A Calais, la loi de l’école pour oublier celle de la « Jungle »

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  • La jungle et la ville | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/150216/la-jungle-et-la-ville

    À l’attention de Mme la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio

    L’argument officiel est qu’il faut diminuer la population du camp en la restreignant à la population logeable dans les conteneurs. Pour cela, on détruit les installations construites par les migrants pour se loger, mais aussi les installations qu’ils ont édifiées pour que leur existence ne soit pas une pure survie animale dans des conditions désastreuses : lieux de culte, lieux de réunion, bibliothèque, école, infirmerie, centres d’informations et d’entraide, etc. Autant de lieux de convivialité qui rendent la vie dans le camp supportable ; ou tout simplement humaine. En détruisant tout ce qui rend la vie humaine on la rend inhumaine ; et donc détestable. En rendant la vie détestable dans le camp on la rend détestable dans la ville. C’est à quoi s’emploient uniquement les pouvoirs publics depuis des années.

    Or,

    1. On va détruire une école, une infirmerie, une bibliothèque : est-ce ainsi qu’on résout un « problème » ?

    Les migrants, avec l’aide d’associations d’entraides et l’appui d’institutions républicaines traditionnelles importantes (La ligue de l’enseignement, la FOL, le soutien de l’inspection académique, etc…), ont édifié des bâtiments en bois pour accueillir une école pour enfant, une école pour adulte avec un service wifi et des ordinateurs, une infirmerie avec un service de gynécologie. Ce centre, nommé « La nouvelle école laïque du chemin de dunes » a été inauguré samedi 6 février 2016 en présence d’un nombre considérable d’enfants et de parents migrants mais aussi de militants, d’associatifs, de voisins… Résultats d’un effort gigantesque de la part de migrants – à commencer par Zimako, demandeur d’asile nigérian en France –, d’un dévouement impressionnant de bénévoles – dont au premier chef Virginie, Nathalie, Olivier … – , d’investissements considérables également de la part des citoyens du Calaisis, ces baraques en bois saines et viables, vont permettre de déployer les éléments d’une socialisation commune entre migrants de nationalités différentes, enfants et adultes confondus. Tout comme ils donnent la possibilité aux personnes extérieures au camp, venant non simplement de Calais ou de France mais d’un peu partout en Europe et dans le monde, de passer du temps avec les habitants de ce que l’on continue de nommer « la Jungle » mais qui, à partir de tels espaces de partages égalitaires, doit être nommé, comme le suggérait Zimako : un forum. Forum, espace commun, espace d’égalité et espace où le soin est accordé non seulement aux enjeux de survie qui sont des plus alarmants dans le camp (une infirmerie a été aménagée en ce sens dans le périmètre de l’école, tout comme des sanitaires un peu moins dégradés...) mais à ceux, tout simplement, du droit à la vie digne. À la vie d’hommes et de femmes qui, ici, témoignent de la réalité catastrophique d’un monde en train de se faire...sans nous.

    C’est cette structure où l’on apprend, précisément, à faire ensemble, à penser et à agir ensemble qui, à peine inaugurée, va être détruite puisqu’elle se situe dans la zone sud du camp. Quel argument pourrait, véritablement, justifier cette destruction ? Au nom de quoi décide-t-on de raser et d’évacuer ce qui tient lieu, en réalité, non plus d’une « zone du camp » mais de ce que nous devons défendre comme un espace public et une formidable expérience citoyenne. Au sens fort du terme.

    Nous ne comprenons pas que le gouvernement et la préfète ne soient pas conscients de ce qui se joue dans une telle décision et des méfaits à longs termes que cela provoque sur le destin de toutes ces personnes, de tous ces enfants.

    #Calais #jungle #bidonville #camp #réfugiés #destruction #administration_des_camps