La protection des civils (Le Monde diplomatique, juillet 2000)

/2016

  • Un syndicat pour les détenus allemands
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/01/BOUVAIST/54484 #st
    http://www.monde-diplomatique.fr/IMG/arton54484.jpg

    Certes, bagnes et travaux forcés appartiennent au passé. Pour autant, le travail n’a pas disparu de l’univers carcéral. On le présente désormais comme un outil de réinsertion. Mais un détenu est-il un travailleur comme un autre ? Quels sont ses droits, et qui les défend ? En Allemagne, ces questions ont franchi les murs des maisons d’arrêt depuis la création d’un syndicat de prisonniers.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/36209 via Le Monde diplomatique

  • A propos de la fiabilité des statistiques...

    je racontais avec l’histoire de la carte artistique de la guerre froide prise pour « argent comptant » qu’on ne vérifiait jamais assez. Preuve ce matin avec les statistiques du PNUD (http://hdr.undp.org). ET encore une fois, je ne jette pas la pierre car on peut tout à fait tous se tromper. L’idée ici est juste d’une part de le signaler pour que ce soit corrigé et d’autre part d’alerter profs et élèves d’avoir systématiquement un regard critique sur les cartes, les stats, les données qui nous passent entre les mains, de systématiquement vérifier, croiser (quand c’est possible), et toujours indiquer les sources pour que les erreurs soient traçables.

    Je travaille sur un projet "progrès dans l’alphabétisation dans le monde, et je consulte le fichier pdf du Rapport sur le développement humain 2015, et dans le tableau 10 alphabétisation ds jeunes, j’apprends que le taux d’alphabétisation des jeunes en Afrique subsaharienne est de 87% pour les femmes et 93% pour les hommes... Ce qui est absolument impossible.

    Le fichier pdf est une traduction française d’un rapport initialement écrit en anglais, et je commence les vérifications en téléchargeant le rapport en anglais, et je comprends qu’il y a une énorme bourde : en faisant la traduction, ils sont reclassés les pays... sans prendre les colonnes de chiffres ! de sorte que les pays ont bien été reclassés par ordre alphabétique dans la version française, mais les colonnes de chiffres sont resté à leur place... Du coup, à l’Afrique subsaharienne sont attribuées les données des pays arabes, etc... Et si on utilise ces chiffres sans se poser de questions, on obtiendra une carte ou un graphique complètement faux qui risque de se multiplier pendant des années sur Internet et dans les manuels scolaires.

    Bref... Soyons attentifs ensemble et partageons ! :)

    #statistiques #erreurs

    • Les quelques (rares) fois où j’ai eu à sortir des données qui devaient être publiées, j’étais dévoré d’angoisse à l’idée de laisser passer des bourdes. Quand on est producteur de données, j’imagine qu’on finit par s’y faire et à acquérir une certaine confiance dans la chaîne de production, mais quand on intervient dans la chaîne (bidouille…) ça devient stressant.

      PS : encore la faute de Word (ou Excel)…

    • Yes, je reconnais là un de mes cauchemars ! C’est trop facile de se tromper et je me rends compte - alors que je suis en train de classer 30 ans d’archives - parfois après 10 ou 15 ans que certaines cartes ou visualisations publiées l’étaient sur la base de chiffres erronés ... C’est Horrible !

    • C’est pour carte des productions agricoles de la Chine que j’ai fait une fois une erreur... en déplaçant une colonne de calculs dans excel, les chiffres avaient changés. Je m’en suis aperçu juste après le bat, en la regardant d’un regard circonspect. Je trouvais bizarre une certaine similitude sur des données alors qu’en lisant les données brutes j’avais constaté, et c’était là l’intérêt, des disparités. Seulement il faut aller vite, toujours plus vite. J’ai pu corriger in-extremis.

    • Ca m’arrive souvent de me tromper sur des sources, confondre des liens sérieux avec des parodies ou succombé à des raccourcis médiatiques (cf histoires des rainettes ou plus récemment la sardine du port) et pour ca @seenthis c’est vraiment excellent car il y a une attention aux source, une méfiance saine et un partage pour palliés à ces problèmes. Alors je ne suis pas statisticienne, ni cartographe, ni journaliste (et heureusement pour les données) on tolère dans le milieu artistique d’ou je suis, un certain « flou artistique », mais vraiment merci @seenthis de me guerrir un peu des « copier-coller malencontreux » !

  • Un nouveau manuel critique du « Monde diplomatique » — L’économie comme on ne vous l’a jamais expliquée, par Renaud Lambert & Hélène Richard @renaudlambert & @hlnrichard
    https://www.monde-diplomatique.fr/2016/09/LAMBERT/56201 #st

    Le 8 septembre arrive en kiosques le « Manuel d’économie critique » du « Monde diplomatique ». En 2014, le premier opus de cette collection était consacré à l’histoire. Il s’agit cette fois d’éclairer les bases et les enjeux d’une discipline de pouvoir, l’économie, dont les principes gouvernent maints aspects de nos vies. Cet ouvrage vise à faire comprendre pour faire agir : la bataille des idées s’ouvre à tous dès lors qu’on s’efforce de conjuguer souci de l’écriture, rigueur du propos, sens des images, pédagogie et recul historique. Telle est la vocation de ce manuel.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35988 via Le Monde diplomatique

  • Dérangements politiques, par Serge Halimi (éditorial, septembre 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/09/HALIMI/56194 #st

    Parfois, un détail suffit pour saisir un tableau idéologique. Le 13 août dernier, le décès de Georges Séguy fut expédié en quelques secondes, ou en quelques lignes, par des médias français alors enrôlés dans la guerre contre le burkini. Bon nombre de journalistes, dont le savoir historique se résume aux coups d’éclat des derniers mois, ignoraient peut-être que le défunt avait dirigé pendant quinze ans le principal syndicat français. Bientôt, ils sonneront le tocsin pour nous enjoindre de défendre la démocratie. Elle serait mieux assurée si des populations entières ne voyaient pas en elle un ornement au service des privilégiés qui les méprisent.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35981 via Le Monde diplomatique

