« Camping est un bon film politique »

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  • BALLAST François Ruffin : « Camping est un bon film politique »
    http://www.revue-ballast.fr/francois-ruffin

    Déjà : est-ce que ce mouvement existe, de nos jours ? On régresse. Le Front de gauche était déjà constitué quand nous n’étions pas encore au cœur de la crise – contrairement à l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce. On avait bâti une force politique qui pouvait être le réceptacle d’une colère populaire, malgré toutes ses imperfections (le Front de gauche n’était pas protectionniste, etc.). Mais on ne chipote pas quand on s’engage. Je n’ai jamais été membre d’une organisation du Front de gauche, mais j’ai toujours considéré que j’étais un de leurs compagnons de route. Or, en Grèce ou en Espagne, ça a mis des années pour lancer Syriza et Podemos – et dans des situations sociales beaucoup plus dramatiques que la nôtre ! En France, on avait un temps d’avance, mais aujourd’hui, on en est à espérer que naisse un mouvement « citoyenniste » à la manière des « Indignés », c’est-à-dire un mouvement pré-Podemos ! Politiquement, c’est un net recul. J’appartiens à cette gauche mais j’en ai honte. J’étais fier qu’on soit aussi nombreux dans les rues durant la campagne de 2012 (ce n’est pas la figure de Mélenchon en soi qui compte), qu’on soit ensemble, qu’on porte quelque chose et qu’on pèse dans le pays. Je me souviens de ce financier – Nicolas Doisy – que j’avais interrogé le lendemain de la manif’ à Bastille, où il y avait eu cent mille personnes. Il m’a répondu : « Le programme de Hollande, on va le balayer. » À la fin de l’entretien, je lui ai dit : « Mais avec Mélenchon qui est donné à 15 % dans les sondages, avec la manif d’hier... Déjà que ça pose problème quand la Grèce bouge, alors si c’est la France... » Ça faisait plaisir de pouvoir, même un peu, leur faire peur. On n’a plus rien, là, on est lamentables… On avait au moins un lieu où on pouvait potentiellement discuter, c’est-à-dire un lieu où on pouvait faire avancer les gens. Quand je faisais des débats sur le protectionnisme, l’ambiance n’était pas la même au début et à la fin. J’ai vu l’idée avancer dans la gauche, dans notre gauche. Prenons l’écosocialisme : est-ce que ça progresse dans la gauche ? Il n’y a même pas un lieu où ça pourrait avancer ! Fakir se situe toujours là : où peut-on peser et sur quelles organisations ? Je me souviens d’une image de Mélenchon, qui disait : « Nous, on n’est qu’un moustique, mais si quelqu’un conduit une bagnole et qu’un moustique vient le piquer, hop ! ça fait dévier le volant ! » On n’est peut-être qu’un moustique, mais il faut trouver un endroit où piquer. On ne l’a plus, en dehors de la CGT.

  • Juste la classe !
    Ruffin, fondateur du journal Fakir, avait été désinvité de l’émission de Taddéi sur Europe 1 puis finalement, devant la levée de boucliers sur les réseaux sociaux, invité chez Apathie.
    Le voici donc, pourtant un brin impressionné, comme le fait entendre sa voix légèrement chevrotante, qui se paye le luxe (mais pas façon LVMH) de refuser de jouer le jeu biaisé de la retape pour son documentaire « Merci patron » - paraît-il très bien ! - pour dézinguer Lagardère sur sa propre radio devant son larbin en chef Apathie, qui tente avec toute sa roublardise de le ramener au jeu médiocre de la promo ; mais en vain.
    La vidéo (6 minutes) sur le site d’Arrêts sur images :
    http://www.arretsurimages.net/breves/2016-02-24/Ruffin-sur-Europe-1-Aphatie-Lagardere-meriterait-d-etre-licencie-id1

    • Oups désolé les mots sont importants, j’aurai plutôt du dire que je comprends les raisons pour lesquelles on s’emballe. Je trouvais que « la classe » était un qualificatif légèrement exagéré pour qualifier cet acte de « bravoure et de courage » (comme beaucoup on en effet l’air de le penser). Autant je partage le dégoût que m’inspirent lagardère arnaud et leurs laquais divers et variés, autant, pour des raisons que j’ai du mal à m’expliquer, ce type de résistance à la potache me déprime et si c’est tout ce qu’on peut faire contre cette forme de pouvoir, on va pas aller loin. J’ai lu sa lettre ouverte : de ce point de vue je la trouve lamentable et immature. Ca n’ébranle rien du tout.

