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  • À Lille, l’écœurement des étudiants après l’interdiction d’une conférence de LFI
    Mathieu Dejean | 19 avril 2024 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/politique/190424/lille-l-ecoeurement-des-etudiants-apres-l-interdiction-d-une-conference-de

    (…) Le noyau dur de l’association Libre Palestine, qui a organisé une conférence de Jean-Luc Mélenchon et de Rima Hassan, annulée par l’université de Lille, est sous pression – raison pour laquelle ses membres préfèrent garder l’anonymat.(...)

    « L’ampleur que ça a pris nous a totalement dépassés. On ne compte plus les propos diffamatoires tenus à notre propos », disent-ils à l’unisson, rejetant formellement l’accusation qui leur est faite de « nier l’État d’Israël » du fait de leur logo – une carte de la région israélo-palestinienne, similaire à celle de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), arguent les Insoumis.

    (…) le préfet du Nord interdit par cet arrêté la conférence déjà déplacée. Il invoque des « risques de trouble à l’ordre public en raison des appels à la mobilisation lancés par plusieurs organisations pouvant entraîner des rassemblements, des attroupements et des heurts sur la voie publique, dans un climat de tensions géopolitiques accrues ».

    (...) Accoudé à la rambarde qui protège la scène, improvisée en quelques heures, le sociologue Saïd Bouamama, originaire de Roubaix, contemple avec satisfaction la foule grossir. Pour le fondateur du Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP), la séquence est si grave qu’elle oblige à la convergence : « Pour préparer de futures élections, ce pouvoir illégitime cherche à invalider des forces politiques qui lui sont opposées pour se présenter comme la seule opinion respectable, quitte à inventer des accusations, analyse-t-il. C’est un moment très dangereux qui s’est déjà produit dans l’histoire, où la société peut basculer. Il faut donc que chacun d’entre nous mette de côté les divergences qu’il peut avoir, car si pour l’instant ceux qui peuvent signifier un symbole sont attaqués, c’est le droit de penser tout entier qui est menacé. »

  • « Apologie du terrorisme » : un syndicaliste du Nord écope d’un an de prison avec sursis | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/180424/apologie-du-terrorisme-un-syndicaliste-du-nord-ecope-d-un-de-prison-avec-s

    Le secrétaire général de la CGT du Nord a été condamné jeudi par le tribunal correctionnel de Lille à une peine de prison avec sursis. En cause, la publication d’un tract de soutien à la Palestine en octobre 2023. La CGT fait appel.

  • Austérité : le gouvernement en veut toujours plus | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/110424/austerite-le-gouvernement-en-veut-toujours-plus

    Services publics, collectivités locales, modèle social… le gouvernement annonce chaque semaine de nouvelles coupes budgétaires afin, espère-t-il, de réduire le déficit public. Grande perdante : l’économie française.

  • Finances publiques : le cas d’école du bouclier tarifaire | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/110424/finances-publiques-le-cas-d-ecole-du-bouclier-tarifaire

    Le bouclier tarifaire était censé protéger les ménages. Il a surtout protégé les surprofits de quelques acteurs. Le rapport de la Cour des comptes sur ce dispositif illustre jusqu’à la caricature le gaspillage de l’argent public.

  • Comprendre le retour de l’inflation dans la crise globale du capitalisme | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/romaric-godin/blog/150424/comprendre-le-retour-de-linflation-dans-la-crise-globale-du-capitali

    Le point de départ de Paul Mattick est donc la question de la profitabilité. Sa vision est conforme à celle de son père et de Henryk Grossman : le capitalisme est bel et bien soumis à une contradiction majeure : pour être plus rentable, il faut augmenter la productivité et donc mécaniser. Mais en mécanisant, on réduit la possibilité de créer suffisamment de surplus productif au regard de la consommation du capital nécessaire. C’est la fameuse « baisse tendancielle du taux de profit », si discutée dans les milieux marxistes mais qui, il faut le souligner, découle assez logiquement de la théorie de la valeur travail de Marx.

    Le capitalisme sait faire face à cette tendance. Il mobilise des contre-tendance permettant de retrouver des moyens d’augmenter le taux de profit. Mais ces moyens sont toujours temporaires et doivent toujours être renouvelées. L’analyse de Grossman, c’est que chaque contre-tendance mobilisée finit par affaiblir encore davantage le système qui doit, finalement, accélérer l’exploitation du travail (et l’on pourrait ajouter aujourd’hui, de la nature) pour produire toujours moins de croissance. Et c’est dans cette dynamique qu’il faut comprendre les apparitions de l’inflation.

  • Édition : la mauvaise occasion de Macron | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/130424/edition-la-mauvaise-occasion-de-macron

    Martelant la nécessité de ramener les plus jeunes à la lecture – pour mieux fustiger « l’impact terrible [des écrans] pour la société », selon les mots de Gabriel Attal –, l’exécutif choisit ainsi de s’attaquer au marché qui permet aux plus précaires d’accéder aux livres, sans pour autant aider les plus précaires qui écrivent des livres. Une idée de génie qui répond surtout à une demande des plus gros éditeurs français, aujourd’hui concentrés entre les mains d’une poignée de grands groupes, largement représentés au sein du SNE que Rachida Dati a rencontré le 10 avril.

    Le syndicat présidé par Vincent Montagne porte en effet depuis plusieurs mois cette mesure sur les livres d’occasion. En février 2020, juste après la publication du fameux rapport Racine, il se disait même prêt, dans Les Échos, à répondre aux inquiétudes des artistes-auteurs par ce biais. Tout en prévenant les intéressés : « J’invite tous les auteurs à être très précautionneux quand ils affirment haut et fort vouloir vivre de leur métier. Ce n’est pas possible pour tous et ils le savent. » Nota bene : en 2023, Hachette Livre, le plus important groupe d’édition français, aujourd’hui propriété de Vincent Bolloré, a enregistré un bénéfice de 301 millions d’euros.

  • Franc CFA : la nouvelle présidence sénégalaise donne le signal de la rupture
    https://www.mediapart.fr/journal/international/290324/franc-cfa-la-nouvelle-presidence-senegalaise-donne-le-signal-de-la-rupture

    Même s’il dit vouloir être prudent, le nouveau président sénégalais est déterminé à abandonner le franc CFA. Attendue par les populations d’Afrique de l’Ouest, cette sortie a des contours encore flous. Le Sénégal va-t-il créer sa propre monnaie ou participer à une monnaie régionale ?

    Ses premiers mots après l’annonce de son élection ont été sans ambiguïté. Son mandat sera marqué par « le choix de la rupture », a annoncé Bassirou Diomaye Faye, élu dimanche président du Sénégal dès le premier tour, avec plus de 54 % des suffrages. Parmi les nombreux sujets (constitutionnels, sociétaux, corruption) qu’il entend prendre à bras-le-corps, l’un d’eux risque de s’inviter rapidement dans les débats. Un dossier susceptible d’embraser les esprits bien au-delà du Sénégal, même si Faye entend l’aborder avec prudence et méthode : l’abandon du franc CFA.

    Lors de la campagne bouleversée de la présidentielle, cette question s’est très vite invitée dans les débats entre candidats. Le nouveau président n’a pas caché ses intentions : retrouver une souveraineté monétaire par rapport à la France est pour lui une priorité. « Nous essaierons d’abord de mettre en œuvre une réforme monétaire au niveau sous-régional, a expliqué Ousmane Sonko, l’opposant historique au pouvoir de Macky Sall qui s’est effacé au profit du nouveau président élu. Lors de cette élection, si nous n’arrivons pas à impulser les réformes au niveau communautaire, alors nous prendrons la responsabilité de doter le Sénégal de sa propre monnaie. »

    Le projet a effrayé tous ses adversaires politiques. « Sortir du franc CFA serait un non-sens économique », lui avait répliqué l’ancien premier ministre et ministre des finances sénégalais Amadou Ba. Une telle sortie « serait inopportune », avait renchéri l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, soutenant que « pour avoir une économie forte, il fallait une monnaie forte ». Cette décision, en tout cas, ne peut pas être « unilatérale », avait ajouté Idrissa Seck, autre candidat à la présidentielle.

    Le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, qui rejettent ouvertement désormais toute présence française sur leur territoire, agitent régulièrement la menace d’abandonner le franc CFA. Mais ils n’ont jamais mis leur menace à exécution.

    Le Sénégal, en revanche, est autrement crucial. Avec la Côte d’Ivoire, il est le pays de la zone franc le plus en capacité de prendre son indépendance monétaire rapidement. Par sa taille, sa démographie et son économie, il a un pouvoir d’influence et d’attraction sur tous ses voisins. Son choix va concerner directement ou indirectement les treize autres pays qui utilisent le franc CFA. « La monnaie, ce n’est pas une question technique, c’est d’abord un sujet politique », a rappelé le nouveau président sénégalais pendant sa campagne.
    En finir avec la monnaie coloniale

    Cantonnée pendant des années à des cénacles d’universitaires et d’économistes, la question de l’abandon du franc CFA et de la sortie de la zone franc est désormais reprise dans tous les pays de l’Afrique francophone par la population. Beaucoup moins par leurs dirigeants, qui se montrent beaucoup plus prudents sur la possibilité de couper les ponts avec l’ancienne puissance coloniale.

    Alors que la présence et l’héritage français sont de plus en plus contestés dans les pays d’Afrique francophone, le maintien de cette monnaie est vu comme le symbole le plus manifeste de cette survivance coloniale, d’une mise sous tutelle permanente de la France. Même si l’acronyme a changé de sens pour devenir franc pour la communauté financière africaine, il reste marqué par la tâche indélébile et infamante de ses origines : franc des colonies françaises d’Afrique.

