• Violences policières contre des lycéens : « Sans les vidéos, je les aurais crus à moitié »
    http://rue89.nouvelobs.com/2016/03/30/violences-policieres-contre-lyceens-sans-les-videos-les-aurais-crus

    « On a mis un moment à comprendre l’ampleur de ce qui s’était passé », relate Gwénaël Cau, élue FCPE au conseil d’administration du lycée Bergson. Quand ils ont reçu les SMS de leurs enfants, ils ont d’abord pensé que c’était la première fois que ceux-ci voyaient la police en action pendant une manif. « On a eu du mal à le croire. »

    Ce qu’ils décrivaient semblait exagéré.

    « Personnellement, s’il n’y avait pas eu les vidéos, je les aurais crus à moitié. »

    Depuis, la FCPE a recueilli plusieurs témoignages et d’autres vidéos. Gwénaël Cau :

    « Beaucoup nous disent “on ne pourrait pas en parler à nos propres parents”. Ils ne comprendraient pas : si leur enfant a pris un coup de matraque, c’est qu’il a sûrement fait une bêtise. »

    Les vidéos ont en tout cas appuyé les témoignages des lycéens. Comme dans d’autres cas de violences policières, elles ont aussi permis de déclencher rapidement l’ouverture d’une enquête.

  • Gilles Kepel « L’émergence du salafisme est un signe des failles de notre société » | L’Humanité
    http://www.humanite.fr/gilles-kepel-lemergence-du-salafisme-est-un-signe-des-failles-de-notre-soci

    Dans l’entretien paru le 29 septembre 2014 dans le Monde, Olivier Roy note : « Il faut d’autant moins internationaliser le conflit que Daech a avant tout une stratégie locale, qu’il tente d’étendre à tout le Moyen-Orient, mais son objectif n’est ni New York ni Paris. » Alors que la messe est dite, les élucubrations coupées de la réalité continuent à circuler. Les idées d’Olivier Roy s’apparentent à des sophismes modernes, raison pour laquelle elles rencontrent du succès. Il justifie la paresse intellectuelle largement répandue sur cette question complexe. Tout le monde a l’impression de comprendre sans y avoir travaillé. Or, personne ne se rend en Syrie uniquement par le biais d’Internet. Cela passe par un réseau de pairs, par la progression du salafisme comme modèle de rupture en valeurs et culturelle. La porosité entre salafisme et djihadisme demeure grande, même si les salafistes affirment ne pas être violents. Culturellement, les djihadistes sont des salafistes. Parmi ces derniers, certains passent au combat armé, certains autres attendent les instructions de l’Arabie saoudite. Celle-ci pratiquait les accommodements avec ceux qui achetaient son pétrole, alors à 120 dollars le baril. À 27 dollars, il est possible qu’un certain nombre de cheikhs basculent dans la sympathie à l’égard de Daech et, ainsi, se débarrassent du régime saoudien. La réfutation des idées fausses, des sophismes et autres prénotions au sens de Durkheim, d’Olivier Roy et consorts est fondamentale. C’est un débat universitaire, un débat intellectuel, un débat éthique.
    ...
    Le processus de porosité entre les discours islamistes et gauchistes est exprimé en 1994 par The Prophet and the Proletariat, de Chris Harman, leader d’un mouvement trotskiste britannique, qui estime possible de pactiser avec l’islamisme dans certaines circonstances. Il trouvera sa prolongation en France avec l’engagement du Monde diplomatique et d’Alain Gresh, alors rédacteur en chef du mensuel, aux côtés de Tariq Ramadan au sein du Forum social européen (FSE) en 2003. Ramadan jouera un grand rôle dans ce rapprochement. Alors que la gauche traditionnelle n’arrivait plus à recruter la jeunesse, Ramadan participe aux divers rassemblements accompagné de ses adeptes de l’Union des jeunes musulmans, comprenant que cette alliance islamo-gauchiste était l’occasion espérée de pénétrer le système politique. Dans cette perspective, les croyances de ces nouveaux alliés ne sont pas susceptibles d’être critiquées, sous peine de rompre les liens instaurés à grand-peine entre l’ex-avant-garde marxiste, dont les soutiens populaires propres ont disparu, et les masses paupérisées des banlieues, désormais inéluctablement islamisées à leurs yeux. Le débat sur Charlie Hebdo pousse la rupture sur les valeurs au paroxysme. Ce journal satirique considère que la critique de la religion islamique est du même ordre que celle de la religion juive ou chrétienne. Alors qu’à l’autre bout du spectre, à l’image d’Emmanuel Todd, on estime que critiquer l’islam revient à cracher sur la religion des pauvres, des prolétaires. Or, il y a un hic dans ce raisonnement : une partie des islamistes n’a pas hésité à défiler lors des « manifs pour tous » avec des conservateurs et des réactionnaires.

