Norbert Wiener, Lettre au syndicaliste Walter Reuther, 1949

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  • La lettre de Norbert Wiener aux syndicats ouvriers (automobile) en 1949
    chez @tranbert

    Norbert Wiener, Lettre au syndicaliste Walter Reuther, 1949
    https://sniadecki.wordpress.com/2016/01/08/wiener-reuther-fr

    La mise au point détaillée de la machine permettant d’effectuer une fonction industrielle particulière est un travail très qualifié, mais pas un travail mécanique. Cela s’effectue en « programmant » la machine correctement, tout comme on programme les machines de calcul informatiques actuelles. C’est un appareil extrêmement flexible, adapté à la production à grande échelle, et il ne fait aucun doute qu’il aboutira à des usines sans employés ; comme par exemple à des chaînes de montage automatisées dans l’automobile. S’il se retrouvait entre les mains de l’industrie actuelle, cela ne pourrait que créer un chômage désastreux. Je fais le pari qu’on se trouvera quoi qu’il arrive dans une situation critique dans dix ou vingt ans ; mais si une guerre devait faire du remplacement des ouvriers mobilisés dans l’armée une nécessité immédiate, il est probable que l’on concentrerait les efforts dans cette direction, ce qui conduirait très sûrement dans les deux ans à une situation de chômage de masse dans l’industrie.

    Personnellement, je ne tiens pas à être responsable d’une telle situation. C’est pourquoi j’ai refusé sans condition de répondre à la demande du groupe industriel qui a essayé de me consulter. Cependant, en la matière, il ne suffit manifestement pas d’adopter une attitude purement négative. Même si je ne mets pas moi-même cette information entre les mains des industriels, le procédé est si évident qu’il ne tardera pas à leur être vendu par d’autres.

    #Norbert_Wiener #automatisation #robotisation #usine #syndicalisme #cybernétique #chômage #travail

    • #Merci ! Le texte est limpide, important.

      Tu ne cites pas le plus important ^^

      Je propose la chose suivante. En premier lieu, que vous vous intéressiez assez à la menace imminente du remplacement massif des travailleurs par la machine – qui se substitue, non pas à l’énergie des travailleurs, mais à leur jugement – pour adopter une politique sur la question. En particulier, je pense qu’il ne serait pas idiot de votre part de prendre de vitesse les groupes industriels, tout en vous intéressant à la production de ces machines de façon à ce que ce soit une organisation œuvrant pour la cause des travailleurs qui en tire profit. Il se peut au contraire que vous jugiez bon de supprimer complètement ces idées. Dans tous les cas, je suis prêt à vous soutenir loyalement, et sans exiger ni demander un quelconque retour personnel pour mon implication dans ce qui va devenir selon moi un problème de société. Je vous préviens, cependant, que ma propre passivité en la matière ne produira pas, visiblement, la même passivité chez d’autres détenteurs des mêmes idées, et que ces idées sont très dans l’air du temps.