    Sous tutelle monétaire

    Soucieuse d’affirmer son emprise, la France a créé la zone franc en 1939. Elle regroupe alors quinze pays d’Afrique francophones. Au moment de la signature des accords de Bretton Woods, le gouvernement français complète cette architecture par la création du franc CFA, « franc pour les colonies françaises d’Afrique », en décembre 1945.

    Les principes qui régissent cette union monétaire sont restés intangibles depuis sa création : il s’agit d’assurer la stabilité monétaire et de lutter contre l’inflation ; toutes les actions monétaires étant supervisées par le Trésor français, qui centralise les réserves de change.

    Quatorze pays partagent le franc CFA. Mais ils sont regroupés en deux blocs. Le premier regroupe le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Buissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il a son propre institut d’émission, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) censée être indépendante des États membres mais où siègent des représentants français.

    Le deuxième bloc rassemble le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Tchad, réunis au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Son institut d’émission est la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Elle est organisée de la même façon que son homologue.

    Officiellement, tous les pays sont libres d’adhérer ou de quitter cette union monétaire, liée à l’ancienne puissance coloniale. Dans les faits, aucun pays n’a osé abandonner le franc CFA depuis sa création.

    Le passage du franc à l’euro n’y a rien changé dans les rapports monétaires avec les pays de la zone franc. Pas plus que les projets de réforme signés en décembre 2019 en catimini entre Emmanuel Macron et le président ivoirien Alassane Ouattara.

    Pour couper court aux critiques des pays francophones, le président français avait alors proposé une réforme qui est censée entrer en vigueur à partir de 2027. En utilisant l’un des subterfuges de communication dont il est familier, il avait alors proposé l’abandon du franc CFA pour le remplacer par l’eco : précisément la dénomination choisie par les pays africains membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en vue de créer une monnaie unique pour leur zone économique. Une façon de torpiller le projet, ce que n’avaient pas manqué de souligner nombre d’économistes africains.

    En signe d’ouverture et de « nouveaux rapports » avec les pays africains francophones, Emmanuel Macron avait aussi annoncé le rapatriement des réserves de change, jusqu’alors centralisées en France dans les deux banques centrales de la zone franc. Quelque cinq milliards d’euros, soit la moitié des réserves, ont déjà été transférés en 2021, année de la fin de la représentation française au sein des deux instituts d’émission.

    Mais pour le reste, rien n’avait réellement bougé, comme le remarquait l’économiste et écrivain sénégalais Ndongo Samba Sylla : « Non, le franc CFA n’est pas mort. Macron et Ouattara se sont seulement débarrassés de ses atours les plus polémiques », écrivait-il dès l’annonce de la réforme du franc CFA.

    Le carcan du franc CFA

    Depuis sa création, le franc CFA obéit au même schéma, comme le rappelle l’économiste Kako Nubukpo, professeur à l’université de Lomé : « La fixité de la parité entre le franc CFA et l’euro, la totale convertibilité du franc CFA en euro, la liberté de circulation des capitaux entre la zone franc et la zone euro, et la centralisation des réserves de change. » Le tout sous le regard vigilant du Trésor français.

    Les défenseurs du maintien du franc CFA avancent que ce lien permanent avec le franc puis l’euro a apporté une stabilité monétaire aux pays de la zone franc, leur garantissant une moindre inflation et un accès aux capitaux étrangers, assurés de bénéficier d’une parfaite convertibilité.

    Ce dernier aspect n’a pas échappé aux multinationales – en particulier extractives –, qui ont pu rapatrier pendant des années leurs bénéfices sans encombre hors du continent africain. Pas plus qu’à certains dirigeants des pays de la zone franc qui ont profité de cette liberté de circulation et de cette convertibilité pour aller cacher leur fortune en France et ailleurs.

    Pour les partisans de l’abandon du franc CFA, ces avantages ne sont rien par rapport aux inconvénients de la zone franc. La dimension politique est essentielle, à leurs yeux : alors que l’écrasante majorité des pays dans le monde ont leur propre politique monétaire, pourquoi devraient-ils rester dans un rapport de sujétion avec la France et désormais la zone euro ?

    Ce rapport de dépendance n’est pas qu’une figure de style. Si le Trésor français est garant de la zone franc et peut consentir des prêts à des pays en difficulté financière, il n’a que très rarement mis en œuvre cette possibilité. En revanche, les gouvernements français n’ont pas hésité à utiliser l’arme de la répression financière à l’égard de pays de la zone franc jugés trop récalcitrants par rapport aux vues françaises, comme en Guinée-Bissau.

    Une surévaluation asphyxiante

    Mais la dimension économique importe tout autant. Au moment de la décolonisation, les pays de la zone franc réalisaient 60 % de leurs échanges avec la France. Depuis, la part de ses échanges est tombée à moins de 20 %, comme avec l’Europe. Exportant surtout des matières premières, ces pays n’ont plus de relation privilégiée et particulière avec le continent européen en général et la France en particulier : ils commercent – même maigrement – avec le monde entier.

    S’inscrire dans la sphère d’influence de la zone euro ne leur a pas facilité l’accès aux marchés de capitaux. Les investissements étrangers y sont faibles, davantage en tout cas que dans d’autres pays africains comme le Ghana. À rebours, la parité fixe avec la monnaie unique européenne, sur laquelle ils n’ont aucune prise puisque n’étant jamais associés à la moindre décision monétaire européenne, les amène à vivre en permanence avec une monnaie étrangère, qui contraint tous leurs choix politiques.

    Pour tous ces pays, l’euro est une monnaie totalement surévaluée par rapport à leurs économies. Le débat sur ce point est vif depuis des décennies, jusqu’au sein du Fonds monétaire international. Sous pression de l’institution internationale, la France a dû concéder en 1994 une dévaluation du franc CFA par rapport au franc. Mais ce fut la seule et unique fois.

    Pour faire face aux crises et aux chocs conjoncturels en tout genre – particulièrement importants pour ces économies liées aux cycles des matières premières –, les gouvernements n’ont qu’une seule arme à leur disposition : la dévaluation interne avec son cortège de plans d’austérité.

    L’eco dans les limbes

    Si la nécessité de sortir du franc CFA recueille un large assentiment parmi les économistes et les populations africaines, la question de son remplacement reste problématique : beaucoup redoutent qu’un abandon trop rapide, mal préparé, n’entraîne une période de chaos et de désordres économiques, préjudiciables à tout point de vue.

    Discutée depuis plusieurs années, l’idée avancée par la Cedeao de créer une zone économique commune et une monnaie unique pour tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, sur le modèle de la zone euro, est régulièrement avancée. C’est une des hypothèses que semble caresser le nouveau président sénégalais en remplacement du franc CFA. Mais le projet fait du surplace. Aucun des pays n’est à ce stade en mesure de remplir les critères de convergence fixés pour aller vers une monnaie unique.

    Un autre facteur ralentit aussi cette avancée : le poids que le Nigéria pourrait exercer dans ce nouvel ensemble. Sans le dire ouvertement, beaucoup de ses voisins, notamment francophones, craignent d’abandonner un joug pour tomber sous un autre. Étant le pays démographiquement et économiquement le plus important, le Nigéria est une puissance indiscutable. Mais ses défaillances démocratiques, ses déboires économiques et le niveau de corruption de ses dirigeants dissuadent nombre de pays voisins à aller plus avant.

    Le rêve d’une rente pétrolière

    Pourquoi alors ne pas tenter la création d’une monnaie unique avec tous les pays actuels membres du franc CFA ? L’idée fait son chemin dans les pays africains francophones. Puisqu’ils sont déjà habitués à travailler ensemble, ont des instituts monétaires, abandonner le franc CFA pour le remplacer par une monnaie unique paraît être la voie la plus sûre.

    L’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla n’est guère tenté par cette solution qui lui paraît trop compliquée. Il est désormais favorable à une monnaie nationale.

    D’une part, explique-t-il, avoir une monnaie unique partagée entre plusieurs pays est l’exception plutôt que la règle : l’expérience de l’euro n’a pas été renouvelée par la suite. D’autre part, bien qu’ayant partagé pendant plus de soixante ans le franc CFA, les pays de la zone franc n’ont pas construit une zone économique commune.

    Les échanges entre eux sont réduits à la portion congrue : ils s’élèvent à peine à 5 %. Dès lors, pourquoi penser que la création d’une nouvelle monnaie commune changerait la donne ? D’autant que les divergences de vue entre les pays de la zone franc sur la politique à mener, ou les relations avec la France, risquent de ralentir toute évolution, voire d’empêcher ce mouvement d’émancipation.

    La tentation pour certains acteurs sénégalais de rompre seuls avec le franc CFA est d’autant plus grande qu’un renversement économique important est attendu dans le pays : le Sénégal est en passe de devenir un producteur d’hydrocarbures. D’importants gisements gaziers et pétroliers ont été découverts au large des côtes et doivent entrer en production dès cette année.

    Si cette perspective inquiète les populations locales et notamment les pêcheurs, cette manne potentielle fait rêver jusqu’au sommet de l’État. Beaucoup espèrent qu’ils vont enfin obtenir les moyens financiers qui leur font tant défaut pour assurer leur développement et affirmer leur indépendance.

    Sans attendre, le pouvoir s’est déjà préparé : il a réformé son code minier et changé sa fiscalité pour obtenir une part plus élevée des exploitations pétrolières et gazières. Et il envisage même de créer un fonds souverain pour placer les gains de cette rente.