    Dans le raisonnement de G. Kepel, je ne vois guère de place d’une part pour les alliances contre-nature (politique), manipulations et menées occidentales au Moyen Orient ; ni sur le travail de sape que notre modèle de développement socio-économique exerce contre la cohésion sociale et la solidarité.

  • 130 médecins demandent l’assouplissement des lois encadrant la reproduction assistée
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/17/un-manifeste-transgressif-pour-accompagner-le-desir-d-enfant_4884877_3232.ht

    Emmenés par le gynécologue René Frydman, plus de 130 médecins et biologistes de la reproduction reconnaissent avoir « aidé [et] accompagné des couples et des femmes célibataires dans leur projet d’enfant dont la réalisation n’était pas possible en France ». Par cet aveu, ils s’exposent en théorie à des poursuites judiciaires. Mais cet « outing » collectif s’est imposé à eux afin de placer la France devant ses responsabilités et ses « incohérences ». Trop de blocages, expliquent-ils, empêchent l’aboutissement d’un désir d’enfant qui gagne des couples différents et des femmes plus âgées que par le passé.

    #PMA

  • « Si un employeur sait à l’avance ce que va lui coûter un #licenciement abusif, rien ne l’empêchera d’y avoir recours »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/09/l-activite-economique-et-son-anticipation-par-les-entreprises-sont-bien-le-m

    Le gouvernement aurait mieux fait d’entreprendre résolument une transition énergétique et écologique pour créer des emplois utiles et de reprendre une réduction du temps de travail pour contribuer à réduire le chômage et le dualisme des emplois sûrs et des emplois précaires.

  • Réforme du droit du travail : « Non à la double peine pour les femmes »

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/08/projet-el-khomri-non-a-la-double-peine-pour-les-femmes_4878628_3232.html

    Le projet de loi repose sur l’inversion de la hiérarchie des normes et fait systématiquement primer les accords d’entreprise sur les accords de branche ou la loi. Ce principe est fondamentalement nuisible à la lutte pour l’égalité professionnelle, qui n’a avancé qu’imposée par la loi et sous la pression des luttes féministes. Ajoutons que les femmes sont plus nombreuses dans les TPE/PME, où il y a moins d’implantation syndicale, et donc moins de possibilité de négocier et de se mobiliser.

    #Myriam_El_Khomri

  • « Le projet de loi El Khomri représente une avancée pour les plus fragiles »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/04/projet-de-loi-el-khomri-une-avancee-pour-les-plus-fragiles_4876380_3232.html

    Nos chers collègues toulousains Landier et #Tirole font un peut de pédagogie pour expliquer aux sans-dent la vraie nature de la #loi_travail

    Un chômeur sur quatre a moins de 25 ans, un sur trois n’a aucun diplôme et 80 % n’ont pas dépassé le bac. Ces publics sont les grands perdants d’un marché du travail qui exclut les plus fragiles ou les relègue dans des emplois précaires, tant les entreprises craignent d’embaucher en CDI.

    Ces inégalités sont insupportables. En réduisant l’incertitude qui entoure le CDI, le projet de #loi_El_Khomri est de nature à changer la donne : c’est avant tout à ces publics défavorisés qu’elle va donner accès à un emploi durable.

    C’est en #paywall, mais plus loin dans le texte, on trouve les classiques :

    Par crainte d’embaucher en CDI, les entreprises ont massivement recours au CDD

    (note : dans l’université de Tirole et Landier aussi, on a massivement recours au CDD)

    puis la solution :

    En réduisant fortement l’incertitude attachée à la rupture des contrats de travail, il incite les entreprises à revenir vers des embauches en CDI. C’est un moyen de lutter efficacement contre les inégalités et la précarité

    Merci à nos intellectuels (tribune signée par 31 prestigieux économistes) pour ce louable effort de pédagogie.

