Carnets d’un ambassadeur soviétique à Londres, par Ivan Maïsky (Le Monde diplomatique, octobre 2015)

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  • De fait, après Dunkerque, l’#armée française n’a plus jamais vraiment livré bataille où que ce fût. Une timide tentative de résistance a bien eu lieu dans la Somme, mais à peine s’était-elle effondrée que s’amorçait la retraite des troupes en rase campagne, à peine masquée par des contre-attaques factices. On ne fit sauter ni les ponts, ni les usines, ni les voies ferrées, etc. On s’abstint de creuser des tranchées et de construire des fortifications, même aux endroits les plus stratégiques (sur la Seine, la Marne, la Loire, etc.). On abandonna aux Allemands d’énormes quantités d’armes et de munitions, avec lesquelles l’armée française aurait pu résister pendant des mois. Rien ne fut entrepris à la frontière italienne, qui offrait pourtant d’excellentes opportunités. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’après la percée allemande les « deux cents familles » et les hauts gradés n’avaient pas la moindre intention de livrer bataille. Ils ont juste manœuvré, en attendant le moment opportun d’entamer des négociations avec l’Allemagne.

    in. « Carnets d’un ambassadeur soviétique à Londres », par Ivan Maïsky (@mdiplo, octobre 2015)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/10/MAISKY/53947

    #histoire #seconde_guerre_mondiale #france #oligarchie

    M’a rappelé cette citation relevée par Le Canard, à l’occasion des funérailles du patron de Total en octobre 2014 — lequel se trouvait être le cousin de Brigitte Jouyet, femme de Jean-Pierre, actuel secrétaire général de l’Elysée et ancien ministre de Sarkozy. Bref, à cette occasion donc, le rédacteur en chef de Paris-Match écrivait :

    Le fait est là : 2 000 familles bon chic bon genre sont à la manœuvre et ne laissent la barre à personne. Muettes comme des plaques de tombe, elles n’ont même pas besoin de se connaître pour se reconnaître.

    Alors, 200 ou 2 000 ?

    • Simplicissimus, ce n’est pas parce que l’armée française ne livrait plus bataille, que l’armée allemande ne le faisait pas.

      pétain, d’une actualité criante quand on analyse ce que fait le président hollande.

    • L’armée française s’est battue. Même si certains de ses chefs étaient défaitistes. Dire que le soldat français ne s’est pas battu est justement le discours qui a été immédiatement tenu par les chefs de l’époque, Pétain le premier, pour s’exonérer de leurs très lourdes responsabilités et les reporter sur la base.

      Je ne trouve pas d’équivalent de pertes quotidiennes pour l’armée allemande, le chiffre global pour la campagne est de 49 000 morts, à comparer aux 59 000 du total du graphique ci-dessus.

    • On n’oublie pas non plus : Au moins 57 000 Français sont morts sous les bombes entre 1940 et 1945, sous les bombes alliées.
      Peu de régions françaises échapperont à cette pluie de feu et d’acier, qui fera près de 74 000 blessés et détruira quelque 300 000 habitations.
      La fabrique de l’Histoire, Emmanuel Laurentin - 18.12.2015
      Les Français sous les bombes alliées. 1940-1945 par Andrew Knapp
      https://www.youtube.com/watch?v=sVTp8gBJoz0

    • Pour ce qui est des « deux cents familles » : au départ, le nombre précis désignait les 200 actionnaires principaux de la Banque de France, ceux qui siégeaient à l’Assemblée générale, donc ça ne vient pas de nulle part. Ensuite c’est devenu un slogan, un « mythe » politique à usage rhétorique servant à dénoncer l’emprise de quelques uns sur les rouages politico-économiques de l’État (notion peut-être plus aisée à manier, en termes de communication politique, que celle de lutte des classes… ?) - utilisé notamment dans les années trente. À utiliser avec précaution donc, mais pas dénué d’intérêt. Sur le sujet, voir les travaux controversés mais très étayés d’Annie Lacroix-Riz (historienne prof à Paris-VII, ailleurs blacklistée comme staliniste), notamment Le choix de la défaite (les élites françaises dans les années 30) et Industriels et banquiers sous l’Occupation, qui reposent tout de même sur un rigoureux travail en archives. Sa thèse controversée, c’est celle du « complot synarchiste » (l’expression peut sembler grotesque), qui soutient que les élites (politiques et économiques) françaises ont initié la collaboration avant même d’y être contraints… Tout ça a évidemment provoqué de petites polémiques à nette coloration idéologique… (voir interview ici : https://blogs.mediapart.fr/jcg/blog/060910/entretien-avec-madame-annie-lacroix-riz-reedition-de-le-choix-de-la-)
      Lacroix-Riz cite à ce propos le plus unanimement estimé Marc Bloch, qui écrivait en avril 1944 (2 mois avant d’être fusillé par les Allemands) : « Le jour viendra en effet et peut-être bientôt où il sera possible de faire la lumière sur les intrigues menées chez nous entre 1933 et 1939 en faveur de l’Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe en détruisant de nos propres mains tout l’édifice de nos alliances et de nos amitiés. Les responsabilités des militaires français ne peuvent se séparer sur ce point de celles des politiciens comme Laval, des journalistes comme Brinon, des hommes d’affaires comme ceux du Creusot, des hommes de main comme les agitateurs du 6 février [1934], mais si elles ne sont pas les seules elles n’en apparaissent que comme plus dangereuses et plus coupables pour s’être laissé entraîner dans ce vaste ensemble. » (en annexe de L’Étrange Défaite, Paris, Gallimard, 1990, p. 253)

    • Quant aux bombardements alliés, en effet phénomène massif et toujours relativement méconnu (pour des raisons sur lesquelles on pourrait débattre), la question de savoir si les victimes civiles de la guerre aérienne peuvent être considérées comme des « combattants » (et plus généralement, le problème de la catégorisation des expériences de guerre) est également intéressante… À ce propos, je livre à votre sagace réflexion ce modeste article écrit il y a quelques mois. http://www.revue-urbanites.fr/5-le-bombardement-de-paris-3-mars-1942-crime-ou-chatiment

    • Axelle Lemaire : « Pourquoi je quitte le gouvernement »
      http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/02/27/axelle-lemaire-pourquoi-je-quitte-le-gouvernement_1551433

      Notre pays est gouverné par 3 000 personnes qui détiennent les clés du pouvoir. Je parle des élites politiques, administratives, économiques et médiatiques de notre pays. Le FN se nourrit du rejet de ce système. Un pays doit pouvoir se reposer sur des élites mais des élites représentatives et redevables ! Aujourd’hui, la Ve République ne le permet pas.