    Dans ce nouvel environnement, abandonner le franc CFA paraît beaucoup moins aventureux, selon certains économistes. Mais pour d’autres, il présente le risque de tomber dans un autre piège, celui du mirage de la rente pétrolière, dans lequel s’est enfoncé notamment le Nigéria. Et quid dans ce cas-là des projets de panafricanisme ?

    Beaucoup de questions sont en suspens à l’aube de cette nouvelle présidence sénégalaise, qui entre concrètement dans l’ère des ruptures.

    Martine Orange❞

    #FrancCFA #Sénégal #néocolonialisme #souveraineté

  • Franc CFA : la nouvelle présidence sénégalaise donne le signal de la rupture | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/290324/franc-cfa-la-nouvelle-presidence-senegalaise-donne-le-signal-de-la-rupture

    Même s’il dit vouloir être prudent, le nouveau président sénégalais est déterminé à abandonner le franc CFA. Attendue par les populations d’Afrique de l’Ouest, cette sortie a des contours encore flous. Le Sénégal va-t-il créer sa propre monnaie ou participer à une monnaie régionale ?

    #sénégal #FCFA #CEDEAO
    https://justpaste.it/7zeg3

  • Barbie et Ken « dilatés comme jamais » | Mediapart | 29.03.24

    La ministre du travail, de la santé et des solidarités Catherine Vautrin et le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire à Paris le 12 mars 2024. © Photo Ludovic Marin / AFP

    https://www.mediapart.fr/journal/france/290324/sante-le-gouvernement-alourdit-encore-la-facture-des-francais

    Et c’est pas un poisson 🐟 d’avril en avance.

    • « Comment cela peut-il tenir ? », s’interroge le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire dans Le Journal du dimanche, à propos du modèle de Sécurité sociale français qui aurait « beaucoup de prestations et moins de cotisants »

      En fait jusqu’à ce que les patrons mettent le nez dedans (et ils sont arrivés vite) ça se passait parfaitement bien…

    • En raison de ce double système d’assurance, public et privé, des dépenses de santé, la France est le deuxième pays, après les États-Unis, où les « frais de gestion du système de santé sont les plus élevés », explique le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM).

      Ce sont, de loin, les complémentaires qui coûtent le plus cher en frais de gestion : 21 % des cotisations ne financent pas les dépenses de santé, mais l’activité d’indemnisation et les frais d’administration, et surtout les « frais d’acquisition pour attirer de nouveaux clients » : la publicité, les frais de réseau, etc. La comparaison avec les frais de l’assurance-maladie est cruelle pour les complémentaires : la première rembourse 80 % de la consommation de soins, et affiche des frais de gestion de 6,9 milliards d’euros ; les secondes, de 7,6 milliards d’euros.

      Le HCAAM a chiffré un scénario de hausse de la prise en charge par la Sécurité sociale de 18,8 milliards d’euros. Le gain financier serait de 5,4 milliards d’euros. Les personnes âgées bénéficieraient de la baisse très importante de leurs cotisations, de plus de 1 000 euros par an pour les plus de 70 ans.

      Sauf que, le but étant de tuer la sécu, ben on va pas faire comme ça hein.

  • Guerre à Gaza : une entreprise marseillaise équipe en secret l’armée israélienne | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/260324/guerre-gaza-une-entreprise-marseillaise-equipe-en-secret-l-armee-israelien

    Guerre à Gaza : une entreprise marseillaise équipe en secret l’armée israélienne

    La France a autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100 000 liens de cartouches pour des fusils-mitrailleurs susceptibles d’être utilisés contre des civils à Gaza. Cette cargaison a été expédiée depuis Marseille, en contradiction avec les engagements du gouvernement.

    Nina Hubinet (Marsactu) et Ariane Lavrilleux (Disclose)

    (...)« Nous sommes fiers d’avoir exporté nos liens partout dans le monde depuis 1955 », affirme d’ailleurs en anglais sur son site internet l’entreprise familiale marseillaise, tout en soulignant être « le seul producteur de liens en France depuis le début des années 1980 ». Les pays destinataires de sa marchandise sont en effet nombreux : Allemagne, Italie, Singapour, Espagne, Canada… et Israël.

    Marsactu et Disclose sont en mesure d’affirmer que, le 23 octobre 2023, des dizaines de cartons contenant des liens pour munitions de fusils-mitrailleurs étaient ainsi en passe d’être expédiés vers Ramat Ha-Sharon, une ville au nord de Tel-Aviv.

    Sur le bordereau des cartons en question (voir la photo ci-dessous), on peut lire que cette commande est destinée à IMI Systems, une entreprise anciennement propriété de l’État hébreu – elle s’appelait alors Israel Military Industries –, qui a été rachetée en 2018 par le groupe Elbit Systems. Son client presque exclusif reste l’armée israélienne. « Il y avait des dizaines de colis identiques, disposés sur une palette. L’empilement faisait presque 2 mètres de haut », précise notre source. Chaque carton pesant 22 kilos, on peut estimer, d’après sa description, qu’environ 800 kilos de liens pour munitions ont été envoyés en Israël fin octobre par Eurolinks.

    Contacté à plusieurs reprises, Jean-Luc Bonelli, le patron de l’entreprise, n’a pas donné suite dans le temps imparti à la publication de cet article.
    Illustration 2
    Photos des colis envoyés en Israël, contenant les « maillons M27 ». © Photos DR

    Depuis les massacres du 7 octobre perpétrés par le Hamas en Israël, qui ont causé la mort d’au moins 1 160 personnes, le gouvernement israélien a lancé une offensive d’une ampleur inédite sur la bande de Gaza. À ce jour, plus de 32 000 personnes y ont été tuées, des femmes et des enfants à 70 %. Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté lundi 25 mars en faveur d’un cessez-le-feu immédiat.

    Les déclarations se succèdent, notamment de la part de la France, pour dénoncer la situation humanitaire catastrophique et un bilan humain effrayant à Gaza. Le 12 février dernier, Josep Borrell, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lançait, pour appeler à un arrêt des livraisons d’armes occidentales : « Si vous pensez que trop de gens se font tuer, peut-être devriez-vous fournir moins d’armes ? »
    Mobilisation locale en construction

    Suivant ce même raisonnement, un collectif marseillais s’est constitué il y a quelques semaines pour « s’organiser contre l’industrie de l’armement dans les Bouches-du-Rhône ». Il regroupe aujourd’hui plus de vingt-cinq organisations, syndicats ou partis politiques (notamment les Soulèvements de la Terre 13, Marseille Gaza Palestine, BDS Provence, Tsedek !, Technopolice Marseille, LFI, le NPA, SFA-CGT, Sud Éducation…) et appelle à un rassemblement devant l’usine d’Eurolinks le 1er avril.

    L’objectif est de signifier « qu’on peut agir un peu partout sur le territoire pour rappeler l’État et les entreprises françaises à leurs responsabilités », explique le comité local des Soulèvements de la Terre 13. En ciblant Eurolinks, entreprise « d’une autre échelle que celle des géants de l’armement français comme Thales ou Safran », il s’agit de « pointer du doigt les multiples maillons actuels et enrayer les mécanismes d’un complexe militaro-industriel international qui soutient le génocide en cours », souligne le comité local du mouvement écologiste.

    Ces maillons permettent de relier les balles entre elles afin d’assurer une cadence de tir soutenue. [...] Donc de pouvoir tuer plus, et plus vite.

    Le collectif Technopolice

    Si les petits « maillons » métalliques produits par Eurolinks peuvent sembler dérisoires par rapport à la machine de guerre israélienne et aux centaines de millions de dollars d’armes que lui vendent les États-Unis, le collectif Technopolice Marseille souligne le rôle joué par ces liens pour munitions dans la guerre en cours, dont les civils palestiniens sont les principales victimes : « Ils permettent de relier les balles entre elles afin d’assurer une cadence de tir soutenue, à savoir de pouvoir tirer le plus de balles possible par minute ou par seconde. Donc de pouvoir tuer plus, et plus vite. »
    Des mitrailleuses dotées de maillons M27 utilisées à Gaza

    Effectivement essentiels au fonctionnement des fusils-mitrailleurs, ces liens métalliques s’accrochent entre eux et accueillent chacun une balle, formant ainsi une chaîne de munitions qui permet de tirer en rafale sur une cible, à raison de 17 balles par seconde, d’après la chaîne YouTube d’un ancien soldat américain. Les liens destinés à IMI Systems sont de type M27, pour des munitions de 5,56 millimètres, d’après la photo du bordereau sur les cartons d’Eurolinks.

    S’ils sont conçus à l’origine pour les fusils de type M249, largement utilisés par l’armée américaine, ils sont tout à fait adaptés au Negev 5, l’un des fusils-mitrailleurs de l’armée israélienne que fabrique l’entreprise Israel Weapon Industries (IWI), une ex-filiale d’IMI Systems.

    « Israël a développé le fusil-mitrailleur Negev précisément parce que les munitions de 5,56 millimètres sont omniprésentes au sein des pays de l’Otan et de leurs alliés », explique Shir Hever, économiste spécialiste de l’industrie de la sécurité israélienne et coordinateur du mouvement palestinien BDS pour un embargo militaire à l’encontre de l’État hébreu. « Les munitions 5,56 du Negev sont interchangeables avec les fusils M249 », confirme-t-il à Disclose.

