Archives / 17 janvier 2016 17 janvier 2016 | L’instit’humeurs

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  • « Mon maître d’école », surface sépia (L’instit’humeurs)
    http://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2016/01/17/mon-maitre-decole-surface-sepia.html

    Si le film va plaire, c’est qu’il est ra-ssu-rant.

    Tant pis s’il ne rend pas vraiment compte de ce qu’est l’école aujourd’hui en France. Non parce qu’il n’est pas réaliste : il subsiste quelques écoles de campagne, quelques classes, quelques instits comme ceux présentés ici. Mais dans des proportions tellement faibles qu’il s’agit presque d’un inventaire avant disparition. L’immense majorité des enfants et des instits de ce pays connaissent bien autre chose, l’hétérogénéité sociale, familiale, la multiplicité des origines, les classes surchargées, l’omniprésence tatillonne de l’administration, etc. La classe de monsieur Burel est un long fleuve tranquille, à de rares exceptions tout roule, les rares problèmes rencontrés disparaissent aussitôt, pas nécessairement parce qu’ils n’existent plus dans la classe, mais parce que le film passe à autre chose (il y avait pourtant matière à creuser, pour la réalisatrice, on repense à cette scène où monsieur Burel parle avec cet élève qui ne parvient pas à retenir ce qu’il apprend). Comme si l’auteure avait, consciemment ou non, fait l’impasse sur les aspects grisés de ce métier, pour ne se souvenir que des belles choses.

    Tant pis donc si le film ne dit pas grand-chose des difficultés d’enseigner aujourd’hui (ni même hier, d’ailleur). Tant pis et même tant mieux, pense-t-on comprendre : les gens ont besoin de rêver, ont besoin de beau, de joli, de pur, surtout si ça ressemble à ce qu’ils ont connu dans leur enfance. La réalisatrice et le producteur ont beau assurer qu’ils ne voulaient pas faire un film nostalgique, c’est tout de même ce qui ressort du film, qui exsude la nostalgie presque malgré lui : nostalgie des petites écoles de campagne de jadis, nostalgie des fêtes de village d’antan, nostalgie de ces temps où l’instituteur était un notable du village, avec le médecin et le maire, quand il n’était pas maire lui-même (comme monsieur Burel), nostalgie de ces instits à l’ancienne (un homme, comme dans "Etre et avoir", ce n’est sans doute pas anodin), la vocation du hussard noir chevillée au corps, nostalgie des vieilles pierres, des clochers et des monuments aux morts. Il y a ici un peu de la France de Charles Péguy, un peu de celle de Marcel Pagnol (avé l’accent, pour monsieur Burel comme pour monsieur Lopez de "Etre et avoir"), un peu de la France insouciante d’après-guerre, mais peu, ou pas de trace de la France du XXIème siècle, ni même de la fin du XXème.

    Tout ce sépia plaira, à n’en pas douter. Il renvoie à une époque où la France n’avait pas de problème (croit-on se souvenir), à une époque où les instits savaient instruire et éduquer, à une époque sans crise ni crise de l’école, une époque qui valide que « c’était mieux avant ».

    #éducation #cinéma #documentaire #école #nostalgie #école_rurale