• Un accord formel a été atteint à Munich entre les pays de l’ISSG (International Syrian Support Group) comprenant tous les acteurs extérieurs du conflit syrien : Saoudiens, Turquie, UK, USA, Qatar, France, Russie, Iran… Il appelle à une cessation des hostilités (mais pas un cessez-le-feu) et à organiser l’accès humanitaire à TOUTES les villes assiégées. Cela semble un bon pas an avant dans toute la partie ouest de la Syrie, mais il y a, selon moi, encore loin de la coupe aux lèvres.
    http://www.theguardian.com/world/2016/feb/12/syria-cessation-of-hostilities-full-text-of-the-support-groups-communiq

    Major powers agreed on Friday to implement a cessation of hostilities in Syria and to expand delivery of humanitarian aid to people caught up in the conflict.

    Cette aide humanitaire commencera par des largages aériens :

    In order to accelerate the urgent delivery of humanitarian aid, sustained delivery of assistance shall begin this week by air to Deir Ez Zour and simultaneously to Fouah, Kafrayah, the besieged areas of rural Damascus, Madaya, Mouadhimiyeh, and Kafr Batna by land, and continue as long as humanitarian needs persist.

    Mais pourquoi aériens ? C’est-à-dire qu’au sol, certains de l’ « opposition » ne sont pas trop d’accord : http://seenthis.net/messages/459779

    Deuxième problème pour le camp Saoud/Turquie, cet accord de cessation d’hostilités ne vaut évidemment ni pour Da’ich, ni pour al-Nusra, qui restent donc des cibles légitimes pour les bombardiers russes. Le texte de l’accord rappelle d’ailleurs les résolutions du CS de l’ONU ( qui excluaient déjà ces deux groupes et « toutes les entités associées à al-Qaïda » du bénéfice de tout accord de cessez-le-feu) :

    The ISSG members agreed that a nationwide cessation of hostilities must be urgently implemented, and should apply to any party currently engaged in military or paramilitary hostilities against any other parties other than Daesh, Jabhat al-Nusra, or other groups designated as terrorist organisations by the United Nations Security Council. […]The ISSG decided that all members will undertake their best efforts, in good faith, to sustain the cessation of hostilities and delivery of humanitarian assistance, and take measures to stop any activities prohibited by United Nations Security Council Resolutions 2170, 2178, 2199, 2249, 2253, and 2254.

    Du coup c’est toute la coalition de l’opposition dans la province d’Idlib et au nord d’Alep, qui comprend al-Nusra, qui est menacée d’implosion, voire de guerre interne, selon une logique qui a déjà été évoque ici : http://seenthis.net/messages/455545 ( et auparavant ici : http://seenthis.net/messages/433418)
    D’ailleurs on commence à avoir une idée du risque qui pèse sur l’autre composante principale, avec al-Nusra, de cette coalition, le groupe salafiste Ahrar al-Cham. Un des activistes de ce groupe, interrogé par le Guardian, déclare que son groupe rejettera cet accord si al-Nusra n’est pas reconnu et ne peut pas s’assoir à la table des négociations. L’idée qu’une telle revendication, asseoir al-Qaïda à la table d’un accord international soutenu à l’ONU, puisse avoir une quelconque chance d’être acceptée, donne une idée du degré de désespoir au sein d’Ahrar al-Cham :
    http://www.theguardian.com/world/live/2016/feb/12/syria-ceasefire-agreed-munich-peace-talks-live?page=with:block-56bda758

    An activist close to the Ahrar al-Sham rebel group said the agreement amounted to giving Russia time and international cover to continue bombing the opposition fighting the Assad regime, writes Kareem Shaheen.
    He warned that Ahrar al-Sham could reject the deal it allows Russia to continue bombing the al-Nusra Front, which operates throughout much of rebel-held territory in the country.
    “I don’t expect Ahrar to accept it, because the agreement is completely illogical,” he said. “It is a waste of time because as long as Nusra is excluded from the agreement it means fighting will not stop in any area.” […]
    “Not only in Aleppo but in most liberated areas there is Nusra, and consequently this agreement cannot be implemented,” the activist said.

    Voila pour la partie ouest (la plus importante) et sud. Mais cet accord, s’il est respecté et suivi d’actes, laisse pendante la question des territoires de l’est tenus par Da’ich. Très probablement le camp Saoud/Qatar va tout essayer pour se maintenir dans l’équation syrienne et donc tenter la solution B qui consiste à prendre le contrôle de tout ou partie de l’est – et cette fois-ci les USA pourraient bien se laisser tenter : http://seenthis.net/messages/457855#message458439 .
    La course vers Raqqa, comme il y a 70 ans celle vers Berlin, pourrait bien avoir d’ores et déjà commencée : http://www.moonofalabama.org/2016/02/the-race-to-raqqa-is-on-to-keep-its-unity-syria-must-win-.html

    • Avec toutefois un bémol : pour atteindre Rakka, pour les Saoudiens il faut passer par l’Irak, la Jordanie ou la Turquie avant d’arriver « sur site » comme ils disent à la radio. Aucun de ces chemins ne me paraît très facile à emprunter. Quant à la voie des airs, il faudra l’accord des Russes...

    • @gonzo : Bien vu ! Je n’y avais simplement pas réfléchi en lisant MoA ! :(

      Hypothèse : puisqu’il faut du temps, il va falloir flinguer cet accord de Munich pour empêcher que l’armée syrienne puisse mobiliser des forces à l’est - quitte à perdre un peu plus de terrain au nord-ouest, et éviter la guerre interne au sein de Jaysh al-Fatah. Campagne de relations publiques contre les frappes russes à prévoir pour masquer les responsables de l’enterrement et accuser Moscou.

      En tout cas, Ryad Hijab laisse clairement entendre que l’opposition de sa majesté Salman pourrait refuser l’accord :
      http://www.bloomberg.com/news/articles/2016-02-12/syria-cease-fire-seen-in-a-week-as-talks-lead-to-aid-agreement

      Initial reactions to the deal from within Syria were skeptical. Opposition leader Riad Hijab said on his Twitter account that implementing the cease fire depends on the agreement of the rebels on the southern and northern fronts.