Protège-t-on la nature africaine au nom de vieux clichés coloniaux ?

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  • Protège-t-on la nature africaine au nom de vieux clichés coloniaux ?
    http://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2015/12/08/ecoracisme-ou-la-poursuite-de-l-eden-africain_4827220_3212.html

    Par exemple, en Ethiopie, dans les monts Simien, classés en 1978 au Patrimoine mondial de l’humanité, l’Unesco et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) recommandent l’expulsion des populations locales. Car, aux dires des experts internationaux, la forêt serait menacée de dégradation, et le bouquetin d’Abyssinie (walia ibex), d’extinction. A ce titre, l’Unesco a relégué en 1996 le parc national des Simien sur la liste du Patrimoine mondial en péril. Le déplacement des populations conditionne depuis le rétablissement du statut « Patrimoine mondial ».

    Or ces affirmations ne reposent sur aucune donnée scientifique. Dans les Simien comme dans l’ensemble du pays, la politique éthiopienne est régie par la statistique selon laquelle 40 % du pays étaient couverts de forêts en 1900, contre désormais moins de 4 %. Incontestable selon les experts internationaux et des décideurs nationaux, ce calcul est en réalité issu d’une estimation réalisée en 1960 par un délégué onusien de la Food Agricultural Organization (FAO), H. P. Hufnagel. Celui-ci s’appuyait sur une spéculation formulée en 1946 par William Edmond Logan, un forestier collectant des données empiriques.

    L’enquête historique révèle d’ailleurs qu’aujourd’hui, en bien des lieux, la forêt tend à augmenter. En témoignent deux photographies prises dans les Simien, à Chenek, en octobre 1972 et en novembre 2012.
    Chenek, dans les Simien, en octobre 1972, lors de l’expédition exploratoire de John Hunt.
    Chenek, dans le parc naturel des Simien, novembre 2012.

    Contrairement à ce qu’affirment depuis cinquante ans les gestionnaires du parc, le couvert forestier n’est pas « en train » de disparaître. L’affirmation d’un environnement irrémédiablement menacé par ses habitants confirme en revanche le poids d’une idéologie écoraciste de la « nature » africaine. Les puissances européennes agissaient au nom du fardeau civilisationnel de l’homme blanc, colon légitimé par des théories raciales, et les institutions internationales agissent depuis au nom du fardeau environnemental de l’Occidental, expert légitimé par des théories écologiques.


    #Ethiopie #écoracisme