Et maintenant, changer d’imaginaire - Page 1

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    • Dans un article tout juste référencé :

      Les recruteurs de Daech ont mis au point cinq grands récits ou mythes : le modèle du « chevalier héroïque » pour les garçons, le départ au nom d’« une cause humanitaire » pour les jeunes filles idéalistes, le « porteur d’eau » désignant ceux qui cherchent un leader, le jeu vidéo de guerre « Call of Duty » pour les jeunes gens attirés par l’action violente ou animés par une volonté de toute-puissance. La violence virtuelle d’un jeu comme « Assassin’s Creed », pratiqué par un jeune sensible, peut favoriser « le départ pour une confrontation réelle », estiment les auteurs de ce rapport. Lors des perquisitions en Belgique, les enquêteurs auraient saisi une Playstation 4. Le ministre de l’intérieur belge a rappelé que les communications via la messagerie du Playstation Network étaient difficiles à surveiller. Elle aurait servi à coordonner les attentats de ce 13 novembre 2015.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/221115/et-maintenant-changer-d-imaginaire?onglet=full

    • Il faut du coup aller voir le rapport cité :

      5 – ZEUS OU CELUI QUI CHERCHE LA TOUTE-PUISSANCE ET LE POUVOIR

      Ce modèle d’identification attire des individus qui sont sans limites. Ils sont depuis longtemps adeptes de conduites à risques (automobile, sexe non protégé, toxicomanie, alcoolisme, etc.)

      Leur question principale est : ça casse ou ça passe ? Si ça passe, c’est qu’ils sont immortels et tout-puissants. Ce qu’ils veulent, c’est prendre la place de Dieu : ils s’approprient l’autorité de Dieu en leur nom propre pour commander les autres. Ils cherchent le pouvoir et la toute-puissance, contrôler des hommes et leur faire faire ce qu’ils veulent.

      « Mon fils a multiplié les passages en prison. A peine il sortait, il recommençait. Rien ne l’arrêtait... »

      http://www.bouzar-expertises.fr/metamorphose

  • Après les attentats, la querelle des interprétations, par Joseph Confavreux (Mediapart, 25/11/2015)
    https://www.mediapart.fr/journal/france/251115/apres-les-attentats-la-querelle-des-interpretations?onglet=full

    Toute interprétation manichéenne est frappée d’inanité au moment où l’ampleur de la situation impose un « impératif de complexité », pour reprendre les termes du sociologue Edgar Morin. Comme vient de le souligner un texte aussi solide que précis de la revue en ligne Ballast : « Ceux qui pensent contenir pareils enjeux dans une seule réponse (au choix : "la haine de la liberté et de la civilisation", "le vide spirituel et le matérialisme", "la pauvreté et le désespoir", "le capitalisme mondialisé", "l’impérialisme occidental", "le sionisme", "l’islam", "le système racial", "l’islamophobie d’État") n’élucident rien : ils ne révèlent que l’obsession qui les habite. »
    http://www.revue-ballast.fr/paris

    Déjà, après les attentats de janvier dernier, l’historien Patrick Boucheron et l’écrivain Matthieu Riboulet soulignaient la nécessité de « dédaigner toute parole qui prétendrait, ne serait-ce que furtivement, trouver dans la situation présente la confirmation d’une conviction précédemment formulée ».

    S’interroger sur les cibles choisies par les assaillants reste toutefois nécessaire, puisque comprendre les djihadistes permet non de les excuser, mais de mieux les combattre. Et l’analyse n’est pas du tout la même selon que l’on met l’accent, pour le dire vite, sur les modes de vie ou sur la politique extérieure de la France.

    (…)

    Mais il est évident que la grille de lecture religieuse est insuffisante. Comme l’expliquait récemment Jason Burke, auteur d’un livre important sur l’attrait du djihad pour les jeunes occidentaux : _« Ce que les djihadistes offrent à ces jeunes, c’est ce que la culture du « gangsta rap » offre aussi. Les images postées sur les médias sociaux depuis Raqqa ou Mossoul ressemblent au rap : des jeunes avec des armes qui se présentent comme dangereux. Ce qui distingue l’Etat islamique d’Al-Qaida, c’est qu’il offre aussi des opportunités sexuelles, des mariages, voire des esclaves. Al-Qaida imposait un célibat forcé, avec pour ses membres une très forte probabilité de mourir. L’Etat islamique est différent. Sa base syrienne est bien plus confortable, bien plus accessible, les communications y sont bien meilleures que dans la zone pakistano-afghane.