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    20 février 2024

    Ce sont justement ces balles de 5,56 × 45 mm, caractéristiques de l’Otan et utilisées par l’armée israélienne, qui sont à l’origine des blessures de 200 victimes du « massacre de la farine », d’après une enquête de Euro-Mediterranean Human Rights Monitor, une ONG de défense des droits humains basée à Genève. Le 29 février, au petit matin, des centaines de Gazaoui·es affamé·es attendaient l’une des rares livraisons d’aide alimentaire lorsque des soldats israéliens ont ouvert le feu, avec des « fusils d’assaut M4 et Tavor, ainsi que des mitrailleuses légères comme le Negev », selon l’ONG. Bilan de ce drame : 112 morts et 750 blessés.

    L’armée israélienne a reconnu des « tirs limités » de ses soldats qui se sentaient « menacés », et a fait état d’« une bousculade durant laquelle des dizaines d’habitants ont été tués et blessés, certains renversés par les camions d’aide ». Le 14 mars, le même scénario se répète, une autre distribution se soldant par la mort d’au moins 20 Palestiniens et plus de 150 blessés.
    Des livraisons jugées négligeables par la France

    Réagissant à la tuerie du 29 février, Emmanuel Macron avait exprimé sur le réseau social X sa « profonde indignation face aux images qui nous parviennent de Gaza où des civils ont été pris pour cibles par des soldats israéliens ». Le gouvernement français n’a pas décidé pour autant de mettre un terme à ses livraisons de matériel militaire à Israël, contrairement aux Pays-Bas, à l’Espagne ou à la Wallonie belge, rejoints le 19 mars dernier par le Canada.

    Après le 7 octobre, la France a d’abord plaidé pour le « droit à se défendre » de l’État hébreu, dont 138 ressortissant·es sont toujours retenu·es en otages à Gaza. « Israël a le droit de se défendre, et le devoir de le faire dans le respect du droit international, et donc de protéger les populations civiles », déclarait ainsi le 24 octobre Catherine Colonna, alors ministre des affaires étrangères, à la tribune des Nations unies. Même si le discours de l’exécutif français s’est ensuite infléchi, appelant le 9 novembre à un cessez-le-feu, puis dénonçant à la mi-février « un bilan humain et une situation humanitaire intolérables » à Gaza, les exportations militaires n’ont pas cessé.

    La position est assumée par le ministère des armées, qui souligne régulièrement que le matériel militaire français vendu à Israël ne représente que 15,3 millions d’euros en 2022, soit 0,2 % des exportations d’armes de la France. Pas de quoi rivaliser avec les contributions de l’Allemagne et du Royaume-Uni, principaux fournisseurs en Europe de l’armement israélien, sans parler bien sûr des États-Unis.

    Le gouvernement français estime que les livraisons d’armes à Israël concernent « uniquement un système complètement défensif ».

    Le 27 février, lors d’une commission parlementaire, le ministre des armées français, Sébastien Lecornu, a réitéré cet argument des livraisons négligeables. Répondant à une question du député insoumis Aurélien Saintoul sur le sujet, il a ajouté que les licences accordées récemment par la CIEEMG (commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, qui donne son avis sur les exportations d’armes avant validation par le premier ministre) « ont permis de faire des composants sur des missiles du Dôme de fer, c’est-à-dire uniquement sur un système complètement défensif ».

    Une affirmation répétée presque mot pour mot le 20 mars par la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, mais que les livraisons d’Eurolinks à IMI Systems viennent contredire. Contacté par Disclose et Marsactu, le ministère des armées n’a pas souhaité s’exprimer.
    Pour Amnesty, ces armes « pourraient servir à commettre un génocide »

    Plusieurs ONG (Médecins du monde, Save the Children, Oxfam, Handicap International) considèrent que la France est en contradiction avec les traités internationaux qu’elle a signés en continuant de fournir du matériel militaire à Israël.

    Amnesty International rappelait ainsi fin février, dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, que le Traité sur le commerce des armes stipule qu’un État signataire ne peut vendre d’armes à un autre État s’il a « connaissance […] que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, […] ou d’autres crimes de guerre ». Même chose pour la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Et l’ordonnance de la Cour internationale de justice estimant qu’il existait un risque de génocide à Gaza, en janvier, est venue ajouter un autre argument légal à la position des ONG.

    Dans l’onglet « Historique » du site internet d’Eurolinks, on peut lire que l’entreprise a prospéré dans les années 1950 en fournissant des maillons pour l’armée française en Indochine et en Algérie. À l’époque, des dockers avaient bloqué les bateaux d’armes en partance pour les territoires coloniaux de la France en Asie. La lutte locale entreprise aujourd’hui contre l’industrie de l’armement entend rouvrir ce débat, à l’heure où la situation continue de s’enliser à Gaza.

  • Gaza : « L’Europe et l’Occident sont complices du génocide en cours »
    « Comment vos pays peuvent-ils se regarder dans le miroir ? » Le directeur du Centre palestinien pour les droits humains exhorte l’Europe à cesser de « couvrir » Israël face aux massacres à Gaza. « Les Occidentaux, dit-il, n’ont aucune volonté politique. Et donc ils soutiennent. »

    Mathieu Magnaudeix | 22 mars 2024 à 13h18 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/220324/gaza-l-europe-et-l-occident-sont-complices-du-genocide-en-cours

    RajiRaji Sourani est un avocat palestinien, fondateur en 1995 et directeur exécutif du Centre palestinien pour les droits humains (PCHR), une ONG située à Gaza. Ancien militant politique, il a été incarcéré à plusieurs reprises en Israël dans les années 1970 et 1980 pour son appartenance au Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP).

    Il a ensuite débuté une carrière juridique, qui lui a valu une reconnaissance internationale. Récipiendaire du prix Nobel alternatif en 2013, décoré en 2021 de l’ordre du mérite français, il a fait partie de l’équipe juridique de l’Afrique du Sud qui a introduit en début d’année une requête demandant à la Cour internationale de justice (CIJ) de qualifier de « génocide » la guerre israélienne à Gaza. Le 26 janvier, la Cour a reconnu un « risque plausible » de génocide et exigé des mesures conservatoires, ignorées par Israël.

    Mediapart : Raji Sourani, vous êtes en ce moment de passage en Europe. Quel message lancez-vous à vos interlocuteurs ?

    Raji Sourani : Nous sommes déçus par les États comme la France, l’Europe et l’Occident. La devise de votre pays, c’est « liberté, égalité, fraternité », non ? Alors pourquoi, face au génocide en cours, souscrivez-vous à la terminologie de l’autodéfense d’Israël ?

    Il s’agit d’une occupation criminelle qui dure depuis des décennies. Le président israélien n’a pas fait de distinction entre les civils et le Hamas. Le premier ministre Benyamin Nétanhayou a appelé à la destruction de Gaza. Le ministre de la défense a dit : « Gaza n’aura pas d’eau, d’électricité, de nourriture. » Il y a les destructions et les morts.

    Et malgré tout, les Européens et l’Occident soutiennent. Ils sont complices. Ils donnent les armes, les fonds, une couverture légale et politique à Israël. Quelles sont vos valeurs ? Que signifie la loi pour vous ? Comment vos pays peuvent-ils se regarder dans le miroir face à ce génocide en cours ? Comment peuvent-ils se dire impuissants ? Comment Joe Biden et son ministre des affaires étrangères peuvent-ils dire : « C’est très triste de voir mourir des enfants à Gaza », alors qu’il leur suffit d’une phrase pour tout stopper ?

    Je pense que les Occidentaux n’ont aucune volonté politique. Et donc ils soutiennent. Ma colère, ma vraie colère, elle est là.
    Illustration 1
    Raji Sourani, directeur du Centre palestinien pour les droits humains, à Madrid, le 22 janvier 2024. © Photo Daniel Gonzalez / EFE via MaxPPP

    La France plaide désormais ouvertement pour un cessez-le-feu. Et elle n’est plus la seule désormais...
    Mais il n’y a pas de cessez-le-feu ! Tout se passe selon les souhaits de Nétanyahou, et ses ministres [d’extrême droite – ndlr] Smotrich et Ben-Gvir : des tueries de masse, la destruction de masse, la famine de masse, le déplacement de masse. Une nouvelle Nakba est en cours. Un million et demi de personnes qui sont à Rafah en ce moment même, près de la frontière avec l’Égypte, peuvent être expulsées de Gaza d’une minute à l’autre.

    Nous sommes tués par des armes américaines et européennes. Pourquoi continuent-ils de soutenir Israël ? Je n’arrive pas à comprendre !

    Depuis des mois, nous assistons à un génocide. Ce ne sont pas des allégations : c’est la Cour internationale de justice, la plus importante du monde, qui a parlé de « génocide plausible ». Et vos pays ne font rien ! Nous sommes tués par des armes américaines et européennes. Pourquoi continuent-ils de soutenir Israël ? Je n’arrive pas à comprendre ! Les seuls États en Europe qui ne se comportent pas ainsi sont l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg, la Slovénie.

    Que demandez-vous aux pays européens ?

    Le respect de la loi. Agissez envers la Palestine comme vous agissez pour l’Ukraine ! Arrêtez les tueries, arrêtez la famine, arrêtez les déplacements de population ! De nombreuses ONG internationales, mais aussi israéliennes, ont documenté la violation des droits des l’homme par Israël. Pourquoi les relations commerciales continuent-elles comme si de rien n’était, alors que le traité entre l’Union européenne et Israël mentionne le nécessaire respect des droits de l’homme ?

