*Notes sur la lecture de « L’invention de la science » de Guillaume Carnino. -5-* Partie 1 :

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  • Conclusions sur la lecture de "L’invention de la science" de Guillaume Carnino. -7-

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    Partie 5 : ▻http://seenthis.net/messages/430951
    Partie 6 : http://seenthis.net/messages/432385

    Conclusion.
    Dans sa conclusion l’auteur ne se contente pas de résumer la perspective générale de son travail et ce qu’il met en relief, mais rentre dans un débat politique et philosophique. Politique sur la question de l’origine d’une partie de la disqualification de la population à la participation politique, et philosophique en questionnant la démarcation entre science et non-science, et au final « pourquoi la science » ?
    Carnino soutient que « la science est la première puissance de transformation du réel, soit une force politique du premier ordre. » Et… en même temps qu’elle serait exclue du champ politique. [La seule manière de bien comprendre à mon avis cette assertion, et qu’elle est présentée comme objective et qu’on ne peut pas la remettre en question. Mais la formulation est particulièrement mauvaise].
    Cela aurait pour conséquence d’ exclure légitimement de la démocratie « un pan entier du social ». Et en même temps la science serait alors capable de tout promettre, sans être responsable de rien.
    [Je suis en désaccord avec cette conclusion. Je ne peux pas juger le travail de l’historien, et je ne peux que dire, qu’il apporte des connaissances intéressantes (sur ce qu’est la longueur réelle de la révolution par ex.), et permet effectivement de préciser pas mal de chose, et de déconstruire des idées reçues sur l’image que l’on a de la science (Une science pure, désintéressée. Des personnages charismatiques, entièrement rationnels, en fait fruit d’une reconstruction propagantiste tardive). Mais d’une manière qui a mon avis n’est pas la plus optimale (car au final il est difficile de mobiliser ses arguments dans un débat) voire organise une confusion sur ce que ce terme recouvre (puisqu’au final cette critique de « la science » ne parle que d’une image que l’on a, et ne permet pas d’en voir les différents sens qui sont souvent employés).
    La science en tant qu’image existe, mais cette image est différente et ne condamne pas les sciences en elle-même. Le problème réside dans l’État, le patronat, et aujourd’hui la culture qu’ils nous ont légués, qui nous donne des préjugés sur ce qu’est la science. Par ex. sur les promesses de la science… certains scientifiques font des promesses pour obtenir un budget, alors qu’ils savent qu’ils ne sont pas sur de ce qu’ils trouveront. D’autres soutiennent largement tel gouvernement ou action politique en mettant en avant leur aura de scientifique, ou leur travail, ils peuvent donc aussi avoir des responsabilités (mais l’on ne peux pas tirer de ces observations que la science en général à tout pouvoir et aucune responsabilité !).
    Si malgré une connaissance réelle de la science, on voit qu’elle sert les dominants, c’est aussi d’une part parce que des scientifiques eux-même adhère à ce projet, et d’autres part parce que ce sont les gouvernements et les patrons (d’industrie, de banques, des marchés) qui permettent a beaucoup de scientifiques de travailler, ou pas (en leur confiant un budget, ou pas), ainsi que des instruments et des sujets qui seront favorisés.
    Rappelons que les scientifiques ne sont même pas propriétaire de leurs publications scientifiques qu’ils doivent racheter (par ex). Et que contrairement à ce qu’a cru voir Carnino, la science a un besoin de la reproductibilité, et d’une évaluation transparente, alors que l’industrie à intérêt à cacher ses recherches, à faire du secret industriel… bref : de la propriété et du brevet.
    Si aujourd’hui un pan entier du social est exclue de la démocratie, ce n’est pas parce que la science là voulue, mais parce que c’est un mouvement de fond des gouvernants et des marchands que d’exclure la population de la décision politique. Et c’est dans cette perspective qu’ils font passer certains sujets comme étant purement techniques et/ou scientifique. Or la science ne dit pas ce qui est gentil ou méchant, bon ou mauvais, mais permet (et cela répond à la question « pourquoi la science ? ») parfois d’anticiper, de prévoir, et d’autrefois : de comprendre, d’envisager, d’éclaircir.]

