et (donc) révolutionnaire, un #film de Rémy Ricordeau
    http://lemoinebleu.blogspot.fr/2015/11/peret-par-ricordeau.html

    LE MOINE BLEU : Salut, Rémy. Dis voir, comment en es-tu venu personnellement à croiser le chemin de 
Benjamin Péret : une appétence pour le surréalisme, la poésie, la 
révolution ? Quand et pourquoi son parcours t’a-t-il, à ce 
point, paru digne de s’y intéresser ?

    RÉMY RICORDEAU : Comment, adolescent révolté, aurais-je pu ne pas rencontrer le #surréalisme, la poésie et la #révolution ? C’est par un recueil de textes d’Arthur Cravan, Jacques Vaché et Jacques Rigaut publié dans les années 70 et intitulé Trois suicidés de la société que j’ai d’abord découvert le lien qui existe entre la révolte et la poésie (c’est seulement après que dans le même esprit j’ai découvert Lautréamont, Rimbaud ou les romantiques allemands). De la génération dadaïste à l’origine du surréalisme, Péret m’a toujours semblé avoir été le plus fidèle à la #révolte qui avait fondé dans sa jeunesse ses engagements poétiques autant que politiques. Son parcours m’a intéressé parce qu’en énonçant cette évidence selon laquelle le poète ne pouvait qu’être révolutionnaire tout en refusant toute poésie « politique » de circonstance, il a contribué (avec d’autres, sans doute, mais de manière plus conséquente dans sa vie même) à mettre en avant cette nécessité selon laquelle le révolutionnaire ne pouvait de son côté qu’être poète, c’est à dire qu’il ne pouvait que mettre la poésie, au sens le plus large du terme, au centre de tout projet révolutionnaire de transformation sociale du monde. Cette idée qui rompt avec une conception strictement « économiciste » de l’#émancipation sociale, peut sembler banale aujourd’hui, mais elle est peut-être la plus subversive qui ait émergé au cours du siècle précédent. Et elle a été d’autant plus subversive qu’elle a eu pour conséquence de ne pas remettre « la révolution » à une réalisation ultérieure issue d’un mouvement social messianique, mais à créer une vision du monde incarnée en l’associant #ici_et_maintenant à une appétence poétique pour la vie. Cette conception vitaliste de l’émancipation humaine est toujours à mes yeux d’une extrême pertinence. C’est d’ailleurs le sens que j’ai voulu donner à la conclusion de mon film.


    un bref extrait :

    https://www.youtube.com/watch?v=_ps8UyYQUwE

    Benjamin Péret

    Le déshonneur des poètes, Benjamin Péret, février 1945
    https://www.marxists.org/francais/peret/works/1945/02/poetes.htm

    Les guerres comme celle que nous subissons ne sont possibles qu’à la faveur d’une conjonction de toutes les forces de régression et signifient, entre autre choses, un arrêt de l’essor culturel mis en échec par ces forces de régression que la culture menaçait. Ceci est trop évident pour qu’il soit nécessaire d’insister. De cette défaite momentanée de la culture découle fatalement un triomphe de l’esprit de #réaction, et, d’abord, de l’#obscurantisme_religieux, couronnement nécessaire de toutes les réactions. Il faudrait remonter très loin dans l’histoire pour trouver une époque où Dieu, le Tout-Puissant, la Providence, etc., ont été aussi fréquemment invoqués par les chefs d’Etat ou à leur bénéfice. Churchill ne prononce presque aucun discours sans s’assurer de sa protection, Roosevelt en fait autant, de Gaulle se place sous l’égide de la croix de Lorraine, Hitler invoque chaque jour la Providence et les métropolites de toute espèce remercient, matin et soir, le Seigneur du bienfait stalinien. Loin d’être de leur part une manifestation insolite, leur attitude consacre un mouvement général de régression en même temps qu’elle montre leur panique. Pendant la guerre précédente, les curés de France déclaraient solennellement que Dieu n’était pas allemand, cependant que, de l’autre côté du Rhin, leurs congénères réclamaient pour lui la nationalité germanique et jamais les églises de France, par exemple, n’ont connu autant de fidèles que depuis le début des présentes hostilités.

    D’où vient cette renaissance du fidéisme ? D’abord du désespoir engendré par la guerre et de la misère générale : l’homme ne voit plus aucune issue sur la terre à son horrible situation ou ne la voit pas encore et cherche dans un ciel fabuleux une consolation de ses maux matériels que la guerre a aggravés dans des proportions inouïes. Cependant, à l’époque instable appelée paix, les conditions matérielles de l’humanité, qui avaient suscité la consolante illusion religieuse, subsistaient bien qu’atténuées et réclamaient impérieusement une satisfaction. La société présidait à la lente dissolution du mythe religieux sans rien pouvoir lui substituer hormis des saccharines civiques : patrie ou chef.

    #Benjamin_Péret #montage #écriture_automatique