The Islamic State ’Masterplan’ of Administration- Some Analytical Notes : : Aymenn Jawad Al-Tamimi

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  • Comment l’Etat islamique a organisé son « califat »
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/12/11/comment-l-etat-islamique-a-organise-son-califat_4830138_3218.html

    Dans l’esprit d’Abou Bakr Al-Baghdadi et de ses condisciples au sein de l’organisation Etat islamique (EI), le califat était bien plus qu’un fantasme. Lorsqu’ils l’ont proclamé, le 28 juin 2014, sur les territoires conquis en Syrie et en Irak, les djihadistes avaient déjà conçu un véritable projet étatique et imaginé une rigoureuse administration pour imposer dans la durée leur idéologie totalitaire à un territoire et sa population. Le succès de cette entreprise a fait mentir les pays occidentaux et arabes qui ont voulu voir dans l’EI un simple avorton d’Al-Qaida, voué à l’échec. (...)

    Le groupe djihadiste contrôle toujours un tiers de la Syrie et de l’Irak et une population de près de 10 millions d’habitants. Il a mis la main sur une manne financière et des ressources naturelles qui en font la plus riche organisation terroriste au monde. Il a attiré près de 30 000 djihadistes étrangers sur son territoire, obtenu l’allégeance de groupes djihadistes dans une dizaine de pays, et revendiqué la paternité de nombreux attentats à l’étranger, dont les attaques de Paris, qui ont fait 130 morts, le 13 novembre.

    Dès les premiers mois du califat autoproclamé, l’EI a mis en œuvre un projet étatique, pensé dans les moindres détails, comme le révèle un document interne de 24 pages, en 10 chapitres, destiné à la formation des cadres administratifs, que s’est procuré le chercheur Aymenn Jawad Al-Tamimi, et qui a été publié par le Guardian le 7 décembre. Certainement écrit entre juillet et octobre 2014 par un certain Abou Abdallah Al-Masri, « Principes administratifs gouvernant l’Etat islamique »
    http://www.aymennjawad.org/2015/12/the-islamic-state-masterplan-of-administration
    est le dernier document obtenu par le chercheur britannique auprès d’un homme d’affaires commerçant avec l’EI. En un an et demi, ce spécialiste de la Syrie et de l’Irak a collecté sur les réseaux sociaux et auprès de sources indirectes plus de 300 documents produits par l’organisation, les a traduits en anglais et publié sur son blog.

    Directives administratives et religieuses, annonces publiques, extraits de livres de comptes… Le penchant bureaucratique de l’EI offre un précieux matériau d’étude.

    Une solide administration (...)

    Un plan qui n’a pas été suivi à la lettre

    Mais, souligne Aymenn Al-Tamimi, se pose constamment la question de l’écart entre la théorie et la pratique, l’adaptation de ces principes à une réalité et à un contexte en constante évolution. En dépit de son rejet des affiliations tribales, l’organisation a ainsi été obligée d’accepter la persistance des solidarités tribales en ouvrant un département spécialisé. La distinction entre espaces syrien et irakien reste, dans une grande mesure, une réalité en dépit de l’abolition par l’EI des frontières dessinées par l’accord Sykes-Picot en 1916. Les relations avec les pays étrangers qui respectent les musulmans, ainsi que la souveraineté et les frontières du califat, promues dans cette déclaration, restent pour le moins théoriques.

    Sur le plan militaire, le document décrit par le menu quelle doit être l’organisation de la formation des combattants locaux et étrangers – militaire, mais aussi religieuse et linguistique –, et ce dès le plus jeune âge avec des camps pour enfants, pour promouvoir la mixité et l’ascension méritocratique. « En pratique, cette organisation a été instaurée. Il y a même eu des efforts pour démanteler les bataillons de combattants étrangers composés d’une seule ethnie ou nationalité, comme celui du bataillon des Libyens Al-Battar Al-Libi, mais des preuves anecdotiques semblent indiquer que la distinction entre immigrés et locaux persiste, et que les immigrés sont perçus comme une classe privilégiée », indique Aymenn Al-Tamimi.

    Les ressources naturelles, clé de la survie du califat (...)

    Une police brutale

    Ce que ce document ne dit pas, c’est que l’imposition du califat et de son administration sur les populations s’est faite davantage par la #coercition que par l’adhésion. Une #police (« hisba ») traque ceux qui enfreignent les règles morales de l’Etat islamique et impose amendes et châtiments (« houdoud ») cruels. Ceux qui ont refusé de rester vivre au sein du califat ou de continuer à y exercer ont vu leurs biens confisqués. « Il y a beaucoup à dire sur la continuité entre la brutalité de l’Etat islamique et celle de l’EII pendant la guerre d’Irak de 2006. La structure étatique imaginée par l’EI est seulement plus sophistiquée et parvient à mieux réprimer toute dissension interne », estime Aymenn Al-Tamimi.

    « Les documents internes révèlent un renforcement du contrôle, notamment sur l’accès à Internet. Il y a une inquiétude croissante au sein de l’EI à maintenir une structure sécuritaire rigide pour prévenir une révolte interne. Certains documents, à l’instar de l’amnistie générale décrétée pour les déserteurs en octobre, suggèrent des problèmes de cohésion militaire », ajoute le chercheur. Les habitants souhaitant se déplacer hors du territoire de l’EI doivent demander une autorisation à l’administration et donner des gages de retour.

    Une économie de prédation

    Les documents ainsi que les témoignages de personnes vivant ou ayant vécu sous le califat autoproclamé confirment que l’Etat islamique est bien loin de l’image d’Etat-providence pour l’oumma qu’il souhaitait incarner, et plus proche d’une économie de guerre en quête de la moindre ressource pour survivre. (...)