• Andrea Dworkin : La nuit et le danger

    https://tradfem.wordpress.com/2015/06/15/andrea-dworkin-la-nuit-et-le-danger

    Les hommes se servent de la nuit pour nous effacer. C’est Casanova, que les hommes tiennent pour une autorité en la matière, qui a écrit que « quand la lampe est éteinte, toutes les femmes sont égales. » L’anéantissement de la personnalité d’une femme, de son individualité, de sa volonté, de son caractère, est une condition préalable à la sexualité masculine, et ainsi la nuit est l’instant sacré pour la célébration sexuelle des hommes, car il fait noir et dans le noir, il est plus facile de ne pas voir : de ne pas voir qui elle est. La sexualité masculine, ivre de son mépris intrinsèque pour toute vie, mais surtout pour la vie des femmes, peut investir la sauvagerie, traquer des victimes au hasard, se servir de l’obscurité pour se dissimuler, et trouver dans l’obscurité un réconfort, une récompense et un sanctuaire.

    La nuit est magique pour les hommes. C’est la nuit qu’ils cherchent des prostituées et des filles faciles. C’est la nuit qu’ils font ce qu’ils appellent l’amour. C’est la nuit qu’ils se saoulent et errent en bandes dans les rues. C’est la nuit qu’ils baisent leurs épouses. C’est la nuit que se déroulent leurs soirées étudiantes. C’est la nuit qu’ils commettent leurs prétendues séductions. C’est la nuit qu’ils s’habillent de draps blancs et brûlent des croix. La tristement célèbre Nuit de Cristal – lorsque les nazis allemands ont incendié, vandalisé et fracassé les vitres de magasins et de maisons juives dans toute l’Allemagne – la Nuit de Cristal, qui tire son nom des éclats de verre qui recouvraient l’Allemagne quand cette nuit s’est terminée – la Nuit de Cristal, quand les nazis ont tabassé ou tué tous les Juifs qu’ils ont pu trouver, tous les Juifs qui ne s’étaient pas suffisamment barricadés – la Nuit de Cristal qui préfigura le massacre à venir – est la nuit par excellence. Les valeurs du jour deviennent les obsessions de la nuit. Tout groupe haï craint la nuit, parce que durant la nuit tous les gens méprisés sont traités comme sont traitées les femmes : comme des proies, prises pour cibles pour être frappées ou assassinées ou violées. Nous craignons la nuit parce que la nuit, les hommes deviennent plus dangereux.

    Traduction française : Tradfem
    Original : The Night and Danger (1979) http://www.nostatusquo.com/ACLU/dworkin/WarZoneChaptIb.html

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