DÉBATS : les idiots utiles du FN avec Jacques Rancière

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    Un entretien d’avril dernier, à (re ?)lire, même si on peut l’arrivée du FN dans qqs régions voire l’an prochain à de plus grandes responsabilités m’inquiète qd même bcp...

    Revenons au Front national. Vous avez souvent critiqué l’idée que le « peuple » serait raciste par nature. Pour vous, les immigrés sont moins victimes d’un racisme « d’en bas » que d’un racisme « d’en haut » : les contrôles au faciès de la police, la relégation dans des quartiers périphériques, la difficulté à trouver un logement ou un emploi lorsqu’on porte un nom d’origine étrangère. Mais, quand 25 % des électeurs donnent leur suffrage à un parti qui veut geler la construction des mosquées, n’est-ce pas le signe que, malgré tout, des pulsions xénophobes travaillent la population française ?

    D’abord, ces poussées xénophobes dépassent largement l’électorat de l’extrême droite.
    Où est la différence entre un maire FN qui débaptise la rue du 19-Mars-1962 [Robert Ménard, à Béziers, NDLR], des élus UMP qui demandent qu’on enseigne les aspects positifs de la colonisation, Nicolas Sarkozy qui s’oppose aux menus sans porc dans les cantines scolaires ou des intellectuels dits « républicains » qui veulent exclure les jeunes filles voilées de l’université ? Par ailleurs, il est trop simple de réduire le vote FN à l’expression d’idées racistes ou xénophobes. Avant d’être un moyen d’expression de sentiments populaires, le Front national est un effet structurel de la vie politique française telle qu’elle a été organisée par la constitution de la V e République. En permettant à une petite minorité de gouverner au nom de la population, ce régime ouvre mécaniquement un espace au groupe politique capable de déclarer : « Nous, nous sommes en dehors de ce jeu-là. » Le Front national s’est installé à cette place après la décomposition du communisme et du gauchisme. Quant aux « sentiments profonds » des masses, qui les mesure ? Je note seulement qu’il n’y a pas en France l’équivalent de Pegida, le mouvement allemand xénophobe. Et je ne crois pas au rapprochement, souvent fait, avec les années 1930. Je ne vois rien de comparable dans la France actuelle aux grandes milices d’extrême droite de l’entre-deux-guerres.
    A vous écouter, il n’y aurait nul besoin de lutter contre le Front national …

    Il faut lutter contre le système qui produit le Front national et donc aussi contre la tactique qui utilise la dénonciation du FN pour masquer la droitisation galopante des élites gouvernementales et de la classe intellectuelle.
    L’hypothèse de son arrivée au pouvoir ne vous inquiète-t-elle pas ?

    Dès lors que j’analyse le Front national comme le fruit du déséquilibre propre de notre logique institutionnelle, mon hypothèse est plutôt celle d’une intégration au sein du système. Il existe déjà beaucoup de similitudes entre le FN et les forces présentes dans le système.
    Si le FN venait au pouvoir, cela aurait des effets très concrets pour les plus faibles de la société française, c’est-à-dire les immigrés …

    Oui, probablement. Mais je vois mal le FN organiser de grands départs massifs, de centaines de milliers ou de millions de personnes, pour les renvoyer « chez elles ». Le Front national, ce n’est pas les petits Blancs contre les immigrés. Son électorat s’étend dans tous les secteurs de la société, y compris chez les immigrés. Alors, bien sûr, il pourrait y avoir des actions symboliques, mais je ne crois pas qu’un gouvernement UMP-FN serait très différent d’un gouvernement UMP.