    Autre chose : elle garantirai « la cohérence du progrès perpétuel et de l’univers infini – et engendre l’illusion d’une croissance illimitée possible et souhaitable. »
    [Décidément non. Le « progrès » est un terme qui connaît différent sens qui change en fonction des critères que vous prenez en compte. Il n’y a pas de raison de se laisser voler l’emploi et le sens des mots. Il suffit de demander, analyser, voir quels critères sont employés et d’en retirer, compléter ou proposer. Par ex. le progrès au lieu de n’être l’accumulation de savoir (positivisme) ou encore des techniques industrielles, peu au contraire être redéfini avec des critères comme durabilité, difficultés d’accés, capacités pour le maintenir et l’utiliser etc.
    Quand à la croissance illimité possible et souhaitable, ça ne vient pas de la science. Mais d’ambition politique qui tente de faire d’un savoir (l’économie) une science d’une part, et ensuite de réduire et biaisés les variables que peu prendre en compte ce savoir pour faire comme si les ressources était illimités par ex. Mais plus grave encore : le savoir économique n’a rien a faire avec l’idée du « souhaitable ». Quand on dit ce qui est souhaitable, on parle politique. Cette confusion est grave, car précisément, c’est se retirer la possibilité de dire non politiquement, que d’accepter l’idée que c’est la science, ou un savoir qui défini le bon ou le mauvais.]

    L’auteur revient sur la définition de la science, en critiquant l’épistémologie à charge. Pour lui elle « fournit le canevas interprétatif de toute connaissance et statue sur la scientificité ou l’irrationalité des jugements humains ». [Or c’est la relecture par les pairs qui statue sur la qualité d’un travail, pas l’épistémologie qui se pose des questions sur les critères employés… et même quand elle les critiques, elle n’est que rarement connues par des scientifiques eux-mêmes a qui ont ne laisse pas forcément le temps de s’en soucier. On voit d’ailleurs que la seule idée bien souvent qu’il reste serait la proposition de démarcation de Popper… celle-ci à pourtant largement était débattu et connaît de nombreuses limites.]

    L’auteur a l’air même de penser qu’aujourd’hui en quelque sorte, la question de l’épistémologie est réglée, qu’elle aurait accompli en quelque sorte son travail en faisant tombé « la rhétorique surplombante du vrai » .
    [Il n’en est rien, la question de la démarcation entre ce qui relève de la science et n’en est pas est toujours d’actualité, avec des débats sur ce qu’on appelle par ex. les pseudo-sciences, la différence entre science et savoir, l’explication du paranormal etc. (voir par ex. le livre Nonsense on Stilts de Massimo Pigliucci, ou son article The Demarcation Problem, A (Belated) Response to Laudan). Sans parler des débats engendrés par le confusionnisme et l’adhésion grandissante au complotisme. Qui d’ailleurs pose certainement à des historiens des problèmes importants concernant a minima la réception de leurs travaux.
    Il semblerai en fait que Carnino soit victime d’une confusion courante entre Épistémologie et Philosophie des sciences. On entends souvent l’épistémologie comme l’idée que chaque science questionne ses propres méthodes et la philosophie des sciences comme un raisonnement encore plus général sur ce mouvement d’ensemble, et entre autre qu’es ce qui constitue ou pas une science (par ex. traduit en français, le livre de Chalmers : Qu’est ce que la science ?). Le problème étant ici que quand Carnino parle d’épistémologie, il cite en fait des livres qui pourrait être rattaché à la philosophie des sciences.]

    [Enfin, je finirai en disant que la proposition que met en avant Carnino, selon laquelle la science est pour certains une religion (qui pour moi est une image de la science, qui par ailleurs à servi a des gourous) est aujourd’hui remise en cause, et pas seulement par des libertaires rationalisant, mais par divers conspirationnistes qui n’hésite pas à rejeter l’Histoire pour y préférer le Récentisme (voir le négationnisme), et l’Archéologie, pour l’idée des Anciens astronautes…].

