• Je n’écris pas, je ne parviens pas à écrire, quand cela me chante, quand je le voudrais. J’imagine qu’il faut que je sois traversé par je ne sais quoi d’ailleurs, et je me demande même si je ne préfère pas ne pas savoir. Quant à être traversé, c’est sans doute beaucoup dire.

    Mais je remarque une chose. J’écris sur toutes sortes de tables. Et il y a des bonnes et des mauvaises tables, des tables sur lesquelles j’écris bien, enfin bien, bien pour moi, et d’autres sur lesquelles je suis sec comme tout.

    Par exemple, la table du garage, je n’y écris généralement rien de bon. Quelles que soient les circonstances.

    La table de mon travail, de mon bureau, de l’ open space , de laquelle je devrais normalement y faire tout à fait autre chose, des choses d’ingénieur informaticien, de maîtrise d’ouvrage, et bien je n’y fais rien de bon dans le domaine de la maîtrise d’ouvrage, en revanche, je me demande si ce n’est pas la table de laquelle j’ai le plus écrit. Des romans entiers en fait. Nombre de fois d’ailleurs, mes collègues d’ open space constatant le caractère frénétique de ma frappe, m’ont demandé, en riant, si j’écrivais un roman, ou ont dit quelque chose comme, ma parole tu écris un roman. Raffut, le Jour des innocents, J.,Je ne me souviens plus, et Élever des chèvres en Ardèche (et autres logiques de tableur) ont été écrits presque entièrement sur cette table-là. Et il semble même que ce soit la destinée de Qui ça ? Et d’une bonne partie des différents écrits que je dois produire pour la Petite fille qui sautait sur les genoux de Céline . Encore que le premier jet de ce projet, je l’ai écrit sur ma table préférée.

    Ma table préféré pour écrire, c’est celle de ma chambre dans les Cévennes. Mais seulement le matin. L’après-midi cette table ne donne rien de bon et le soir non plus d’ailleurs. Cette table le matin est placée devant la fenêtre de ma chambre. De cette fenêtre j’embrasse toute la vallée de la Cèze et le versant oriental du Mont-Lozère. C’est de cette même table que j’ai écrit, pendant l’été 1989 mon mémoire de fin d’études aux Arts Déco à propos de Robert Frank. Il y avait dans la chambre un immense désordre de livres restés ouverts, des livres d’images, à certaines doubles pages, d’autres livres, des petits livres, essentiellement de théorie, en cavalier à même le sol, et sur la table, le tas de feuillets sur lesquels j’écrivais, à la main, ce mémoire, je m’étais donné un mois pour l’écrire, avant de repartir à Chicago fin août. A l’époque, je ne doutais de rien. De pas grand-chose en tout cas. Et je ne me serais jamais posé la question de la table sur laquelle j’écrivais.

    Il y a une table sur laquelle j’ai toujours très bien écrit, au point d’ailleurs d’y avoir eu recours consciemment au moins une fois, c’est la table dans l’atelier d’Isa (http://www.isabordat.net), à Autun, il suffit que j’y pose mon ordinateur de genoux et c’est parti, c’est sur cette table que j’ai fini d’écrire Portmsouth qui restait bloqué comme tout, et surtout c’est sur cette table, la table d’Isa que j’ai écrit le Déluge de Paques en quelques jours seulement.

    Depuis l’été dernier je dispose désormais d’une table dans ma chambre, laquelle s’est montrée être une très bonne table depuis, j’y ai écrit le deuxième moitié de Raffut , resté en suspens depuis plus d’un an, en l’espace de deux ou trois semaines, j’ai enchaîné avec Arthrose (spaghetti) , et c’est en alternance avec la table de mon bureau que j’ai écrit J. , et Je ne me souviens plus.