    Pourquoi Israël est-il à l’Eurovision ? Pourquoi Israël est-il présent aux Jeux olympiques ? Pourquoi les Israéliens peuvent-ils venir sans visa en Europe alors que les Européens, même des ministres, doivent demander aux autorités israéliennes s’ils veulent visiter Gaza, et la plupart du temps n’y sont pas autorisés ? Que quelqu’un me dise pourquoi ils sont récompensés parce qu’ils commettent un génocide !

    Les États-Unis présentent ce vendredi une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies pour un « cessez-le-feu » et la libération des otages. La France annonce elle aussi une résolution sur un « cessez-le-feu immédiat ». Qu’en pensez-vous ?

    Ce sont des menteurs. Comment leur faire confiance, à moins d’être stupide, naïf ou les deux ? Ils fournissent les avions, les bombes. Des soldats occidentaux nous combattent. Des Français, des Italiens, des Américains. Ce n’est pas un secret, la population de Gaza le voit. Israël procède à une occupation militaire et criminelle depuis des décennies. C’est l’occupation la plus longue et la plus documentée au monde. L’Afrique du Sud mais aussi le Brésil donnent à l’Europe une leçon de morale et de droits humains.

    Vous êtes gazaoui…

    Je suis un fier résident de Gaza. Je dis « résident » et pas « ressortissant », parce que nous n’avons pas la nationalité, et ce sont les Israéliens qui décident de notre résidence.

    Au début de la guerre, votre propre maison a été bombardée.

    J’ai subi deux bombardements. Je monte les dossiers des crimes de guerre israéliens devant les tribunaux : je fais donc partie de ceux qui sont ciblés. J’ai été bombardé une première fois le 18 octobre, la nuit, chez moi, j’étais avec ma femme et mon fils. Ça a duré près de deux heures : un tapis de bombes dans le quartier, jusqu’à deux cent mètres de nous. Une bombe a même touché la maison. J’ai déménagé dans une autre maison à Gaza City.

    Le 23 octobre, à nouveau, la mosquée et le poste de police à côté de mon domicile ont été ciblés, bombardés par sept énormes bombes. Nous avons survécu. Chaque minute, chaque heure, nous avons eu peur que le bâtiment tombe sur notre tête. Il faut vous imaginer : ce sont des bombes gigantesques, qui vont jusqu’à 20 mètres dans le sol. Vous avez l’impression qu’elles vous atteignent directement.

    Des centaines, des milliers de ces bombes ont été utilisées à Gaza. J’ai tenté de partir au sud, à Khan Younès, mais je n’ai pas pu. La deuxième fois, un ami m’a enjoint à la dernière minute de revenir sur mes pas : d’autres gens avaient essayé de fuir, il y avait des dizaines de corps dans la rue. J’ai fini par rejoindre Khan Younès fin novembre, et j’ai pu finalement me rendre en Égypte.

    Je n’arrive toujours pas à réaliser le nombre de morts.

    Que sont devenus vos proches, vos ami·es ?

    Dès la première semaine, j’ai arrêté d’adresser des condoléances. Je n’arrive toujours pas à réaliser le nombre de morts. Chaque jour, j’entends parler d’amis, de voisins, de collègues morts, partout dans la bande de Gaza.

    J’ai connu les six guerres de Gaza, j’ai mené des enquêtes sur de nombreux crimes de guerre. Cette fois, dès le premier jour, j’ai compris que c’était différent. Pour la première fois, j’ai demandé aux 65 collaborateurs de mon organisation de ne pas bouger de chez eux, de ne pas aller enquêter sur place, de seulement documenter ce qui se passe dans leur voisinage.

    Onze collaborateurs sont partis au Caire, sept sont en Cisjordanie. Deux ont été tuées. L’une avec trente-sept membres de sa famille. Une autre avec sept de ses proches.

    Qu’est-ce qui est différent cette fois ?

    Dès le premier jour, les hôpitaux, les écoles, les abris, les locaux de l’UNRWA [l’agence onusienne des réfugiés palestiniens, cheville ouvrière de l’aide humanitaire à Gaza, victime d’une campagne d’Israël – ndlr] ont été ciblés. Mais aussi les boulangeries, les installations pour désaliniser l’eau, les systèmes d’assainissement, les usines d’électricité, les routes.

    C’était très clair dès le début. Il s’agit d’une stratégie planifiée et intentionnelle de nettoyer Gaza de ses civils. C’est une évidence. J’en ai beaucoup discuté avec mes collègues avocats, qu’ils soient palestiniens, européens, américains ou sud-africains. Au bout de dix jours, tout le monde était d’accord : c’est un génocide. Les faits sont clairs.

    Bombarder deux, trois, voire cinq hôpitaux, à la limite, on peut le concevoir. Mais pourquoi attaquer 38 hôpitaux ? Quelle est l’intention ? Pourquoi s’en prendre aux enfants malades, aux docteurs, aux ambulances ? Pourquoi attaquer les mosquées et les églises ? Pourquoi s’en prendre aux zones les plus peuplées ? Anéantir des familles entières, avec parfois des dizaines de morts, et selon nos estimations encore jusqu’à 10 000 tués encore sous les décombres ? Forcer les gens à quitter le nord tout en les bombardant ? Les affamer et empêcher l’accès de l’aide humanitaire ? Détruire des supermarchés ?

    Dans ce chaos, comment pouvez-vous documenter les crimes de guerre ?

    Le premier mois, cinq ou six d’entre nous ont commencé à collecter tout ce qu’ils pouvaient. Nous ne pouvons pas documenter les destructions contre les 38 hôpitaux. Mais nous pouvons nous concentrer sur ce qui s’est produit à l’hôpital Al-Shifa, à l’hôpital Al-Qods, à l’hôpital indonésien. Car ce qui s’y est passé s’est répété ailleurs, selon le même scénario.

    Donc nous recueillons de nombreux témoignages, relevons les munitions utilisées. Nous documentons les stratégies de famine, le déplacement. Et la torture. Personne ne parle des 4 000 prisonniers arrêtés à Gaza. Ils ont été torturés dans des conditions pires que Guantanamo et Abu Ghraib. Personne ne parle non plus des meurtres extrajudiciaires de l’armée israélienne contre des familles et des jeunes.

    Votre organisation a contribué à la procédure pour génocide de l’Afrique du Sud à la Cour internationale. Vous étiez vous-même à La Haye lors des auditions. Le 26 janvier, la Cour a exigé des mesures provisoires pour éviter un « génocide plausible ». Et depuis ?

    Israël affirme que tout cela n’existe pas. Mais ce qu’a dit la CIJ, ce n’est pas une discussion d’intellectuels dans un coin que personne ne devrait respecter ! Les mesures provisoires prononcées signifient que quelque chose de grave se passe et qu’il faut le stopper. La Cour n’a pas demandé un cessez-le-feu, mais en réalité elle a soulevé le sujet : car comment protéger les civils, arrêter les massacres, faire entrer les médicaments et la nourriture s’il n’y a pas de cessez-le-feu ?

    La CIJ a signalé à la communauté internationale que c’était à elle d’agir. La France et l’Allemagne s’étaient engagées à respecter sa décision. Et maintenant ? Les Français et les Allemands prient Israël d’autoriser l’aide humanitaire, de coopérer. Honte à eux ! Ils permettent à Israël d’exécuter son plan : faire sortir les Palestiniens de Gaza, mener son génocide. C’est une autorisation de tuer. À l’heure où nous parlons, un million et demi de Gazaouis se retrouvent dans une aire de 40 kilomètres carrés près de Rafah. À tout moment, en bombardant Rafah, Nétanyahou peut déclencher une nouvelle Nakba.

    Vous représentez des victimes palestiniennes devant la Cour pénale internationale depuis des années. Qu’attendez-vous d’elle ?

    C’est une question importante. En 2015, l’Autorité palestinienne est devenue membre de la CPI [elle a ainsi saisi la juridiction de la Cour sur les crimes présumés commis « dans les Territoires palestiniens occupés, Jérusalem-Est inclus, depuis le 13 juin 2014 – ndlr]. L’enquête a été réellement ouverte en 2021 par l’ancienne procureure générale, Fatou Bensouda.

    Nous étions soulagés. Nous nous sommes dit : enfin, Israël va payer pour ses crimes de guerre, ses persécutions et ses crimes contre l’humanité. L’actuel procureur, Karim Khan, a pris la tête de la CPI en juin 2021. Depuis, il n’a rien fait. Nous avons tous les dossiers. Nous l’avons imploré de nous recevoir. Il n’a jamais accepté.

    Après le 7 octobre, il s’est dépêché de voir les victimes israéliennes sur le théâtre des crimes. Mais il n’est pas venu à Gaza. Pour moi, il est l’homme de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Europe. Dans le cas ukrainien, il a commencé une enquête très vite. Il a émis un mandat d’arrêt contre Poutine un an après le début de la guerre. Pour nous, il n’a rien fait.

    Le procureur de la Cour pénale internationale nous a promis qu’il ne nous décevrait pas. C’était en janvier. Depuis ? Aucune nouvelle.

    Nous avons protesté, il a commencé à sentir notre pression. Il n’a demandé à nous rencontrer que lorsque nous avons déposé la requête devant la Cour internationale de justice. Nous lui avons parlé en visio le 11 janvier, le deuxième jour des auditions devant la CIJ. Je lui ai adressé toutes mes critiques. Je lui ai dit qu’il devrait être la conscience légale des victimes, que nous avons tous les dossiers, les preuves, les faits. Je lui ai dit : « Si vous aviez réagi avant, si vous aviez dans ce cas aussi déclenché des procédures, peut-être auriez-vous envoyé des messages à Israël et cet affreux génocide n’aurait pas eu lieu. »

    Il a reconnu que ce qui se passe n’est pas acceptable, nous a demandé de coopérer avec lui, nous a promis qu’il ne nous décevrait pas. C’était en janvier. Depuis ? Aucune nouvelle, ni rien de tangible. Notre sentiment, c’est qu’il ne veut pas qu’Israël rende des comptes. Je ne le respecte pas et je ne lui fais pas confiance.