  • Jeremy Corbyn : faites qu’il s’en aille
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/09/RIMBERT/56204 #st

    Le Daily Telegraph l’a traité de « morveux » (16 septembre 2015) ; le journal du soir de la BBC l’a assimilé à un camion-poubelle en route vers la décharge des « losers » (27 juin 2016). The Economist voit en cet opposant à l’austérité et à la guerre un « saboteur » (10 juin 2016). Le Sun l’a qualifié de « marxiste abruti », affublé en « une » d’un bonnet à clochettes et accusé de soutenir « les tarés djihadistes à longue barbe impatients de détruire l’Occident » (30 et 9 septembre 2015). Les plus fins limiers du Royaume-Uni ont révélé que l’individu se déplaçait sur une « bicyclette de style maoïste » (The Times, 14 septembre 2015) et qu’il aurait « salué la perspective qu’un astéroïde “anéantisse” l’humanité » (MailOnline, 12 août 2015). Mais ces quelques éclairs de génie journalistique résument-ils la médiatisation du chef du Parti travailliste britannique, M. Jeremy Corbyn ?

    Journalistic Representations of Jeremy Corbyn in the British Press — London School of Economics http://www.lse.ac.uk/media@lse/research/Mainstream-Media-Representations-of-Jeremy-Corbyn.aspx

    https://vimeo.com/173876817

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35875 via Le Monde diplomatique

  • Dans le numéro de septembre 2016
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/09


    À Washington, scénarios pour un conflit majeur ; dans les Balkans, le plus vieil islam d’Europe ; données personnelles, une affaire politique ; riposte culturelle au Cachemire ; la Corne de l’Afrique dans l’orbite de la guerre au Yémen ; au Nicaragua, que reste-t-il du sandinisme ? Affrontements réels et faux-semblants de l’élection américaine ; l’art de rue entre subversion et récupération ; les primaires, version russe ; quand les tuyaux avalent les journaux ; l’économi*e comme on ne vous l’a jamais expliquée ; Aix-Marseille, laboratoire de la fusion des *universités ; cette France en mal de médecins ; traduire Shakespeare ; trompeuses métaphores du cancer

  • Not a Drill : SETI Is Investigating a Possible ET Signal From #Space
    http://observer.com/2016/08/not-a-drill-seti-is-investigating-a-possible-extraterrestrial-signal-from-

    The detection of the mysterious signal and the ensuing investigations will be discussed at the IAA SETI Permanent Committee during the 67th International Astronautical Congress in Guadalajara, Mexico, on September 27—the same day and location where Elon Musk will reveal his plans to colonize #Mars. The Observer will be following up on both these stories from the Congress.

    Chronologie du contact extraterrestre : http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/A/56069

  • Chronologie du contact extraterrestre
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/A/56069 #st

    1901. Dans un article, l’ingénieur Nikola Tesla se dit convaincu qu’il a reçu des messages de l’espace (de Mars ou de Vénus, croit-il savoir) alors qu’il travaillait sur un système de transmission sans câble à Colorado Springs. De son côté, le physicien Guglielmo Marconi (1874-1937) pensait lui aussi avoir intercepté des signes alors qu’il se trouvait à bord de son yacht Electra.

    (…)

    2008. « A message from earth » (« Un message de la Terre »). Ce signal expédié d’Eupatoria vers la planète Gliese 581c se compose de messages rédigés par le grand public et collectés via le réseau social Bebo. La même année, le 4 février, la NASA diffuse vers l’espace la chanson des Beatles Across the Universe.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35664 via Le Monde diplomatique

  • Une légende sans fin, par Guillaume Barou @baroug
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/BAROU/56111 #st

    Un petit tableau de Bruegel exposé au Louvre, Les Mendiants, reste largement un mystère. Qui sont ces personnages hagards et amputés, vêtus de loques et de queues de renard, formant une procession absurde ?

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35456 via Le Monde diplomatique

  • Laisser le poète à notre solitude, par Marina Da Silva
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/DA_SILVA/56097 #st

    Cette Présente Absence au titre percutant, publiée pour la première fois en 2006, renvoie à la désignation israélienne des Palestiniens ayant dû fuir leur foyer en 1948 : les « présents-absents ». Elle se révèle prose poétique testamentaire : c’est l’avant-dernier livre paru du vivant de Mahmoud Darwich.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35457 via Le Monde diplomatique

  • Un ordre en suspens , par Xavier Monthéard
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/MONTHEARD/56096 #st

    Nous sommes en 1979 ou 1980, dans le nord-est d’un Pakistan écrasé par le poids des convenances. (…) Chronique sociale, le roman donne à voir l’évolution d’un écosystème relationnel dans une période de crise. Les allées et venues d’une vingtaine de personnages, hommes de beaucoup de paroles — car ici les gens disent ce qu’ils croient, moins ce qu’ils pensent —, tissent le motif d’un petit village pris dans le filet d’une histoire trop grande pour lui.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35458 via Le Monde diplomatique

  • Le continent noir à l’heure du polar, par Hubert Prolongeau
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/PROLONGEAU/56098 #st

    Enfin, l’#Afrique semble intéresser les auteurs de #polar. (…) Aujourd’hui, trois livres qui se retrouvent en même temps en librairie creusent le sillon et l’ensemencent avec bonheur.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35460 via Le Monde diplomatique

  • Dans l’intimité de la guerre, par Nicolas Melan
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/MELAN/56095 #st

    La guerre a éclaté dans un pays incertain, à une époque proche de la nôtre. Le narrateur, Abel, aristocrate hédoniste et détaché, raconte sa fuite avec sa cousine et amante de toujours, la silencieuse Morgan. Le couple a abandonné le château familial, lieu de querelles et de débauches passées, pour venir grossir les rangs des réfugiés qui ont pris la route afin d’éviter les combats de ce qui ressemble à une guerre civile. En chemin, ils rencontrent le Lieutenant, une femme autoritaire à la tête d’une troupe de soldats. Cette dernière ramène de force le couple au château.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35462 via Le Monde diplomatique

