Transition et tragédie | Période

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  • Dans le dernier paragraphe de "Transition et tragédie" Toscano Insiste sur quelque chose qui me semble bien pertinent je le reproduit ici plus bas. Ce qui me fait dire que dans pas mal de lieux (type NNDDL et autres...) se joue sans tapage mais avec beaucoup de détermination cette fameuse transition que relève ce texte. Cela mérite que nous y soyons particulièrement attentif

    "... Un point d’appui possible pour commencer à penser la transition concrètement serait de prendre en considération le phénomène crucial de ce que l’on pourrait appeler une sorte de double biopouvoir – c’est à dire la tentative collective de s’approprier politiquement des aspects de la reproduction sociale que l’État et le capital ont abandonnés ou rendus insupportablement excluants, qu’il s’agisse de logement ou de médecine par exemple. Ces aspects – qui sont aussi, d’ailleurs, des sites privilégiés pour toute réforme non-réformiste que l’on pourrait proposer à l’heure actuelle – sont les principales bases sur lesquelles s’organisent les mouvements populaires qui obtiennent des succès aujourd’hui, que ce soit sous le signe du progrès ou de la réaction. Ce sont également les pivots d’une pensée du démantèlement des formations sociales et rapports sociaux capitalistes qui ne prenne pas pour préalable une rupture politique dans les opérations de pouvoir, qui n’attende pas « le jour d’après », la prise ou l’« évaporation » de l’appareil répressif. Alors qu’on pourrait en faire une lecture modeste, en termes d’amélioration de la vie quotidienne, je pense que les expériences – violemment réprimées – des Black Panthers dans le domaine de la santé en direction du « lumpen » noir (cette terminologie était la leur) en sont un exemple, et leur conception de l’auto-défense n’a pas perdu sa pertinence dans notre temps. A mesure que nous commençons à voir des « dualités » spatiales et temporelles dans le domaine de la reproduction sociale, et la formation de collectivités à travers ces dualités, dans la grande irrégularité temporelle et spatiale de la crise, nous pouvons également commencer à nous demander lesquelles de ces expériences peuvent être propagées ou élevées à une échelle supérieure – pas dans le fantasme de la sécession, ni dans l’illusion que le post-capitalisme soit réellement possible dès maintenant, mais comme autant de façons d’enraciner le besoin de défaire les relations capitalistes dans l’expérience réelle (quoique partielle), dans le but de limiter les pouvoirs du capitalisme et de donner une nouvelle utilité à son (à notre) travail mort. Le réalisme d’une conception « tragique » de la transition sera alors indispensable, surtout lorsque l’affirmation d’un modèle différent de reproduction sociale se confrontera, sous des formes explicitement politiques, à la nécessité pour le capitalisme de se reproduire.

    • Transition et tragédie, Alberto Toscano
      http://revueperiode.net/transition-et-tragedie

      Parler de transition, en ces temps d’émeutes qui sont également des temps de stagnation, de réaction, de contre-révolutions-sans-révolutions, est presque une affaire de mauvais goût, un peu comme, pour reprendre la vieille expression situationniste, parler avec des cadavres dans la bouche. Non seulement la discussion paraît déplacée, dans l’espace et le temps, étant donné le rapport de forces global, mais toutes les principales variantes de ce que l’on pourrait appeler une « orientation communiste » dans la pensée politique semblent fondées sur le rejet de la transition ; un rejet valant pour tous les éléments qui composent ce concept.

      Le temps de la transition, compris en termes d’étapes se succédant de façon linéaire. L’espace de la transition, qu’il s’agisse d’une commune, d’un État, d’une enclave ou d’une zone. La forme politique et la subjectivité de la transition, incarnées par le parti et les institutions afférentes. À la négation, ou la déclaration d’obsolescence de ces éléments, s’ajoute un rejet plus large de la philosophie « progressiste » de l’histoire qui sous-tend l’image classique de la transition, établissant une analogie entre institution et destitution du capitalisme, révolution bourgeoise et révolution prolétarienne.

      Il serait relativement aisé, quoique futile peut-être, de plonger dans le désordre des archives des révolutions réelles, pour montrer comment ce stéréotype héroïque de la transition fut ouvertement dénoncé par ses partisans supposés, pour ses liens trop ténus avec la pratique révolutionnaire réelle. Ironie de l’histoire, dans certaines niches exiguës de l’extrême-gauche, on astique encore les idoles de Lénine pour mieux ignorer comment la pratique politique a rompu, en diverses circonstances, avec presque tous les éléments de la logique linéaire de la transition – en sautant des étapes réputées nécessaires, en reconnaissant la disparition sociologique de la classe ouvrière qu’elle devait représenter, en rétablissant partiellement le capitalisme après l’avoir démantelé de façon accélérée dans le communisme de guerre, et ainsi de suite.

      #communisme #transition

  • Transition et tragédie, #Alberto_Toscano | Période
    http://revueperiode.net/transition-et-tragedie

    La #transition a mauvaise presse. Si le communisme est à nouveau prononçable, ce n’est plus le nom du passage vers une société sans classes et sans État, mais seulement celui du projet générique de l’émancipation. Alberto Toscano revient sur la difficulté actuelle à penser la transition, après les catastrophes du 20e siècle et à la veille de catastrophes annoncées. Il est temps de penser la transition sous la forme tragique qui est la sienne. C’est là la grande leçon à tirer de l’expérience #communiste si l’on veut conserver un sens pratique à l’émancipation.

    (double) #biopouvoir #reproduction