    Depuis des semaines, des discussions ont lieu sur une trêve, la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens, entre Israël et le Hamas, sous l’égide des États-Unis et du Qatar. Pourtant, elles n’aboutissent pas.

    Mais Israël se moque des otages ! Ils détiennent à peu près 3 000 prisonniers arrêtés en Cisjordanie, et 4 000 prisonniers de Gaza. À vrai dire, ceux de Gaza, nous ne connaissons même pas leur nombre exact. Déjà, parce que personne ne sait qui est mort ou vivant parmi ceux [les membres du Hamas et des autres groupes palestiniens – ndlr] qui étaient en Israël au moment du 7 octobre.

    Par ailleurs, c’est l’armée israélienne qui contrôle tout, au point que l’autorité israélienne chargée des prisons n’a pas d’informations précises. Les prisonniers sont dans des camps militaires. Ce que nous savons, c’est qu’ils sont d’abord interrogés, puis qu’une enquête est menée. Les prisonniers n’ont pas de nom, seulement un numéro. Nous avons documenté des centaines de cas de torture. C’est sans précédent. Certains prisonniers ont été tués.

    Ensuite, les prisonniers sont interrogés par le Shin Bet israélien [les services du renseignement intérieur – ndlr] dans un camp militaire près de Jérusalem. Tout cela se passe hors du droit. Imaginez ce qu’ils peuvent faire avec eux dans ces conditions. Israël a ramené et enterré de nombreux corps à Gaza. Sur ces cadavres, nous ne savons rien : pourquoi et comment Israël les détenait, qui ils sont, il n’y a aucun moyen de les identifier. Si vous ajoutez leurs cas à tous les morts déjà connus, nous avons là un crime de masse qu’il va falloir documenter.

    Les Palestiniens vivent l’époque la plus sanglante, la plus destructrice de leur histoire. Nous n’avons pas le droit d’abandonner ni le droit d’être de bonnes victimes aux yeux du monde. Nous défendons une cause juste. Nous sommes dans le bon sens de l’histoire. Je reste un optimiste stratégique et compte documenter les crimes en cours avec les armes du droit.

    Pour l’heure, la guerre est en cours. Un jour, elle s’arrêtera. Quelle est la solution politique ?

    Je me doutais que les accords d’Oslo allaient institutionnaliser l’occupation. Maintenant ? Nous voulons la fin de cette occupation. C’est tout. Il n’y a jamais d’occupation juste. Nous serons heureux avec les 22 % de la Palestine historique [les Territoires occupés par Israël – ndlr], et la possibilité de décider de notre futur, avec, je l’espère, un paysage politique qui pourrait changer si [le militant palestinien] Marwan Barghouti ou d’autres personnalités sont libérés de prison.

    Notre existence ne peut être niée. Nous avons toujours été là. Et nous serons toujours là. Et nous sommes d’autant plus forts que la société civile américaine, européenne et mondiale nous soutient. À elles et eux, je veux dire merci : nous sommes fiers de vous, nous savons ce que vous faites, vous êtes la clé du changement.

    Mathieu Magnaudeix

    • [...] c’est la Cour internationale de justice, la plus importante du monde, qui a parlé de « génocide plausible ». Et vos pays ne font rien ! Nous sommes tués par des armes américaines et européennes. Pourquoi continuent-ils de soutenir Israël ? Je n’arrive pas à comprendre ! Les seuls États en Europe qui ne se comportent pas ainsi sont l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg, la Slovénie.
      [...]

      Boîte noire

      Raji Sourani était de passage à Paris jeudi 21 et vendredi 22 mars. L’entretien a eu lieu jeudi après-midi dans un café près de l’Assemblée nationale. Il n’a pas été relu par l’intéressé.

  • https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/210324/scandale-du-chlordecone-le-conseil-de-l-europe-est-saisi

    Écosystèmes et pollution
    Scandale du chlordécone : le Conseil de l’Europe est saisi

    La Fédération internationale pour les droits humains a déposé jeudi une réclamation collective auprès du Comité européen des droits sociaux pour exiger de la France un accès urgent à l’eau potable en Guadeloupe et des réparations pour l’empoisonnement des Antilles à ce pesticide.

    Mickaël Correia, 21 mars 2024

    Dix-huit ans après le dépôt d’une première plainte qui a débouché en janvier 2023 sur un non-lieu, le combat pour réparer l’empoisonnement des Antilles françaises au chlordécone continue. Ce pesticide, abondamment utilisé dans les bananeraies de 1972 à 1993 en Guadeloupe et en Martinique, est au centre d’une nouvelle action en justice lancée jeudi 21 mars.

    La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), avec le concours de la Ligue des droits de l’homme et de Kimbé Rèd FWI, association antillaise de défense des droits humains, a déposé une réclamation collective auprès du Comité européen des droits sociaux à l’égard de la France. Cette requête, que Mediapart a pu consulter, dénonce la violation du droit à l’eau potable et à l’assainissement en Guadeloupe, ainsi que la pollution au chlordécone des Antillais et Antillaises, considérée par ces trois organisations comme une atteinte au droit à la santé.

    Cette action contre l’État français est fondée sur la Charte sociale européenne, un traité du Conseil de l’Europe qui garantit le respect des droits économiques et sociaux fondamentaux, tels que la santé et la non-discrimination. Le Comité européen des droits sociaux, à qui a été adressé la réclamation, est l’institution du Conseil de l’Europe chargée de la mise en œuvre de cette charte ratifiée par la France en 1973 puis en 1999, dans sa version révisée.

    Le dossier déposé dénonce dans un premier temps « la privation d’eau potable à plus de 380 000 personnes en Guadeloupe », qui résulte tant des coupures chroniques du réseau de distribution que de la pollution de l’eau, notamment au chlordécone.

    Dans l’objet de la réclamation, la FIDH souligne qu’en Guadeloupe, « jusqu’à 80 % de l’eau produite est perdue à cause de fuites dans les réseaux ». Pis, lorsque l’eau est disponible, elle n’est pas potable en raison de « la vétusté des canalisations », de la « défaillance de l’assainissement » et de la « pollution au chlordécone ».

    Concernant l’empoisonnement au chlordécone des Antilles françaises, le dossier pointe « le manque de mesures préventives et curatives effectives pour plus de 665 000 personnes dont la santé est exposée aux conséquences néfastes du chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ». Selon Santé publique France, plus de 90 % de la population adulte y est contaminée par le chlordécone et, dans les deux îles, « les taux d’incidence du cancer de la prostate se situent parmi les plus élevés au monde ».

    Bien que l’Organisation mondiale de la santé eût averti dès 1979 de la dangerosité de ce produit, le chlordécone n’a été interdit en France qu’en 1990, puis a continué d’être utilisé aux Antilles françaises par dérogation ministérielle jusqu’en 1993. À la suite de ces pollutions délétères pour la santé, la requête collective précise que « la traçabilité du chlordécone à titre préventif et la détoxification de l’être humain à titre curatif ne sont pas garanties et [que], fin 2023, seules 45 personnes avaient été indemnisées pour le préjudice subi ».

    En ce sens, concernant l’accès à l’eau potable et l’empoisonnement au chlordécone, le refus de l’État français d’appliquer des mesures d’urgence relève pour la FIDH d’un traitement discriminatoire « qui serait inimaginable dans l’Hexagone » et qui contrevient à plusieurs droits fondamentaux des ultramarin·es, pourtant consacrés par la Charte sociale européenne.

    « La France ne peut pas continuer à ignorer les problèmes récurrents des Antilles. Ils n’ont que trop duré, prévient Elena Crespi, responsable du bureau Europe de l’Ouest à la FIDH. Elle doit enfin reconnaître que la Charte sociale européenne doit s’appliquer à l’ensemble de ses territoires. »

    Face à ces violations « graves et répétées » des droits des Antillais et des Antillaises, l’organisation demande au Comité européen des droits sociaux d’« accorder un traitement prioritaire à [leur] réclamation et […] une attention particulière à la demande de mesures immédiates dont elle est assortie ».

    Dans sa requête, la FIDH exhorte le Comité à demander que « l’État français adopte urgemment des mesures » pour pallier les coupures d’eau et des mesures de traçabilité systématique du chlordécone dans l’alimentation, ou encore mette en place « des mesures de détoxification systématique du corps humain pour les personnes dépistées, en fonction du taux de chlordécone mesuré dans leur sang ».

    Elena Crespi résume : « En donnant une suite favorable à la présente réclamation collective, le Comité européen des droits sociaux inviterait la France à prendre plus sérieusement en compte les inégalités historiques entre l’Hexagone et les territoires ultramarins. »

    Le 29 février dernier, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l’État dans le scandale du chlordécone. Dans ce texte, la République française « s’est assigné pour objectif » l’indemnisation des victimes.

    Mickaël Correia

    #Antilles #pollution #empoisonnement #justice

  • Rénovation énergétique : les lobbys du BTP ont eu la peau de la réforme | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/180324/renovation-energetique-les-lobbys-du-btp-ont-eu-la-peau-de-la-reforme

    Le « choc de simplification » dans la politique de rénovation énergétique, pour lequel ont œuvré les acteurs du BTP, est en réalité un immense recul. Retour sur les derniers mois d’un lobbying qui a vidé de sa substance une réforme ambitieuse.

