• Geoffroy de Lagasnerie : « Le tribunal apparaît comme un des lieux les plus violents de la vie sociale »
    http://www.liberation.fr/debats/2016/01/15/geoffroy-de-lagasnerie-le-tribunal-apparait-comme-un-des-lieux-les-plus-v
    Plein de choses intéressantes dans cet entretien

    Pour penser l’Etat, il faut rompre avec les justifications qu’il donne de ce qu’il fait pour regarder les choses telles qu’elles sont. Le tribunal apparaît, alors, comme l’un des lieux les plus violents de la vie sociale. Lorsqu’un juge parle, il ne faut pas y voir une décision rationnelle. C’est un acte qui fracture le monde, qui exerce une violence sur l’accusé, sur son corps ou ses biens. Je suis toujours frappé par la tendance que nous avons de sous-estimer la violence de l’Etat. Qu’est-ce qu’un tribunal si ce n’est un lieu où l’on voit à quel point nos vies sont aux mains de l’Etat ? L’Etat se donne le droit de disposer de nous. Il peut nous arrêter, nous emprisonner pour de longues années même dans un contexte d’incertitude sur ce que nous avons fait. D’ailleurs, chaque année, 300 personnes sont acquittées aux assises et 25 000 relaxées par les tribunaux correctionnels. Autant d’individus sur lesquels la machinerie judiciaire s’est abattue arbitrairement. La justice n’est pas une institution que nous pouvons regarder de loin. Elle peut nous tomber dessus à tout moment. Nous vivons dans une situation de précarité face à l’Etat. Ce n’est pas la question de la délinquance qui est en jeu sur la scène du tribunal : c’est notre condition de sujet politique.