  • Simone Weil

    Les racines de l’oppression sociale, au lieu d’être intrinsèquement liées au mode de production capitaliste, fondé sur l’exploitation ouvrière, tiendraient à la nature même de la « grande industrie », dont le caractère oppressif ne dépend pas d’un régime politique spécifique, puisqu’il se retrouve aussi dans le système socialiste : « La force que possède la bourgeoisie pour exploiter les ouvriers réside dans les fondements mêmes de notre vie sociale, et ne peut être anéantie par aucune transformation politique et juridique. Cette force, c’est d’abord et essentiellement le régime même de la production moderne. »

    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/04/PIRONET/55232

  • Provocations atlantiques
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/HALIMI/56084

    Pourquoi entretenir ainsi la tension entre les pays d’Europe et la Russie ? Cela permet à Washington de prévenir tout rapprochement entre eux. Et de s’assurer, au lendemain du « Brexit », que son allié le plus docile, le Royaume-Uni, demeurera étroitement associé au destin militaire du Vieux Continent. Berlin, qui vient d’accroître son budget militaire, estime de son côté que, « sans un changement de cap, la Russie représentera dans un avenir prévisible un défi pour la sécurité de notre continent (4) ». On est presque tenté d’appliquer une telle formule à l’OTAN…

  • Gloire aux causes perdues, par Christophe Wargny
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/07/WARGNY/55914 #st

    Ce n’est pas vraiment une saga ni un polar, encore moins un essai, même s’il est instructif, mais bien un roman, un ouvrage-fleuve divisé en cinq livres, d’une construction aussi originale qu’époustouflante, leçon de géopolitique, travail d’historien allergique au sens chronologique. Pour son quatrième roman, le vétéran des causes perdues qu’est Bob Shacochis, grand lecteur de Joseph Conrad, s’obstine.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35193 via Le Monde diplomatique

  • Ce pays est ton pays, par Arnaud de Montjoye
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/07/MONTJOYE/55913 #st

    Jonathan Lethem, né en 1964, connu d’abord pour ses romans de science-fiction (Flingue sur fond musical, J’ai lu, 1996), n’oublie rien ni personne dans cette fresque en blues majeur qui dit un demi-siècle d’une autre Amérique. À lire en écoutant, par exemple, This Land Is Your Land, cette chanson qu’écrivit dans les années 1930 un autre utopiste obstiné, Woody Guthrie.

    https://www.youtube.com/watch?v=wxiMrvDbq3s

    http://zinc.mondediplo.net/messages/35197 via Le Monde diplomatique

  • L’autodestruction du Parti socialiste, par Rémi Lefebvre
    https://mensuel.framapad.org/p/diploPS
    (je publie ici cette critique interne au PS in extenso, si cela pose pb, je modifierais)

    Subjugué par les dogmes du « marché libre » et rivé aux consignes de Bruxelles, le président François Hollande s’obstine à imposer le démantèlement du code du #travail, faute de lutter efficacement contre le #chômage. Comme une majorité de syndicats, de Français et de parlementaires rechignent, il tente un passage en force, au mépris mêjme de toute logique électorale.

    Pour le Parti socialiste (#PS) français, l’heure du bilan approche. Rarement un parti aura été aussi rapidement abîmé par son passage aux affaires. En 2012, il tenait l’ensemble des pouvoirs entre ses mains. Quatre ans plus tard, il a perdu un nombre considérable d’élus et, à moins d’un an de l’élection présidentielle, la cause paraît entendue : M. François Hollande, qui se prépare à l’évidence à solliciter le renouvellement de son mandat, n’est même pas assuré de figurer au second tour. L’impopularité du président comme celle de son premier ministre battent des records historiques.

    Les défaites à toutes les élections intermédiaires n’ont en rien arrêté la fuite en avant libérale dont la « #loi_travail » marque l’apogée. Malgré la timide embellie de l’emploi, qui servira sans doute de justification à la candidature de M. Hollande, la politique de l’offre (1) engagée dès l’automne 2012 ne produit toujours pas de résultats. Pour valoriser l’action du gouvernement, que le peuple de gauche désavoue massivement, le PS reprend mot pour mot les éléments de langage de la droite en 2012 : la nécessité de la « #réforme » s’est imposée pour « préserver le modèle social français ». « La politique de l’offre n’est ni de droite ni de gauche : elle est nécessaire », a pu déclarer M. Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement (2). Désormais, l’aversion suscitée dépasse de très loin les franges de la gauche radicale et la déception que provoque immanquablement l’exercice « réformiste » du pouvoir. Comment comprendre ce qui s’apparente à une autodestruction ?

    Se dirige-t-on vers la fin du PS ? Quelle rationalité électorale poursuivent les élites socialistes, par ailleurs si « raisonnables » ?
    Si leur stratégie apparaît incertaine, elle dérive d’un postulat qui fonde la cohérence et la constance du gouvernement : la politique menée, aussi suicidaire qu’elle puisse paraître, n’est pas négociable. Elle découle dans une large mesure de contraintes européennes que M. Hollande, contrairement à ce qu’il avait annoncé durant la campagne de 2012, n’a pas renégociées. Les choix idéologiques sont si marqués qu’ils prennent le pas sur les intérêts électoraux du parti. Dès lors qu’aucune inflexion n’est envisageable et que le PS n’a plus la base électorale de sa politique, il est condamné à fabriquer un improbable électorat de substitution, au centre gauche, et compte s’appuyer sur la prochaine élection présidentielle pour le faire émerger.