  • Face à la pénurie de médicaments, des pharmaciens entrent en résistance sur le plateau de Millevaches | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/160324/face-la-penurie-de-medicaments-des-pharmaciens-entrent-en-resistance-sur-l

    Face au manque de traitements, des professionnels vendent des cachets à l’unité. Cette méthode permet aussi, selon eux, d’éviter le gaspillage ou l’accoutumance. Reportage en terre corrézienne rebelle.

  • Des faits et du sens : notre exigence dans un monde disjoncté | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/140324/des-faits-et-du-sens-notre-exigence-dans-un-monde-disjoncte

    Un très beau texte sur ce que devrait être une presse indépendante et critique.
    Par la nouvelle directrice de publication de Médiapart (article en accès libre)

    Nous nous inscrivions résolument dans notre temps, celui d’une révolution numérique encore balbutiante, tout en refusant de nous soumettre aux sirènes de l’audience et de la gratuité. Contre les oracles d’Internet, nous avons fait la démonstration de la légitimité de l’abonnement, garantie absolue de notre indépendance. Un journal exclusivement financé par ses lectrices et ses lecteurs : ce choix fondateur nous a aussitôt distingués des autres médias.

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    Nous avons les mains libres pour révéler ce qui est nié, caché, ignoré et rendre visibles les invisibles. Nous n’avons de comptes à rendre à personne, si ce n’est à nos lectrices et nos lecteurs que nous avons placé·es au centre de notre projet : parce que nous croyions aux vertus d’une démocratie vivante, nous avons créé un espace participatif unique en France, le Club, qui s’est transformé au fil du temps en une véritable communauté de contributrices et contributeurs, fidèles et solidaires, via leurs blogs et leurs commentaires.

    C’était il y a seize ans et l’histoire nous a donné raison. Mediapart s’est imposé comme un contre-pouvoir incontournable. De l’abus de faiblesse de Liliane Bettencourt au compte caché de Cahuzac, en passant par les financements libyens de la campagne Sarkozy, les dessous de l’empire Bolloré, les conflits d’intérêts de Kohler ou l’argent russe de Marine Le Pen : nous nous sommes fait connaître du grand public grâce à une série d’enquêtes aux répercussions tant politiques, qu’institutionnelles, législatives et fiscales. Nous avons ouvert de nouveaux champs d’investigation sur l’écologie, les violences policières, les discriminations et les violences de genre, avec le tabou brisé par Adèle Haenel puis la déferlante PPDA, et maintenant l’affaire Depardieu.

    Rentable depuis treize ans, Mediapart est devenu le troisième quotidien national en nombre d’abonné·es payants, derrière Le Monde et Le Figaro. Le volume de nos souscripteurs avoisine les 220 000. S’élevant à 22,5 millions d’euros, notre chiffre d’affaires pour l’année 2023, en hausse de près de 6 % sur un an, nous a permis de dégager un bénéfice net de 2,2 millions d’euros.

    #Médiapart #Journalisme #Carine_Fouteau

  • En Cisjordanie, les enfants palestiniens meurent aussi | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/130324/en-cisjordanie-les-enfants-palestiniens-meurent-aussi

    Depuis le 7 octobre 2023, les enfants de Cisjordanie et de Jérusalem-Est occupées voient leurs droits encore plus malmenés qu’avant. « 128 enfants palestiniens » y ont été tués depuis cinq mois, indique Ayed Abu Eqtaish, de l’ONG Défense des enfants International.

  • Lazzarini : In 4 Months, Israel Killed More Children Than Children Killed In Conflicts Globally
    Mar 13, 2024 - IMEMC News
    https://imemc.org/article/lazzarini-in-four-months-israel-killed-more-children-than-child-killed-global

    Philippe Lazzarini, Commissioner-General of UNRWA, stated that Israel has killed more Palestinian children in Gaza in just four months than all children killed in wars globally over the last four years.

    Lazzarini stated that the number of Palestinian children killed by Israeli missiles, shells, and bullets in the Gaza Strip since October 7, 2023, exceeds the umber of slain children globally and described what is happening in Gaza as a “war on the children’s childhood and their future.”

    He stated that based on data from the Palestinian Health Ministry and data by the United Nations, the number of slain children in Gaza between October 7, 2023, and February 29, 2024, is four times bigger than the number of children killed in wars globally over the last four years.

    A chart published by Lazzarini revealed that Israel killed +12.300 Palestinian children in Gaza between October 7, 2023, and February 29, 2024, compared to 12.193 children killed globally in 2019-2022.

    He called for stopping the war on Gaza and saving the lives of children amidst the ongoing Israeli onslaught.

    It is worth mentioning that Israel has now killed +31.184, and injured +72.889 Palestinians (%72 of the victims are women and children) in the Gaza Strip since October 7, 2023.

    #Génocide

    • À Gaza, la guerre d’Israël contre les enfants palestiniens
      Rachida El Azzouzi | 13 mars 2024 | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/international/130324/gaza-la-guerre-d-israel-contre-les-enfants-palestiniens

      (...) « Cette guerre est une guerre contre les enfants. Une guerre contre leur enfance et leur avenir », a abondé mardi 12 mars Philippe Lazzarini, le commissaire général de l’office onusien pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), sur le réseau social X. Il cite une statistique vertigineuse : le nombre d’enfants tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023 est plus élevé que le nombre d’enfants tués en quatre ans dans l’ensemble des conflits à travers le monde.

      En cinq mois, plusieurs dizaines de milliers d’enfants ont été tués ou blessés par les bombardements israéliens. Ils constituent, avec les femmes, la majorité des plus de 31 000 morts comptabilisés à ce jour, selon le ministère de la santé du Hamas, soit plus de 13 000 enfants. Un chiffre jugé crédible par les Nations unies mais sous-estimé selon plusieurs organisations humanitaires car il n’intègre pas les milliers de corps ensevelis sous les décombres.

      « Avec 30 000 morts officiels et un nombre par définition inconnu de disparus à Gaza, sans même parler de la mortalité indirecte liée à la malnutrition et aux maladies, les pertes gazaouies en cinq mois sont équivalentes à la mort d’un million de personnes en France », note dans Mediapart l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau.
      Des souffrances physiques et mentales

      Aux morts s’ajoutent les blessés dont « il faut imaginer les blessures », insiste Guillemette Thomas, coordinatrice médicale pour la Palestine de Médecins sans frontières (MSF). Des blessures graves, des fractures multiples, des brûlures sur une grande partie du corps, des membres arrachés…

      « Imaginez une jambe arrachée quand on n’a pas encore atteint l’âge de la marche », égrène Guillemette Thomas en insistant sur « la souffrance absolue des enfants, premières victimes d’une guerre qui n’est pas la leur ». Ces derniers arrivent « massivement dans des hôpitaux qui manquent de tout, où ils ne peuvent être soignés dans des conditions dignes faute de médicaments, de produits de sédation ».

      Son collègue Léo Cans, chef de mission en Palestine, a raconté à Mediapart l’histoire de Myriam, une enfant de 6 ans amputée de la jambe droite. Le visage à moitié brûlé, elle a perdu son frère, sa sœur, sa mère. Son père est porté disparu. Elle n’a plus que sa tante : « Faute de matériel, on a dû changer son bandage sans anesthésie. Pendant une demi-heure, elle a hurlé de douleur en appelant sa mère qui était morte. Chaque fois qu’une personne entre dans un hôpital, ce n’est jamais une personne seule. C’est une famille entière qui est détruite. » (...)

  • L’impérialisme électoral de la France en Afrique : jusqu’à quand ? | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/fanny-pigeaud/blog/110324/l-imperialisme-electoral-de-la-france-en-afrique-jusqu-quand?at_medi

    L’impérialisme électoral de la France en Afrique : jusqu’à quand ?
    Pour comprendre les soubresauts politiques auxquels on assiste en Afrique francophone (coups d’État militaires, processus électoraux manipulés, mandats présidentiels inconstitutionnels...), il faut remonter à la période coloniale et s’intéresser à l’histoire de l’impérialisme électoral, à savoir la manière dont les élections ont été utilisées pour servir et légitimer l’empire français.

    #démocraties_ouest_africaines #Afrique #France #françafrique

  • Lutte contre le racisme : à l’Assemblée, la séance « la plus dingue » de la mandature | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/politique/070324/lutte-contre-le-racisme-l-assemblee-la-seance-la-plus-dingue-de-la-mandatu

    Un autre [amendement], défendu par Meyer Habib pour associer critique du « sionisme » et antisémitisme, a été rejeté à une voix près – chez Renaissance, le président du groupe Sylvain Maillard ou la députée de Paris Caroline Yadan ont voté pour, comme l’ensemble du groupe LR.

    Meyer Habib a ajouté de la confusion à la confusion. Sous les « mais non ! » interloqués de Caroline Fiat, celui qui aime à se présenter comme « l’ami personnel » de Benyamin Nétanyahou s’est levé de son siège pour descendre dans le rang central et balancer, sur le pupitre du ministre de la justice, quatre pages de notes consignant les insultes qu’il a reçues. Stupeur dans la salle. Les huissiers sont immédiatement venus l’intercepter. Du jamais-vu dans l’hémicycle.

