La déclaration de Manuel Valls du 9 janvier 2016 devant l’Hyper Cacher, (dans un rassemblement sous l’égide du Conseil soi-disant Représentatif des Institutions Juives de France), est particulièrement choquante et constitue ainsi, plutôt qu’un hommage de la France aux victimes, un alignement sur le discours sioniste.
Alors que le gouvernement israélien et le mouvement des colons sont à l’offensive pour développer la colonisation de la Cisjordanie et multiplient les lois discriminatoires contre les Palestiniens d’Israël, alors que depuis trois mois plus de 170 Palestiniens ont été tués et plus de 14.000 blessés par les forces de sécurité israéliennes ou les colons armés, le Premier Ministre choisit ce moment pour renouveler sa défense inconditionnelle d’Israël et pour transformer les militants de défense des droits des Palestiniens en antisémites. Valls veut punir le peuple palestinien pour les crimes de Daesh.
L’Union Juive Française pour la Paix considère que cette attitude provocatrice est une utilisation dangereuse du contexte créé par les attentats terroristes pour s’installer dans une posture politicienne, renouvelée à l’Assemblée nationale dans sa défense d’un État sécuritaire et des guerres portées à l’extérieur. L’antisémitisme comme toutes les formes de racisme est une question trop grave pour faire l’objet ainsi de ce genre de récupération.
La France ne serait pas la France sans les Juifs de France, le Premier Ministre aime à le répéter. Certes. Mais pourquoi ne dit-il jamais qu’elle ne serait pas non plus la France sans ses Italiens, ses Polonais, ses Arméniens, ses Arabes, ses Kabyles, ses Kurdes,... et même sans (la plupart de) ses Catalans ?
L’amalgame entre résistance palestinienne et terrorisme, ça suffit.
Paris, le 12 janvier 2016
Monsieur le Premier Ministre,
Lors de votre discours du samedi 9 janvier commémorant la tuerie antisémite il y a un an dans le supermarché casher de la Porte de Vincennes à Paris, vous avez manifesté une nouvelle fois votre soutien à un régime colonial et d’apartheid, et votre profond mépris pour le sort du peuple palestinien.
Cette tuerie était un acte odieux, qu’aucun argument ne peut excuser.
Mais profiter de cette commémoration pour déverser à nouveau l’amalgame entre antisémitisme, terrorisme et la campagne citoyenne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre l’Etat d’Israël (BDS) est inadmissible, et indigne d’un chef de gouvernement.
L’Etat d’Israël, vous le savez, cherche à mettre fin à l’existence de la Palestine en développant toujours plus sa politique de colonisation et d’apartheid. Il humilie, spolie, provoque, emprisonne, opprime constamment le peuple palestinien, pousse sa jeunesse au désespoir, poursuit une politique largement condamnée par de nombreuses résolutions internationales.
Le peuple Palestinien est quant à lui engagé dans une résistance populaire quotidienne et persévérante pour manifester son droit à la liberté, à la justice et à l’autodétermination.
Dans votre discours, vous assimilez l’ensemble des Juifs de France à des supporters d’un Etat voyou qui dépossède et persécute un peuple. Vous contribuez ainsi à l’antisémitisme alors que vous prétendez le dénoncer.
Votre amour sans bornes pour Israël est en même temps l’expression d’une absence totale d’empathie pour le peuple palestinien. Soutenir les droits légitimes du peuple palestinien nécessite de mettre fin à l’impunité d’Israël et de sanctionner cet Etat jusqu’à ce qu’il cesse de violer constamment le droit international.
Tant que la France ne s’engagera pas ouvertement dans cette voie, elle ne respectera pas ses obligations internationales et sera complice des exactions coloniales et de l’apartheid en Israël-Palestine, injustices qui contribuent largement aux tragédies au Moyen-Orient et font obstacle à la paix dans le monde.