Le récidiviste, voilà l’ennemi !, par Laurent Bonelli (août 2014)

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  • Le récidiviste, voilà l’ennemi !, par Laurent Bonelli (août 2014)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2014/08/BONELLI/50705

    Lorsque, dans les années 1940, le sociologue américain Edwin H. Sutherland s’intéresse au crime, il est frappé par l’attention que portent ses collègues aux Afro-Américains et/ou aux pauvres. Ces derniers sont en effet surreprésentés dans les grandes enquêtes statistiques et les campagnes d’entretiens qu’ils ont menées auprès d’individus suivis par la justice. Ils élaborent donc des théories du comportement criminel à même d’expliquer cette répartition, faisant intervenir selon les cas des déterminismes sociaux (conditions de logement médiocres, emploi précaire, perturbations dans la vie familiale, manque d’éducation) ou personnels (infériorité intellectuelle, instabilité émotionnelle, etc.).

    Pourtant, en récoltant des données dispersées dans la presse économique, les rapports d’assurance ou d’enquête, Sutherland constate le caractère parfaitement banal de comportements délictueux dans le monde de la banque, de la finance, de la politique, de l’entreprise, de la médecine ou de l’administration. Au terme d’une enquête sur les pratiques illégales des chefs d’entreprise (white collar crime), il écrit : « Les individus issus des classes socio-économiques supérieures prennent part à bien des conduites criminelles ; et ces conduites criminelles diffèrent de celles des classes socio-économiques inférieures principalement par les procédures administratives utilisées pour prendre des mesures à l’encontre de ces délinquants. » Une large part des actes criminels et de ceux qui les commettent — y compris à répétition — échappent donc aux institutions pénales et, par là même, à la définition de ce qu’est le crime dans la société. [#st]

    http://zinc.mondediplo.net/messages/13384 via Le Monde diplomatique