    Jusqu’à présent, le PS appartenait à ce type de parti que le politiste italien Angelo Panebianco a appelé « électoral-professionnel » (3), c’est-à-dire voué à un seul objectif : la maximisation des performances électorales. Entre 2002 et 2012, il est devenu un parti de professionnels de la politique locale — élus et collaborateurs d’élus (4). En 2012, quand il accède au pouvoir national, il dirige la quasi-totalité des régions, 60 % des départements, les deux tiers des villes et même, pour la première fois de son histoire, le Sénat. Quatre ans plus tard, la machine électorale est dévastée. Au cours des vingt-deux législatives partielles qui ont eu lieu dans cet intervalle, le PS a été éliminé dès le premier tour dans la moitié des circonscriptions où il présentait un candidat (5).

    Après avoir fait prospérer le socialisme municipal dans des proportions jamais atteintes, M. Hollande, lui-même ancien président du conseil général de la Corrèze, en est devenu le fossoyeur. En 2014, son parti a perdu 162 villes de plus de 9 000 habitants — un record pour des élections municipales. Il ne dirige plus que cinq régions et vingt-six départements. Le « parti des élus » a été sacrifié sur l’autel d’une politique de #compétitivité aussi inefficace qu’impopulaire. Repliés sur leurs fiefs locaux depuis 2002, les notables socialistes se sont peu à peu désintéressés des débats idéologiques nationaux. Tétanisés par les défaites, ils semblent attendre que le cycle du pouvoir se referme pour retrouver une opposition qui fut jadis confortable.
    Ces échecs électoraux massifs et répétés ont eu des effets considérables sur l’organisation partisane. L’armature du PS se désagrège dans ses profondeurs territoriales. Les assistants, collaborateurs d’élus et permanents ont été victimes de ce qui s’apparente à des plans de licenciement successifs, alors qu’ils exercent souvent des responsabilités essentielles dans l’appareil, à la direction des sections ou des fédérations. Certaines fédérations sont en cessation de paiement. L’historique fédération du Nord a perdu depuis 2012 de nombreuses villes (Roubaix, Tourcoing, Dunkerque, Maubeuge, la communauté urbaine de Lille…), le département, la région et la moitié de ses militants. Pour résorber une dette de 1 million d’euros, la direction fédérale a dû se résoudre à vendre une partie de son siège.

    La « loi travail » piétine le congrès

    Enfin, le parti dans son ensemble connaît une hémorragie de militants sans précédent. Les renouvellements de cartes au 1er décembre 2014 ne dépassaient pas 60 000 adhérents, soit largement 50 000 de moins qu’en 2012 . Le phénomène va bien au-delà des habituels flux et reflux liés à l’exercice du pouvoir.

    À quoi bon demeurer dans un parti exsangue et dévitalisé, qui n’a plus son mot à dire ? Le premier secrétaire, M. Jean-Christophe Cambadélis, donne un peu mieux le change que son prédécesseur, M. Harlem Désir, d’une remarquable passivité ; mais la démocratie interne est inexistante. Le président de la République estime n’avoir pas de comptes à rendre à un parti dont il n’a pas tiré son investiture, puisqu’il doit sa candidature à une primaire ouverte. Les résultats du congrès de Poitiers, en juin 2015, ont été complètement ignorés, alors qu’ils étaient censés définir la ligne politique du parti. Dans la motion majoritaire, dont M. Cambadélis était le premier signataire, une position par anticipation sur la loi El Khomri avait été prise. On y lit : « Il faut rétablir la #hiérarchie_des_normes : la loi est plus forte que l’accord collectif, et lui-même s’impose au contrat de travail. » Soit l’exact inverse de la proposition que le gouvernement s’acharne à défendre. S’appuyant sur le socle de légitimité du congrès, un rapport demandant une réorientation de la politique gouvernementale a été adopté par le bureau national à une très large majorité en juillet 2015. Il a été balayé d’un revers de main par le premier ministre Manuel Valls, qui n’a cessé, depuis, de radicaliser sa ligne sociale-libérale. La « loi travail », qui ne faisait pas partie des engagements de 2012, n’a jamais été discutée au PS ; elle n’a fait l’objet d’aucun vote du bureau politique. La direction du parti a même renoncé à produire un programme en vue de l’élection présidentielle. Mieux vaut orienter le futur candidat à l’aide de « cahiers » que formuler un programme qu’il n’appliquera pas : c’est, en substance, ce que le premier secrétaire a expliqué lors du conseil national du 6 février 2016.

    Comme le parti n’assure plus son rôle de régulation des différends et de production d’un point de vue commun, les débats se sont déplacés dans l’arène parlementaire, où les députés frondeurs organisent une résistance très médiatisée, mais jusqu’ici marginale. Un cap a été franchi avec leur tentative de déposer une motion de censure contre le gouvernement lors du débat sur la « loi travail », en mai 2016. Si beaucoup de députés socialistes désapprouvent sans doute la politique du gouvernement, la plupart d’entre eux, par résignation ou manque de courage, ne souhaitent pas affaiblir le président de la République, pensant que leur sort électoral dépend du sien. L’approche de la débâcle finale n’y change rien : fatalisme et #présidentialisme font leur œuvre.

    Reconnaissant que le PS est au bout d’un cycle, le premier secrétaire prône désormais son « dépassement » autour de la Belle Alliance populaire, fédération de la « gauche de transformation » regroupant associatifs, syndicalistes, intellectuels et partenaires du PS. Il s’agit de s’adresser au peuple de gauche « au-delà des appareils radicalisés contre le PS ». Lors du lancement de cette initiative, le 13 avril, M. Cambadélis s’affichait aux côtés de MM. Jean-Vincent Placé et Jean-Luc Bennahmias (6), ainsi que de responsables du Parti radical. Même M. Robert Hue, habituelle caution communiste du PS, a refusé de participer à ce replâtrage.