    #science #pseudo-science #démarcation #industrie #politique #démocratie

  • Notes sur la lecture de "L’invention de la science" de Guillaume Carnino. -6-

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    Ch. VIII. Résistance au progrès et religion de la science . Carnino montre que la science vient concurrencer la religion sur le domaine de la foi [de fides en latin, qui peu être compris comme « confiance ». Et de fait, on a confiance en un procédé, quand on ne peux pas l’expliquer soi-même] et que le « progrès scientifique » succéda a la vision eschatologique de l’église. L’auteur met en avant des procédés rhétoriques que les gouvernants utilisent pour justifier leurs emplois d’une certaine science (mythologie d’un avenir dans un progrès certains, martyrologie [où pourrait-on dire victimisation]).
    [Sa critique de « La science » et du « progrès scientifique » qui est en fait l’image d’une certaine science, construite par le pouvoir ; ne met pas en valeur, le fait qu’il y aie aussi des scientifiques (même minoritaires) qui critiquent les propositions du gouvernement. De même ce que l’on peut entendre par progrès ou progrès scientifique est discutable, mais Carnino semble en laisser la possibilité de définition qu’aux dominants. De fait, l’erreur est alors facile pour le lecteur : la science serai contre la population. Comme si cette rhétorique était spécifique, alors qu’il s’agit de procédés classiques de propagande. Les gouvernants ne s’y trompent pas, puisqu’ils qualifient leurs propres discours de : « propagande scientifique », comme le relève Carnino lui-même, mais par un autre angle].
    A travers la science et l’autorité qu’ils peuvent en tirer le gouvernement cherchent à perpétuer ses objectifs et trouve des alliés dans ceux qui peuvent en tirer bénéfices (dans l’ex. Que donne Carnino sur le maintient par la ville de Paris de l’irrigation de ses égouts, il s’agit des « cultivateurs qui s’enrichissent grâce à l’engrais »).
    [D’un point de vue libertaire, par ailleurs, je ne comprends pas que Carnino insiste tant sur des procédé rhétorique classique et peu sur le fait qu’un des problèmes est le refus de tout avis politique des administrés, pour n’entendre que des avis scientifiques (qui eux-mêmes seront sujets a des débats politico-scientifique comme par ailleurs, il l’indique sur l’origine de pathologies, entre un tenant d’une causalité microbienne, et un autre d’une causalité climatique)].
    Ch.IX La science est indiquée comme le moyen inédit pour stabiliser l’alliance industrielle et gouvernementale, en lieu et place de l’alliance royauté et chrétienté de l’Ancien Régime.
    [Il semble que l’auteur confonde une fois ce plus ce qui est scientifique, et ce qui se réclame scientifique. Ainsi, si on trouve effectivement des texte qui réclame un bon gouvernement par la science… ça ne signifie en rien, que c’est la science qui gouverne d’une part (et on se demande bien comment ?) et d’autre part en quoi le gouvernement en question serait scientifique ? Tout tiendrai dans la force d’un discours dont se revendiquent ceux qui encouragent, valident, ou tiennent le pouvoir.
    Qu’une science, et même des savants, travaillent activement à la monopolisation du vocabulaire de ordre, progrès, science et industrie par le pouvoir, doit-il empêcher par ex. des anarchistes d’indiquer que l’anarchie c’est l’ordre moins le pouvoir ? Doit-on préférer l’anomie, le désordre, à l’anarchie, parce que d’autres personnes définissent leur force comme étant celle de l’odre ? De la même façon qu’il y a différents ordres, ne peut-on concevoir qu’il existe différentes sciences (à conditions qu’elles aient par ex. en commun d’être toutes basées sur des preuves ?)]
    Ferry institue l’école, scientifique, non seulement comme lieu de connaissance, mais aussi de morale, afin de régler à la fois les problèmes intellectuels (soumissions à la religion) et politique (désordre civils) . Il fait de la propriété, un bien « légitime » en l’honorant car elle participe a une bonne cause : permettre l’éducation de tous, pauvres compris, à travers son imposition.
    Carnino, relève, enfin, ou tout de même, que les gouvernants ne suivent pas la science jusqu’au bout, mais tant qu’elle leur permet d’asseoir leur domination . Ainsi pour Ferry, si les élèves vont à l’école, ce n’est pas pour en fait des savants, mais pour les instruites de « certaines doctrines d’État qui importent à sa conservation. » (Jules Ferry). [Ce qui n’empêchera pas Carnino, d’entretenir la confusion en écrivant juste après que c’est « la science » qui va infuser la masse du peuple etc. Alors qu’il s’agit des professeurs, de leurs croyances et pratiques (et dans une moindre mesure des gouvernants et de leur législation].
    Finalement l’auteur rappelle l’ignorance, très actuelle à cette époque du sophisme naturaliste . C’est-à-dire que beaucoup de personnes confondent les « lois de la nature » avec des « lois morales » qu’il faudrait établir [malheureusement, il suffit de voir l’eugénisme que l’on appelle abusivement « darwinisme social » pour le comprendre].

    #pouvoir #science #école #ferry