Faut-il décoder le pipigate ?

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  • #Information, véracité, #factchecking

    (…) Trump a forcé la porte. Les medias américains qui le plaçaient d’abord en rubrique people, ont été obligés de l’admettre dans les pages politiques. Il va bien falloir se résoudre à l’admettre : les électeurs américains républicains veulent Trump (…)

    Et il est très peu vraisemblable que les enquêtes du New York Times y changent quoi que ce soit. Les sondés qui se prononcent pour Trump ne veulent pas d’un Trump propre et respectueux. Ils veulent Trump tel qu’il est, un Trump qui lance que Clinton s’est fait « baiser » par Obama en 2008. Ce n’est pas seulement un clown macho et raciste, qui fait la course en tête chez les Républicains, mais un clown conspirationniste, qui s’appuie sur des sondages conspirationnistes, et participe à des émissions conspirationnistes [#conspirationnisme].

    Est-ce pour cette raison que la rubrique Fact-checking du Washington Post a décidé de faire une pause, le temps de réfléchir aux moyens d’une plus grande effcacité ? Les journalistes de cette rubrique ont-ils pris conscience de leur inefficacité à contrer Trump ? "Les personnes qui partagent les rumeurs en ligne ne sont guère intéressées par leur véracité mais partagent celles qui semblent les plus proches de leur perception du monde" explique la responsable de la rubrique, Caitlin Dewey. C’est vrai. Ne savent que ceux qui veulent savoir. Ne sont informés que ceux qui souhaitent s’informer. C’est vieux comme l’information. Est-ce une raison pour baisser les bras ? C’est pour les autres, qu’il faut faire le travail, répond Samuel Laurent, chef décodeur au Monde, les millions de personnes "qui partagent de bonne foi des choses fausses". Autrement dit, le faire pour qui en voudra bien. Lancer de petites bouteilles à la mer. Sans se laisser paralyser par la question de l’efficacité.

    Le débat ne s’applique pas seulement aux rubriques « factchecking ». Il s’applique au #journalisme en général. La meilleure information est offerte à la partie du public qui a les moyens, et le temps, de s’informer. Autrement dit, idéalement, c’est BFMTV, plutôt que Le Monde, qui devrait offrir une rubrique Décodeurs. Idée que nous avions soufflée à son directeur, quand il était venu nous rendre visite (5), sans résultat notable.

    https://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=8320

    cc @alexandre (je commence à réviser)

    • Personnellement, j’ai la sensation que les rubriques « factchecking » sont trop souvent utilisées pour ne vérifier que ce qui permet d’aller dans le sens du vent, idéologiquement parlant. On ne va pas « factchecker » les décisions du gouvernement, mais on va « factchecker » les propos du porte parole de tel ou tel petit parti.

    • de l’eau au moulin

      l’An 2000 - Fact-checking, le malaise - Libération.fr
      http://an-2000.blogs.liberation.fr/2015/12/27/le-probleme-avec-le-factchecking

      (…) Internet est une grande #conversation et les articles de presse servent souvent à conforter une position ou une autre. Ils sont rarement pensés comme un point final à la discussion, mais plutôt comme un argument parmi tant d’autres sur le grand marché de la mauvaise foi. « Les rapports entre vérités sont des rapports de force. D’où ce qu’on appelle la mauvaise foi », écrivait Paul Veyne.

      Il y a un malaise autour du fact-checking car on sent bien que sa vérité ne fait plus l’objet d’un consensus, que sa Vérité capitale n’est plus que minuscule, qu’il existe des vérités alternatives. « À quel moment la société devient complètement irrationnelle ? Est ce à partir de ce moment que nous commençons à nous réfugier dans des réalités alternatives ? », écrit Caitlin Dewey, du Washington Post.

      Le fact-checking pose problème dans son principe-même : en revendiquant sa vérité, qui ne l’est plus tout à fait, il ne fait pas société. Il trace une ligne trop nette — et parfois arrogante — entre ceux qui le croient et ceux qui ne le croient pas.

      LE FACT-CHECKING, COMME ÉDUCATION AUX MÉDIAS

      D’où ce paradoxe : le fact-checking peut sembler utile dans une société fracturée où la vérité est éclatée entre différents camps. Mais il ne fonctionne réellement que dans une société apaisée qui a confiance en ses institutions.

      Au-delà de cette critique de fond, reste l’héritage de « service public » que revendique Samuel Laurent. Le fact-checking serait aussi une forme d’éducation aux médias :

      « Il s’agit d’une forme de “service public”, concret, qu’un média peut rendre à ses lecteurs. Il peut aussi aller plus loin et leur expliquer comment lire une info, comment savoir ce qui est crédible ou pas, etc. Et c’est utile. Et c’est même nécessaire, plus que jamais, aujourd’hui »

      En pensant ainsi le fact-checking, davantage comme un mode d’emploi de la conversation que comme un point final de celle-ci, comme un outil en amont et non plus en aval du circuit de l’information, on peut peut-être dépasser ce malaise.