    La destruction du parti apparaît comme une stratégie délibérée de M. Valls, qui, avec un cynisme à peine contenu, se projette au-delà de la débâcle à venir. Le premier ministre s’emploie à créer les conditions d’une candidature de M. Hollande, vouée à l’échec, et à entériner le schisme entre « deux gauches irréconciliables (7) ». Fortement minoritaire lors de la primaire de 2011 (8), il cherche à liquider le « vieux parti », comme l’un de ses modèles, M. Anthony Blair, l’avait fait avec le Labour au Royaume-Uni, pour réinitialiser le jeu politique au centre. Selon lui, plus le parti sera dévasté, plus son œuvre aura de chances de réussir. Il est désormais débordé sur sa droite par le ministre de l’économie Emmanuel Macron, qui adopte la même stratégie hors du PS et cherche la surenchère dans la « transgression » des marqueurs politiques de gauche.

    La stratégie de M. Hollande apparaît plus obscure et incertaine. Il semble miser sur les dernières chances de réélection que lui laissent la progression du Front national (FN) et la désunion de la droite, qui s’est lancée dans l’aventure d’une primaire ouverte peu conforme à sa culture politique. L’une des lois de la Ve République est peut-être que le président doit tout sacrifier à l’essentiel, c’est-à-dire sa réélection, quel qu’en soit le prix pour son parti. M. Hollande ne peut plus jouer désormais que sur les ressources de sa fonction.

    Il cherche d’abord à sécuriser sa candidature. Les partisans d’une primaire ont voulu l’entraîner dans cette procédure pour sortir de l’impasse à gauche (9). Le PS a dans un premier temps adopté une position attentiste, avant d’en accepter le principe, mais en excluant tout préalable afin de mieux en compromettre le déclenchement. Après quelques hésitations, communistes et écologistes ont finalement refusé de s’engager dans une démarche qui pourrait les contraindre à soutenir M. Hollande s’il en sortait victorieux. Au terme de ce jeu de poker menteur, les socialistes peuvent pérorer : « Pour le moment, le seul parti qui se bat pour une primaire, c’est le Parti socialiste », déclare ainsi M. Christophe Borgel, secrétaire national chargé des élections (10). M. Cambadélis a envisagé un temps de convoquer un congrès extraordinaire pour modifier les statuts et dispenser M. Hollande de participer à une telle procédure, avant de changer d’avis et de convaincre le président en exercice d’accepter une primaire (conseil national du 18 juin). Comment interpréter ce revirement ? Distancé par la droite et l’extrême droite dans les sondages, rattrapé voire dépassé à gauche par M. Jean-Luc Mélenchon, M. Hollande ne peut espérer retrouver une certaine légitimité qu’en obtenant sa désignation par cette procédure. Il prend de court ses opposants « frondeurs », qui peineront peut-être à désigner un candidat commun. Toujours tacticien plutôt que stratège, le chef de l’État espère sans doute aussi que les électeurs de gauche se détournent de la primaire, limitée aux partis soutenant le gouvernement, ce qui permettrait une surreprésentation des plus légitimistes pouvant lui être encore favorables. D’autant plus que le PS, faute de temps et de moyens militants, sera sans doute dans l’incapacité d’ouvrir autant de bureaux de vote qu’en 2011.

    Les gardiens de la République

    Monsieur Hollande cherche à empêcher la dispersion des candidatures à gauche au premier tour. Il s’est employé à diviser les écologistes, avec un succès certain. La nomination au gouvernement de trois ministres écologistes en janvier 2016 a rempli son office. L’explosion du groupe parlementaire Europe Écologie - Les Verts (EELV) à l’Assemblée nationale en mai a mis encore un peu plus à mal l’hypothèse d’une candidature de Mme Cécile Duflot.
    Enfin, le président peut compter sur la #droitisation du jeu politique, à laquelle il a lui-même largement contribué, mais qui peut le déplacer sur la gauche dans les mois qui viennent. L’action du gouvernement a déporté le centre de gravité du pensable et du dicible vers la droite, comme en témoigne la réécriture de la « loi travail » au Sénat.

    Le président escompte que la surenchère libérale à laquelle donne lieu la primaire des Républicains, pleinement décomplexés (suppression de l’impôt sur la fortune et des trente-cinq heures, réduction massive du nombre de fonctionnaires…), réinstalle le clivage gauche-droite. Une victoire de M. Nicolas Sarkozy à la primaire serait très favorable à M. Hollande. Le PS entonne déjà le refrain des élections législatives de 1986 : « Au secours, la droite revient ! » « Les Français vont enfin comparer », s’écrie M. Le Foll. Le discours convenu sur le « tripartisme », avec la qualification annoncée de la présidente du FN, Mme Marine Le Pen, au second tour de la présidentielle, permet déjà aux dirigeants socialistes de se positionner comme les gardiens de la République. Interrogé par Les Échos (13 juin 2016) sur la stratégie de rassemblement de la gauche d’ici à l’élection, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement (11), croit en la capacité de rassemblement au centre gauche de M. Hollande : « Avec la tripolarisation, la présidentielle et les législatives de 2017 n’auront rien à voir avec les élections précédentes. Selon toute vraisemblance, le candidat du camp républicain, de gauche ou de droite, aura besoin d’aller chercher les électeurs de l’autre bord pour l’emporter au second tour face à Marine Le Pen. Pour moi, celui qui l’emportera au premier tour sera celui qui proposera la bonne formule de rassemblement pour le second. Ma conviction, c’est que la gravité de la situation ne permettra pas de jouer au jeu des postures traditionnelles. Aujourd’hui, c’est l’emphase, l’hystérie, le déni de la réalité. Mais tout cela va se dissoudre devant la réalité. »

    Si irréaliste que cela puisse paraître, le PS n’a donc pas encore complètement renoncé à l’idée d’une victoire en 2017. M. Mélenchon fait quant à lui le même calcul qu’en 2012 : passer devant le candidat du PS au premier tour pour lui retirer sa rente de position dominante et le « pasokiser » — c’est-à-dire le marginaliser, comme le Parti socialiste grec, en lui retirant son monopole de parti à vocation majoritaire à gauche. Mais, dans cette hypothèse, désormais plus crédible qu’il y a quatre ans, une victoire relative suffira-t-elle à passer le cap du premier tour ?

