Istanbul : à qui profitera le crime ?

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    Istanbul : à qui profitera le crime ?
    Analyses, Brèves, Chroniques de Daniel Fleury janvier 12, 2016janvier 13, 2016 Daniel Fleury
    Istanbul

    Nous sommes restés silencieux à chaud sur l’attentat d’Istanbul.
    Nous joindre aux médias officiels pour broder sur des informations censurées, à quoi bon ? Dénoncer et déplorer les victimes, tout être humain normalement constitué pouvait également le faire sans nous.
    C’est un crime, tout aussi meurtrier que le sont les crimes quotidiens à l’Est de la Turquie. Et le fait qu’il ait été commis dans les lieux même de « l’imaginaire européen istanbuliote » ne doit pas nous égarer sur des chemins de Charlie pour autant.

    L’attentat d’Istanbul fait suite à celui d’Ankara. Il intervient dans un contexte où le régime Erdogan se trouve empêtré dans son jeu d’alliances à géométrie variable, contraint qu’il est de prendre quelque peu des distances avec son voisinage islamiste.

    Là aussi, la population turque pourrait dire « vos guerres, nos morts », à juste titre.

    Les victimes de cette explosion, les morts et les blessés, ne sont pas de simples victimes au hasard d’un terrorisme aveugle, qui serait « exporté » par Daech. Car la Turquie est réellement en guerre. Et cette guerre, on le sait, elle la mène contre une partie de son Peuple à l’intérieur de ses frontières, contre les Kurdes de Syrie au Rojava, contre le régime syrien, mais via des aides à des groupes islamistes. Et si depuis peu, elle a pris quelque distance avec Daech, du fait des pressions « amicales » de l’Otan et de son rapprochement avec l’Arabie Saoudite, elle reste ensablée dans sa politique syrienne. Son entrée dans la nouvelle coalition islamique, qui correspond à une nouvelle contorsion politique, ne peut également que « fâcher » ses semi alliés d’hier.

    Si la revendication de l’attentat confirme bien la main de Daech, cela risque bien de ne pas être le dernier.
    Pourtant, faire un parallèle immédiat avec le massacre d’Ankara, ou de Suruç, voire Diarbakir, serait une confusion politique, lourde de conséquences.
    Même si une victime reste une victime de trop, même s’il faut dénoncer ce crime, permettre à Erdogan d’en faire une occasion de mettre dans le même sac ce que font ses forces de répression à l’Est, et déclarer plus que jamais une sorte « d’unité nationale contre tous les terrorismes », serait tout aussi criminel.

    Les attentats précédents sont tous « tombés à pic » dans des moments politiques où l’AKP combattait son opposition démocratique, divisait les « forces porteuses de paix », montrait toutes les minorités du doigt, et réprimait militairement l’opposition kurde. Ils ont chaque fois visé ces forces, ces secteurs de l’opposition civile, porteuses d’un désir et de propositions de paix, et dénonciatrices des connivences avec le terrorisme de l’état islamique. Ces mêmes forces qui tentent de se coaliser parce que toutes ayant des intérêts communs à une Turquie plurielle.