    À noter sur la même page du Monde, un texte de #cedric_durand et #razmig_keucheyan : http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/04/le-projet-el-khomri-ne-ferait-qu-aggraver-la-crise-economique_4876730_3232.h

  • « Pour que l’Europe soit sauvée, il faut lever le tabou sur les nations »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/02/pour-que-l-europe-soit-sauvee-il-faut-lever-le-tabou-sur-les-nations_4875287

    L’Europe organisée est condamnée à disparaître, aussi longtemps que le gouvernement allemand, se réclamant du droit européen, peut faire prescrire par Bruxelles à des pays comme la Pologne ou le Danemark une restructuration de leur population par l’ouverture de leurs frontières à des contingents de migrants, contingents calculés en pourcentage d’un chiffre total qui ne cesse de gonfler – simplement pour que l’Allemagne et l’économie allemande puissent ériger leur problème démographique autogénéré en problème européen, et ainsi légitimer sur le plan intérieur la restructuration de leur propre population par une immigration illimitée.
    [...]
    La renégociation du rapport entre l’UE et la Grande-Bretagne, qui serait à l’ordre du jour après un éventuel Brexit, en offrirait une nouvelle occasion, peut-être la dernière. La pression autoritaire exercée par la Cour de justice de l’UE pour imposer la libéralisation devrait notamment être contrée par un renforcement des Parlements nationaux, et la BCE, désormais cantonnée dans ses tâches fondamentales, devrait renoncer, tout comme la Commission, à vouloir prescrire aux Pays membres leur politique budgétaire, par exemple.

    Si cela n’allait pas, il faudrait envisager rien de moins qu’un rétablissement partiel et coordonné de la souveraineté monétaire dans les pays européens qui subissent l’euro. En comparaison, la querelle sur les réfugiés ne serait plus qu’une bagatelle.

  • Droit du travail : l’ex-conseiller de Myriam El Khomri explique pourquoi il claque la porte
    Le Monde | 01.03.2016 à 15h56 • Mis à jour le 01.03.2016 à 18h05
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/01/droit-du-travail-lex-conseiller-de-myriam-el-Khomri-explique-pourquoi-il-cla

    Pierre Jacquemain est ancien conseiller stratégie de la ministre du travail Myriam El Khomri et son ancien conseiller au secrétariat d’Etat à la politique de la ville (2014-2015). Il devait notamment se charger de la réforme du code du travail.

    Cependant, face à ce qu’il a considéré comme une trop forte ingérence de Matignon dans la conduite du projet de loi, il s’est opposé aux orientations du premier ministre et de Myriam El Khomri et a finalement quitté sa fonction. (...)

  • « S’enfermer dans l’idée d’un choc des cultures », c’est la vraie défaite du débat
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/01/le-choc-des-cultures-c-est-la-vraie-defaite-du-debat_4874504_3232.html?xtmc=

    Résumons les trois termes d’une polémique en cours : les islamistes défendent l’idée que leur culture (religion) est spécifique, et doit être défendue et même imposée au reste de la société. Kamel Daoud défend la même idée que cette culture (religion) est spécifique, mais qu’elle doit être réformée et même combattue.

    Nous (chercheurs en sciences sociales, ayant signé un texte critique d’une tribune de Daoud), saluons le courage de l’auteur dans son opposition à ses adversaires islamistes, mais défendons l’idée que le problème n’est pas dans la culture (religion) et doit être cherché ailleurs. C’est de notre part, et de ma part en tout cas, un positionnement intellectuel et scientifique, et c’est aussi un positionnement politique.

    Malheureusement, péage. Ce qu’on regrette moins pour l’insupportable Pascal Brukner dans le même numéro, sans doute pour "équilibrer le débat"...

    "Il ne s’agit pas ici, pour les pétitionnaires, d’exprimer leur désaccord ou de nuancer le point de vue de Daoud, lequel a décidé, à la suite de cette pétition, de se retirer du débat public. Il s’agit de lui fermer la bouche en l’accusant de racisme."