    Liste des députés ayant voté en faveur de l’amendement de Mayer Habib associant critique du sionnisme et antisémitisme :
    https://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/16/(num)/3415

    Groupe Renaissance
    (169 membres)

    Pour : 11

    Benoît Bordat
    Françoise Buffet
    Philippe Frei
    Claire Guichard
    Brigitte Klinkert
    Patricia Lemoine
    Sylvain Maillard
    Lysiane Métayer
    Emmanuel Pellerin
    Anne-Laurence Petel
    Caroline Yadan
    Contre : 25

    Caroline Abadie
    Mounir Belhamiti
    Florent Boudié
    Anne Brugnera
    Fabienne Colboc
    Nicole Dubré-Chirat
    Philippe Dunoyer
    Philippe Emmanuel
    Philippe Fait
    Virginie Lanlo
    Michel Lauzzana
    Pascal Lavergne
    Annaïg Le Meur
    Fabrice Le Vigoureux
    Denis Masséglia
    Stéphane Mazars
    Nicolas Pacquot
    Didier Paris
    Patrice Perrot
    Béatrice Piron
    Jean-Pierre Pont
    Jean-François Rousset
    Liliana Tanguy
    Stéphane Vojetta
    Lionel Vuibert
    Abstention : 4

    Laurence Cristol
    Christine Decodts
    Raphaël Gérard
    Mathieu Lefèvre

    Non-votants : 3

    Mme Yaël Braun-Pivet (Présidente de l’Assemblée nationale), Mme Marie Guévenoux (Membre du Gouvernement) et M. Guillaume Kasbarian (Membre du Gouvernement).

    Groupe Rassemblement National
    (88 membres)

    Pour : 27

    Bénédicte Auzanot
    Philippe Ballard
    Christophe Bentz
    Pierrick Berteloot
    Emmanuel Blairy
    Sophie Blanc
    Frédéric Boccaletti
    Victor Catteau
    Edwige Diaz
    Frédéric Falcon
    Thibaut François
    Frank Giletti
    José Gonzalez
    Jordan Guitton
    Marine Hamelet
    Laurent Jacobelli
    Katiana Levavasseur
    Philippe Lottiaux
    Kévin Mauvieux
    Thomas Ménagé
    Julien Odoul
    Mathilde Paris
    Caroline Parmentier
    Kévin Pfeffer
    Lisette Pollet
    Jean-Philippe Tanguy
    Michaël Taverne

    Groupe La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
    (75 membres)

    Contre : 10

    Nadège Abomangoli
    Hendrik Davi
    Emmanuel Fernandes
    Antoine Léaument
    Murielle Lepvraud
    Pascale Martin
    René Pilato
    Thomas Portes
    Aurélien Saintoul
    Danielle Simonnet
    Non-votant : 1

    Mme Caroline Fiat (Présidente de séance).

    Groupe Les Républicains
    (62 membres)

    Pour : 6

    Valérie Bazin-Malgras
    Francis Dubois
    Pierre-Henri Dumont
    Meyer Habib
    Philippe Juvin
    Éric Pauget
    Groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)
    (50 membres)

    Contre : 2

    Vincent Bru
    Frantz Gumbs
    Non-votant : 1

    Mme Marina Ferrari (Membre du Gouvernement).
    Groupe Socialistes et apparentés
    (31 membres)

    Contre : 2

    Marietta Karamanli
    Cécile Untermaier
    Groupe Horizons et apparentés
    (30 membres)

    Contre : 2

    Xavier Batut
    Naïma Moutchou
    Abstention : 2

    Agnès Firmin Le Bodo
    Jérémie Patrier-Leitus
    Non-votant : 1

    M. Frédéric Valletoux (Membre du Gouvernement).
    Groupe Écologiste - NUPES
    (22 membres)

    Contre : 2

    Sandra Regol
    Sabrina Sebaihi
    Groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES
    (22 membres)

    Contre : 1

    Davy Rimane
    Groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
    (22 membres)

    Contre : 1

    Paul Molac
    Abstention : 1

    Guy Bricout
    Non inscrits
    (6)

    #sionnisme #antisémitisme #démocratie_en_faillitte

  • Avec Rima Hassan, LFI met Gaza au cœur de la campagne des européennes
    Mathieu Dejean | 8 mars 2024 à 13h23 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/politique/080324/avec-rima-hassan-lfi-met-gaza-au-coeur-de-la-campagne-des-europeennes

    Au téléphone, la sérénité de sa voix contraste avec les réactions passionnées que sa candidature aux élections européennes sur la liste présentée par La France insoumise (LFI) déchaîne. Depuis la révélation de sa position éligible (7e) sur la liste conduite par Manon Aubry (eurodéputée sortante), les messages de militant·es antiracistes enthousiastes affluent : « La candidature de Rima Hassan est un énorme symbole politique. LFI est le mouvement le plus ouvert sur la réalité sociale du pays », a salué Youcef Brakni, du comité Adama Traoré sur le réseau social X.

    Tout comme les invectives mensongères de l’extrême droite, qui manipule et déforme régulièrement ses propos : « La présence de la militante pro-Hamas Rima Hassan sur la liste LFI en dit long sur une gauche prête à toutes les compromissions et tous les extrémismes », a notamment réagi le président du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella, lui-même tête de liste pour le scrutin du 9 juin.

    Rima Hassan est habituée. Depuis les attaques du Hamas le 7 octobre 2023 et la riposte israélienne qui fait courir un « risque plausible de génocide » à Gaza selon la Cour internationale de justice (CIJ), la juriste en droit international de 31 ans est devenue une incarnation de la cause palestinienne. Dans un contexte de surenchère verbale du camp du « soutien inconditionnel » à l’État d’Israël, qui taxe sans discernement d’antisémitisme les soutiens des Gazaoui·es, son expression publique fait l’objet de multiples pressions.

    Pour le chercheur indépendant Thomas Vescovi, auteur de L’Échec d’une utopie (La Découverte, 2021), qui a témoigné du coût très élevé qu’il y a à s’exprimer sur le conflit, « les gens ne se rendent pas compte du harcèlement sur les réseaux sociaux qu’elle subit » : « Ce que j’ai vécu, qui a été très dur, c’est le quart de ce que Rima vit. » Au point qu’après deux interventions dans Mediapart et Blast en octobre 2023, qui lui ont valu des menaces de mort, la militante était partie en Syrie, retournant pour la première fois dans le camp de réfugié·es palestinien·nes où elle est née et a vécu pendant dix ans.

    Alors que le harcèlement sur les réseaux sociaux reprenait après l’annonce de sa candidature, l’avocat de Rima Hassan, Me Vincent Brengarth, a annoncé que « tous les propos qui tomberont sous le coup de la loi feront systématiquement l’objet de poursuites ».

    « Il y a peu de voix palestiniennes en France, dit Rima Hassan à Mediapart. Dès qu’on émerge, on est très vite ciblé, soit pour glorifier notre identité, soit pour l’attaquer. Mais ma boussole, c’est le droit international : les droits de l’homme dans leur globalité. » De retour en France – où elle est arrivée en 2002 –, la militante – qui a acquis la nationalité française en 2010 – s’expose donc à nouveau aux menaces en faisant son entrée en politique avec LFI.

    Mais l’urgence du moment l’y obligeait, explique-t-elle : « Si je ne l’avais pas fait, je n’aurais pas pu me regarder dans une glace. Il y a une urgence à agir politiquement maintenant, avec les procédures devant la CIJ sur les conséquences de l’occupation et de la colonisation israéliennes des territoires palestiniens, la requête pour génocide contre Israël portée par l’Afrique du Sud, l’accord commercial Union européenne-Israël qui doit être revu car il est conditionné au respect des droits de l’homme, la question des exportations d’armes… » Plus qu’une tribune, le Parlement européen est à ses yeux un lieu important de prises de décisions sur le Proche-Orient.

    L’alliance avec LFI s’est faite en plusieurs temps. D’abord aux universités d’été du mouvement, en août 2023, où elle est intervenue avec la députée Ersilia Soudais sur le sujet : « Israël-Palestine : après 75 ans de conflit, comment agir pour la paix ? » Alors que les massacres à Gaza s’intensifiaient, elle a ensuite incité les partis à politiser le sujet.

    Le député LFI David Guiraud et le militant antiraciste Taha Bouhafs ont alors encouragé Jean-Luc Mélenchon à la rencontrer, et plaidé pour qu’elle intègre la liste des européennes. Les écologistes lui avaient déjà proposé une place non éligible, qu’elle avait déclinée.

    Le triple candidat à la présidentielle a tendu une oreille intéressée, fin novembre au siège du mouvement. « Il a été très attentif à la question des camps de réfugiés et à la manière dont les Palestiniens racontent ce récit. Cela fait vingt ans qu’on a oublié cette question, et il avait à cœur de faire cette mise à jour. Le fait que je sois juriste lui plaisait aussi », raconte Rima Hassan. Plus tard, le comité électoral a validé sa candidature en 7e position, ce qui fait d’elle la première candidature féminine de la liste, tout de suite après les eurodéputées sortantes Manon Aubry, Marina Mesure et Leïla Chaibi.

    « Évidemment, c’est une victoire, se félicite David Guiraud. J’ai beaucoup poussé et je suis satisfait que mon organisation ait entendu que les personnes concernées doivent être mises en responsabilités politiques pour poursuivre le combat de leurs vies. »

    Joint par Mediapart, Taha Bouhafs abonde : « En tant que militant politique, je suis particulièrement satisfait. C’est le résultat d’une longue bagarre pour que la gauche soit capable de retenir des figures militantes comme Rima. C’est important pour la Palestine et pour les Arabes de France. Elle est le symbole de plein de choses, même sans le savoir. » (...)