• L’État islamique face au Hezbollah : une porte d’entrée palestinienne ? | Nicolas Dot-Pouillard | 18 novembre 2015
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    L’EI a cherché à introduire une nouvelle donne au Liban : attiser les tensions communautaires entre sunnites et chiites afin d’affaiblir le Hezbollah

    Le 12 novembre, un jour avant la tragédie à Paris, l’organisation État islamique (EI) frappe la population civile d’un quartier à majorité chiite, dans la banlieue sud de Beyrouth : Bourj al-Brajneh. C’est l’un des attentats les plus meurtriers depuis la fin de la guerre civile libanaise, faisant 44 tués et 239 blessés.

    L’attaque ne peut être isolée d’un contexte global, les images se télescopant : un jour plus tard, l’EI vise la France, entre Paris et Saint-Denis. Le 31 octobre 2015, c’est un avion russe qui explose au-dessus de Charm al-Cheikh, en Égypte. Mais l’attentat de Bourj al-Brajneh a aussi sa spécificité : en visant une municipalité chiite jouxtant un camp de réfugiés palestiniens du même nom, l’EI a cherché à introduire une nouvelle donne au Liban : attiser les tensions communautaires entre sunnites et chiites afin d’affaiblir le Hezbollah.

    Une ferme condamnation palestinienne

    Quelques heures après l’attentat, l’organisation État islamique publie un communiqué, revendiquant l’opération. Elle donne alors les noms de trois de ses kamikazes supposés : deux Palestiniens (Hamid Rachid al-Balagh et Omar Selim al-Rais) et un Syrien (Khaled Ahmad al-Khalid). L’information est immédiatement reprise sur les réseaux sociaux, ainsi que sur les principaux médias télévisés libanais. Elle attise, quelques heures durant, les accusations communautaires contre les Palestiniens au Liban.

    Pourtant, deux jours plus tard, le secrétaire-général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dément catégoriquement l’information, dans une intervention sur la chaîne al-Manar : il dit alors qu’aucun auteur de l’attentat n’était palestinien, et qu’à la date du 14 novembre, les personnes interpellées par les Forces de sécurité intérieure (FSI) et la Sureté générale (SR), dans le cadre d’une coopération sécuritaire avec le Hezbollah, sont libanaises et syriennes. Réaffirmant son soutien au soulèvement populaire palestinien débuté en octobre 2015, il affirme que « même s’il y avait des Palestiniens impliqués avec le Jabhat al-Nusra [Front al-Nosra] ou l’État islamique, il n’y a, pour nul d’entre nous, aucune justification religieuse, politique ou morale de tenir le peuple palestinien ou les camps palestiniens comme responsables de ce crime ».

    L’insistance mise par le dirigeant du Hezbollah sur la question palestinienne dans un discours exclusivement consacré aux attentats de Bourj al-Brajneh ne relève pas du hasard : il s’agit bien de répondre à une attaque de l’EI prenant la Palestine comme porte d’entrée. Le 13 novembre, une banderole est déployée par des proches du Hezbollah sur les lieux mêmes de l’attentat, sur laquelle est inscrit : « Nous resterons aux-côtés de la Palestine, quoique vous fassiez. » (...)