    Il y a des voitures de luxe où ses combattants adoptent la pose classique des gangsters. On peut aussi imaginer qu’on y protège les faibles, ou qu’on obéit à une injonction religieuse. Au lieu d’avoir une vie relativement peu intéressante quelque part en Europe, vous devenez « Abou Omar al Britani » ou que sais-je. Vous avez un statut qui ne se serait jamais offert à vous auparavant. Ce qui est très clair aussi, c’est que le djihadisme version Etat islamique est très peu exigeant en termes religieux. Vous ne devez renoncer à presque rien, à part peut-être l’alcool. Il ne demande rien de difficile en termes d’apprentissage religieux, de voyage spirituel que la foi véritable exige. Il y a très peu de foi, de spiritualité là-dedans. »_

    • Après les attentats, changer d’imaginaire, par Christian Salmon (Mediapart, 22/11/2015)
      https://www.mediapart.fr/journal/france/221115/et-maintenant-changer-d-imaginaire?onglet=full

      On le sait depuis le 11 septembre 2001, le défi du terrorisme n’est pas militaire, il ne vise pas à établir un rapport de force stratégique, il n’est pas essentiellement religieux non plus, contrairement aux apparences. Est-il idéologique ? Pas davantage, si l’on entend par idéologie une vision cohérente du monde, un corpus de doctrines ou de concepts que l’on s’efforce de transmettre par l’éducation ou la propagande. Son défi essentiellement est narratif.

      (…)

      Une remarquable enquête du Washington Post auprès de défecteurs de Daech emprisonnés au Maroc décrit l’appareil de propagande comme une superproduction d’une émission de téléréalité. « Des équipes de tournage se déploient à travers le califat tous les jours, les scènes de bataille et de décapitations publiques sont scénarisées et mises en scène à tel point que les combattants et les bourreaux effectuent souvent plusieurs prises successives d’une même scène. Appareils photo, ordinateurs et autres équipements vidéo arrivent régulièrement de Turquie. Ils sont livrés à une division de médias dirigée par des étrangers traités comme des “émirs” à égalité de rang de leurs homologues militaires. Ils sont directement impliqués dans les décisions sur la stratégie et le contrôle du territoire... Vidéastes, producteurs et éditeurs forment une classe privilégiée dont le statut, les salaires et les conditions de vie sont enviés par des combattants ordinaires. »

      L’article poursuit : « Rejetant les codes de lectures utilisée par Al-Qaïda, les vidéos de l’État islamique sont cinématographiques et mettent l’accent sur des scènes dramatiques, des transitions stylisées et des effets spéciaux. “Le groupe est très soucieux de son image”, selon un responsable américain du renseignement impliqué dans le suivi des opérations médias de l’État islamique. Son approche obéit aux principes de la construction d’une marque au même titre que Coca-Cola ou Nike. »

      #jeux_vidéo #néolibéralisme #individu

      Ca va aussi dans le sens d’Olivier Roy (on assiste « non pas une #radicalisation de l’islam mais une islamisation de la radicalité », Salmon dirait un « #storytelling islamisant ») : http://seenthis.net/sites/828567

      Cf. aussi, cité par Salmon, « La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes »
      http://www.bouzar-expertises.fr/metamorphose

    • Vont dans le même sens que Salmon et Roy, à bien des égards :
      Alain Bertho http://www.bastamag.net/Il-faut-etre-clair-un-monde-a-pris-fin-il-n-y-aura-pas-de-retour-en-arrier

      Nous ne sommes plus dans une démarche historique. On ne parle plus d’avenir mais de gestion du risque et de probabilité. On gère le quotidien avec des responsables politiques qui manipulent le risque et la peur comme moyens de gouvernement, le risque sécuritaire comme le risque monétaire (la #dette), qui parlent beaucoup du réchauffement climatique mais sont incapables d’anticiper la catastrophe annoncée.

      Peter Harling http://orientxxi.info/magazine/tuer-les-autres-se-tuer-soi-meme,1103

      Il est relativement facile de se rendre en Syrie pour rejoindre les rangs d’un « djihad » en forme de questionnaire à choix multiples. Les candidats peuvent cocher les cases suivantes : look combattant, propos virils, maniement des armes, construction d’une image valorisante sur les réseaux sociaux, retournement des stigmates habituels en emblèmes et réalisation de soi instantanée à travers une forme d’héroïsme très moderne malgré les références superficielles au Prophète de l’islam.

      Cette nouvelle identité clef en main, mâtinée de jeux vidéos et de télé réalité, se construit dans une érotisation de la violence dont l’OEI est davantage le produit que l’origine. Cette pornographie se donne à voir dans le culte de la sécurité qui s’approfondit dans la sphère culturelle et politique américaine, par exemple, où les notions de justice, de droit, de défense et d’intérêt national sont de plus en plus associées à des corps « bodybuildés », des discours dopés à la testostérone, des armes qui relèvent du fantasme et des orgies de violence qui sont censées tout régler. Et la virilisation de la politique intérieure et étrangère est un phénomène éminemment contagieux, une épidémie globale.