• Splendeur des rentiers médiatiques

    Mais on lit les journaux comme on aime, un bandeau sur les yeux. On ne cherche pas à comprendre les faits. On écoute les douces paroles du rédacteur en chef, comme on écoute les paroles de sa maîtresse. On est battu et content parce qu’on ne se croit pas battu, mais vainqueur. M. Proust

    Misère des médias – Quand Juppé visite la Jungle
    http://www.article11.info/?Misere-des-medias-Quand-Juppe

    « Ce mercredi, Juppé était à Calais. Un déplacement de campagne comme il en existe des masses, ridicules et vains. Puisqu’on était dans le coin, on a suivi la petite troupe chargée de la mise en scène médiatique de cette visite. »

    Quand je vois, par exemple, les reporters qui se précipitent et les forêts de micros qui se dressent pour recueillir religieusement la moindre parole de nos dirigeants politiques ou de n’importe quelle personnalité réputée importante, y compris sur des sujets sur lesquels ce qu’ils peuvent dire n’a absolument aucun intérêt, je dois avouer que j’ai du mal à m’empêcher de considérer que l’humanité est en train, si ce n’était pas déjà fait, de perdre à peu près tout sens du ridicule. Et c’est une impression qui ne peut que se renforcer encore davantage quand on voit le degré d’infatuation et d’autosatisfaction que sont capables d’atteindre les représentants de la presse quand ils expliquent que ce qui se passe en pareil cas correspond à l’exécution d’une obligation quasiment sacrée qu’ils ont à remplir envers l’humanité et qui est d’une importance vitale pour elle. (Jacques Bouveresse, Au commencement était la presse )

    En ligne « Au commencement était la presse » Revue Agone n°40
    http://agone.org/revueagone/agone40/enligne/11/index.html#debut-chapitre

    Et aussi : Bouveresse Jacques, L’actualité de Karl Kraus. Bourdieu Pierre. Apropos de Karl Krauss et du journalisme. In : Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 131-132, mars 2000. Le journalisme et l’économie. pp. 119-126.
    http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_2000_num_131_1_2671

    Jospin, Allègre, Villepin. rentiers de la politique. Par Daniel Schneidermann — 21 septembre 2007
    http://www.liberation.fr/tribune/2007/09/21/jospin-allegre-villepin-rentiers-de-la-politique_102274

    Ils sont quelques-uns, sur la scène politique, à se partager le titre enviable de rentiers médiatiques. (...)Risquons une hypothèse : le rentier médiatique tient une partie de son avantage de la fascination pour celui qui tire contre son camp. Pour la figure du banni, du transfuge, du dissident, du franc-tireur. Parce qu’ils parlent contre, ils donnent l’impression de parler vrai.

    #médias #Presse #Journalisme #rentiers_médiatiques #Jacques_Bouveresse #Pierre_Bourdieu #Karl_Krauss #Daniel_Schneidermann #article11

  • agone
    « Au commencement était la presse… »
    Quand la réalité rattrape & dépasse la satire

    http://agone.org/revueagone/agone40/enligne/11/index.html

    la suppression de choses comme la liberté de pensée et d’expression, la liberté de conscience, etc., ne suscite absolument pas le genre d’indignation extrême auquel on pourrait s’attendre et ne semble même presque pas émouvoir les gens. L’explication de cela réside, selon lui, principalement dans le fait que les choses qui ont été supprimées ne concernaient justement déjà pratiquement plus la grande majorité d’entre eux : « L’homme, par exemple, faisait-il quelque usage de sa liberté de conscience ? Il n’en avait aucune occasion ! Il ne s’en préoccupait pas non plus comme a pu le faire l’homme de l’époque Biedermeier. Le journal s’en chargeait à sa place, et tout ce que le journal faisait, il le supportait avec un certain malaise, bien que cela lui fût apparemment indispensable. Ainsi comprise, la discipline du Fascio est au fond une création due à un sûr instinct des masses. »

    Si on réfléchit à cela, on peut probablement se dire qu’en temps normal l’individu s’accommode assez bien du fait que le journal pense, forme et exprime des opinions, et essaie de faire preuve de conscience d’une façon qui dispense ses lecteurs de cet effort. Ceux-ci considèrent même probablement le fait qu’il y ait une presse capable de s’acquitter de cette tâche comme étant justement ce qu’on appelle la démocratie. Mais cela ne les empêche pas d’être en même temps presque constamment insatisfaits de ce que font les journaux et de le supporter, comme dit Musil, avec une certaine gêne, tout en continuant néanmoins à trouver impossible de s’en passer.

    Musil voit dans la façon dont les choses sont en train d’évoluer l’explication de la nature des formes actuelles d’association : « L’individu commence à se connaître et veut être conduit, soutenu, rassemblé, inclus. » Il est probable que l’individu d’aujourd’hui a besoin plus que jamais d’être conduit et rassemblé par le journal, mais en même temps a un besoin au moins aussi grand de se convaincre qu’il ne l’est en aucune façon et qu’il conserve une liberté de pensée et d’action complète par rapport à ce qui le dirige. Au total, comme le dit Proust, « on lit les journaux comme on aime, un bandeau sur les yeux. On ne cherche pas à comprendre les faits. On écoute les douces paroles du rédacteur en chef comme on écoute les paroles de sa maîtresse. On est battu et content parce qu’on ne se croit pas battu mais vainqueur