    C’est d’ailleurs dans cette alternance entre les deux tables, celle de l’ open space et celle de ma chambre que j’ai si bien écrit pendant tout l’automne, l’hiver et le printemps. C’est amusant d’ailleurs parce que j’ai entamé ce cycle d’écriture le 24 août 2015, c’était un dimanche soir, je venais de terminer l’installation de ma chambre, monter mon nouveau lit, entièrement réaménagé ma chambre, ses gères de livres, au point qu’il y avait assez de place pour y installer cette table, sur laquelle j’ai installé un sous-verre, comme j’aime à faire, et sous lequel j’ai fait une manière de pêle-mêle d’images comme j’aime à faire aussi, dans ce pêle-mêle se trouvent une lithographie de l’annonciation par L.L de Mars — remarquable représentation de l’envol de l’ange après l’annonce faite à Marie, laquelle se tient le ventre déjà rond, c’est comme si dans cet envol qui ressemble à une fuite par la fenêtre d’un amant, était contenu tout entier le mystère de l’immaculée conception enfin révélé — une sérigraphie de Doug Huston — au bas mot douze passages de couleurs parfaitement repérés — une photographie, une parmi des milliers de la pièce Inventory de Natalie Bookchin, une photographie de Karen Savage, un tract de Formes d’une guerre , une lithographie sur papier kraft d’un étudiant portoricain avec lequel je m’entendais à merveille à Chicago, Alejandro, mais je n’ai plus aucun souvenir de son nom de famille, un polaroid agrandi par mes soins de Jennifer Pilch, l’affichette annonçant la lecture débat avec @mona à la librairie Mille pages à Vincennes, un tirage numérique de Barbara Crane, un petit collage photographique de Hanno me représentant à la Garde de dieu, l’été 1989, un tirage par contact d’un négatif 20X25, photographie représentant un cercueil, photographie d’un étudiant dont j’ai oublié du tout au tout, et je ne connais personne qui pourrait le connaître — son sujet de prédilection, les entreprises funéraires l’a toujours un peu situé à la marge, il faisait grand cas de Nicholas Nixon, c’est bien tout ce dont je me souviens de lui — des billets de un dollar sur lesquels John Pearson avait imprimé des cyanotypes, une ancienne publicité pour les pneus de marque Dunlop , je ne sais pas pourquoi les couleurs de cette réclame font resurgir en moi des souvenirs des années septante, un petit dessin de L.L. de Mars, une photographie de Mouli et moi dans notre appartement au 943 North Wolcott, une de mes photographies de la Très Petite Bibliothèque et une autre de la série 22042003.txt et la photographie de Carlos Fadon Vicente dont j’ai déjà parlé et c’est donc à même ce pêle-mêle que je me suis photographié à l’intervallomètre en train d’écrire la deuxième partie de Raffut, indocte alors que ce serait sur ce sous verre que j’allais être tellement productif pour les prochaines semaines, et cela tout l’automne, tout l’hiver et tout le printemps.

    Mais je n’aurais jamais aussi bien écrit sur cette table seule, si l’écriture n’avait pas été entrecoupée par des moments d’écriture sur mon bureau d’ open space , c’est-à-dire, dans le pire contexte d’écriture que ce soit, un contexte dans lequel je risquais à tout moment d’être dérangé, voire surpris, en danger presque.

    Cela fait des années que je ne m’étonne plus qu’un certain inconfort est nécessaire à ma pratique de l’écriture, et qu’au contraire le confort, celui d’une belle table bien dégagée de tout désordre, la possibilité d’écouter de la musique dans de bonnes conditions, voire me verser un petit verre d’un excellent alcool , ou mieux encore celui du garage, avec tous les outils à portée de main, ce confort ne me vaut rien de bon, la preuve c’est dans les allers-retours en train entre Paris et Clermont-Ferrand que j’ai écrit la quasi intégralité du Bloc-notes du Désordre et pas seulement la rubrique, à quoi tu penses ?

