Pour ma part :
– toujours cet énorme problème qui consiste à réunir dans la même explication les combattants de l’EI, les habitants de Mossoul en Irak qui y seraient sympathiques, puis les Syriens et par je ne sais quelle extension les jeunes occidentaux qui rejoignent ces groupes (certain jihadologue de pacotille t’y mettant aussi la « rue sunnite » du Liban). Du coup le texte commence par critiquer la « naïveté » d’Olivier Roy, alors que celui-ci restreint clairement son éditorial de fin 2015 aux « jeunes Français, à savoir des “deuxième génération” musulmans et des convertis “de souche” », en lui opposant des citations d’habitants de Mossoul.
– absence totale de questions géopolitiques (en général, quand on réclame la prise en compte des magouilles géopolitiques locales, régionales et globales, on se fait soit traiter de complotiste influencé par des complotistes arabes… ou alors on se fait imposer des lectures sur l’islam politique simplistes – se résumant régulièrement à la notion de « sunnites humiliés ») ; on reste au mythe du « mouvement grassroot », comme si aucun État local/régional/global n’avait soutenu, organisé, armé, manipulé ces groupes ou les groupes dont ils sont les héritiers ; (l’article, d’ailleurs, fait la comparaison avec une adhésion quasi-« spontanée » à un nazisme lui-même totalement déconnecté des enjeux politiques locaux, régionaux et internationaux de son époque) ;
– l’aspect « mouvement révolutionnaire », pas faux sans doute, mais dans le même temps on rappelle que l’islam n’est pas l’explication, au motif que les jeunes occidentaux qui y vont n’ont qu’une connaissance très superficielle de l’islam (beaucoup n’ayant pas terminé « le Coran pour les nuls »). Du coup, pourquoi l’argument de l’adhésion à un projet révolutionnaire serait plus pertinente que l’autre, notamment avec cette façon de mettre dans le même sac les sunnites irakiens, les radicaux syriens et les jeunes occidentaux (dont une grosse partie de convertis et certains qui ont fait l’université) ? L’article fait des comparaisons historiques avec des mouvements politiques qui avaient soit une très lourde théorie à connaître (le texte prétendant d’ailleurs que les révolutions européennes, à partir d’un certain moment, n’étaient plus menées que par des jeunes intellectuels), soit l’immersion longue dans un environnement social et discursif explicatif… pour arriver à des jeunes pas foutus de connaître l’islam dont ils se revendiquent pourtant, qui vont imposer leur fantasme à la population d’un pays étranger, beaucoup n’étant pas baignés dans un environnement social et discursif en rapport avec la cause.
– pas de mentions des processus de légitimation et de soutien dans nos propres sociétés, au sommet de nos propres États et par les puissances locales/régionales/globales, de cette « révolution ». Et cela aussi bien chez les « blogueurs influents » du réseau, chez les universitaires dont la narrative a dominé lourdement notre couverture des révolutions arabes, et chez nos gouvernants totalement alignés sur ces grandes démocraties exportatrices de pétrole et de wahhabisme ainsi que sur les intérêts et lubies israéliennes.