    C’est à une recomposition de grande ampleur que doit s’atteler la gauche, au-delà de ses corporatismes d’appareil mortifères. Les socialistes les plus progressistes pourraient y contribuer ; à moins qu’ils soient aspirés dans le jeu politicien et le cycle des défaites « refondatrices » au PS. Déjà, Mme Martine Aubry et les frondeurs enjambent la défaite à venir et préparent le futur congrès. Le PS est peut-être à l’agonie ; mais il a démontré au cours de sa longue histoire (le cas de la défaite cuisante de 1993 effacée dès 1997 est exemplaire) une capacité de résilience qui fonde sa longévité historique.

    (1) Politique libérale consistant à tenter de relancer l’activité économique en multipliant les avantages offerts aux entreprises.
    (2) Les Échos, Paris, 17 janvier 2014.
    (3) Angelo Panebianco, Political Parties : Organization and Power, Cambridge University Press, 1988.
    (4) Lire Rémi Lefebvre, « Faire de la politique ou vivre de la politique ? », Le Monde diplomatique, octobre 2009.
    (5) Le Monde, 13 juin 2016.
    (6) M. Placé est secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification, ancien président du groupe Europe Écologie - Les Verts au Sénat ; M. Bennahmias est ancien député européen Vert, passé par le Mouvement démocrate (MoDem) de M. François Bayrou.
    (7) Discours à Corbeil-Essonnes, 15 février 2016.
    (8) Il n’avait recueilli que 5,63 % des suffrages des sympathisants.
    (9) Dans un appel « Pour une primaire à gauche » publié par Libération, Paris, 10 janvier 2016.
    (10) L’Opinion, Paris, 23 mai 2016.
    (11) Cet ancien proche de M. Dominique Strauss-Kahn, qui a constitué un « pôle des réformateurs », s’impose au fil des mois comme le théoricien gouvernemental du social-libéralisme.

    Note : la plupart des hiérarques cités, Mélanchon compris, furent lambertistes.

  • Serge Halimi lit-il trop vite "en diagonal" ou est-il simplement de mauvaise foi ?
    À propos d’un article de @mdiplo :

    « Ahmadinejad, mon héros », par Serge Halimi (Le Monde diplomatique, août 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/HALIMI/56087

    et de la controverse portée ici même :

    A propos de votre critique (parue dans le dernier numéro du Diplo, et réservée aux abonnés) du livre de Houria Bouteldja Les blancs, les juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire.

    Tout d’abord, parler du « petit monde intellectuel et médiatique » au sujet de Houria Bouteldja et de son livre, paru aux éditions La Fabrique (au passage, merci à Eric Hazan pour son ouverture d’esprit) m’a juste fait sourire.

    Parce qu’à mon sens, Houria Bouteldja est loin de faire partie de ce monde-là (Eric Hazan non plus) elle y est même plutôt persona non grata. C’est vade retro satanas pour la plupart des gens, même et surtout pour ceux qui ne se sont pas donné la peine de la lire.

    En parlant du petit monde intellectuel et médiatique, peut-être évoquiez-vous, outre Pascal Bruckner, tous les autres éditocrates qui, comme la plupart des intellectuels (« de gauche » ou non) auraient pu avoir une (saine ?) réaction à ce livre que comme eux, vous n’envisagez que comme une « provocation » (vous employez d’ailleurs ce mot à plusieurs reprises) ce qui est pour le moins réducteur.

    Vous titrez votre article « Ahmadinejad, mon héros », c’est au pire une insinuation malhonnête (rejoignant en cela la plupart des critiques de ce livre, mais passons), au mieux une pure contre-vérité au sujet du contenu du livre.

    Vous m’avez habituée à autre chose, et je trouve ça dommage. Je tenais donc à vous faire part de quelques remarques.

    • Une critique polie un peu plus détaillée : UNE INDIGÈNE AU VISAGE PÂLE, Compte-rendu du livre de Houria Bouteldja : Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire
      https://lundi.am/Une-indigene-au-visage-pale

      Vous remarquerez à la lecture de la provocatrice #identitaire Bouteldja les nombreuses reprises de topos FN : "détail de l’histoire", "ma famille plutôt que mon voisin", l’original à la copie", du point de vue "#indigène" (terme qui s’applique au pdt de la république iranienne, sans doute lui aussi "opprimé" par "le prolo blanc"), quand ce n’est pas directement un mot d’ordre OAS "Fusillez Sartre !" qui set de titre à la première partie d’un livre qui se conclue par « Allahou akbar ! ».
      Selon elle, « Le combat consiste à faire redescendre ceux qui commettent le sacrilège de s’élever au niveau de #Dieu. »
      Bonne descente.

    • Le problème restant le fait d’une lecture sélective d’un-e auteur-e. J’ai pas d’exemple qui me viennent à l’esprit juste là mais le monde de la critique médiatique pullule de ces malhonnêtetés. Ou quand on veut noyer son chien ... on l’instrumentalise.

    • Je me suis infligé la lecture de ce « livre ». Le narcissisme exacerbé de cette auteure qui nous tutoie et prétend que la seule égalité possible réside dans la soumission à dieu, ça pue. Le texte de Segré n’est pas une lecture médiatique à la façon de l’imbécile Halimi, il n’en dit pas assez mais mieux vaut le lire avant de le ranger dans cette catégorie.

    • Ce que dit Ivan Segré :

      L’auteure a manifestement étudié l’arabe et le Coran, dont elle maîtrise les principaux concepts ; enfin, disons qu’elle a en poche une ou deux citations du Coran. Pour le reste, c’est à prendre avec des pincettes. Je ne prétends pas être un fin lettré musulman, mais il me semble bien que dans l’islam, comme dans le judaïsme et le christianisme, la « supériorité des hommes sur les animaux et la nature » est un axiome fondamental plutôt qu’une théorie blasphématoire. Je dirai même plus : ranger « la supériorité de l’homme sur les animaux et la nature » dans la même catégorie – celle des « théories blasphématoires » - que « la supériorité des Blancs sur les non-Blancs », ou « des hommes sur les femmes », est aux yeux de tout musulman qui se respecte non seulement une ânerie, mais un blasphème. Cela dit, il se trouvera peut-être un théologien musulman pour me contredire. In cha Allah.