    Et c’est ainsi qu’un lundi matin, au bureau, dans l’ open space , risquant d’être dérangé à tout moment, que j’ai eu l’idée de ce petit texte à propos des tables sur lesquelles j’écris, texte que je suis obligé d’interrompre parce que ma cheffe vient de rentrer dans l’ open space .

    Et si un jour je parviens à l’âge de la retraite, que je vive dans les Cévennes, il faudra sans doute que j’accentue la bancalité de la table de ma chambre pour la rendre productive.

    Exercice #6 de Henry Carroll : prendre une image politique de la nature.

    De la nature, je ne sais pas trop. Politique, oui, surement. Ne serait-ce que la légende de cette image : Ancien camp de Birkenau, Oświęcim, juin 2007.

    Ce sous-bois est celui dans lequel les victimes promises à l’asphyxie devaient se déshabiller, avant d’entrer, à leur tour, dans les chambres à gaz des crématoires 5 et 6 du fond du camp. La flèche, contemporaine, indique la prochaine station d’intérêt dans la visite du camp, c’est-à-dire, l’emplacement de ces deux crématoires.

    Il y a quelque chose de très déconcertant dans la visite que l’on peut faire aujourd’hui de ces camps. On peut voir, par exemple, des touristes en tenus de tourisme, c’est-à-dire, en été, short, chaussettes blanches, chaussures de sport et t-shirt aux différentes effigies, faire la queue, pour entrer dans la dernière chambre gaz, que les Nazis n’ont pas eu le temps de détruire dans l’ancien camp d’Auschwitz, les mêmes défiler devant des vitrines de la partie muséale du camp qui contiennent d’anciens boîtes de conserves de granulés de Zyklon B, et les mêmes également, se prenant en photo sous le portail qui indique Arbeit macht frei , à ma dernière visite, en juin 2007, les perches à selfie n’existaient pas encore.

    #qui_ca

  • « Tourisme noir » : un photographe lève le voile…
    http://voyage.tv5monde.com/fr/tourisme-noir-un-photographe-leve-le-voile

    Le photographe Ambroise Thézenas publie chez Actes Sud le recueil photographique « Tourisme de la désolation ». Durant 5 ans, il s’est inscrit aux visites de tour-opérateurs proposant à leurs clients des lieux de mémoire tels qu’Auschwitz, mais également des circuits plus douteux du style « Rwanda : gorilles & génocides ». Entretien autour de l’attraction morbide exercée par l’obscur sur l’humain ; depuis toujours. Et le business que commencent à en faire certains voyagistes… depuis peu. Source : TV5 Monde

  • Séjour minceur à Auschwitz : la pub qui choque - lesoir.be

    Dans la course au buzz, les publicitaires peuvent aller trop loin. Un club de gym de Dubaï, The Circuit Factory, a lancé toute une campagne provoc. On y voit notamment deux femmes en burqa, identiques, avec comme légende « avant »/« après ». Le pas trop loin a été franchi avec l’exploitation de la photo de l’entrée du camp d’Auschwitz, sous-titrée « Kiss your calories goodbye » (dites au revoir à vos calories). Une autre photo montre des Juifs entassés dans une cellule, dont l’un est debout, les côtes saillantes, avec comme slogan « Fat free for summer » (« L’été sans graisse »).


    Les réactions outrées ne se sont pas fait attendre. Sur Twitter notamment. Le 3 janvier, Alison Lehr relayait l’info avec comme tweet « apparemment, The circuit factory a perdu la tête en essayant de perdre du poids ». Le club de gym a présenté ses excuses sur Twitter (« Apologizes for the insane poster campaign that was put up this morning ») et retiré la photo. Ce 9 janvier, il annonçait avoir fait une donation de 1061 dollars au Mémorial de l’Holocauste.

    http://www.lesoir.be/lifestyle/air_du_temps/2012-01-09/sejour-minceur-a-auschwitz-la-pub-qui-choque-889019.php