    • @aude_v +1 tu arrives à décrire un peu de ce que je ressens. depuis 10 ans que j’observe ce mouvement, je suis passé de la réjouissance Au doute, et même à la colère parfois en les voyant utiliser des méthodes digne des flics les plus pervers. C’est pas qu’ils me font peur mais maintenant je vois que cette approche est stérile et destructive. Le film qu’ils ont fait sur le diplo de ce point de vue est un véritable déshonneur (ce journal ne méritait pas une telle insulte). Ce qui est difficile, c’est que je ne suis pas sur de ce qu’il faudrait faire, mais en attendant peut-être continuer à dénoncer, à écrire de manière argumentée et réfléchie, continuer nos projets. En tout cas depuis 10 ans comme dit @philippe_de_jonckheere ces fameuses montagnes de richesses et de pouvoir n’ont pas bougées d’un mm.

    • @reka : pas vu le film sur le diplo ; il me manque peut-être un élément pour comprendre. Du coup je vous trouvais un peu dur. La classe, c’est vrai c’est un peu exagéré, mais comme je suis terrorisé par la prise de parole en public j’ai admiré ce type qui a manifestement la trouille mais qui tient bon. Disons que, plutôt que « classe », c’est « élégant » de refuser de jouer le jeu de la promo sur Europe 1 (l’os à ronger). Ne pas aller à la soupe, ce n’est tout de même pas si facile que ça.
      Après, j’en conviens, ça ne fera pas le grand soir. Disons que ça traduit le repli tactique dans l’éthique personnelle et la métapolitique que l’on pratique tous plus ou moins, bon gré mal gré, en attendant des conjonctions historiques plus propices. Je ne sais si elles viendront, mais quand je compare notre époque chaotique avec celles de ma prime jeunesse au milieu des années 90, je sens tout de même que le sentiment massif d’une victoire totale du système devant un monde béat d’admiration et consentant - la fin de l’histoire et tout le toutim - s’est dissipé. Comme disait déjà Debord à l’époque « son air d’innocence ne reviendra plus ».

    • http://www.revue-ballast.fr/francois-ruffin

      Le drapeau français et La Marseillaise sont liés à notre Histoire ; ce sont deux symboles liés à des moments pour lesquels on doit éprouver une certaine fierté. Je n’ai pas envie, et je l’ai toujours dit, qu’ils passent sous la mainmise du Front national.

      Sans oublier :

      Quand j’étais jeune, j’étais persuadé que j’allais m’ennuyer dans la vie, que je deviendrais prof et que ce serait terrible.

    • Avant de changer le monde avec des-vraies-critiques-et-des-vraies-actions-concrètes-bien-pensées-qui-vont-vraiment-changer-les-choses, il y a d’abord un constat en amont : la perte totale (ou très grande en tout cas) de confiance, de cohésion, etc, dans les classes populaires. Et il me semble que Ruffin le dit lui-même, toute cette entreprise sert avant tout à redonner confiance, à recréer du lien et des groupes. Et pas en priorité aux journalistes ou intellectuel⋅le⋅s, même s’ils peuvent rejoindre aussi : d’abord de recréer de la confiance et des initiatives dans le milieu populaire, chez ces ouvrièr⋅e⋅s ou ex-ouvrièr⋅e⋅s.

      Donc à mon avis faut pas se méprendre en pensant que lui-même (ou eux-mêmes) pensent changer le monde en faisant ça.

      Après on peut trouver ça potache, ou critiquer la manière hein. Mais comparer des petites vengeances et des ridiculisations contre des gens qui ont vraiment du pouvoir, comparer ça a un comportement de flic… Je suis désolé mais pour moi c’est comme dire que le racisme anti-blanc c’est comme le racisme anti-racisés, sur le même plan. C’est comparer un comportement vraiment de dominants (celui des flics), à un comportement contre des dominants, quand bien même ce comportement serait violent, insultant, pas à notre goût, etc.

    • Merci @intempestive pour ta citation, cela colle bien avec ce que je disais juste avant. :)

      Et aussi (je souligne) :

      Il faut aussi avoir une certaine résistance à ne pas rendre compte, en permanence, des problèmes des profs et des éducateurs, sinon on fait un journal qui parle des profs et des éducateurs, écrit par quelqu’un qui est proche des profs et des éducateurs, pour les profs et les éducateurs (je suis entouré de gens de ces profils !). La vraie satisfaction de mon film, c’est qu’il va du populo aux intellos. Des pans du mouvement ouvrier et de la CGT viennent voir les projections et s’y reconnaissent ! Tout ceci constituera un point d’appui pour raconter d’autres histoires.