    • L’integralité de l’article a été publié sur facebook https://www.facebook.com/thierry.bresillon/posts/10153917026123187?pnref=story

      Le Monde du 2 mars 2016
      Résumons les trois termes d’une polémique en cours : les islamistes défendent l’idée que leur culture (religion) est spécifique et doit être défendue et même imposée au reste de la société. Kamel Daoud défend la même idée que cette culture (religion) est spécifique, mais qu’elle doit être réformée et même combattue. Nous (chercheurs en sciences sociales, ayant signé un texte critique d’une tribune de Daoud), saluons le courage de l’auteur dans son opposition à ses adversaires islamistes, mais défendons l’idée que le problème n’est pas dans la culture (religion) et doit être cherché ailleurs. C’est de notre part, et de ma part en tout cas, un positionnement intellectuel et scientifique et c’est aussi un positionnement politique.
      Les réactions hystériques et complètement disproportionnées suscitées par notre critique de Kamel Daoud ne peuvent s’expliquer que par le contexte politique post-attentats et le besoin frénétique de s’unir autour d’une figure de la résistance. Tel est assurément Kamel Daoud, mais avoir été en butte aux attaques d’islamistes ne lui confère en rien une immunité prophétique de la parole à propos de tout. Nous sommes tous comptables de nos écrits. Un personnage public doit s’attendre à répondre à des objections ou des critiques et il est surprenant qu’un homme qui a su tenir tête si longtemps aux islamistes, et dont j’ai personnellement admiré les chroniques algériennes, qu’un homme de sa stature morale, se retire sur l’Aventin après deux textes critiques. Quant à parler de fetwa à propos de ces deux textes, de censure ou d’hallali, c’est d’un ridicule qui ne mérite même pas commentaire. Le débat d’idées est légitime, et contrairement à ce que l’on pense souvent en France, il est aussi pratiqué en Algérie.
      Lorsque l’on s’adresse au monde entier, lorsque l’on publie dans la Repubblica, le Monde ou le New York Times, on peut et on doit s’attendre à être interpellé sur ses idées. Dans sa carrière littéraire, qui sera indiscutablement heureuse, Kamel Daoud devra aussi s’attendre à voir ses écrits disséqués par la critique (littéraire, celle-ci) et il doit se préparer à débattre sur ce plan également. Je déplore en tout cas sa décision quant à la fin de sa carrière journalistique car dans un moment où les positions politiques se clarifient et se décantent sous la pression des événements politiques, s’aiguisent dans l’adversité, il a toute sa place dans le débat en cours. La dite place n’est d’ailleurs pas singulière. Un certain nombre d’intellectuels musulmans appellent à une réforme de l’islam, occupent plus largement, face aux sociétés islamiques ou en leur sein, une position critique assez analogue à celle d’Alain Finkielkraut, par exemple, lorsqu’il déplore le déclin de la France et de ses valeurs et déploie une lecture foncièrement pessimiste du présent. Ce courant de pensée quasi houellebecquien interne à l’Islam a sa légitimité. Mieux encore, des musulmans, sur cette même base critique, se déclarent aujourd’hui athées, ou se vivent comme athées, ou encore se convertissent à d’autres religions. C’est de mon point de vue un droit absolu et ce phénomène, de toute façon, nous intéresse et retient notre intérêt en tant que chercheurs. Pour autant, je ne partage ni les idées de Houellebecq, ni celle de Finkielkraut ni celles de Kamel Daoud et c’est aussi mon droit absolu. Que ces idées favorisent l’islamophobie, c’est une évidence, un truisme, mais la problématique même de l’islamophobie ou philie ne m’intéresse pas. Tout cela renvoie à de l’affect, aux affects (et on ne l’observe que trop), or ce qui m’intéresse est la justice et l’égalité de traitement pour tous et toutes.