      Ce que dit Houria Bouteldja dans son bouquin :

      le gros reste à faire, et toutes les autres utopies de libération seront les bienvenues, d’où qu’elles viennent, spirituelles ou politiques, religieuses, agnostiques ou culturelles, tant qu’elles respectent la Nature et l’humain, qui n’en est fondamentalement qu’un élément parmi d’autres.

      La pensée d’un-e auteur-e ne se limite pas à des « petites phrases sorties de leur contexte », non ?

    • Bouteldja, ses « sœurs » et nous par Mélusine
      @sombre hermano

      https://blogs.mediapart.fr/melusine-2/blog/200616/bouteldja-ses-soeurs-et-nous

      Il faut goûter l’ironie de la mystification à laquelle se livre Bouteldja dans « Nous, les femmes indigènes ». Nous la connaissons bien, c’est celle que la gauche communiste et traditionnelle a si longtemps opposée aux féministes : la lutte contre le patriarcat n’étant qu’une diversion produite et encouragée par le capital pour diviser les forces de la classe ouvrière, les travailleuses doivent rentrer dans le rang et refuser de donner prise au véritable ennemi. Décorant cette arnaque éculée des apprêts du combat décolonial, c’est la même capitulation à laquelle Bouteldja exhorte les femmes racisées au nom de ce qu’elle appelle l’amour révolutionnaire. Elle ne nie pas l’existence de la domination masculine et la minorité à laquelle sont réduites les femmes, en particulier racisées. Elle les reconnaît – et les déplore, mais demande à ses « sœurs » un pragmatisme résigné face au « patriarcat indigène » : si les hommes racisés sont « machos », écrit-elle, c’est en réaction à la violence de l’hégémonie blanche qui veut les mettre à genoux en niant leur virilité. Ils sont d’autant plus violents avec « leurs » femmes que leur dignité d’homme – leur moustache, Bouteldja ne risque pas une image plus osée – est insultée. (...) Il nous faut refuser à la fois la simplicité de l’analyse et la conclusion politique révoltante à laquelle elle conduit : puisque ces formes patriarcales « indigènes » sont des réactions de défense et de résistance contre le racisme, les femmes racisées, même si elles en sont les premières victimes, doivent se montrer compréhensives et indulgentes. « Il faudra deviner dans la virilité testostéronée du mâle indigène, la part qui résiste à la domination blanche » écrit Bouteldja. Autrement dit : distinguer, accepter et préserver la part de cette violence masculine qui résisterait au pouvoir blanc – malgré ses victimes collatérales éventuelles, « parce que c’est moins la réalité de la domination masculine qui pose problème que sa déshumanisation ». Celles qui subissent quotidiennement cette réalité apprécieront : il n’est pas certain que la gifle ait une saveur différente selon qu’elle soit blanche ou authentiquement indigène.

      Sa conclusion : " Je crois que ce dont nous avons besoin : que nous cessions d’attendre l’adoubement de telle ou telle frange de la gauche radicale et progressiste, (...) pour enfin ouvrir le débat entre nous, les femmes racisées. Pour chercher ensemble une troisième voie, entre l’arnaque de l’allégeance communautaire et l’illusion des chevaliers blancs universalistes. La sororité ne se décrète pas au nom du sang, elle se construit politiquement. "

      https://seenthis.net/messages/501962

    • Revendiquer un monde décolonial

      Jusqu’où : ne plus s’autoriser à se marier avec un blanc ?

      http://www.vacarme.org/article2738.html

      Quelle serait la perspective décoloniale du mariage mixte ?

      La perspective décoloniale, c’est s’autoriser à se marier avec quelqu’un de sa communauté. Rompre la fascination du mariage avec quelqu’un de la communauté blanche. C’est tout sauf du métissage — une notion que je ne comprends pas d’ailleurs, je ne sais pas ce que c’est. Pour des générations de femmes et d’hommes, je parle surtout des maghrébins, le mariage avec un blanc était vu comme une ascension sociale. Pour les filles, les hommes blancs étaient vus comme moins machos que les arabes ; pour les garçons, une fille blanche, c’était une promotion. La perspective décoloniale, c’est d’abord de nous aimer nous-même, de nous accepter, de nous marier avec une musulmane ou un musulman, un noir ou une noire. Je sais que cela semble une régression, mais je vous assure que non, c’est un pas de géant.

      Y a-t-il beaucoup d’hommes indigènes qui trouvent que les femmes ici ne sont plus assez musulmanes et qui veulent se marier avec des musulmanes qui n’ont pas été transculturalisées ?

      Ça ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait partie des pressions que les hommes indigènes font peser sur les femmes. C’est normal, puisque l’idéologie coloniale les fait passer pour des sauvages. Mais cela offre une perspective décoloniale pleine d’ambivalences. Ce que je veux dire c’est que les femmes répondent aussi à ce malaise lorsqu’elles se « réislamisent » : « Pas la peine d’aller chercher les femmes au bled puisqu’on est là. Vous dites qu’on est occidentalisées mais pas du tout ». C’est aussi une réponse au patriarcat blanc qui tente de conquérir les femmes non blanches. C’est pour ça que le premier pas, c’est d’abord de nous aimer nous-mêmes. Que les femmes indigènes reprennent confiance dans « leurs hommes », et réciproquement. Mais en réalité ce processus existe déjà depuis longtemps. À partir du moment où l’accusation de déloyauté est tombée, une réponse sociale est apparue : « Nous sommes de vraies musulmanes, nous ne trahissons pas la communauté ». Ça, c’est décolonial je trouve.

      Revenons sur la question du métissage. Vous disiez « je ne comprends pas bien ce que c’est » .

