Laurent Fabius envisage que des forces du régime syrien lutte contre Daesh

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  • Ça m’a l’air tellement énorme que tout le monde est passé à côté. Voici ma retranscription d’un passage (vers 1:30) de l’entretien de Laurent Fabius sur RTL :
    http://www.rtl.fr/actu/politique/etat-islamique-la-chute-de-raqqa-est-notre-premier-objectif-militaire-dit-lauren
    http://r.estat.com/1100626313154142208/7780654302_l-invite-de-rtl-du-27-novembre-2015.mp3

    Alors justement, sur ce point, est-ce que vous avez obtenu la garantie que les avions russes cessent de bombarder les forces modérées qui combattent Bachar el-Assad ?

    Oui, c’est ce que nous a dit le président Poutine, et il nous a même demandé d’établir une carte des forces qui ne sont pas terroristes et qui combattent Daesh. Et il s’est engagé, dès lors que nous lui fournissons cette carte – ce que nous allons faire –, à ne pas bombarder ceux-là. Ça c’est très important.

    La retranscription sur le site est clairement erronée :

    Vladimir Poutine a assuré que les avions russes vont cesser de bombarder les rebelles syriens modérés pour se concentrer sur l’État islamique. Une carte devrait prochainement être établi pour clarifier les zones de bombardement.

    Poutine selon Fabius n’a pas évoqué (du tout) une carte des « zones » à éviter, mais une carte des « forces ». Ce qui n’est pas la même chose.

    Et de fait, ce que Fabius présente comme un progrès « très important », quasi une victoire personnelle, c’est typiquement le piège dans lequel personne au quai d’Orsay ne souhaitait tomber : devoir établir une liste officielle des rebelles modérés, qui plus est, précise Poutine, « non terroristes » et « qui combattent Daesh ».

    À ma connaissance, ni Fabius ni Kerry ne se sont jamais risqués à livrer une liste de ces groupes rebelles modérés non-terroristes (et qui combattent Daesh par dessus le marché), parce que :
    1. c’est sans doute relativement infaisable : qui au quai d’Orsay est capable de savoir si tel groupuscule jihadiste est terroriste ou non ?
    2. ça risque de donner un résultat un peu ridicule (on va arriver à combien de types ?)
    3. quid de nos « alliés », Turquie, Qatar, Arabie séoudite : est-ce qu’on va établir cette liste en tenant compte des groupes qu’ils soutiennent (et qui ne sont pas forcément très modérés ni engagés dans la lutte contre Daesh…) ?
    4. parce que c’est politiquement suicidaire : tu penses bien que personne ne ratera l’occasion de faire remarquer, au prochain retournement de veste, que tel groupe « modéré » listé officiellement par les Occidentaux, vient de se rapprocher d’Al Qaeda ou de donner des armes à Daesh. Que se passera-t-il si un de ces groupes « garantis non-terroristes » par la France se vante d’avoir commis un attentat contre l’ambassade de Russie à Beyrouth ?

    Noter d’ailleurs que, à Vienne, il a été convenu de demander à la Jordanie d’établir une liste noire des organisations terroristes en Syrie. C’est déjà plutôt casse-gueule, mais là Poutine réclame carrément une liste blanche des organisations non-terroristes. Ce n’est pas du tout la même chose.

    • On pourrait ajouter quelques autres points à cette liste très pertinente :
      5. Parce que tous les groupes placés sur cette liste se verraient immédiatement désignés comme cible par JAN (déjà placé sur la liste terroriste à l’ONU), et d’autres qui n’y seraient pas, avec de grandes chances de voir les quelques groupes qui en feraient partie se faire immédiatement décimer ou vampiriser (selon le précédent carricatural de la Division 30)
      6. Parce que si pour éviter le point 5, l’on y place des groupes très puissants, comme Ahrar al-Sham, ou Jaysh al-islam, afin d’isoler JAN que l’on ne peut plus placer sur une telle liste, n’importe quel quidam-citoyen ou diplomate russe ou iranien pourra faire remarquer que l’"opposition" est constituée notamment de groupes salafistes qui appellent à la création d’un Etat islamique et ne sont ni démocratiques ni laïques.
      7 - Parce que, que l’on se décide pour l’option 5 ou pour l’option 6, les affrontements entre factions de ce que l’on appelait jusqu’ici de manière confuse l’opposition syrienne, profiterait immédiatement au régime syrien sur le terrain militaire, notamment à Alep et dans les gouvernorats d’Idlib et de Lattaquieh où ces groupes s’entremêlent sur le terrain et/ou combattent dans des chambres d’opérations communes.