      Le problème du texte sur les fantasmes de Cologne est qu’il n’était pas un texte littéraire, ni un texte général d’idées, mais une tribune à partir de faits bien concrets ; des faits obscurs dans leur déroulement, leurs acteurs, et des faits de surcroît en cours d’instrumentalisation par l’extrême-droite et par la police, ainsi que par des partis politiques. En tant que journaliste, comme en tant que chercheur, l’éthique professionnelle dans ce contexte imposerait de commencer par se demander : qui dit quoi ? où ? à qui ? dans quelles circonstances ? En admettant que l’auteur se fiche que son propos soit instrumentalisable, car sa parole est libre, cette déontologie journalistique imposerait aussi de s’enquérir du témoignage des principaux concernés et des principales concernées. Or les « réfugiés » et les « immigrés » sont d’emblée et globalement assimilés à des violeurs en puissance du fait de leur culture-religion, les musulmans de Cologne sont assimilés aux islamistes d’Alger, et Daoud reprend une auto-citation, un extrait de son texte ayant été rédigé depuis plusieurs années. Amalgames (réfugiés, Arabes, musulmans), confusion et lecture fragile ou discutable…
      En effet, un nouveau développement risque de mettre à mal cette lecture culturaliste de la violence sexuelle. A Cologne, des femmes réfugiées portent plainte aujourd’hui contre les gardiens d’un camp de migrants qui se livrent sur elles à un harcèlement sexuel et les filment sous la douche ou en train d’allaiter. Où est la place de la culture dans ce nouvel épisode de violence faite aux femmes ? Va-t-on nous dire que leur culture musulmane les assigne à la passivité et donc rend possible un tel abus de pouvoir ? L’explication de la violence sexuelle par la culture n’est-elle valable qu’avec des hommes musulmans ? En tant que femme, je veux pouvoir dénoncer les violences faites aux femmes et l’instrumentalisation du corps des femmes à des fins politiques sans basculer dans le racisme ou le culturalisme de bon aloi qui en est le masque ou l’alibi.
      Outre les clichés orientalistes de l’hypersexualité des musulmans, Kamel Daoud, notamment avec son texte sur la misère sexuelle paru dans le New York Times, a curieusement ressuscité et marié ensemble deux images de l’immigré maghrébin qui se répondaient au cours des années 1960 et 1970. L’image compassionnelle et quelque peu misérabiliste de l’immigré enfermé dans « la plus haute des solitudes » (selon le titre d’une thèse de psychologie soutenue et publiée par Tahar ben Jelloun), privé de vie affective et sexuelle, s’opposait au cliché de l’Algérien violeur issu de la Guerre d’Algérie et qui a tristement marqué l’histoire française des Trente Glorieuses. « No excuse », absolument. Des hommes, quelles que soit leurs nationalités, ont commis des viols et des agressions sexuelles contre des femmes à Cologne, ou ailleurs. Le discrédit de la parole universitaire comme parole de l’excuse fait rage, mais non : comprendre ce n’est pas excuser. Expliquer n’est pas absoudre. La population des réfugiés compte comme toute population son lot de sales types et il n’y a pas lieu de demander aux étrangers d’être meilleurs que nous ne le sommes.
      Pourtant, si des faits doivent être analysés et si des politiques doivent être mises en œuvre, ce doit être sur la base d’une intelligence des acteurs eux-mêmes, ici et maintenant. Qui donne une chance de s’exprimer sur ces questions aux réfugiés de Cologne ou d’ailleurs ? Qui pourra expliquer à Kamel Daoud que de jeunes musulmans et musulmanes (ou Arabes, ou Turcs, ou Amazighs…) en Allemagne, aux Pays-Bas, en France mais aussi en Algérie, ne se reconnaissent pas nécessairement dans ce portrait de frustrés sexuels qu’il trace d’eux ? Je ne souhaite certainement pas que ces jeunes l’invitent à se taire, mais il est prévisible qu’ils exprimeront de plus en plus un point de vue fermement critique face à ce type d’analyses qui les réifie.
      Et peut-être certains de ces jeunes ont-ils aussi envie que l’on tienne un peu moins systématiquement un discours dénonciateur et accusateur, attendu et bien pensant (car la bien pensance n’est pas où l’on croie), et que l’on mette un peu plus en lumière les facteurs de changement, les dynamiques et les forces vives qui font aussi leur quotidien, en Algérie comme ailleurs ? C’est à l’émergence de ces forces nouvelles qu’il faut être attentif aujourd’hui. Le choc des civilisations nous a menés dans le mur. Il a débouché sur le jihadisme, le terrorisme et la guerre : comment imaginer pire ? Il s’agit maintenant d’en sortir et ce n’est pas en s’enferrant ou en s’enfermant dans l’idée réitérée d’un choc des cultures que l’on va trouver l’apaisement et restaurer plus de concorde sociale et politique.
      Jocelyne Dakhlia
      EHESS