Laboratoire Urbanisme Insurrectionnel : Lucia KATZ

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  • Laboratoire Urbanisme Insurrectionnel : Lucia KATZ | Les asiles de nuit 1871-1914
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    ateliers et manufactures modernes qui employaient, sans garantie, une masse croissante de travailleurs déqualifiés –, la désorganisation des modes traditionnels d’entraide et de solidarité, la succession de crises économiques marquées par un phénomène de chômage structurel, la croissance urbaine et ses dysfonctionnements, tout ceci contribua à multiplier les bataillons de pauvres, d’exclus, de sans-travail, de sans-abri. Où passer la nuit dans le Paris de la fin du xixe siècle ? Où trouver un toit, un peu de chaleur, un lit, surtout quand menaçaient les rigueurs de l’hiver ? C’est à ces questions que s’est attaquée Lucia Katz. Son livre, qui reprend les conclusions d’une recherche de plus grande ampleur, s’est efforcé de reconstituer la genèse des premiers asiles de nuit dans le Paris de la IIIe République. Il s’agissait d’abord de comprendre les motivations de ce groupe de philanthropes catholiques qui, à Marseille puis à Paris, décident d’offrir aux plus démunis un hébergement temporaire d’urgence, trois nuits. Charité ? compassion ? altruisme ? prosélytisme religieux ? désir d’ordre et de moralisation ? Sans doute tout cela en même temps, mais l’initiative contribua néanmoins à l’émergence d’une catégorie inédite d’assisté, le « sans-abri », que nul n’aura songé à définir de la sorte aux époques précédentes. Ce statut doit sans conteste aux nouvelles conditions de travail que l’évolution des structures d’entreprises et les lois du marché diffusent alors. Mais des raisons sociales et culturelles l’expliquent aussi. Il doit ainsi à la notion nouvelle de « vie privée » (privacy) et à l’idéal du « home », venus d’Angleterre, mais qui se répandent rapidement en France, surtout parmi les « couches nouvelles » bénéficiant des progrès sociaux engendrés par certains emplois industriels, tertiaires, et par l’ouverture progressive de la consommation. Oui, mais les autres ? Jamais on n’a tant criminalisé les vagabonds, les errants, les chemineaux, « l’homme en guenille, porteur d’une besace et d’un gourdin ». C’était là une « plaie sociale », une forme évidente d’« inadaptation », dont la simple présence, pourtant résiduelle, dérangeait et troublait la société moderne et ses valeurs courantes.