      Comme projet politique ou comme projet social, je ne le comprends pas. L’idéologie selon laquelle les couples mixtes, la rencontre entre deux cultures, c’est beau est vraiment pourrie. Si on parle dans l’absolu, il n’y pas de raison de ne pas adhérer à ça. Sauf qu’il y a des rapports de domination entre les cultures. Entre l’Algérie et la France, le contentieux historique est trop fort et le rapport de domination traverse ces couples mixtes et leurs enfants. Est-ce qu’il sera plutôt musulman ou plutôt français ? Est-ce qu’il va manger du porc ou pas ? Dans quelle culture on va les élever ? Il y a des processus de soumission de l’un à l’autre qui vont se mettre en place. Tu vas avoir ceux qui vont surinvestir le religieux ou ceux qui vont surinvestir la blanchité...

    • « Ahmadinejad, mon héros », par Serge Halimi

      http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/HALIMI/56087

      Seulement, Bouteldja ne s’amuse pas ; elle entend donner des leçons d’émancipation à la gauche. Laquelle est sommée de tout subordonner — la domination sociale, la domination masculine, la persécution des minorités sexuelles — au combat contre l’hégémonie « blanche ». Et de le faire adossée à une réflexion théorique ne comportant en définitive qu’une variable, « Occident » contre « Indigènes », symétriquement conçus en blocs presque toujours homogènes, solidaires, immuables.

      Entre le salarié de M. Bernard Arnault, ouvrier mais « blanc » comme son patron, donc responsable au même titre que lui du crime colonial, et l’homme « indigène » qui bat sa sœur ou sa compagne, Bouteldja a choisi. La condition de dominé du premier ne l’intéresse pas vraiment, puisqu’il est par ailleurs solidairement coupable du pire. Le second doit en revanche être, sinon encouragé, en tout cas « protégé » par ses victimes, que Bouteldja invite à « deviner dans la virilité testostéronée du mâle indigène la part qui résiste à la domination blanche » afin de canaliser sa violence vers d’autres destinataires. Mais, en dernière analyse, priorité « à ma famille, à mon clan, à mon quartier, à ma race, à l’Algérie, à l’islam ».

      Une analyse qui me parait juste.

    • LA CHRONIQUE des éditions La Fabrique (13/09/2016)
      http://www.lafabrique.fr/chronique.php

      Des vieux staliniens du Monde diplomatique aux totos de Montreuil, des bien pensants du Nouvel Observateur aux ex-gauchistes de Libération, tous sont tombés d’accord : le livre d’Houria Bouteldja, Les Blancs, les Juifs et nous, est raciste, identitaire, homophobe, ignorant de l’histoire, balayé par des torrents essentialistes et religieux et – l’adjectif qui tue – antisémite. Il est inutile de faire remarquer que toutes ces critiques sont étayées par des phrases tronquées et sorties de leur contexte, que par bêtise ou mauvaise foi l’ironie du livre est prise au premier degré, que le mot « race » est absurdement pris au sens biologique, bref que toutes ces lectures sont truquées. Inutile parce que la religion de ces gens-là est faite : Houria Bouteldja est intolérable – comme femme, comme militante d’un mouvement qui fait entendre des vérités désagréables, et comme arabe, ce qui est vraiment un comble. On s’étonne que nous ayons publié ce livre, et même on nous en fait reproche, violemment parfois. Nous considérons au contraire qu’il a bien sa place chez nous, dans un catalogue consacré aux voies diverses menant à l’émancipation des opprimés.


  • Les #laboratoires à la manœuvre
    #Alzheimer, maladie politique

    L’augmentation rapide du nombre de diagnostics de la #maladie d’Alzheimer représente un défi inédit pour l’humanité. Misant sur un marché potentiel colossal, l’#industrie_pharmaceutique recherche frénétiquement — et jusqu’ici sans succès — un médicament ou un vaccin miracle. L’intérêt des personnes malades et de leurs proches invite cependant à repenser les politiques publiques et l’approche thérapeutique d’une affection encore bien mal connue.

    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/02/BAQUE/54695

    A leurs investisseurs, les sociétés en conseil de gestion de patrimoine promettent des taux de rentabilité dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (#Ehpad) compris entre 4 et 6 %, avec une fiscalité quasi nulle. « Investir en Ehpad : la solution à fort rendement ! Un marché en plein essor ! », promet ainsi la société P&F Management. « L’Ehpad s’avère un excellent investissement #anticrise », clame un site Internet spécialisé. Les #promoteurs_immobiliers et les grands groupes gestionnaires de ce type d’établissements multiplient les appels à investir dans un domaine où le déficit chronique de places permet de spéculer sans scrupules.

    Sur les 7 400 Ehpad répertoriés en 2014, 45 % étaient publics, 30 % privés non lucratifs et 25 % commerciaux. Ces derniers tendent à accroître leur part de marché. Le chiffre d’affaires d’Orpéa, numéro un des groupes gestionnaires d’établissements, a grimpé à 1,95 milliard d’euros en 2014, soit une progression de 21 % par rapport à 2013, et son bénéfice net a augmenté de 16,6 %. Si, dans les établissements publics, le tarif mensuel du séjour restant à la charge du patient et de sa famille une fois les aides déduites varie entre 1 000 et 1 500 euros, il peut monter jusqu’à 3 000 ou 4 000 euros dans le privé. Ce prix très élevé n’est pas pour autant une garantie de bientraitance, comme le montre le film documentaire Flore (2014), du réalisateur Jean-Albert Lièvre, qui a suivi la dégradation très rapide de sa mère diagnostiquée Alzheimer dans un établissement de luxe de la région parisienne.

    http://www.lesmaisonsderetraite.fr/maisons-de-retraite/repartition-de-l-offre-ehpad-par-region-en-2014-en-france.htm
    http://www.lesmaisonsderetraite.fr
    http://plus.franceculture.fr/j-y-pense-et-puis-j-oublie